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Message Publié : 09 Oct 2017 22:14 
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Jean-Pierre Vernant
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Laurent Frédéric a écrit :
Je ne sais où vous voyez les Francs attendre paisiblement leur heure avant de faire main basse sur le ruines fumantes de l'Empire romain. Même s'il est vrai qu'ils ont sans doute moins participé aux grands déplacements militaires du Ve siècle qu'ils ne l'avaient fait au IVe, remplacés en cela, comme les Alamans, par les membres d'autres peuples, les données historiques sont là !


Francs et Alamans ressentent sans doute moins la pression du barbaricum que nombre de leurs voisins avec les Huns sur leurs talons, comme les Burgondes par exemple.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 10 Oct 2017 14:52 
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Pour avoir assis sa prospérité sur une domination écrasante des classes supérieures sur les humiliores et sur les esclaves, pour avoir maintenu les pauvres au seuil de subsistance empêchant un décollage significatif de la consommation, pour avoir transformé le citoyen en sujet et avoir érigé la corruption en système de gouvernement, pour avoir laissé le plus grand nombre dans l’ignorance en n’organisant aucun système public d’instruction, pour avoir négligé la recherche scientifique et la technologie, la civilisation gréco-romaine ne nous montre-t-elle pas, malgré des succès éclatants, comment la ruine peut advenir ?"


Parce que la pars orientalis était mieux lotie? :rool:

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"On ne peut pas gouverner un pays qui offre 246 variétés de fromage".
"Un pays capable de donner au monde 360 fromages ne peut pas mourir".


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Message Publié : 10 Oct 2017 19:18 
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Jean-Pierre Vernant
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Vellavius a écrit :
Parce que la pars orientalis était mieux lotie?


Ou même la période de la République... La notion de libertas ne concerne que l'élite.

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Message Publié : 10 Oct 2017 20:39 
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Polybe
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Les auteurs latins font venir les envahisseurs celtes de Gaule et archéologiquement rien ne s'y oppose. La Gaule ni même la Suisse ou l'Autriche ne se sont vues sévèrement dépeuplées par l'invasion en Italie. Le terme nation pris au sens moderne est évidemment trop fort pour qualifier la Gaule mais le fait est que l'assemblée gauloise préexistait à la conquête romaine. On peut donc à minima parler de conscience gauloise. Conscience sans doute accentuée par des caractères culturels communs importants.

Les Germains, les Gaulois et d'autres éprouvaient sans nulle doute de la jalousie, de la peur, de la haine et de l'admiration pour Rome. Mais parler de sentiment d'infériorité me paraît excessif. Il ne faut pas oublier les notions de fierté, d'honneur, de respect des ancêtres voir la crainte des dieux qui les animaient. Matériellement, ils étaient liés à la Res Publica romaine mais sentimentalement, c'est autre chose. Il faut faire attention à ne pas faire des généralités à partir de quelques destins exceptionnels. Et puis le regard évolue au cours des siècles. L'époque d'Aetius n'était plus celle de César, l'écrasante domination s'étiolait peu à peu.

Les Francs ont évidemment combattu à de multiples reprises à cette période mais ils se sont moins dispersés que les autres. Les Goths traversent l'Europe d'Ukraine en Espagne. Les Vandales vont jusqu'en Afrique du Nord. Les Francs s'étendent lentement du Rhin à la Seine... S'ils ont pris leur temps, c'est bien parce qu'ils ont cherché à se concilier l'aristocratie locale et à s'en servir pour étoffer leurs troupes. Je vous rejoints tout à fait sur le terme de "ligue guerrière " pour qualifier ces "peuples".

Qu'on m'explique sinon comment ont fait les Francs pour battre méthodiquement leurs adversaires. Ceux qui leur ont posé le plus de soucis sont les Alamans, qui comme par hasard étaient eux aussi présents sur les Limes depuis un bon moment et suivaient également une stratégie d'expansion progressive. L'erreur des Alamans aura été de ne pas s'allier durablement à Rome. Ils avaient une carte en moins dans leur jeu. Les Burgondes ont essayé d'imiter les Francs mais ils sont sans doute arrivés un peu trop tard pour que cela fonctionne.


