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Message Publié : 12 Juin 2008 22:40 
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Bonjour à tous,

Votre question me semble très pertinente, Alfred Teckel... En effet, je pense qu'il faudrait peut-être se pencher sur l'ensemble du territoire des Leuques et ne pas se limiter aux seules villes de Nasium et Tullum, pour tenter de comprendre ce qui a pu provoquer un déclassement de Nasium au profit de Tullum à une époque.

Est-ce que Rome n'aurait pas privilégié une installation de masse à Tullum après la Guerre des Gaules, imaginant qu'une famille aristocratique vivant sur l'oppidum de Tullum s'est alliée avec zèle à l'armée romaine et a favorisé son passage vers la future colonia Augusta Treverorum ? (Petite parenthèse : j'en reviens à la présence d'une légion romaine à Tullum ; si mes souvenirs sont bons, au rez-de-chaussée du Musée d'Art et d'Histoire de Toul sont exposées des tegulae et imbrices - tuiles romaines - marquées du sceau d'une légion romaine qui les auraient fabriquées. Pouvez-vous m'apporter plus d'informations - datation des tuiles, nature des estampilles, etc... ?) On raconte que les Leuques étaient dans une collaboration étroite avec Jules César. Sans doute faut-il émettre des réserves et ne pas mettre dans le même panier tous les "oligarques" dont parle Gaius Graecus Lupus et dont le principe est fort plausible ! Il s'agit d'une extrapolation de ma part, mais il est vrai que la Cité des Leuques était l'une des plus vastes des Gaules si je ne m'abuse : d'une manière grossière, le territoire comportait le sud de la Meuse actuelle, le sud de la Meurthe-et-Moselle actuelle et tout le département des Vosges, auquel cas une oligarchie pouvait s'avérer un mode politique des plus commodes.

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Message Publié : 18 Juin 2008 18:37 
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Philippe de Commines
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Ou, plus simplement, se pourrait-il que la rivière Moselle, qui "baignait" Tullum mais pas Nasium, a pu favoriser le développement du premier site au détriment du second ?


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Message Publié : 03 Sep 2008 18:41 
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Pour poursuivre le fil concernant la présence légionnaire sur Toul et la mention d'une estampille de légion au Musée municipal, je suis allé prendre en photo la dite tuile cet été :
Image
C'est la marque de la XV ème légion, sans autre commentaire ni explication.
Voici mes réflexions concernant cette marque :

Il y avait deux LEG XV :
La première, LEG XV Appolinaris, était stationnée à Carnuntum en Autriche, au bord du Danube.
La seconde, LEG XV PRIMIGENIA, était stationnée à Mayence.
Cette mention est très intéressante car il se trouve qu'à Nasium ont été découvertes deux mentions de la LEG XXII PRIMIGENIA.
Il s'agit certes de deux légions différentes, mais il s'agit de légions "soeurs" : elles ont été créées ensemble par Caligula en 39 pour s'engager dans les campagnes prévues en Germanie, l'une pour soutenir la LEG XXI à Vetera (Xanten) et l'autre la LEG XIV à Mongotiacum (Mayence).

S'il s'agit de la LEG XV PRIMIGENIA, cette marque de tuile n'a pu être établie qu'entre 39 et 69 (date de sa destruction par Civilis lors des guerres bataves qui ont suivi la guerre civile).

S'il s'agit de la LEG XV APPOLINARIS, je ne comprends pas bien ce qu'elle serait venu faire à Toul si loin de son camp de base, y compris pour des missions de Génie Civil comme ce fut le cas de la LEG XXII.


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Message Publié : 03 Sep 2008 20:17 
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Sinon, une autre info archéo concernant les recherches en cours sur Boviolles (site de Nasium, Oppidum celtique des Leuques).

En passant, l'oppidum de Boviolles est reconnu comme étant un centre politique d'ampleur et d'importance pour les Leuques avant la conquête, en raison de son extension et des trouvailles monétaires importantes qui le signalent comme le centre de production des fameux potins leuques.
Capitale d'avant la conquête, il me semble logique que, dans la continuité, on construisit Nasium capitale des leuques en contrebas de l'oppidum de Boviolles.

Par ailleurs, un précédent intervenant mentionne un oppidum de Toul. Cet oppidum est inconnu (inexistant à ma connaissance). Auriez vous des précisions ? L'oppidum le plus proche de Toul est l'oppidum de Sorcy dont le musée de la ville de Toul contient nombre d'objets.

Les fouilles 2008 se sont terminées fin juillet à Boviolles.
Le bilan de cette année est très positif pour les fouilleurs dans la mesure où la porte a pu enfin être localisée et identifiée.
Image
Plusieurs indices laissaient à penser que la porte gauloise se trouvait à l'emplacement de la porte moderne.
- Les prospections géophysiques 2007 ont permis de localiser précisément le carroyage des routes sur l'oppidum, soulignant au passage la grande organisation "urbaine" de l'oppidum de Boviolles. L'axe principal de ces voies semblait se diriger très précisément vers l'emplacement de la porte moderne.
- La découverte au pied du rempart l'année dernière de petits ateliers de forge semblait indiquer la présence d'échoppes qui ne peuvent avoir été implantées qu'à proximité d'un endroit "passant", donc, une porte.

La porte est conservée sur au moins trois assises de pierre, ce qui est suffisant pour en confirmer scientifiquement la présence. Par ailleurs, elle dessine un très bel arc de cercle rentrant en direction de l'ouverture.
Elle a été mise à jour à la suite d'un sondage réalisé de l'autre côté de la route moderne qui traverse l'oppidum.

