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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 06 Mai 2009 20:08 
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Jean Mabillon
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Batiste a écrit :
Effectivement... D'ailleurs, cette tendance s'est largement confirmée sous l'Empire ! Auguste, par exemple, n'a jamais remporté une seule bataille décisive. En fait, tous les empereurs julio-claudiens se sont reposés sur des seconds (Agrippa, Germanicus, Plautius, Corbulon et j'en passe !) et ont récolté tous les honneurs et le prestige à leur place, puisque le triomphe leur était réservé.
Cette réflexion est très intéressante. Le "pompéisme" aurait donc survécu à son fondateur... :wink:


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Personne ne s'est encore risqué à publier un "Pompée le Petit" ?
Ceci dit, moi je l'aime bien Pompée, c'est un petit farceur innofensif.

Cordialement


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 06 Mai 2009 21:47 
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Philippe de Commines
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Batiste, je pense que vous m'avez mal compris. Je réaffirme donc que je n'ai jamais émis le moindre doute la présence de plusieurs légions en cisalpine dès l'automne 50.

Comme je vous l'ai indiqué par ailleurs, si cette attitude était effectivement menaçante, elle me paraît tout à fait classique et banale dans une société qui était tout sauf une démocratie libérale régissant une société d'abondance comme nous en connaissons aujourd'hui. Il n'y a dans ce comportement rien d'exceptionnel eu égard aux standards de son époque. Il suffit de voir quelle a pu être l'attitude de Pompée à la fin de la 1ère guerre civile, ou de Pompée et Crassus en 71 qui se sont fait élire consuls alors que leurs armées campaient aux portes de Rome.

Une possibilité n'est pas nécessairement une certitude ni même une décision prise : le plus souvent il s'agit d'une option parmi d'autres, jusqu'à ce que l'évolution des événements amène un acteur de l'histoire à choisir telle ou telle décision.

Que la flotte romaine ait été en Italie ait une chose. Les légions groupées en Italie par Pompée lui donnaient d'assez bonnes chances de tenir Rome face à des troupes césariennes nettement inférieures.
Si César mettait ses 11 légions en Italie, la voie terrestre côtière se libérait automatiquement pour les légions d'Espagne, sans compter que le contrôle des nouvelles provinces gauloises risquait d'être perdu.

J'ajoute que la côte méditerranéenne des Gaules était tout sauf contrôlée nettement par César. Il suffit de se référer à Marseille, qui penchait pour Pompée et où Domitius Ahenobarbus a bien pu se rendre pour organiser la résistance à César. Bref, tout au plus aurait-il fallu quelque temps à la flotte pour faire l'aller-retour entre l'Italie et l'Espagne. Malgré sa celeritas, César ne pouvait pas bouger toute son armée en un claquement de doigts.

Sauf à ce que je vous comprenne mal, les probabilités de victoire penchaient sur le papier nettement en faveur de Pompée. Il a fallu beaucoup de talent, de hasards et de chance de sa part, beaucoup d'erreurs, de dysfonctionnements et de malchance chez ses adversaires pour que contre toute attente, César finisse par s'imposer, et ce au prix d'une véritable conquête de la quasi-totalité de l'empire romain.

J'insiste tout particulièrement sur l'importance fondamentale du facteur chaos, compte tenu de la faiblesse des moyens de communication de l'époque. La faiblesse de César est devenue sa force parce que, contraint de prendre l'initiative pour avoir une chance de s'en sortir vainqueur contre un adversaire supérieur, il a pu surprendre l'adversaire, imposer la plupart du temps le temps et le lieu de l'affrontement.

La 1ère et la plus essentielle des surprises, cela a été celle de l'anticipation du calendrier : César déclenche les opérations militaires hors saison habituelle, dès janvier 49, alors que et précisément parce qu'il savait que le temps travaillerait contre lui et laisserait à ses adversaires le temps de concentrer leurs ressources nettement supérieures. C'est aussi pour cela qu'il se lance avec une seule légion le 13 janvier en italie (étant entendu que l'Italie d'alors s'arrête au Rybicon et exclut la Gaule cisalpine).

Jusqu'à Pharsale, la balance penche du côté de Pompée.

Si César précipite les choses parce qu'il a échoué dans ses manoeuvres politiques et non pas parce qu'il avait déjà prévu depuis longtemps que le conflit serait inéluctable. César était tout sauf infaillible et n'avait pas la prescience de l'avenir : en 50/49, il a échoué politiquement à faire accepter une solution politique convenable aux nobiles les plus influents du moment. Ces derniers veulent à tout prix lui "faire la peau", et cela, comme n'a pas manqué de le souligner un Christian Meier, témoigne d'une singularité de César qui n'arrivait plus à se faire accepter d'une partie ses pairs.