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Message Publié : 10 Oct 2017 21:35 
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Jean-Pierre Vernant
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Anténor a écrit :
Les auteurs latins font venir les envahisseurs celtes de Gaule et archéologiquement rien ne s'y oppose. La Gaule ni même la Suisse ou l'Autriche ne se sont vues sévèrement dépeuplées par l'invasion en Italie. Le terme nation pris au sens moderne est évidemment trop fort pour qualifier la Gaule mais le fait est que l'assemblée gauloise préexistait à la conquête romaine. On peut donc à minima parler de conscience gauloise. Conscience sans doute accentuée par des caractères culturels communs importants.


Une petite chose pour rappeler que la civilisation celtique représente un peu plus que la Gaule :

Image

Quant à la conscience d'appartenir à un ensemble, s'il y avait des éléments de convergence, rien que l'attitude face à l'invasion on peut en mesurer l'intensité. La conquête romaine a sans doute plus fait pour se sentiment d'appartenance à un ensemble cohérent que les siècles d'indépendance...

Anténor a écrit :
Les Germains, les Gaulois et d'autres éprouvaient sans nulle doute de la jalousie, de la peur, de la haine et de l'admiration pour Rome. Mais parler de sentiment d'infériorité me paraît excessif. Il ne faut pas oublier les notions de fierté, d'honneur, de respect des ancêtres voir la crainte des dieux qui les animaient. Matériellement, ils étaient liés à la Res Publica romaine mais sentimentalement, c'est autre chose. Il faut faire attention à ne pas faire des généralités à partir de quelques destins exceptionnels. Et puis le regard évolue au cours des siècles. L'époque d'Aetius n'était plus celle de César, l'écrasante domination s'étiolait peu à peu.


Écrasante domination? On remarque quelle représentation vous avez de la présence romaine et en conséquence comment vous analysez la situation des Gaulois et des Germains ; vous êtes typiquement dans une valorisation romantique avec une probable identification. C'est un cas très commun qui est assez incompatible avec l'Histoire. Pour ce qui est du sentiment d'infériorité je vous renvoie à l'acceptation de la culture matérielle romaine, à l'acceptation de la figuration des dieux, en suivant parfois carrément les standards romains, au genre de vie (la diffusion des villae par exemple, au succès du vin bien avant la conquête...) Les indices sont manifestes et multiples. Il existe bien évidemment un maintient de particularisme, il y en a eu partout mais il est aussi incontestable qu'il y en eu beaucoup plus en Grèce où justement il n'y avait aucun complexe vis à vis des Romains, bien au contraire. La chose touche bien plus largement que des "destins exceptionnels" et la Gaule s'est de très bonne foi romanisée (comme en retour les Romains ont intégré des éléments de culture gauloise).

Anténor a écrit :
Les Francs ont évidemment combattu à de multiples reprises à cette période mais ils se sont moins dispersés que les autres. Les Goths traversent l'Europe d'Ukraine en Espagne. Les Vandales vont jusqu'en Afrique du Nord. Les Francs s'étendent lentement du Rhin à la Seine... S'ils ont pris leur temps, c'est bien parce qu'ils ont cherché à se concilier l'aristocratie locale et à s'en servir pour étoffer leurs troupes. Je vous rejoints tout à fait sur le terme de "ligue guerrière " pour qualifier ces "peuples".


Je ne pense pas qu'il y ait la moindre stratégie globale ; tout est dicté par les circonstances et le fait même que les structures du pouvoir soient peu établies interdit toute idée de recul global. Localement par contre il est indéniable que les Francs ont eu un rapport très différent avec les élites que les Goths par exemple ; ces derniers constituèrent des sociétés "ségrégationnistes" (sans la charge négative contemporaine qu'on y a collé). Les affaire civiles étaient laissées aux élites locales quand les Goths se chargeaient des affaires militaires. Chez les Francs cela n'existe pas et il me semble que certains chercheurs font valoir justement leurs intimes relations de proximité avec Rome et l'interdépendance qui a fini par naître dans la coexistence.

Anténor a écrit :
Qu'on m'explique sinon comment ont fait les Francs pour battre méthodiquement leurs adversaires. Ceux qui leur ont posé le plus de soucis sont les Alamans, qui comme par hasard étaient eux aussi présents sur les Limes depuis un bon moment et suivaient également une stratégie d'expansion progressive. L'erreur des Alamans aura été de ne pas s'allier durablement à Rome. Ils avaient une carte en moins dans leur jeu. Les Burgondes ont essayé d'imiter les Francs mais ils sont sans doute arrivés un peu trop tard pour que cela fonctionne.