Par ailleurs, les archéologues ont dégagé entièrement la structure interne du murus, laissant apparaître très clairement les emplacements des poutres de callage ainsi que leurs clous de fixation interne.
Image
Ils ont à cette occasion réalisé un travail incroyable et remué des tonnes de terres pour accéder au niveau de sol gaulois. Ils n'ont à ma connaissance pas découvert d'élément sur ce sol primitif susceptibles d'en permettre une datation précise. A suivre car des fibres de bois ont été découvertes enfermées dans la rouille d'un des clous du poutrage interne.

Pour donner une idée précise de l'aspect que pouvait avoir le murus à l'époque gauloise, je vous propose d'examiner cette dernière photo :
Image
La photo a été prise en contrebas, dans le fossé qui a été comblé sans doute à l'époque augustéenne : la trouvaille d'un demi-as de Nîmes semble l'indiquer. Je suppose qu'il s'agit d'une politique de démantèlement des places fortes celtes par les romains pour éviter qu'elles ne puissent resservir. Pour exemple, le même type de politique a été mis en oeuvre bien plus tard par Louis XIV. Par ailleurs, c'est dès après la conquête romaine que la ville de Nasium s'est développée en contrebas de l'oppidum : cela est attesté par la datation du temple de Mazeroie.
Cela laisse donc entrevoir l'exécution de travaux de très grande ampleur pour les Leuques dès après la conquête romaine : démantèlement de la place forte (qui a pu être occupée militairement car les archéologues ont encore trouvé des clous de caligae sur l'oppidum, et ces trouvailles ont déjà été faites en très grande quantité), construction de la ville en contrebas et du centre cultuel.

La hauteur impressionnante du rempart a fortement marqué les visiteurs du chantier de fouille. En effet, la photo publiée plus haut a été prise en lisière du fossé maintenant comblé, fossé qui faisait entre 10 et 15 m de large. Le dénivelé entre le sommet de ce qui reste du mur et la base de la photo fait déjà dix mètres. Imaginons maintenant la hauteur du mur lors de son édification (on peut rajouter un ou deux mètres sans trop se tromper, sans compter la palissade de deux - trois mètres qui ne manquait pas de le couronner) au fond du fossé avant son comblement (rajoutons deux à trois mètres, la encore sans trop se tromper).
Nous devions avoir une hauteur plus ou moins proche des 20 mètres, du fond du fossé au sommet de la palissade.


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Message Publié : 03 Sep 2008 21:25 
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Philippe de Commines
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Inscription : 30 Juil 2003 21:44
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Merci, Taurus, pour la qualité de votre travail et la clarté de vos explications, que j'apprécie grandement.


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Message Publié : 28 Sep 2008 19:12 
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Merci pour tout ce que vous apportez à la discussion, Taurus,

Mais au fait, n'êtes-vous pas l'habitant de Naix-aux-Forges avec qui j'ai évoqué le problème Nasium-Tullum, au début du mois, à la cathédrale Saint-Etienne de Toul ?

lol

Glypticus.

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Message Publié : 29 Oct 2008 18:53 
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Bonjour,
Non, je ne suis pas cet habitant de Naix avec qui vous avez évoqué la problématique en question. Pardon de vous répondre si tard, je ne suis pas passé sur ce forum depuis un moment.

Voici un compte rendu de la conférence du 19 octobre donnée à Naix aux Forges et qui présentait les résultats des fouilles 2007.

- Fouilles sur l'oppidum (direction : T Dechezleprêtre, musée lorrain): L'essentiel des résultats a déjà été dévoilé. Un détail cependant a retenu mon attention.
Devant le rempart s'étendait une plateforme suffisamment large pour accueillir différents ateliers. Cette plateforme est une aberration sur le plan poliorcétique - art de la guerre - mais il est en réalité courant sur les oppida d'après T Dechezleprêtre.
Parmi ces ateliers, des bronziers mais aussi des forgerons qui travaillaient vraisemblablement la tôle de fer. Or, la tôle de fer était surtout destinée à la fabrication de fourreaux d'épées. On ne peut pas en déduire que cette industrie était une spécialité de Leuques de Boviolles, mais on peut affirmer son existence, attestée de façon probante sur plusieurs endroits de l'oppidum.
Aucune datation de la construction du murus, mais on date le comblement du fossé à la période augustéenne.

- La Basilique (direction P Vipard, Université de Nancy 2):
On a découvert qu'en réalité, la basilique faisait partie d'un vaste bâtiment, tout en longueur, de 190 m de long, sur une dizaine de large, flanqué à ses extrémités de deux autres constructions. Comme la basilique de Grand, sauf que le portique de celle ci a une forme rectangulaire, alors que celui de Nasium est tout en longueur.
En son centre le bâtiment à Abside, et, de part et d'autre de ce centre, de façon symétrique et à mi-distance des extrémités, deux "cellules". Mises à part ces constructions qui en rythment la structure, le reste de ce grand bâtiment de 190 m était une vaste galerie, très imposante, couverte non pas de tuiles, mais de lauzes en calcaire scié.
Claudine Gilquin (archéologue responsable des fouilles sur le temple de Mazeroie auquel elle a consacré trente ans de sa vie) a fait remarquer que les lauzes trouvées sur Mazeroie étaient très lourdes, faisaient jusqu'à 6 cm d'épaisseur, et que les charpentes pour les soutenir devaient être très importantes.
Il faut imaginer les toitures de Nasium blanches, grises et moussues, et non pas rouges ou oranges.

