calade a écrit :
Et si la question était mal posée ? A savoir qu'il n'y a pas eu de chute ! Au contraire, le christianisme fait partie de le redéfinition qui prologne l'ER sous des formes apparemment différentes mais fondamentalement attachées à l'esprit de l'ER. Evidemment, je ne débite pas ça du haut de mon (non)-savoir mais je reprends les thèses d'un Bruno Dumézil (dont le Que sais-je sur les royaumes barbaes vient de sortir). Deux ruptures profondes encadrent la date mythifiée de ladéposition de Romulus Augustule :
1/ Le 3e s et le passage aux empereurs militaires puis le partage de l'empire. Nouvelle vision de l'empereur avec Constantin
2/ Le 9e s avec la privatisation du pouvoir, qui commence avec l'esprit vassalique sous les caroligniens.
Càd que les royaumes barbares sont fondamentalement intégrés à cette nouvelle romanité. La loi salique relève à 90% du droit romain, les rois sont chrétiens, le latin reste la langue savante, les rois sont itinérants comme les empereurs post 3e s, ils partagent leur royaume comme dioclétien, etc. Complète dégermanisation des soi-disant barbares par la nouvelle historiographie (austro-anglaise essentiellement). La véritable disparition de l'esprit romain serait à chercher chez les successeurs de Charlemagne.
Bref l'historiographie travaille à déconstruire l'idée de "chute de l'empire romain" que ni les sources écrites ni l'archélogie ne corroborent sur la longue durée. un exemple de ces marqueurs de la romanité, les thermes : ils ne disparaisssent en Occident qu'au 7e s.
Il faut distinguer ici plusieurs phénomènes différents, à savoir la constitution de royaumes barbares avec des identités très différentes et où l'héritage romain s'exprime de manière plurielle. Ici très justement Lucien Musset distinguait la "méthode" des premiers arrivant Goths qui fondent des royaumes "ségrégationnistes" avec des lois interdisant la mixité des populations mais préservant complètement de fait le fonctionnement civile des affaires, de la "méthode" des suivant comme les Francs qui établissent un pouvoir de nature purement germanique, produisant une rapide collusion ethnique et sociale. Ici l'héritage romain s'exprime certes à travers le droit et le christianisme, mais l'orientation de la société est clairement germanique.
En fait, je n'ai pas encore lu le Que sais-je? de Dumézil, mais honnêtement s'il voit une similitude entre partage du pouvoir monarchique barbare et celui qui se faisait sous l'Empire il commet une erreur assez grossière ; la notion d'Empire est diamétralement opposée à celle des royautés germaniques ; chez ces derniers le pouvoir royal est la propriété du souverain, dans le cas de l'Empire c'est une délégation d'autorité. Dioclétien partage le pouvoir non pas pour laisser un héritage à ses successeurs par liens du sang mais pour défendre efficacement l'Empire. A chaque fois qu'il y a le calme aux frontière le pouvoir retourne entre les mains d'un seul homme. De plus le partage de la charge n'est pas toujours du fait du prince romain ; l'armée rassemblée lors de la prise de pouvoir de Valentinien Ier pour l'acclamation réclame le partage de la dignité...
L'orientation historiographique de Dumézil est une réhabilitation de ces fameux "Dark Age", qui se fonde sur biens des éléments réels, mais avec lesquels il faut procéder avec prudence, notamment sur la nature des pouvoirs politiques ; un royaume barbare ne pourra jamais trouver de similitude avec un organe politique aussi complexe et structuré que l'Empire romain tardif, puisque derrière lui il a cinq siècles d'existence, de perfectionnement et d'expérience de gouvernement du monde. L'origine même de ce pouvoir est très différent.
Pour le reste je pense que je suis Dumézil.
Sur la question de la "chute" notamment, la fin du Ve siècle alors que les empereurs règnent encore voit déjà l'exercice réel du pouvoir politique par de grands généraux tant barbares que romains, comme Aetius ou Alaric. Odoacre n'est qu'un de ces commandant d'armée et sa prise de pouvoir lève une certaine fiction du pouvoir central, déjà très affaibli et ne disposant pas des moyens militaires de faire revenir l'ordre.