Ce qui explique des succès militaires est souvent difficile à établir et raisonner à posteriori conduit souvent à des contre-sens bien que cela soit très souvent pratiqué. Les circonstances les ont sans doute favorisé et rien que le fait que les Huns ne leur tombent pas dessus comme ils l'ont fait avec les Burgondes a aussi joué. Leur position les a favorisé, comme elle a aussi favorisé les Alamans. Ces derniers avaient un passif récent assez lourd avec Rome et ils sont clairement la menace la plus sérieuse pour la frontière du Rhin durant tout le IVe siècle, bien plus que les Francs qui se contentent encore de rapines.
Après pour expliquer des dynamiques d'expansion... On a tout essayé, depuis la ferveur religieuse des Arabes à l'excellence de la cavalerie des Mongols... Force est de constater que la notion d'asabiyya développée par Ibn Khaldoun est assez séduisante.

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Message Publié : 11 Oct 2017 20:02 
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Polybe
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Il y a beaucoup à redire sur cette carte, à commencer par la confusion Celtes/Latène. La zone d'origine des Celtes aux Vème siècle en fera sourire plus d'un. Il y a un sujet là-dessus sur le forum si vous voulez que nous continuions à en débattre. La distinction celtes/gaulois est une problématique loin d'être tranchée. Pour ma part, les Celtes sont plutôt une culture et les Gaulois un ensemble politique où les Celtes sont majoritaires. La "ligue franque" et son roi ont simplement remplacé la "ligue gauloise" et son assemblée.

Cette distinction entre culture et action politique est très importante. Si les Gaulois ont adopté d'eux-mêmes des aspects de la culture romaine, ce n'est pas pour autant qu'ils étaient ravis de dépendre politiquement de Rome. Le succès des Francs s'est construit sur des décennies sans grand coup d'éclat ni capacités militaires hors du commun. C'est en cela qu'il doit nous interroger sur ses raisons profondes.


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Message Publié : 11 Oct 2017 20:13 
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Jean-Pierre Vernant
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Je pense que l'ensemble prétendument politique qu'on appelle Gaule ne se constitue que sous domination romaine. Il y avait un très fort sentiment d'appartenance à une même communauté en Grèce on a vu sur quoi cela a débouché politiquement.

Anténor a écrit :
La "ligue franque" et son roi ont simplement remplacé la "ligue gauloise" et son assemblée.


Entre les deux il y a un hiatus de 4 siècles de pratiques des structures administratives romaines.

Anténor a écrit :
Cette distinction entre culture et action politique est très importante. Si les Gaulois ont adopté d'eux-mêmes des aspects de la culture romaine, ce n'est pas pour autant qu'ils étaient ravis de dépendre politiquement de Rome.


C'est purement arbitraire, démontrez qu'ils n'en étaient pas satisfaits. Que ce soit chez Rutilius Namatianus ou Sidoine Apollinaire on ne ressent pas tellement d'indépendantisme avant l'heure... Les révoltes qu'il y a eu en Gaule post conquête sont plutôt des aventures personnelles qui se déroulent dans le moule culturel et politique romain. Elles ont souvent pour thème les lourdeurs fiscales et franchement c'est tellement universel que c'est difficile de faire de cela un exemple de rejet d'une civilisation quand les populations acceptent aussi unanimement les pratiques romaine... Rien que la culture matérielle du temps et l’architecture sont tellement plus loquace...

Anténor a écrit :
Le succès des Francs s'est construit sur des décennies sans grand coup d'éclat ni capacités militaires hors du commun. C'est en cela qu'il doit nous interroger sur ses raisons profondes.


La désagrégation de l'Etat romain est un indice peut être...

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Message Publié : 12 Oct 2017 18:25 
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Polybe
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L'exemple grec illustre tout à fait que culture et politique sont deux choses bien différentes. L'Empire Romain a en quelque sorte fossilisé temporairement l'union gauloise dans le sens où il ne l'a pas détruite mais qu'elle s'est poursuivie sous son égide. Les structures administratives romaines n'étaient pas non plus très développées en Gaule et même ailleurs dans l'Empire. Il y avait une tutelle au niveau des provinces, des légions sur les Limes et quelques colonies dispersées mais les cités menaient leur vie comme elles le voulaient tant qu'elles payaient leurs impôts. Ce qui en faisait précisément le principal Casus Belli. Avant Rome, les plus grandes cités gauloises ne payaient d'impôts à personne. On ne peut pas résumer des problématiques économiques, politiques et militaires à des aventures personnelles.