Le bâtiment a connu plusieurs états de construction. Le premier état est celui du bâtiment à abside que nous connaissons. Il est daté semble t il de la deuxième moitié du premier siècle et sa construction est contemporaine de l'élévation du temple monumental de Mazeroie, qui succéda au fanum de bois de la première époque.
ON ne peut rien affirmer sur son élévation, mais l'intérieur était sans doute rythmé par des demi ou des tiers de colonnes imbriqués, ou scellés, dans les murs. On a identifié assez clairement ces supports polygonaux de simili-colonnes d'ornement.
Il était ouvert sur le forum par un mur plus "mince" que les trois autres. M Vipard penche de façon hypothétique pour une ouverture par trois grandes portes puisque deux renflements et supports de piliers semblent avoir été reconnus dans le mur.
Ce premier bâtiment a perduré jusqu'au milieu du deuxième siècle.
Suite à un incident (j'ai cru entendre incendie), il a été remplacé. On a repris à cette époque les murs latéraux, en renforçant les fondations.

Un détail important pour ces fondations : les murs font 1m30 d'épaisseur, et les fondations descendent jusqu'à deux mètres de profondeur. Cela préjuge t il de son élévation ?
Par ailleurs, les bâtiments ont servi ensuite de carrière et ils ont été arasés jusqu'à leurs fondations, en dessous même du niveau de sol romain.

Le second bâtiment donc, voit ses fondations reprises. On le construit légèrement plus court que le précédent avec une abside non plus arrondie, mais rectangulaire. Par contre, il semble que le mur d'ouverture vers le complexe cultuel ait été conservé, au moins les fondations. L'abside arrondie du premier état a été remblayée au niveau de ses fondations, ce qui explique que, par la suite, lorsque le site est devenu une immense carrière, on a "oublié" de démonter l'abside arrondie qui a été relativement bien conservée de ce fait.

Je crois qu'au 3è siècle le bâtiment a été détruit, abandonné, et qu'il a servi de carrière de pierre. Nasium semble disparaître à cette époque.

Le mobilier métallique est pratiquement inexistant. Les pilleurs du site sont passés par là bien avant les fouilles.

Concernant la fonction de nos batiments à plan basilical :
M Vipard propose trois hypothèses :
- une fonction administrative quelconque. Ce type de bâtiment est contemporain et similaire à ceux découverts à Pompéï, et dans le plan, et dans la situation dans le forum.
- lié au culte impérial. Des similitudes existent avec d'autres constructions identifiées en Gaule.
- basilique de temple, en relation avec le complexe cultuel placé juste en face.
Je dois dire que les similitudes avec d'autres constructions de Rome et de Gaule m'ont laissé sceptique, car les plans et les contextes n'ont rien de commun. Par contre, on retrouve une belle similitude avec les constructions pompéiennes.

De toute façon, il n'y a pour le moment, aucun élément susceptible de permettre d'identifier la fonction de ce bâtiment. Ce ne sont que des hypothèses de travail qu'il ne faut pas prendre pour argent comptant mais qu'il faudra évaluer à la lumière de recherches ultérieures.


Perrine TOussaint a parlé du complexe cultuel, que nous connaissons déjà bien. Détail intéressant : toutes les trouvailles identifiées sur le site de Nasium comme provenant vraisemblablement de temples ont été faites partout ailleurs dans le site, mais pas sur le complexe de Mazeroie.

Par contre, la présence attestée d'un complexe cultuel à cet endroit renforce l'hypothèse d'un théâtre à proximité, sur les fossotes. Vous savez que l'hypothèse de CF Denis avait été démontée au 19 è par L Maxe-Werly. Une hypothèse contre une autre.

Pour finir, la structures des temples identifiés est majoritairement de type "fanum" gaulois. Cela semble souligner que l'endroit était déjà un lieu de culte ancien, d'avant la conquête romaine.


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Message Publié : 06 Nov 2008 10:59 
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Localisation : Entre Toul et Toulouse
Merci infiniment pour votre compte-rendu de la conférence, Taurus... Voici ce qui m'a surpris et ce que j'aimerais garder à l'esprit :

Taurus a écrit :
- La Basilique (direction Pascal Vipard, Université de Nancy 2):

On a découvert qu'en réalité, la basilique faisait partie d'un vaste bâtiment, tout en longueur, de 190 m de long, sur une dizaine de large, flanqué à ses extrémités de deux autres constructions. Comme la basilique de Grand, sauf que le portique de celle-ci a une forme rectangulaire, alors que celui de Nasium est tout en longueur.
En son centre le bâtiment à abside, et, de part et d'autre de ce centre, de façon symétrique et à mi-distance des extrémités, deux "cellules". Mises à part ces constructions qui en rythment la structure, le reste de ce grand bâtiment de 190 m était une vaste galerie, très imposante, couverte non pas de tuiles, mais de lauzes en calcaire scié.
Claudine Gilquin (archéologue responsable des fouilles sur le temple de Mazeroie auquel elle a consacré trente ans de sa vie) a fait remarquer que les lauzes trouvées sur Mazeroie étaient très lourdes, faisaient jusqu'à 6 cm d'épaisseur, et que les charpentes pour les soutenir devaient être très importantes.
Il faut imaginer les toitures de Nasium blanches, grises et moussues, et non pas rouges ou oranges.


Vous voulez dire qu'on n'usait pas de tuiles d'argile, dites « tuiles romaines », à Nasium ? Cela est une véritable découverte pour moi...