La force de César, c'est de préparer à l'avance des options alternatives pour se donner un maximum de chances de retomber sur ses pieds en cas d'échec. Et ses échecs furent relativement nombreux et parfois gravissimes.

Il échoue politiquement à la fin des années 50 en ne parvenant pas à maintenir l'alliance avec Pompée sur laquelle il avait fondé tout son succès depuis une décennie et qui était son meilleur facteur de sécurité politique sur la scène politique romaine.

Il échoue politiquement en janvier 50 quand le Sénat endosse (de mauvaise grâce certes) l'ultimatum concocté par les consuls et la faction optimate dominante alliée à Pompée.

Il échoue militairement en mars 49 quand il ne parvient pas empêcher Pompée de traverser l'Adriatique. Il me paraît évident que ce génie politique qui n'en était pas moins un homme avait tout misé sur un conflit bref et limité : faire perdre la face à ses ennemis et organiser un rabibochage de façade avec un Pompée diminué qui se serait retrouvé "otage" de César sur la scène politique romaine.
Quand son siège échoue, il n'a pu que se dire que les choses allaient considérablement se corser. Non pas qu'il n'ait pas prévu cette éventualité. Mais ne doutons pas que son souhait le plus profond et sa conception de son intérêt était alors d'en finir au plus vite et aux moindres frais.

Il a encore échoué militairement via son légat Curion en Afrique, son légat Gabinius en Illyrie.

Le siège de Dyrrachium tourne à la catastrophe qui aurait dû lui être fatale. Pompée eut-il fait alors preuve de jugeotte que César aurait fini assassiné par des soldats de son armée comme Cinna en 84.


S'agissant des sources, je serais tenté de ne pas toutes les mettre sur le même plan, notamment celles écrites 150 ans ou 200 ans après les faits.


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 06 Mai 2009 23:37 
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J'avais compris le sens de votre message, mais je souhaitais faire un petit retour sur la façon dont la question a été perçue par les historiens.

Caesar Scipio a écrit :
Que la flotte romaine ait été en Italie ait une chose. Les légions groupées en Italie par Pompée lui donnaient d'assez bonnes chances de tenir Rome face à des troupes césariennes nettement inférieures.
Les troupes de César n'étaient pas nettement inférieures, sinon Pompée serait resté en Italie pour les affronter. S'il est parti c'est parce qu'il savait pertinemment qu'il n'avait aucune chance de tenir, car pratiquement toutes les légions de son adversaires (bien plus expérimentées que les siennes) se trouvaient à proximité de l'Italie.

Caesar Scipio a écrit :
Si César mettait ses 11 légions en Italie, la voie terrestre côtière se libérait automatiquement pour les légions d'Espagne, sans compter que le contrôle des nouvelles provinces gauloises risquait d'être perdu.
César aurait d'abord écrasé facilement l'armée de Pompée en Italie, puis il se serait retrouvé en supériorité numérique face aux légions d'Espagne, arrivées trop tard. Je tiens tout de même à rappeler qu'aucune légion n'a été envoyée dans les nouvelles provinces gauloises pendant la guerre civile... Deux ont été stationnées à Marseille, c'est tout. Le moins qu'on puisse dire, c'est que César n'avait pas l'air de se soucier beaucoup de la situation en Gaule chevelue !

Caesar Scipio a écrit :
J'ajoute que la côte méditerranéenne des Gaules était tout sauf contrôlée nettement par César. Il suffit de se référer à Marseille, qui penchait pour Pompée et où Domitius Ahenobarbus a bien pu se rendre pour organiser la résistance à César. Bref, tout au plus aurait-il fallu quelque temps à la flotte pour faire l'aller-retour entre l'Italie et l'Espagne.
Marseille ne s'est déclarée l'alliée de ses adversaires qu'après la conquête de l'Italie. De plus, le transport par cabotage nécessitait de nombreuses étapes. La présence des troupes de César interdisait aussi bien l'aller que le retour et ce n'est pas une ville comme Marseille qui aurait pu changer la donne.

