Anténor a écrit :
Les auteurs latins font venir les envahisseurs celtes de Gaule et archéologiquement rien ne s'y oppose. La Gaule ni même la Suisse ou l'Autriche ne se sont vues sévèrement dépeuplées par l'invasion en Italie. Le terme nation pris au sens moderne est évidemment trop fort pour qualifier la Gaule mais le fait est que l'assemblée gauloise préexistait à la conquête romaine. On peut donc à minima parler de conscience gauloise. Conscience sans doute accentuée par des caractères culturels communs importants.
Une petite chose pour rappeler que la civilisation celtique représente un peu plus que la Gaule :
Quant à la conscience d'appartenir à un ensemble, s'il y avait des éléments de convergence, rien que l'attitude face à l'invasion on peut en mesurer l'intensité. La conquête romaine a sans doute plus fait pour se sentiment d'appartenance à un ensemble cohérent que les siècles d'indépendance...
Anténor a écrit :
Les Germains, les Gaulois et d'autres éprouvaient sans nulle doute de la jalousie, de la peur, de la haine et de l'admiration pour Rome. Mais parler de sentiment d'infériorité me paraît excessif. Il ne faut pas oublier les notions de fierté, d'honneur, de respect des ancêtres voir la crainte des dieux qui les animaient. Matériellement, ils étaient liés à la Res Publica romaine mais sentimentalement, c'est autre chose. Il faut faire attention à ne pas faire des généralités à partir de quelques destins exceptionnels. Et puis le regard évolue au cours des siècles. L'époque d'Aetius n'était plus celle de César, l'écrasante domination s'étiolait peu à peu.
Écrasante domination? On remarque quelle représentation vous avez de la présence romaine et en conséquence comment vous analysez la situation des Gaulois et des Germains ; vous êtes typiquement dans une valorisation romantique avec une probable identification. C'est un cas très commun qui est assez incompatible avec l'Histoire. Pour ce qui est du sentiment d'infériorité je vous renvoie à l'acceptation de la culture matérielle romaine, à l'acceptation de la figuration des dieux, en suivant parfois carrément les standards romains, au genre de vie (la diffusion des villae par exemple, au succès du vin bien avant la conquête...) Les indices sont manifestes et multiples. Il existe bien évidemment un maintient de particularisme, il y en a eu partout mais il est aussi incontestable qu'il y en eu beaucoup plus en Grèce où justement il n'y avait aucun complexe vis à vis des Romains, bien au contraire. La chose touche bien plus largement que des "destins exceptionnels" et la Gaule s'est de très bonne foi romanisée (comme en retour les Romains ont intégré des éléments de culture gauloise).
Anténor a écrit :
Les Francs ont évidemment combattu à de multiples reprises à cette période mais ils se sont moins dispersés que les autres. Les Goths traversent l'Europe d'Ukraine en Espagne. Les Vandales vont jusqu'en Afrique du Nord. Les Francs s'étendent lentement du Rhin à la Seine... S'ils ont pris leur temps, c'est bien parce qu'ils ont cherché à se concilier l'aristocratie locale et à s'en servir pour étoffer leurs troupes. Je vous rejoints tout à fait sur le terme de "ligue guerrière " pour qualifier ces "peuples".
Je ne pense pas qu'il y ait la moindre stratégie globale ; tout est dicté par les circonstances et le fait même que les structures du pouvoir soient peu établies interdit toute idée de recul global. Localement par contre il est indéniable que les Francs ont eu un rapport très différent avec les élites que les Goths par exemple ; ces derniers constituèrent des sociétés "ségrégationnistes" (sans la charge négative contemporaine qu'on y a collé). Les affaire civiles étaient laissées aux élites locales quand les Goths se chargeaient des affaires militaires. Chez les Francs cela n'existe pas et il me semble que certains chercheurs font valoir justement leurs intimes relations de proximité avec Rome et l'interdépendance qui a fini par naître dans la coexistence.
Anténor a écrit :
Qu'on m'explique sinon comment ont fait les Francs pour battre méthodiquement leurs adversaires. Ceux qui leur ont posé le plus de soucis sont les Alamans, qui comme par hasard étaient eux aussi présents sur les Limes depuis un bon moment et suivaient également une stratégie d'expansion progressive. L'erreur des Alamans aura été de ne pas s'allier durablement à Rome. Ils avaient une carte en moins dans leur jeu. Les Burgondes ont essayé d'imiter les Francs mais ils sont sans doute arrivés un peu trop tard pour que cela fonctionne.
Ce qui explique des succès militaires est souvent difficile à établir et raisonner à posteriori conduit souvent à des contre-sens bien que cela soit très souvent pratiqué. Les circonstances les ont sans doute favorisé et rien que le fait que les Huns ne leur tombent pas dessus comme ils l'ont fait avec les Burgondes a aussi joué. Leur position les a favorisé, comme elle a aussi favorisé les Alamans. Ces derniers avaient un passif récent assez lourd avec Rome et ils sont clairement la menace la plus sérieuse pour la frontière du Rhin durant tout le IVe siècle, bien plus que les Francs qui se contentent encore de rapines.
Après pour expliquer des dynamiques d'expansion... On a tout essayé, depuis la ferveur religieuse des Arabes à l'excellence de la cavalerie des Mongols... Force est de constater que la notion d'asabiyya développée par Ibn Khaldoun est assez séduisante.