Taurus a écrit :
Le bâtiment a connu plusieurs états de construction. Le premier état est celui du bâtiment à abside que nous connaissons. Il est daté semble-t-il de la deuxième moitié du premier siècle et sa construction est contemporaine de l'élévation du temple monumental de Mazeroie, qui succéda au fanum de bois de la première époque.
On ne peut rien affirmer sur son élévation, mais l'intérieur était sans doute rythmé par des demi ou des tiers de colonnes imbriqués, ou scellés, dans les murs. On a identifié assez clairement ces supports polygonaux de simili-colonnes d'ornement.
Il était ouvert sur le forum par un mur plus "mince" que les trois autres. M. Vipard penche de façon hypothétique pour une ouverture par trois grandes portes puisque deux renflements et supports de piliers semblent avoir été reconnus dans le mur.
Ce premier bâtiment a perduré jusqu'au milieu du deuxième siècle.
Suite à un incident (j'ai cru entendre incendie), il a été remplacé. On a repris à cette époque les murs latéraux, en renforçant les fondations.

Un détail important pour ces fondations : les murs font 1m30 d'épaisseur, et les fondations descendent jusqu'à deux mètres de profondeur. Cela préjuge-t-il de son élévation ?
Par ailleurs, les bâtiments ont servi ensuite de carrière et ils ont été arasés jusqu'à leurs fondations, en dessous même du niveau de sol romain.

Le second bâtiment donc, voit ses fondations reprises. On le construit légèrement plus court que le précédent avec une abside non plus arrondie, mais rectangulaire. Par contre, il semble que le mur d'ouverture vers le complexe cultuel ait été conservé, au moins les fondations. L'abside arrondie du premier état a été remblayée au niveau de ses fondations, ce qui explique que, par la suite, lorsque le site est devenu une immense carrière, on a "oublié" de démonter l'abside arrondie qui a été relativement bien conservée de ce fait.


Taurus a écrit :
Je crois qu'au 3è siècle le bâtiment a été détruit, abandonné, et qu'il a servi de carrière de pierre. Nasium semble disparaître à cette époque.

Le mobilier métallique est pratiquement inexistant. Les pilleurs du site sont passés par là bien avant les fouilles.


Mais au fait, quand a-t-on commencé de fouiller le site de Nasium légalement ? D'après vous, le pillage, s'est-il produit au IIIe siècle ou bien après ?

Taurus a écrit :
Concernant la fonction de nos batiments à plan basilical :
M. Vipard propose trois hypothèses :
- une fonction administrative quelconque. Ce type de bâtiment est contemporain et similaire à ceux découverts à Pompéï, et dans le plan, et dans la situation dans le forum.
- lié au culte impérial. Des similitudes existent avec d'autres constructions identifiées en Gaule.
- basilique de temple, en relation avec le complexe cultuel placé juste en face.
Je dois dire que les similitudes avec d'autres constructions de Rome et de Gaule m'ont laissé sceptique, car les plans et les contextes n'ont rien de commun. Par contre, on retrouve une belle similitude avec les constructions pompéiennes.

De toute façon, il n'y a pour le moment, aucun élément susceptible de permettre d'identifier la fonction de ce bâtiment. Ce ne sont que des hypothèses de travail qu'il ne faut pas prendre pour argent comptant mais qu'il faudra évaluer à la lumière de recherches ultérieures.


Pour avoir suivi un cours approfondi de Pascal Vipard sur Pompéï, je pense que nous pouvons nous satisfaire pour le moment de la mise en parallèle qu'il envisage de la basilique de Nasium avec les basiliques de Pompéï... Pour le reste, je manque de connaissances...

Taurus a écrit :
Perrine Toussaint a parlé du complexe cultuel, que nous connaissons déjà bien. Détail intéressant : toutes les trouvailles identifiées sur le site de Nasium comme provenant vraisemblablement de temples ont été faites partout ailleurs dans le site, mais pas sur le complexe de Mazeroie.

Par contre, la présence attestée d'un complexe cultuel à cet endroit renforce l'hypothèse d'un théâtre à proximité, sur les fossotes. Vous savez que l'hypothèse de C.F. Denis avait été démontée au 19 è par L. Maxe-Werly. Une hypothèse contre une autre.


Le théâtre, s'il a existé à Nasium, a sans doute été le premier complexe à servir de carrière au IIIe siècle... Mais j'ai l'espoir néanmoins qu'on en exhume des vestiges dans pas longtemps... Ce serait une découverte extraordinaire... Des érudits toulois parlent aussi d'un théâtre antique à Toul, qu'on aurait adossé à la colline du Saint-Michel, sur son flanc est (à proximité de la rue de la Pépinière ?).

Taurus a écrit :
Pour finir, la structures des temples identifiés est majoritairement de type "fanum" gaulois. Cela semble souligner que l'endroit était déjà un lieu de culte ancien, d'avant la conquête romaine.


Comment pouvons-nous définir exactement un fanum gaulois ? Forme, fonction...

Encore merci, Taurus !

Glypticus.