Caesar Scipio a écrit :
Malgré sa celeritas, César ne pouvait pas bouger toute son armée en un claquement de doigts.
A votre avis, combien faut-il de temps à des messagers à cheval pour rejoindre Narbonne depuis le nord de l'Italie ? Sans doute beaucoup moins que pour aller de Rome jusqu'en Espagne, d'autant plus que ce territoire était contrôlé par l'ennemi. Si votre remarque porte sur l'éventuel rassemblement de toutes les légions de César en Italie, je pense que ça ne lui aurait pas vraiment posé de problème. Au pire, il lui était possible de retarder l'affrontement en attendant les renforts. Il ne faut pas oublier que trois légions se trouvaient en Gaule, à un endroit que nous ne connaissons pas mais sans doute plus proche de l'Italie que ne l'était Narbonne.

Caesar Scipio a écrit :
Sauf à ce que je vous comprenne mal, les probabilités de victoire penchaient sur le papier nettement en faveur de Pompée.
Je pense au contraire que Pompée n'avait aucune chance. Sur le papier il en avait peut-être une, mais seulement à condition de ne pas tenir compte des contraintes géographiques. J'insiste également sur la différence de qualité des troupes : une recrue enrôlée de force, mal préparée et sans aucune expérience du combat ne fait pas le poids face à un vétéran qui s'est battu pendant sept ans en Gaule. Les diverses batailles remportées par César (en Gaule par exemple) montrent qu'une armée composée de légions de vétérans aux effectifs déficitaires pouvait tenir tête sans problème à des ennemis bien plus nombreux et sans doute beaucoup plus féroces que les recrues de Pompée.

Caesar Scipio a écrit :
Jusqu'à Pharsale, la balance penche du côté de Pompée.
Mon avis c'est plutôt que presque tout a réussi à César jusqu'à ce qu'il passe l'Adriatique, à l'exception de l'expédition manquée de Curion en Afrique, qui lui a coûté deux légions. La balance ne penche pas du côté de Pompée lorsqu'il subit la honte d'abandonner Rome et elle penche dangereusement du côté de César après la dissolution de l'armée pompéienne d'Espagne. C'est lorsque le théâtre des opérations se déplace vers l'Orient que Pompée prend temporairement le dessus, parce qu'il a eu le temps de reconstituer des légions à partir des vétérans établis dans les provinces et de rassembler des troupes nombreuses.


Encore une fois, je n'ai pas dit que César voulait à tout prix la guerre. J'ai simplement dit que ses propositions de négociations étaient vouées à l'échec dès le départ et qu'il devait en être un minimum conscient. Dans tous les cas, on ne lui a pas donné le choix et il a été poussé à l'affrontement. Il aurait fallu être suicidaire pour ne pas agir comme il l'a fait.

Caesar Scipio a écrit :
Il échoue militairement en mars 49 quand il ne parvient pas empêcher Pompée de traverser l'Adriatique.
Honnêtement, c'est la toute première fois que je vois la fuite lamentable de Pompée présentée comme un échec militaire de la part de César ! Certes, il aurait aimé le capturer pour l'utiliser comme marionnette (espoir qu'il a encore après Pharsale) et pour l'empêcher de reformer une armée. Certes, il n'a pas réussi à l'empêcher d'embarquer. Mais de là à parler d'échec, pour un général qui vient de se rendre maître de l'Italie et de six des légions de son adversaire, cela me paraît un peu fort...



Caesar Scipio a écrit :
S'agissant des sources, je serais tenté de ne pas toutes les mettre sur le même plan, notamment celles écrites 150 ans ou 200 ans après les faits.
Bien sûr, c'est une évidence ! Par contre je ne vois pas trop à quoi vous faites allusion...


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 7:28 
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Philippe de Commines
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Batiste a écrit :
Les troupes de César n'étaient pas nettement inférieures, sinon Pompée serait resté en Italie pour les affronter. S'il est parti c'est parce qu'il savait pertinemment qu'il n'avait aucune chance de tenir, car pratiquement toutes les légions de son adversaires (bien plus expérimentées que les siennes) se trouvaient à proximité de l'Italie....


C'est là un point de désaccord entre nous. Vous me semblez faire une analyse fondée sur le postulat que les 2 acteurs connaissaient parfaitement le rapport de forces, les intentions adverses, et que chacun jouerait forcément le coup parfait. Ce faisant vous excluez les facteurs méconnaissance, inconnues, erreurs et chaos (lequel chaos fait que même un ordre parfaitement conçu n'est pas correctement exécuté) qui ont joué un rôlé absolument déterminant.