Il y a manifestement eu un basculement au troisième siècle dans la perception qu'avaient les Gaulois de Rome. Deux siècles plus tôt, Vindex ne pensait sans doute pas sortir la Gaule de l'Empire mais seulement rééquilibrer les relations. Par contre avec Postumus, il existait clairement une volonté sécessionniste même si elle n'avait pas les moyens de ses ambitions. Les Gaulois ont commencé à penser qu'ils pouvaient se défendre sans l'aide de Rome. Au début de l'Empire, on envoyait les légions recrutées en Occident combattre en Orient et vice versa pour éviter les collusions. Le danger germanique a mis fin à cela. La sédentarisation progressive des légions sur le Limes rhénan a forcément entrainé une autochtonisation du recrutement et donc un attachement moindre à la "Rome des origines". S'il faut donner une date au début du "déclin", c'est logiquement le moment où s'arrête l'expansion.

Les Francs ont été les observateurs privilégiés de ces évolutions également à partir du troisième siècle . Ils ont pu jauger le niveau de délitement de la partie occidentale de l'Empire comme aucun autre peuple. La désagrégation de l'Etat romain n'est pas tombée du ciel. Elle provient essentiellement de ceux qui en faisaient partie et n'est à mon sens que le révélateur d'aspirations ayant toujours existé mais qui n'avaient jusque là pas le moyen de s'exprimer.


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Message Publié : 12 Oct 2017 20:51 
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Grégoire de Tours
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Désolé de le dire Anténor, mais votre vision de l'usurpation de Postumus est entachée d'un certain romantisme et est historiographiquement obsolète. Rien ne dit que Postumus n'ai jamais été un Gaulois. Il assurait le commandement des légions du Rhin lors de sa révolte, en qualité de légat propréteur, mais cela n'en fait pas pour autant un Gaulois. Par ailleurs, aujourd'hui la révolte de Postumus est resituée dans un contexte plus vaste, celui de la crise du IIIe siècle ; dès lors, le concept d'Empire gaulois devient caduque, tant il est dorénavant prouvé que Postumus avait l'ambition d'étendre son pouvoir au delà des Gaules, ce qu'il a fait notamment pour la Rhétie (découverte et étude de l'autel d'Augsbourg).

Il s'agit là d'une révision historiographique remontant à plus de 20 ans. Il est nécessaire de vous remettre à niveau ! Cela a déjà été évoqué sur ce forum à propos de l'ouvrage de Maurice Bouvier-Ajam.


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Message Publié : 12 Oct 2017 21:38 
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Jean-Pierre Vernant
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Anténor a écrit :
Il y a manifestement eu un basculement au troisième siècle dans la perception qu'avaient les Gaulois de Rome. Deux siècles plus tôt, Vindex ne pensait sans doute pas sortir la Gaule de l'Empire mais seulement rééquilibrer les relations. Par contre avec Postumus, il existait clairement une volonté sécessionniste même si elle n'avait pas les moyens de ses ambitions. Les Gaulois ont commencé à penser qu'ils pouvaient se défendre sans l'aide de Rome. Au début de l'Empire, on envoyait les légions recrutées en Occident combattre en Orient et vice versa pour éviter les collusions. Le danger germanique a mis fin à cela. La sédentarisation progressive des légions sur le Limes rhénan a forcément entrainé une autochtonisation du recrutement et donc un attachement moindre à la "Rome des origines". S'il faut donner une date au début du "déclin", c'est logiquement le moment où s'arrête l'expansion.


Pas le moins du monde ; si Postumus avait eu des moyens c'est la direction de l'Empire qu'il aurait revendiqué. S'il y a bien une révolte qui n'a rien de gauloise c'est bien celle de l'Empire gaulois. L'arrêt de l'expansion le début du déclin? C'est un non sens. Dans ce cas toute société politique qui ne parvient pas à conquérir le monde entre en déclin? Et si je résume, hormis quelques élargissement sous Trajan l'Empire est quasiment dans ses frontière après le règne d'Auguste, donc le déclin commence à cette date? On a donc un déclin de plus de quatre siècle... Chez moi on appelle ça un succès politique.