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Message Publié : 06 Nov 2008 13:16 
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Glypticus a écrit :
Merci infiniment pour votre compte-rendu de la conférence, Taurus... Voici ce qui m'a surpris et ce que j'aimerais garder à l'esprit :

Taurus a écrit :
- La Basilique (direction Pascal Vipard, Université de Nancy 2):

On a découvert qu'en réalité, la basilique faisait partie d'un vaste bâtiment, tout en longueur, de 190 m de long, sur une dizaine de large, flanqué à ses extrémités de deux autres constructions. Comme la basilique de Grand, sauf que le portique de celle-ci a une forme rectangulaire, alors que celui de Nasium est tout en longueur.
En son centre le bâtiment à abside, et, de part et d'autre de ce centre, de façon symétrique et à mi-distance des extrémités, deux "cellules". Mises à part ces constructions qui en rythment la structure, le reste de ce grand bâtiment de 190 m était une vaste galerie, très imposante, couverte non pas de tuiles, mais de lauzes en calcaire scié.
Claudine Gilquin (archéologue responsable des fouilles sur le temple de Mazeroie auquel elle a consacré trente ans de sa vie) a fait remarquer que les lauzes trouvées sur Mazeroie étaient très lourdes, faisaient jusqu'à 6 cm d'épaisseur, et que les charpentes pour les soutenir devaient être très importantes.
Il faut imaginer les toitures de Nasium blanches, grises et moussues, et non pas rouges ou oranges.


Vous voulez dire qu'on n'usait pas de tuiles d'argile, dites « tuiles romaines », à Nasium ? Cela est une véritable découverte pour moi...

Taurus a écrit :
Le bâtiment a connu plusieurs états de construction. Le premier état est celui du bâtiment à abside que nous connaissons. Il est daté semble-t-il de la deuxième moitié du premier siècle et sa construction est contemporaine de l'élévation du temple monumental de Mazeroie, qui succéda au fanum de bois de la première époque.
On ne peut rien affirmer sur son élévation, mais l'intérieur était sans doute rythmé par des demi ou des tiers de colonnes imbriqués, ou scellés, dans les murs. On a identifié assez clairement ces supports polygonaux de simili-colonnes d'ornement.
Il était ouvert sur le forum par un mur plus "mince" que les trois autres. M. Vipard penche de façon hypothétique pour une ouverture par trois grandes portes puisque deux renflements et supports de piliers semblent avoir été reconnus dans le mur.
Ce premier bâtiment a perduré jusqu'au milieu du deuxième siècle.
Suite à un incident (j'ai cru entendre incendie), il a été remplacé. On a repris à cette époque les murs latéraux, en renforçant les fondations.

Un détail important pour ces fondations : les murs font 1m30 d'épaisseur, et les fondations descendent jusqu'à deux mètres de profondeur. Cela préjuge-t-il de son élévation ?
Par ailleurs, les bâtiments ont servi ensuite de carrière et ils ont été arasés jusqu'à leurs fondations, en dessous même du niveau de sol romain.

Le second bâtiment donc, voit ses fondations reprises. On le construit légèrement plus court que le précédent avec une abside non plus arrondie, mais rectangulaire. Par contre, il semble que le mur d'ouverture vers le complexe cultuel ait été conservé, au moins les fondations. L'abside arrondie du premier état a été remblayée au niveau de ses fondations, ce qui explique que, par la suite, lorsque le site est devenu une immense carrière, on a "oublié" de démonter l'abside arrondie qui a été relativement bien conservée de ce fait.


Taurus a écrit :
Je crois qu'au 3è siècle le bâtiment a été détruit, abandonné, et qu'il a servi de carrière de pierre. Nasium semble disparaître à cette époque.

Le mobilier métallique est pratiquement inexistant. Les pilleurs du site sont passés par là bien avant les fouilles.


Mais au fait, quand a-t-on commencé de fouiller le site de Nasium légalement ? D'après vous, le pillage, s'est-il produit au IIIe siècle ou bien après ?

Taurus a écrit :
Concernant la fonction de nos batiments à plan basilical :
M. Vipard propose trois hypothèses :
- une fonction administrative quelconque. Ce type de bâtiment est contemporain et similaire à ceux découverts à Pompéï, et dans le plan, et dans la situation dans le forum.
- lié au culte impérial. Des similitudes existent avec d'autres constructions identifiées en Gaule.
- basilique de temple, en relation avec le complexe cultuel placé juste en face.
Je dois dire que les similitudes avec d'autres constructions de Rome et de Gaule m'ont laissé sceptique, car les plans et les contextes n'ont rien de commun. Par contre, on retrouve une belle similitude avec les constructions pompéiennes.

De toute façon, il n'y a pour le moment, aucun élément susceptible de permettre d'identifier la fonction de ce bâtiment. Ce ne sont que des hypothèses de travail qu'il ne faut pas prendre pour argent comptant mais qu'il faudra évaluer à la lumière de recherches ultérieures.


Pour avoir suivi un cours approfondi de Pascal Vipard sur Pompéï, je pense que nous pouvons nous satisfaire pour le moment de la mise en parallèle qu'il envisage de la basilique de Nasium avec les basiliques de Pompéï... Pour le reste, je manque de connaissances...

Taurus a écrit :
Perrine Toussaint a parlé du complexe cultuel, que nous connaissons déjà bien. Détail intéressant : toutes les trouvailles identifiées sur le site de Nasium comme provenant vraisemblablement de temples ont été faites partout ailleurs dans le site, mais pas sur le complexe de Mazeroie.

Par contre, la présence attestée d'un complexe cultuel à cet endroit renforce l'hypothèse d'un théâtre à proximité, sur les fossotes. Vous savez que l'hypothèse de C.F. Denis avait été démontée au 19 è par L. Maxe-Werly. Une hypothèse contre une autre.


Le théâtre, s'il a existé à Nasium, a sans doute été le premier complexe à servir de carrière au IIIe siècle... Mais j'ai l'espoir néanmoins qu'on en exhume des vestiges dans pas longtemps... Ce serait une découverte extraordinaire... Des érudits toulois parlent aussi d'un théâtre antique à Toul, qu'on aurait adossé à la colline du Saint-Michel, sur son flanc est (à proximité de la rue de la Pépinière ?).

