Les Claudii sont une famille singulière au sein de l'aristocratie de la Rome républicaine.

Les lieux communs des sources antiques se sont montrés cruels avec la gens Claudia, nous expliquant qu'il n'y avait pas eu une génération dans laquelle un Claudius ne s'était pas montré soit terriblement arrogant et méprisant envers le peuple, soit aspirant à la tyrannie.

Mommsen, dans un des appendices de son histoire romaine, relève un fait étonnant dans l'histoire des plus grande familles aristocratiques romaines.

Alors que les Claudii ont depuis leur arrivée à Rome toujours été une des plus puissantes et prestigieuses gentes patriciennes de Rome, ils sont la seule gens majeure à ne s'être guère illustrée dans une des grandes guerres de conquête de la république romaine.
(Je parle là des Claudii patriciens, car une branche plébéienne de la gens, les Claudii Marcelli, a eu un grand homme de guerre, le Marcus Claudius Marcellus, qui, 5 fois consul, fut le vainqueur de Syracuse pendant la 2ème guerre punique.)

Dès lors, contrairement aux Cornelii Scipiones, aux Fabii, aux Aemilii, aux pélbéiens Caecilii Metelli, les Claudii n'ont pas eu un accès aussi privilégié aux butins faramineux qui ont fait la richesse et la puissance des principales familles.

Et pourtant, les Claudii sont toujours restés au 1er plan, pendant les 5 siècles qu'a duré la république. Ils sont la seule gens majeure (avec éventuellement les Valerii) à ne pas avoir connu d'éclipse, à ne pas être tombée en extinction ou à ne pas tomber dans l'oubli en raison d'un appauvrissement (ce qui arriva à la plupart des familles patriciennes : qu'on pense aux descendants de Furius Camillus, de Quinctius Flamininus, aux Postumii, aux Sergii et à bien d'autres).


Mommsen développe une courte mais intéressante analyse montrant que les Claudii auraient plutôt été la famille "progressistes" et réformatrice par excellence dans l'aristocratie romaine, celle qui aurait fait sa singularité de telles postures politiques.
Il pointe le rôle du decemvir dans l'élaboration de la loi des 12 tables, celui d'Appius Claudius Caecus présenté comme un démagogue tyrannisant, celle d'Appius Claudius Pulcher, le beau-père et soutien de Tiberius Gracchus, sans oublier le tribun Publius Clodius Pulcher.

Restent à élucider les mécanismes et alliances par lesquels cette gens a su faire fructifier cette position pour conserver les richesses suffisantes et acquérir les vastes clientèles qui lui ont permis de sortir victorieuse aussi souvent des élections aux magistratures supérieures, au point de triompher finalement grâce à une alliance avec un jeune parvenu sorti de quasiment nulle part : le mariage de Livie (dont le père était de naissance un Claudius) avec Caius Octavius devenu Caius Julius Caesar Octavianus.

Là aussi voilà une question qui éclaire cette énigme : pourquoi le jeune Octavien voulait-il tant épouser la jeune Livie, alors enceinte d'un 2ème enfant ?
Il est douteux que ce personnage historique-là ait été uniquement motivé par un coup de coeur pour la beauté de la jeune femme.

Sait-on que deviennent ces grandes familles sous l'Empire ? Jusqu'à quelle date jouent-elles un rôle sous l'Empire ? Sont-elles décimées par les mesures antisénatoriales de certains empereurs ? Jusqu'à quelle date peut-on suivre leur trace ? Certaines ont-elles survécu à la fin de l'Empire romain ?

Il semble bien que ce soit un des rares coups de foudre de l'histoire ... Politiquement, Octave ou Octave César ou Octavien selon les noms qu'on lui donne ou reconnaît à l'époque n'avait aucun intérêt politique à épouser Livie, d'ailleurs mariée à l'un de ses anciens adversaires et issue d'une lignée plutôt "démocratique" (un de ses ancêtres fut tué pendant les guerres "sociales"). Il était lui-même marié à une femme liée à la famille des Pompée avec le chef de laquelle il venait de conclure un accord aussi important que fragile. Scribonia venait de lui donner une fille, Julie. Une grande partie de la politique d'Octave était basée sur le retour de la "morale des aîeux" (le fameux mos maiorum), en public du moins. Il a mis tout cela en danger pour divorcer rapidement et épouser Livie, enceinte de 5 mois. L'enfant, le futur Drusus, était-il de lui ? Certains l'ont suggéré... L'époux de Livie, qui avait été grâcié par Octave, et qui mourut peu de temps après le mariage, alla jusqu'à doter généreusement son ex-femme, comme s'il s'était agi de sa fille ... Ils seront mariés plus de 45 ans ...