Anténor a écrit :
Les Francs ont été les observateurs privilégiés de ces évolutions également à partir du troisième siècle . Ils ont pu jauger le niveau de délitement de la partie occidentale de l'Empire comme aucun autre peuple. La désagrégation de l'Etat romain n'est pas tombée du ciel. Elle provient essentiellement de ceux qui en faisaient partie et n'est à mon sens que le révélateur d'aspirations ayant toujours existé mais qui n'avaient jusque là pas le moyen de s'exprimer.


Désagrégation, carrément... Alors quand Julien vient sur leur terre leur faire de piqûres de rappel et en envoie des paquets comme recrues forcées en Orient on en fait quoi? Encore une fois votre façon d'analyser d'Histoire en revient toujours à vos propres théories, vos propres lois invariantes qui ne suivent que vous... Les motifs de la disparition de Rome ne sont jamais une réaffirmation des "nationalités" locale, jamais...

Laurent Frédéric a écrit :
Désolé de le dire Anténor, mais votre vision de l'usurpation de Postumus est entachée d'un certain romantisme et est historiographiquement obsolète. Rien ne dit que Postumus n'ai jamais été un Gaulois. Il assurait le commandement des légions du Rhin lors de sa révolte, en qualité de légat propréteur, mais cela n'en fait pas pour autant un Gaulois. Par ailleurs, aujourd'hui la révolte de Postumus est resituée dans un contexte plus vaste, celui de la crise du IIIe siècle ; dès lors, le concept d'Empire gaulois devient caduque, tant il est dorénavant prouvé que Postumus avait l'ambition d'étendre son pouvoir au delà des Gaules, ce qu'il a fait notamment pour la Rhétie (découverte et étude de l'autel d'Augsbourg).


Complètement, et celle de Zénobie en Orient qui est contemporaine on en fait quoi en suivant cette idée?

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Message Publié : 13 Oct 2017 18:03 
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Polybe
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Les origines personnelles de Postumus ne sont pas l'élément déterminant. Ce qui compte d'abord, c'est la composition de son armée. Si la majorité de ses soldats et de ses officiers étaient gaulois, il ne pouvait pas agir de la même manière que s'ils avaient été italiens. Leur priorité était d'abord la protection de la Gaule et non la prise du pouvoir à Rome qui n'aurait été que la cerise sur le gâteau. C'est dans ce sens là qu'il faut comprendre l'Empire des Gaules. Rallier les provinces voisines ne pouvait qu'augmenter leurs chances de succès.

Parler du déclin global d'une société n'a pas grand sens. Sur quels critères se base-t-on ? Je ne parle ici que du militaire. Tant que la taille de l'empire s'est accrue, les légionnaires pouvaient espérer tirer d'énormes bénéfices de leurs campagnes en termes de butin et même de fondations de colonies. Ajoutez à cela l'idée géniale de les faire combattre le plus loin possible de leur zone d'origine ce qui limite quand même grandement les possibilités de désertion et vous avez une armée motivée comme jamais. Les choses changent lorsque la dynamique de conquête commence à faiblir. Les troupes bougent beaucoup moins et n'ont plus les mêmes perspectives d'enrichissement.

Chez Zénobie, on a un même souci premier de défense des frontières. Encore une fois la composition des armées est déterminante. Si les troupes de Zénobie avaient été gauloises, ibériques ou autres, elle n'aurait jamais pu les entraîner à sa suite. Se proclamer impératrice de Rome était le seul moyen de se faire accepter hors de Syrie. Une impératrice romaine à la tête de l'Egypte, ça n'est pas la même chose qu'une révoltée syrienne. A mon sens, Zénobie n'a jamais eu l'ambition de prendre Rome.

Concernant le terme "désagrégation", je ne fais que reprendre votre intervention précédente. On voit bien avec Julien que si l'armée romaine conserve toute son efficacité en défense, elle n'est plus capable de conquérir quoique ce soit. Les Gaulois ont fait Julien empereur et il a pacifié efficacement la Gaule ; il est normal qu'on trouve chez eux ses plus fervents supporters prêts à le suivre n'importe où.

La réaffirmations des nationalités locales sont la conséquence du constat de l'efficience de moins en moins grande des structures de l'Empire. La nomination d'Avitus à la tête de l'Empire est une tentative diplomatique désespérée de conserver la Gaule. Les Romains l'ont d'ailleurs vécu comme une véritable humiliation. Avec un arverne à sa tête, pas étonnant que Sidoine Apollinaire ait vanté les mérites de Rome ! Aetius mort, Avitus mort, le message est clair : l'Italie ne veut pas de la Gaule comme allié, alors ciao...