Taurus a écrit :
Pour finir, la structures des temples identifiés est majoritairement de type "fanum" gaulois. Cela semble souligner que l'endroit était déjà un lieu de culte ancien, d'avant la conquête romaine.


Comment pouvons-nous définir exactement un fanum gaulois ? Forme, fonction...

Encore merci, Taurus !

Glypticus.


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Message Publié : 09 Nov 2008 21:57 
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Bonjour,
Concernant la couverture des toits sur l'agglomération antique de Nasium, sur les temples de Mazeroie et sur le forum de la Cité, il s'agissait bien de lauzes, et de lauzes très épaisses (6cm sur Mazeroie)
Au musée de Toul sont exposés les éléments exhumés à Sorcy, autre oppidum Leuque, où les romains installèrent un temple fouillé dans les années 80. La toiture était elle aussi de lauzes.
S'agissait-il d'une généralité ? Au cours de la conférence dont il était question plus haut, on a bien parlé de toitures blanches, grises et moussues pour Nasium, en tout cas pour les temples et le forum. On utilisait la bonne vieille tuile romaine dans les bâtiments et villae de la plaine alluviale.

Concernant le théâtre antique de Nasium, il est identifié sur le site au lieu dit les Fossottes. Il a servi également de carrière. Une controverse existait à ce sujet au 19 è : l'un a fouillé et reconnu le plan d'un théâtre antique, l'autre n'aurait rien vu.
Mais ces controverses sont stériles désormais : le théâtre existe bien, c'est même un amphithéâtre.

En fait, les prospections électromagnétiques effectuées en 2007 ont permis de reconnaître non pas un théâtre à cet endroit, mais un amphithéâtre. Lupus, s'il passe par ici, me corrigera ou enrichira : sa parole fera autorité sur la question.
J'ai vu la carte des prospections géophysiques , et on reconnaît bien non pas un bâtiment semi circulaire, mais complètement circulaire : un amphithéâtre. Il a servi, comme tout le forum, de carrière de pierre et a été arasé jusqu'aux fondations. Seuls peuvent subsister des éléments adossés à la colline. La dépression formée par la construction est par ailleurs, parfaitement identifiable à l'oeil nu.
De plus, dans la partie basse de la ville, un théâtre est également suspecté.
Ce devait être une bien belle ville, ce Nasium des Leuques, ne pensez vous pas ? !


L'histoire des fouilles sur le site débute il y a 400 ans. L'histoire est longue...
Je parlais surtout des pillages et des ravages des détectoristes. Depuis le développement de l'association La Cité des Leuques sur le site, celui ci est moins menacé et exposé car la présence et la surveillance des bénévoles de l'association est dissuasive. Mais je considère comme tout à fait significatif de ce fléau le fait qu'on n'ait retrouvé qu'une ou deux petites monnaies sur 400 m² de chantier de fouille en 2007.
Le mal est fait.

Concernant le fanum, voici une image puisée sur le site du ministère de la culture : fanum de Vienne.
Image
Le bâtiment en haut à droite, une sorte de tour carrée, entourée d'un portique, est un fanum.
On le dit de tradition celtique bien que paradoxalement il se soit particulièrement développé pendant l'empire romain.
Le plan quadrangulaire, circulaire ou polygonal se compose toujours d'une tour centrale qui domine l'édifice et d'une galerie périphérique ouverte ou fermée.
Le temple de Sorcy était un fanum, par exemple. Vous en trouverez une maquette à Toul, au musée. Même chose pour le temple de Mazeroie à Nasium, mais aussi pour la plupart des autres temples du complexe cultuel. D'où l'hypothèse suivante : ce lieu devait être un lieu de culte celtique d'avant la conquête.

Je vous livre ce petit cadeau concernant le centre cultuel de Nasium. Il s'agit d'un dessin d'Angélique Colté, une artiste qui travaille pour la ville de Rome et qui s'est chargée de proposer cette vue du centre cultuel de Nasium, en tenant compte des données géophysiques fournies par les archéologues.
Image
A droite, le temple de Mazeroie. Le forum lui est situé plus à gauche de cette image, on aperçoit d'ailleurs un morceau du bâtiment de 190 m de long qui contient la basilique, en son centre.
Vous noterez les toits blancs/gris pour les temples, rouges pour les maisons du fond. On sait maintenant que le forum, lui aussi, devait avoir des toits blancs.


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Message Publié : 10 Nov 2008 0:16 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
Encore une fois, merci à tous de la passionnante richesse de ce fil. A la lecture de ces découvertes récentes, une question me vient: quelle était la puissance des Leuques par rapport aux autres populations gauloises?
Car ceux-ci me semblent tout de même plutôt puissants, avec des cités comme Nasium (dont la redécouverte me semble être un des évènements très importants - bien que peu médiatisé hors du local et des spécialistes), Toul, Grand (mais Grand était-elle vraiment encore du ressort des Leuques), et le contrôle de minerai de fer, de route du sel... Pourtant ils ne semblent pas avoir laissé une trace très forte dans l'histoire gauloise, et si je ne me trompe, César n'en parle que très succinctement...

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Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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Message Publié : 10 Nov 2008 3:02 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Taurus a écrit :
Image


Merci pour ce fil très intéressant, y compris pour le néophyte total que je suis en la matière.