Il n'est pas nécessaire de mettre tout le paquet l'emporter dans la mesure où un adversaire mal informé et qui panique peut croire par erreur que l'ennemi met tout le paquet et offrir ainsi une victoire facile qui était au départ tout sauf certaine.


Batiste a écrit :
César aurait d'abord écrasé facilement l'armée de Pompée en Italie, puis il se serait retrouvé en supériorité numérique face aux légions d'Espagne, arrivées trop tard.


Vous partez encore sur une hypothèse bien improbable.

D'une part César n'est pas immédiatement rentré avec toutes ses forces en Italie. Les ralliements des cohortes placées en garnison dans les villes du nord de Rome (Corfinium notamment) qui, se ralliant (en partie seulement) les unes après les autres à César, ont contribué à renforcer ses effectifs en Italie (elles ont ensuite en large partie été confiées à Curion pour sa campagne d'Afrique). Les renforts de légions supplémentaires sont bien arrivés, mais dans un 2ème temps.

Raisonnons a contrario : si César ne l'a pas fait en réalité, pourquoi l'aurait-il fait ?

D'autre part, jamais César ne s'est battu en position de supériorité numérique pour une bonne raison. Il lui fallait bien laisser des troupes pour s'assurer la maîtrise de territoires conquis qui était tout sauf acquise et surtout pour prévenir un retour offensif de ses adversaires. Si toutes les troupes césariennes étaient parties en Espagne, la voie aurait été libre pour l'insurrection de Milon et de Caelius Rufus.

En 49, César a bien été en position de supériorité qualitative, mais pas de supériorité numérique face aux légions d'Espagne.

Batiste a écrit :
Deux ont été stationnées à Marseille, c'est tout. Le moins qu'on puisse dire, c'est que César n'avait pas l'air de se soucier beaucoup de la situation en Gaule chevelue !


Oui, mais je donne à ce fait une signification tout autre que vous. Ce n'est selon moi pas parce que César n'avait pas l'air de se soucier beaucoup de la situation en Gaule chevelue qu'il y a laissé 2 légions. C'est au contraire parce que la situation a évolué d'une manière telle qu'il n'avait pas le choix et qu'il lui fallait déployer le plus de forces possible sur les théâtres d'opérations de la guerre civile. En pesant les risques et les nécessités, il a lui a fallu faire le pari (réussi) que sa pacification des Gaules tiendrait le coup.

Batiste a écrit :
Marseille ne s'est déclarée l'alliée de ses adversaires qu'après la conquête de l'Italie. De plus, le transport par cabotage nécessitait de nombreuses étapes. La présence des troupes de César interdisait aussi bien l'aller que le retour et ce n'est pas une ville comme Marseille qui aurait pu changer la donne.


Marseille a effectivement attendu que César ait conquis l'Italie pour se rallier à Domitius et à Pompée. A fortiori avant même que César ait conquis l'Italie, a fortiori il me paraît assez évident que les sympathies de Marseille n'étaient pas différentes avant la conquête de l'Italie par César.

Tenir toute la côte me paraît bien hasardeux. Pompée n'a pas empêché César de débarquer en Epire et les légions d'Espagne avaient aussi le choix de la voie terrestre.

Batiste a écrit :
J'insiste également sur la différence de qualité des troupes : une recrue enrôlée de force, mal préparée et sans aucune expérience du combat ne fait pas le poids face à un vétéran qui s'est battu pendant sept ans en Gaule. Les diverses batailles remportées par César (en Gaule par exemple) montrent qu'une armée composée de légions de vétérans aux effectifs déficitaires pouvait tenir tête sans problème à des ennemis bien plus nombreux et sans doute beaucoup plus féroces que les recrues de Pompée.

Je suis totalement d'accord avec vous sur ce point. Plus que ses qualités de stratège et son exceptionnelle capacité à s'adapter et à créer la surprise, le meilleur atout de César était son armée de vétérans. Ce n'était pas une garantie absolue de victoires, très loin de là : Dyrrachium en est la preuve la plus forte (il y en a d'autres).

Batiste a écrit :
La balance ne penche pas du côté de Pompée lorsqu'il subit la honte d'abandonner Rome ...


Là nous sommes en désaccord, confèrent mes développements plus hauts. Lui Pompée l'a cru. D'autres non, ce qui a pu expliquer la honte et le flots de critiques dont il a fait l'objet pour ce choix stratégique.

Batiste a écrit :
... et elle penche dangereusement du côté de César après la dissolution de l'armée pompéienne d'Espagne. C'est lorsque le théâtre des opérations se déplace vers l'Orient que Pompée prend temporairement le dessus, parce qu'il a eu le temps de reconstituer des légions à partir des vétérans établis dans les provinces et de rassembler des troupes nombreuses....