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Message Publié : 13 Oct 2017 19:56 
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Jean-Pierre Vernant
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Anténor a écrit :
Parler du déclin global d'une société n'a pas grand sens. Sur quels critères se base-t-on ? Je ne parle ici que du militaire. Tant que la taille de l'empire s'est accrue, les légionnaires pouvaient espérer tirer d'énormes bénéfices de leurs campagnes en termes de butin et même de fondations de colonies. Ajoutez à cela l'idée géniale de les faire combattre le plus loin possible de leur zone d'origine ce qui limite quand même grandement les possibilités de désertion et vous avez une armée motivée comme jamais. Les choses changent lorsque la dynamique de conquête commence à faiblir. Les troupes bougent beaucoup moins et n'ont plus les mêmes perspectives d'enrichissement.


C'est hallucinant cette capacité à ne prendre l'Histoire que par vos biais interprétatifs et de ne jamais en passer par des sources... La motivation des troupes qu'est-ce que vous en savez? Je peux vous citer des morceaux entiers d'Ammien Marcellin qui décrit par le menu la férocité des troupes romaines en plein IVe siècle. Et lui, contrairement à beaucoup d'autres sait de quoi il parle puisqu'il a été militaire lui-même. Se battre pour des perspectives d'enrichissement? La belle affaire quand vous avez fait fortune ; vous quittez l'armée et c'est terminé. L'armée romaine impériale cristallise les compétences et l'expérience. Elle est capable de performances en combat qui vont souvent au delà de la grande époque des conquêtes, grande époque permise par un contexte favorable à l'expansion.

Anténor a écrit :
Concernant le terme "désagrégation", je ne fais que reprendre votre intervention précédente. On voit bien avec Julien que si l'armée romaine conserve toute son efficacité en défense, elle n'est plus capable de conquérir quoique ce soit. Les Gaulois ont fait Julien empereur et il a pacifié efficacement la Gaule ; il est normal qu'on trouve chez eux ses plus fervents supporters prêts à le suivre n'importe où.


Vous devez avoir quelques difficultés à comprendre ; ce qui pêche n'est pas tant la conquête que la capacité d'une civilisation centralisée à TENIR des territoires dont l'organisation est à 100000 lieues de la sienne. Julien écrase les Germains, reconstruit des positions fortes mais il sait très bien qu'il ne peut pas annexer ces territoires tant le décalage de structures est important. Avec la Perse les choses sont différentes et son passage malheureux dans la région montre bien une chose ; face à un chef décidé qui met les moyens en homme l'armée perse est incapable de s'opposer à son offensive. Pas mal pour une armée condamnée aux rôles défensifs... Et si les Gaulois n'ont comme souci de ne pas quitter la Gaule pourquoi suivre Julien jusqu'en Perse? Et également votre façon de considérer les unités romaines comme complètement "gauloises", "syriennes"... est absurde. Si le recrutement s'est provincialisé et localisé il n'empêche qu'il demeure de la mobilité dans les recrutements, les affectations, les déplacements de troupes. On le voit tout le long des textes comme lorsque Julien envoie des Francs à Constance. De la même façon Ammien décrit une légion défendant Amida, sur la frontière perse, composée essentiellement de Gaulois... Votre pensée fait système, elle ne tient pas compte du réel.

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Message Publié : 15 Oct 2017 12:22 
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Grégoire de Tours
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Citer :
l'armée perse est incapable de s'opposer à son offensive


C'est le seul aspect de votre argumentaire que je nuancerais. Déjà parce qu'au IIIe siècle, l'armée perse a battu régulièrement l'armée romaine en rase campagne. Et si on s'en tient à la campagne de 363, il est clair que Sapor II mène une stratégie délibérée de terre brûlée pour attirer l'armée de Julien au plus profond de la Mésopotamie.

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Victi, vincimus.