J'ai une question au sujet de cette belle recréation d'artiste, qui concerne les arbres. Vous dites que ce tableau a été réalisé avec un soucis de réalisme et de précision historique. Cela signifie-t'il que la forêt restait si présente y compris dans les faubourgs de la ville, et qu'on ne déblayait que le strict nécessaire pour construire ces grands bâtiments religieux ?
Je note d'ailleurs qu'on ne conserve pas d'arbre à l'intérieur des enceintes ?

Un autre point me frappe à propos du bâtiment central :
Image

La voie d'accès et les deux petits bâtiments dans la cour sont bien alignés, alors que l'enceinte est alignée différemment. Quelle en serait la raison ?

_________________
Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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Message Publié : 10 Nov 2008 18:20 
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Hérodote
Hérodote

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Bonjour,
Pour répondre rapidement à vos remarques :
- Grand dépendait bien des Leuques. Vous avez raison en effet de dire que ce peuple était sans doute favorisé à cette époque. Je dois dire que ça ne m'avait pas frappé d'emblée, tant la question de Nasium m'intéresse actuellement mais c'est sans doute exact, encore que je ne connaisse pas du tout ou très mal la situation de nos voisins.
- Concernant les arbres, je suis désolé de ne pouvoir vous répondre. Il s'agit d'une vue d'artiste n'est ce pas ? Je pense que la vue devait plutôt être dégagée sur le forum pour laisser voir les bâtiments. Mais on ne peut dire quoi que ce soit sur la question : les arbres ne laissent pas de trace archéologique identifiable.
- Concernant l'orientation des bâtiments : souvenez vous que le dessin a été réalisé à partir des données géophysiques brutes. Or, si on connaît le plan des bâtiments, on n'en connaît pas exactement la chronologie. On sait que le bâtiment basilical et le temple de Mazeroie ont été contemporains. Pour le reste c'est plus compliqué, d'autant, je vous l'ai dit, que le site a été entièrement pillé de ses ressources métalliques, fibules et monnaies, qui sont d'excellents marqueurs chronologiques et qui malheureusement nous font défaut aujourd'hui. Ce dessin n'est que vraisemblable, il n'est pas l'exacte vision de Nasium à une époque donnée. Les illustrations sont toujours séduisantes, mais il faut garder à l'esprit et distinguer les notions de vraisemblance et la vérité historique qui nous fait encore défaut aujourd'hui.

Enfin, j'ai produit sur un autre forum une théorie, qui m'est personnelle et qui n'a rien de véritablement scientifique, concernant justement les faveurs dont les Leuques semblent avoir bénéficié à l'époque romaine. Prenez la comme une opinion argumentée, mais parfaitement discutable et à certains égards, pourquoi pas, vraisemblable ou même fantaisiste. J'ai essayé de l'aérer pour le web, je m'excuse par avance de la masse...


La Citation des Leuques dans la guerre des gaules :

C'est au début de la guerre, livre 1, paragraphe 40 que César écrit ceci : "... du blé, les Séquanes, les Leuques, les Lingons en fournissaient, et les moissons étaient déjà mures dans les champs." (trad L.-A. Constans, ed. Les Belles Lettres, coll. Budé).

C'est mince. La tribu aide les troupes de César, et c'est tout. :(

Oui, mais cela intervient à un moment précis de la Guerre des Gaules. Le paragraphe 40 dont il est question s'intitule "Discours de César" et succède à un paragraphe consacré à la "Panique de l'armée romaine".


Pourquoi les Leuques aident ils César ?

En 58 av JC, César, à la demande des Eduens, défait les helvètes qui avaient entamé une migration vers la Saintonge.
Ceci fait, il reçoit des plaintes contre Arioviste, chef Germain du peuple Suève. Cet Arioviste, d'abord allié avec les Séquanes, nos voisins directs, au sud du pays Leuque, a battu les Eduens, prélevé des otages et des rançons. Mais au lieu de se retirer en Germanie, il s'installe et occupe un bon tiers du territoire Séquane.
Il est clair que les Leuques avaient également à souffrir de cette occupation, en voisins et témoins directs. Ils faisaient sans nul doute partie de ces tribus qui délèguent des ambassades vers Rome pour lui demander de l'aide. C'est pour cette raison qu'ils soutiennent les légions de César.

Pourquoi, avant de rencontrer Arioviste, les légions étaient elles paniquées ?

A ce moment de la guerre, César n'est pas encore le conquérant que l'Histoire connaît. Nous ne sommes qu'en 58. Ses pensées sont tournées vers un élargissement de l'empire non au nord, mais vers l'Est, vers le Danube. Un chef Dace, Burebista, sème des troubles dans le Nord de l'Italie et César à l'intention d'aller y mettre bon ordre. Pour le moment, il n'a fait "que" mettre fin à la migration Helvète. Ses hommes ne le connaissent pas encore et on sait que les militaires romains n'étaient pas particulièrement soumis à leurs chefs. De plus, la guerre est illégale et les officiers se plaignent de ce que César les sacrifie à ses ambitions.

Ils sont à Vesontio (Besançon), venus pour se battre contre des Germains qu'ils n'ont jamais rencontré mais sur lesquels on raconte des histoires terrifiantes. "Ils parlaient de la taille immense des Germains, de leur incroyable valeur militaire, de leur merveilleux entraînement : "Bien des fois, disaient les Gaulois, nous nous sommes mesurés avec eux, et le seul aspect de leur visage, le seul éclat de leurs regards nous furent insupportables." De tels propos provoquèrent dans toute l'armée une panique soudaine, et si forte, qu'un trouble peu commun s'empara des esprits et des coeurs."(Livre I, XXXIX)

De plus, l'armée s'est éloignée considérablement de la Province, et elle craint pour son approvisionnement.

