C'est une vieille habitude punique importée de leur métropole phénicienne... Déjà au VIe, Malchus aurait cloué son arrogant fiston. Quelques généraux subissent le même sort lors de la première guerre punique, puis la tradition semble avoir été abandonnée, du moins pour les généraux: lors de la seconde, plus de mise en croix. Mais elle reste appliquée pour les ennemis (les chefs des mercenaires au défilé de la Scie, etc. ... et même les lions ! Polybe, qui accompagne Scipion Aemilien en Afrique, signale à l'entrée des villages libyens des lions crucifiés pour avertir leurs congénères de ne pas approcher.
Concernant le cas de cet Hannibal... :
- en 261, il perd une des plus importantes cités et place forte punique de Sicile, Acragas, malgré une armée de (parait-il) 50 000 hommes et 25 000 habitants. Mais au moins, il parvient à se dégager avant la chute de la ville grâce à son collègue Hannon et sauve ainsi une partie de son armée. Il n'empêche qu'il subit là la plus grave défaite de Carthage depuis le début du conflit.
- mais bon, il a à peu près sauvé son armée, il est maintenu en poste en 260. L'année commence plutôt bien, un de ses lieutenants tombe dans les îles Lipari sur le consul Scipio et s'empare de ses vaisseaux au port (consul qui y gagne le surnom d'Asina, l'Ane
). Mais dès que lui-même intervient, cela tourne au désastre, il perd dans la foulée l'essentiel d'une escadre d'une cinquantaine de navires dans le Détroit, surpris lors d'une reconnaissance par toute la flotte romaine en bon ordre. Mais lui parvient à s'en sortir. C'est la première défaite navale de la guerre, mais plus une embuscade qu'une bataille rangée... il est malgré tout maintenu dans son commandement, en dépit de son imprudence.
- les flottes se concentrent, bataille rangée. C'est le fameux désastre de Mylaï où pour la première fois les Romains sont vainqueurs d'une flotte punique en combat régulier... Hannibal s'en sort encore et toujours et retourne à Carthage avec les débrits.
- Mais ils sont patients les Carthaginois... il est maintenu à la tête de la flotte de Carthage jusqu'en 258. Le consul Caius Sulpicius Paterculus menaçant de ravager l'Afrique après avoir pillé la Sardaigne, il est envoyé à sa rencontre avec la flotte de Carthage. La rencontre à lieu en Sardaigne. Une nouvelle fois il se prend une trempe, mais comme d'habitude lui s'en sort et se réfugie à Sulcis.
Trop c'est trop, il est crucifié sur le champ par les Carthaginois survivants excédés... Il était à lui seul responsable de trois désastres navales, de la perte de la moitié de la Sicile... Avant qu'il ne se mêle à la guerre, Carthage s'en sortait pas trop mal, après lui, les flottes puniques sont largement dominées, la Sicile quasi entièrement perdue, la Corse perdue (suite à Mylaï et la perte du contrôle des mers), la Sardaigne ravagée de fond en comble...
Donc, oui, c'est bien une habitude punique, mais il fallait vraiment accumuler les bourdes pour qu'ils se laissent aller à de telles extrémités !
La coutume plaira beaucoup aux Romains...