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Message Publié : 15 Oct 2017 13:20 
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Ils ont combattu en rase campagne devant Ctésiphon et se sont fait écraser. On remarque aussi que les tentatives d'embuscade n'ont pas non plus l'effet escompté si ce n'est de tuer Julien. La tactique de la terre brûlée a un effet certain et fait durement souffrir l'armée romaine, mais surtout parce que Julien fait une erreur tactique en détruisant sa flotte de ravitaillement. Or malgré tout, le territoire riche parcouru par les Romains et incendié par les Perses est une perte assez terrible pour l'Etat perse qui ne fait pas cela de gaieté de cœur. La mort de l'empereur et la volonté de traiter au plus vite de Jovien surprend les Perses qui étaient dans une posture très délicate ; ils récupèrent une province romaine sans avoir rien gagné sur le terrain et en ayant dévasté leur territoire simplement parce que le nouvel empereur craint des usurpations sur ses arrières...

En vérité la puissance romaine et perse s'équilibre assez souvent mais c'est souvent parce que les empereurs ne mettent pas les moyens suffisants dans leurs campagnes. Julien a mobilisé 83000 soldats dont 65000 pour la seule offensive. L'ascendant pris par les Perses au IIIe siècle se place dans la suite de la réorganisation de l'Etat qui subtilise aux Parthes la domination. La monarchie nouvelle créée a davantage les moyens de ses ambitions et rompt l'équilibre en Orient. Mais les campagnes de Maximien ont montré que l'avantage tactique a quelque peu changé de camp. Constance, lui, perd globalement contre les Perses mais rien ne signale chez lui un grand sens tactique, les auteurs se moquant au passage du fait qu'il n'a gagné que contre des Romains durant des guerres civiles. Avec Julien on a un chef d'une autre trempe qui agit avec audace ; le résultat sur le terrain est très différent et les Perses ne trouvent guère de solution qu'en essayant de faire jouer le "général été" si vous me passer l'expression. S'ils avaient eu une solution militaire efficace je pense qu'ils l'auraient utilisé. Ce n'est jamais très bon pour la popularité de fuir l'affrontement et de dévaster son domaine.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 15 Oct 2017 20:27 
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Polybe
Polybe

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Localisation : Lyon
Effectivement, je ne tiens pas compte du réel étant donné que je ne le connais pas, surtout celui d'il y a quinze siècles. Le but étant justement de s'en approcher autant que possible. Tout ce dont on dispose, ce sont des témoignages et nous n'avons pas de "Réel" sous la main pour nous dire s'ils sont justes ou faux. Pour en juger, nous n'avons que l'identité de leur auteur et le contexte de leur rédaction et quand c'est possible, on peut les recouper entre eux sans que cela ne soit forcément très concluant. Quand un évêque de Tours présente son roi converti comme un quasi saint chrétien, je me méfie. Quand un ancien légionnaire fait l'apologie de son général païen tout comme lui, je me méfie tout autant. Le contexte de la rédaction compte autant voir plus que le contenu du texte.

Les légionnaires gaulois en Mésopotamie représentaient quel pourcentage de leur nombre total ? Quand Julien part à l'assaut de l'Empire Perse, cela fait déjà un petit moment que la situation a été rétablie en Gaule et qu'une partie des troupes peut être réaffectée à des opérations de conquête. On n'est pas passé du jour au lendemain d'une situation d'ultra mobilité des légions à un immobilisme total. Il y a eu une tendance progressive mais de plus en plus marquée à la sédentarisation.
Même question pour les Francs, quel pourcentage représentaient ceux qui se voyaient affectés à l'autre bout de l'Europe ?

Pour tenir un pays, il faut déjà le conquérir. La thèse dominante actuelle selon laquelle de toute manière la Germanie aurait été ingouvernable me laisse plus que sceptique vu le peu qu'on connaît des institutions germaniques. La Germanie est souvent présentée comme on présentait la Gaule il y a encore quelques décennies et on a vu le chemin parcouru depuis. A mon sens, la conquête de la Germanie a été rendue impossible par la trop faible fiabilité de la Gaule. Imaginez que les dirigeants romains se soient entêtés et que les Teutoburg se soient multipliés. D'une part, l'armée romaine aurait été sérieusement amoindrie ; de l'autre les Germains rendus très confiants auraient tenté de suivre les traces d'Arioviste et je vous laisse imaginer la réaction des Gaulois. Les structures administratives mésopotamiennes n'avaient rien à envier à celles de la Gaule pré-romaine et pourtant Rome a tenu l'une mais pas l'autre. La Mésopotamie et la Germanie n'étaient pas tenables parce que la Syrie et la Gaule ne présentaient pas des garanties assez solides.


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