Les légions de César ont faim et elles ont peur.

Les Leuques interviennent à un tournant de la guerre

L'aide des Leuques se situe dans un contexte politique et émotionnel particulier pour les romains. Le discours de César dans lequel il cite cette tribu intervient à un tournant de sa vie et de l'avenir de Rome.
Il rappelle à ses légionnaires leur valeur - avoir battu les helvètes n'est pas anodin. Les Helvètes avaient, à de nombreuses reprises, battu les germains. Ils n'ont pas tenu devant César.
Les légions ont faim ? César s'occupe de cette question en demandant à ses alliés de lui fournir le nécessaire. Leuques, Lingons et Séquanes s'y emploient.

La fin de l'année 58 est déterminante pour César. Après avoir battu Arioviste, il se rend compte à quel point la Gaule est divisée et saisissable.
Jusqu'alors, il ne s'était engagé qu'à la demande des tribus gauloises, mais ensuite il prend l'initiative de toutes les opérations qui le mènent vers la conquête de la Gaule.

Bénéfice pour les Leuques rom-pompom
On sait à quel point les Romains peuvent être rancuniers et cela sur des générations. Mais on sait aussi à quel point ils peuvent être reconnaissants envers leurs alliés. Les Leuques ne se sont sans doute pas trop mal conduit par la suite vis à vis des romains. On ne les cite plus, ni en bien, mais surtout pas en mal. Après la conquête, et cela relativement rapidement puisque le temple de Mazeroie, à Nasium, date du premier siècle avant JC, les Leuques ont bénéficié des largesses romaines pour l'embellissement de leur capitale. Ils ont eu besoin des romains, leur ont fait confiance et en ont tiré les bénéfices.

:?: Sont ils traitres à la cause celtique ? :?:
A cette époque la Gaule est divisée en 60 voir 90 tribus. Il n'y a pas de "conscience nationale" Gauloise. Il y a par contre une conscience nationale leuque, séquane, éduenne etc... La question d'une "traitrise" quelconque est donc absurde. Elle résulte par contre de vieux restes d'une culture nationaliste franchouillarde dont l'histoire enseignée commençait par "Nos ancêtres les Gaulois... " Ce discours hors-d'âge n'a pas de sens et revèle une relecture a posteriori de l'histoire bien éloignée du contexte de l'époque.


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Message Publié : 10 Nov 2008 19:15 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Inscription : 15 Nov 2006 17:43
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
Taurus a écrit :
:?: Sont ils traitres à la cause celtique ? :?:


La question que je me pose aussi, à la consultation de diverses cartes des peuples gaulois, est la suivante: les Leuques appartenaient-ils réellement à la Gaule dite "celtique"? Selon les cas, on les trouve rangés en Celtique ou en Belgique...

Et pour élargir ma question, cette division traditionnelle de la Gaule du Nord en Belgique et Celtique est-elle pertinente ou n'est-ce qu'une simplification de César?

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Message Publié : 11 Nov 2008 10:17 
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Hérodote
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Inscription : 13 Mai 2008 18:59
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Alfred Teckel a écrit :

La question que je me pose aussi, à la consultation de diverses cartes des peuples gaulois, est la suivante: les Leuques appartenaient-ils réellement à la Gaule dite "celtique"? Selon les cas, on les trouve rangés en Celtique ou en Belgique...

Et pour élargir ma question, cette division traditionnelle de la Gaule du Nord en Belgique et Celtique est-elle pertinente ou n'est-ce qu'une simplification de César?


Le territoire Leuque est situé en Gaule belgique. Mais ces distinctions sont un peu obsolètes et répondent à un besoin de simplification de César pour son exposé. Si vous voulez bien, je vais me livrer à une petite provocation et prétendre que les Leuques étaient gallo-romains avant même la conquête, et l'invention de cette expression. Vous pouvez bien sûr râler contre cette caricature. Je veux simplement souligner que c'est une donnée souvent oubliée lorsque l'on pense et parle des Celtes de Gaule.

Avant la conquête, les Leuques frappent et coulent leurs monnaies. Les potins Leuques, à la tête d'Indien, sont à l'origine de l'expression "faire du potin" tant les quantités retrouvées ont été faramineuses.
Image
Mais le plus intéressant dans les monnaies Leuques, ce sont leurs deniers d'argent : un denier leuque vaut, en poids, exactement un demi-denier romain.
Image
Voici le denier Solima / Colima des Leuques.

D'après Goudineau, cette conversion était rendue nécessaire pour faciliter le commerce et les échanges avec Rome.

Pour revenir à votre question, donc, on devrait parler de "zone denier" par exemple, plutôt que Belgique ou celtique pour désigner les tribus celtes : il y a celles qui étaient dans la zone d'influence commerciale romaine, et celles qui se situaient en dehors de cette zone.
Les Leuques sont en périphérie de cette zone d'influence. Leur monnaie est indexée sur la monnaie romaine, leur oppidum principal, celui de Boviolles, était parfaitement organisé et carroyé comme une ville romaine, on y a retrouvé en quantité des amphores et des services à vin romains.
On en déduit donc, à la suite de monsieur Goudineau, qui est venu en Meuse nous faire une conférence à ce propos, que les Leuques non seulement commerçaient avec les romains avant la conquête, mais qu'en plus, ils avaient sans doute adopté une partie des habitudes et des goûts latins.

Cela a sans aucun doute facilité leur engagement au côté de Rome, puis, par la suite, la construction et le développement très rapide de Nasium immédiatement après la conquête. Les Leuques étaient des amis de Rome depuis longtemps sans doute.


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