PhP a écrit :
Tout d'abord bravo pour ce pseudo ... C'etait le surnom donné au jeune Marc par le vieil Hadrien n'est pas ?
Me voilà démasqué…
Pour en revenir à Suétone, je prends aussi beaucoup de plaisir à lire ses
Vies des 12 Césars ; cependant, je trouve que Tacite a des tournures plus heureuses dans leur sobriété. Mais tu l’as dit, tout est affaire de goût… Je ne résiste pourtant pas au plaisir de citer un de mes passages préférés des
Annales (XIII, 16, 17) :
« C'était l'usage que les fils des princes mangeassent assis avec les autres nobles de leur âge, sous les yeux de leurs parents, à une table séparée et plus frugale. Britannicus était à l'une de ces tables. Comme il ne mangeait ou ne buvait rien qui n'eût été goûté par un esclave de confiance, et qu'on ne voulait ni manquer à cette coutume, ni faire déceler le crime par deux morts à la fois, voici la ruse qu'on imagina. Un breuvage encore innocent, et goûté par l'esclave, fut servi à Britannicus ; mais la liqueur était trop chaude, et il ne put la boire. Avec l'eau dont on la rafraîchit, on y versa le poison, qui circula si rapidement dans ses veines qu'il lui ravit en même temps la parole et la vie. L’entourage se prend à trembler; les imprudents s’enfuient de tous côtés; mais ceux dont la compréhension est plus aiguë restent immobiles et fixent Néron. Celui-ci tandis qu’il restait couché et feignait de ne rien savoir dit que c’était un fait habituel, causé par l'épilepsie dont Britannicus était affecté depuis son enfance et que la vue et les sens reviendraient peu à peu. Mais la peur d’Agrippine, l’agitation de son esprit, bien qu’elle s’efforçât de composer son visage éclatèrent tellement qu’il parut évident qu’elle avait été tenue dans l’ignorance exactement comme Octavie la sœur de Britannicus ; bien plus, Agrippine comprenait que lui avait été arraché son dernier soutien et que c’était le début des parricides. Octavie aussi malgré son jeune âge avait appris à cacher sa douleur, ses affections, tous ses sentiments. Ainsi, après un bref silence la gaieté du festin reprit.
La même nuit vit périr Britannicus et allumer son bûcher. L'apprêt des funérailles était fait d'avance ; elles furent simples : toutefois ses restes furent ensevelis au Champ de Mars. Il tombait une pluie si violente, que le peuple y vit un signe de la colère des dieux contre un crime que d’ailleurs la plupart des hommes pardonnait, pensant que les discordes entre frères sont anciennes et songeant que le pouvoir ne se partage pas. »
Chaque soir en m’endormant, et chaque matin en me réveillant, je pleure sur les livres perdus de Tacite (et d’Ammien Marcellin). Je devrais peut-être commencer une thérapie…