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Si vous suivez les fastes consulaires, vous verrez qu'on trouve des Claudii y compris au 2ème siècle. Et même deux empereurs : l'un rival malheureux de Septime Sévère, l'autre au 3ème siècle : Claude II le gothique.

Cependant, il est certain que ces Claudii au Clodii n'ont aucun lien de parenté avec la gens Claudia.

Le dernier descendant masculin des Claudii, c'est semble-t-il l'empereur Néron qui ne descendait en fait des Claudii que par Livie et qui, Domitius de naissance (par son père), ne devait son nom de Claudius Nero que grâce à son adoption par l'empereur Claude.

Le lien le plus probable est la reprise du gentilice du patron romain grâce auquel leur famille a obtenu la citoyenneté romaine.
L'autre origine de ces Claudii, Cornelii, Valerii, Julii dont on sait qu'ils ne sont pas les derniers descendants des vieilles gentes patriciennes romaines, c'est la simple homonymie. Ces noms étaient à l'origine des noms claniques et tribaux, et il y a eu, dès l'époque républicaine, une foultitude de Claudii, Cornelii, Claudii, Fabii, Valerii, Aemilii et autres qui n'avaient aucun lien de parenté avec les grandes familles de la noblesse romaine.

Ne croyez pas cependant que toutes ces grandes familles se sont éteintes de mort violentes. Un certain nombre d'entre elles ont effectivement été "éteintes" violemment par des empereurs ou lors de guerres civiles. Bien d'autres ont simplement été ruinées ou se sont éteintes naturellement, du fait de décès naturels, de l'absence de descendance ou du décès prématuré de leurs enfants (n'oublions en effet pas que la mortalité infantile était forte aussi dans l'aristocratie).


Pour ce qui est du mariage d'Auguste avec Livie, les chroniqueurs antiques aimaient les embellissements édifiants. Il est quasiment impossible qu'Auguste ait pu être le père de Drusus dans la mesure où Tiberius Claudius Nero et sa jeune épouse Livie ont fui l'Italie à l'occasion de la guerre de Pérouse et ne sont rentrés à Rome qu'en 39, dans la foulée de la paix de Brindes.
Drusus était bel et bien déjà conçu.

Si coup de foudre il y a eu, ce n'est pas seulement parce que Livie était une femme séduisante. Cela a aussi du être parce que celle-ci présentait un pedigree aristocratique auquel le jeune Octavien pouvait difficilement résister.
Si vous additionnez ses ascendances génétiques et adoptives, Livia était à la fois apparentée aux Claudii et aux Livii.
En effet, son père était était un Claudius patricien adopté par Marcus Livius Drusus, le fameux tribun dont l'échec et l'assassinat fut le point de départ de la guerre sociale.

Les Claudii ont été, tout au long de la république, ce qu'on a appelé une des 5 gentes patriciennes majeures.

Les Livii, à la fin de la république, étaient au coeur d'un réseau d'alliances familiales tout à fait exceptionnel qui constituait le groupe politique le plus influent dans les dernières décennies de la république. Ils descendaient des Cornelii Scipiones. Y étaient aussi liés les Servilii Caepiones (dont Servilia, la mère de Brutus et la maîtresse de César), les Porcii Catones (Caton d'Utique était demi-frère de Servilia), Catulus, Lucullus, les Domitii Ahenobarni, ou encore les Marcii Philippi (le beau-père d'Octavien), Lucullus et Hortensius.

N'importe quel ambitieux aurait craqué pour un tel mariage. Surtout si on voulait se donner des airs de bon républicain qui pourrait restaurer la république (cf. le lien symbolique avec Caton).

L'alliance avec Scribonia n'était qu'une alliance de circonstance visant à éviter que Sextus Pompée ne s'allie avec Antoine contre Octavien à l'issue de la guerre de Pérouse. Une fois la paix assurée de ce côté et l'alliance avec Antoine rétablie, Octavien a sèchement répudié Scribonia pour se précipiter sur Livie qui présentait des atouts bien plus avantageux.

Ca explique que même si n'en asurvécu aucun enfant, ce mariage n'ait jamais été dissout.