Brennus a écrit :
Là encore, la notion de peuple ou d'ethnie semble particulièrement floue, et mon intime conviction est qu'on avait à faire avant tout à des sociétés basées sur la famille élargies (clan, parentèle, tribu) où au-delà de ce cercle, c'étaient surtout des accointances, des goûts et des intérêts privés qui primaient: pas de sentiment d'appartenance (et des devoirs qui en résultent), de dévotion envers une abstraction qu'on appelle aujourd'hui "Etat", "République", Patrie", "nation" ou ce que vous voulez.
Je rajouterais les relations de don qui structuraient les clans et tribus. C'est un phénomène très attesté chez les Germains ou même les Romains d'ailleurs. Et bien entendu je suis tout à fait d'accord avec vous.
Brennus a écrit :
En parlant de termes, j'ai lu un certain nombre d'articles (qui concernaient plutôt la religion germanique et scandinave) qui évoquaient le fait qu'on ne peut réellement parler de croyances quand on parle du paganisme de ces cultures: ces gens ne "croyaient" pas en leurs dieux, ils ne les vénéraient pas, ne leur portaient pas une affection ou une dévotion particulière (je parle bien des germains et dans une moindre mesure des Celtes, pas du monde classique largement influencé par les religions orientales). Les dieux étaient des puissances surnaturelles, liés à un monde invisible, un monde double, avec lesquels il fallait composer, des forces qui dépassaient la compréhensions des simples mortels, et qu'il fallait apaiser ou dont il fallait s'attirer les faveurs. On est loin des conception de foi et de croyance contenues dans le Christianisme et qu'on a tendance à calquer inconsciemment sur ces religions anciennes quand on les étudie.
On peut étendre cela aux Romains ; j'ai écouté il y a quelques heures une émission avec John Scheid qui ne disait pas autre chose. Je dirais que les civilisations antiques procédaient par contrat avec leurs divinités ; elles faisaient tout pour s'attirer les bonnes grâces des dieux. Ce sont des croyances de pratiques, de rites dont l'essentiel passait par leur accomplissement et qu'on y croit ou pas là n'était pas l'important. D'où d'ailleurs incompréhension avec les chrétiens qui refusaient de sacrifier.
Brennus a écrit :
ces peuples bougent en permanence toutes les deux ou trois générations
Complètement, la logique, comme je l'ai rappelé plus haut, est celle de la mobilité dominante vers l'Europe, cul de sac de l'Eurasie.
Brennus a écrit :
Tout à fait. Cependant je nuancerai cette idée que le port d'arme reflète nécessairement un modèle "d'être pour la guerre". Porter les armes, c'est un symbole de liberté dans le sens où cela signifie que l'on proclame ne pas dépendre d'un Etat ou d'un "tuteur" (seigneur, organisation, autre) pour assurer sa défense. On en trouve des restes dans la société américaine d'aujourd'hui. Porter une arme, c'est affirmer que l'on est libre, ça ne veut pas dire que l'on est prêt à faire la guerre en permanence ou que l'on est en un état permanent de guerre. Il faut en outre relativiser cette notion de guerre. Pour nous elle évoque les boucheries industrielles du XXème siècle, où des nations entières s'engouffrent dans des orgies de destructions et y consacrent toutes leurs ressources. La guerre chez les Celtes et les gaulois est une activité "normale", fréquente, mais aussi ponctuelle et limitée dans l'espace et dans le temps (c'est aussi pour cela que la Guerre des Gaules est un événement exceptionnel qui ne doit pas servir de mesure étalon pour comprendre la civilisation gauloise), faite de razzias, d'escarmouches et de vendettas entre parentèles qui peuvent être sanglantes mais n'ont pas systématiquement une énorme portée.
Ces notions de guerre n'ont rien à voir ; la guerre antique, si elle peut être très destructrice et meurtrière, elle reste le fait d'une logique sociétale qui implique des hommes pratiquement selon un rite. Faire la guerre c'est faire sa probation rituelle pour devenir un homme. Cela c'est la base, les évolutions des sociétés, leur croissance surtout, vont dégrader cette logique mais certains éléments en attestent les survivances, comme les costumes romains portés lors des assemblées romaines, armes symboliques...
La guerre moderne, ce suprême déchaînement de violence, est le résultat de siècle de centralisation du pouvoir et de pacification de l'espace civique ; l'Etat détient seul le monopole de la violence. Il en use rarement, mais quand il en use c'est jusqu'aux tréfonds de ses capacités, jusqu'à des degrés d'anéantissement impensables pour des sociétés anciennes.
Comme vous le dites, la forme de guerre anciennes c'est la razzia, le pillage. Ces guerres se signalent pas un invariant ; leur volatilité. Fréquentes, elles se calment aussi vite. Les Germains ne pratiqueront rien d'autre contre l'Empire romain au IIIe siècle et même au IVe siècle.
Brennus a écrit :
En outre, c'est une activité mystique, et c'est je pense un élément essentiel à prendre en compte.
L'arme est un objet bien particulier dans les sociétés anciennes. On lui confère volontiers des propriétés magiques, voire une âme. Dans sa conception, on y met les savoirs les plus aboutis, la technicité la plus avancée, et on la décore le plus possible. Elle est également une offrande de choix aux dieux (et on leur sacrifie les armes les plus belles et les plus performantes). On la craint au point de la briser quand on l'offre aux dieux ou qu'on l'inhume avec les défunts. Le port d'arme et la présence d'armes revêt dans ces cultures une signification qui nous échappe probablement en grande partie. Elle a en tous cas un symbolisme énorme que l'on retrouve jusqu'au Moyen Age.
Oui et la sauvegarde du combattant à la guerre est plus sûrement le bouclier divin que celui de l'armure. Cela est très perceptible dans l'Illiade où les interventions divines ne cessent d'émailler les combats héroïques. ce sont des combats typique de sociétés anciennes tribales dans lesquelles la guerre a une fonction centrale.
L'aspect sacré des armes se remarque aussi en fouille quand on trouve des marques à vocation sans doute de protection sacrée.