Que les administrateurs me pardonnent : revenant de Bourgogne ou j'ai pris quelques kilos (miam) et goûter quelques splendeurs (glous), j'ai eu aussi l'occasion et l'immense plaisir d'arpenter le Mont-Beuvray (Bibracte), exceptionnel site naturel et exceptionnel site archéologique, m'a t'il semblé.
Peu de jours avant, nous avons visité l'abbaye de Fontenay, une merveille (ou furent tournées les dernières scènes du Cyrano avec Depardieu) et, de la, nous atterrimes à Alise Sainte Reine.
Avant que tout le monde s'engueule à nouveau, que le sujet soit fermé et moi banni jusqu'en 2074, je tiens à vous conseiller "le cheval blanc" à Alise, ou l'on se restaure de façon dangereusement délicieuse à un prix dangereusement faisable !
Bref ...
Pavenu sur le site de l'oppidum (en supposant qu'il ait existé), j'ai récupéré au petit musée local le livre publié par Michel Reddé, et je l'ai lu, parce que je n'étais pas venu que pour découvrir la Romanée-Conti (quoique !)
J'ai donc, à mon retour, fait en sorte de me procurer l'ouvrage apparemment de base pour la thèse adverse la plus assurée de nos jours, livre co-écrit par le professeur Berthier et l'abbé André Wartelle. Monsieur Berthier était l'archéologue de renom que l'on sait pour ses recherches couronnées de succès en Afrique du Nord, et l'abbé Wartelle, philologue distingué et doyen honoraire de l'institut catholique de Paris, étaient tous deux d'honnêtes hommes au sens du XVIIème siècle, et de brillants universitaires.
Michel Reddé, pour sa part, est au plus haut niveau du CNRA, et présente l'intérêt, rare dans une université française qui se crispe à l'idée de la pluridisciplinarité, d'être lui-même philologue et archéologue (si je ne me trompe pas). Monsieur Le Gall, qui le précéda sur le site D'Alise, ne semble pas avoir été considéré comme un aimable amateur.
Et pourtant, des uns et des autres, et, pire encore, de leurs thuriféraires, j'ai découvert le pire dans la recherche historique : les attaques ad hominem, l'injure ou la moquerie injurieuse à peine masquée, la mise en cause de la qualité des uns par les autres et réciproquement, des arguments parfois atrocement tirés par les cheveux (par exemple, et sans prendre parti, lorsque Madame Antoinette Brenet, professeur de lettres classiques à l'institution de la légion d'honneur, justifie la détermination en latin des azimuts intermédiaires en citant des textes se référant à la marine et aux vents dominants, appelés non par leur direction mais par leur nom, précisément)
Pendant ce temps, Monsieur Reddé, avec un humour d'une rare méchanceté, cite systématiquement "Bouvard et Pécuchet" avant de présenter les analyses des tenants de Syam-La Chaux-des-Crotenay: le décor est campé : les gugusses sont aimables mais n'ont rien d'autre à faire.
Jai lu des engueulades ahurissantes quand à savoir la capacité de tel ou tel oppidum à recevoir des effectifs si impressionnants qu'en fait on en ignore totalement la réalité.
J'ai appris qu'un site (Alise Sainte Reine en l'espèce) s'il pouvait approvisionner en eau potable un population de 10 000 civils supposés en temps de paix, était dans l'incapacité d'approvisionner une armée en campagne pendant deux mois, armée dont les effectifs oscillent au gré des différents tenants qui font subir au texte de César d'incroyables tractions : de 80 000 à 35 000 hommes, quand le temps le permet ...
J'ai appris que la plaine qui était face à l'oppidum ne l'était pas vraiment (en face), à condition d'être de la bonne taille, ou parfaitement dans l'axe à condition d'être plus petite.
J'ai compris que personne ne connaîtra jamais les effectifs réels ou approchants des trois armées concernées : celle de Vercingétorix, celle de César lui-même en fait, et celle de l'armée de secours commandée par Vercassivellaunos et Commios.
En, revanche, parmi tous ces règlements de comptes, je n'ai pas lu - ou je n'ai pas tout lu, ce qui est certain - la raison d'être des découvertes archéologiques liées aux lignes et fortifications romaines autour d'Alise : si en effet Alise n'est pas Alesia, à quoi correspondent tous ces éléments (sauf à considérer qu'on les a inventé ou recréé, ce qui représente quand même beaucoup d'efforts habilement dissimulés).
Mon intérêt pour le second empire m'a alors amené à me poser la question subsidiaire : lorque Napoléon III décidé de faire procéder à des recherches cartographiques de la guerre des Gaules, il fit appel au service topographique de l'armée, dont le fameux colonel Stoffel. Mais, avant de se transformer en archéologues-amateurs pour l'empereur, ces officiers étaient avant tout des topographes, science d'état-major mise au point sous Napoléon Ier par Bacler d'Albe, au sein de l'état-major du maréchal Berthier. Ces officiers étaient avant tout de formation géographe et scientifique. De César à Napoléon III, la marche d'une armée n'avait guère changé dans ses contraintes. On marche toujours à pied ou à cheval.
Se seraient-ils donc trompé à ce point, et sur ce point précis, alors que le reste de leurs analyses a été considéré comme cohérent et vraisemblable ?
Enfin, il semblerait qu'il existe encore aujourd'hui seize cites concurrents pour Alesia.
Alors ... je rejoins in fine, avec la sympathie que j'éprouve pour lui et qu'il connaît, Batiste, qui refuse fort sagement de se laisser embarquer dans cette étrange folie dont le pire à mon sens est la véritable hystérie, et je pèse mes mots, qui saisit les tenants de l'une ou l'autre (ou les autres) thèses.
Quelle misère ...
_________________ "Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".
Yves Modéran
|