D'accord avec vous sur ce point dans une certaine mesure : le monde romain est coupé en deux et Pompée a une supériorité maritime absolue. César n'a les moyens de transporter dans les Balkans qu'une armée en position d'infériorité numérique qui doit faire face à d'énormes problèmes d'approvisionnement après avoir eu les plus grandes peines à réussir la jonction entre Antoine et César.


Batiste a écrit :
... ses propositions de négociations étaient vouées à l'échec dès le départ et qu'il devait en être un minimum conscient.


C'est un point de désaccord entre nous. Ses propositions de négociations avant le déclenchement des hostilités militaires étaient très modérées. Elles ne visaient pas à lui assurer la position dominante sur la scène politique mais juste à lui permettre de revenir dans le jeu politique à des conditions raisonnables mais pas acceptables. Il ne demandait pas un traitement foncièrement différent de celui fait à Pompée et Crassus en 71/70.

Même s'il a bien évidemment dû envisager toutes les options y compris celle d'un échec complet nécessitant le recours à la force armée (d'accord sur le fait qu'il ne s'y est pas préparé que pour le bluff mais bien pour pouvoir y recourir en dernière extrémité), il n'a vraisemblablement pas cru que ses ennemis prendraient une décision irrationnelle par jusqu'au-boutisme. Jusqu'aux derniers jours, il a essayé d'isoler la faction qui n'avait tout compte fait réuni que 22 sénateurs (certes les nobiles les plus prestigieux et les plus puissants du moment) lors du vote organisé par Curion au Sénat.

Il savait qu'en déclenchant les hostilités, c'est à lui qu'on adresserait le reproche terrible de s'être mis hors la loi et d'avoir déclenché une guerre civile. Malgré sa propagande et les torts de ses ennemis, il n'a jamais réussi à leur faire porter le chapeau car c'est bien lui qui a franchi le Rubicon en armes.

Batiste a écrit :
Honnêtement, c'est la toute première fois que je vois la fuite lamentable de Pompée présentée comme un échec militaire de la part de César ! Certes, il aurait aimé le capturer pour l'utiliser comme marionnette (espoir qu'il a encore après Pharsale) et pour l'empêcher de reformer une armée. Certes, il n'a pas réussi à l'empêcher d'embarquer. Mais de là à parler d'échec, pour un général qui vient de se rendre maître de l'Italie et de six des légions de son adversaire, cela me paraît un peu fort...quote]

Je parle d'échec au regard de l'objectif. L'objectif rationnel de César était un conflit bref et limité. Il se serait bien passé de devoir mener un combat à l'échelle "mondiale. Même s'il sort grandement renforcé de la conquête de l'Italie.


Batiste a écrit :
Caesar Scipio a écrit :
S'agissant des sources, je serais tenté de ne pas toutes les mettre sur le même plan, notamment celles écrites 150 ans ou 200 ans après les faits.
Bien sûr, c'est une évidence ! Par contre je ne vois pas trop à quoi vous faites allusion...


Je faisais référence à Dion Cassius.


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 12:47 
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Jean Mabillon
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Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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N'étant absolument pas au niveau de scipio ni de batiste (que je félicite pour leur science) sur ces événements, je me bornerais aux 2 points suivants.

1 une observation : je crois que scipio a raison de rappeler l'ambiance chaotique et le flou des infos dont on peut supposer raisonnablement qu'elle empêchait les deux partis de jouer "le coup parfait".. j'ajouterais au vu de ma propre expérience (civile et militaire du XX/XXIè siècle) : le stress est souvent un élément que sous-estiment les historiens - mais souvent le décideur doit trancher au vu d'éléments partiels, imprécis, changeants qui lui sont apportés par des interlocuteurs plus ou moins habiles et motivés ..

imaginez un conseil de guerre (ceci est vrai à toute époque) où la thèse pertinente est défendue par un idiot (ou un ivrogne ou lâche ou un jeunôt, bref quelqu'un de peu crédible) et la thèse absurde par un homme brillant mais qui s'est trompé ... Le chef n'aura-t-il pas tendance à écouter le second plutôt que le premier ?

2 une question : pourquoi pendant les guerres civiles aucun peuple soumis ne s'est révolté contre Rome : ni la gaule chevelue, ni l'Espagne, ni l'orient grec, ni la syrie n'ont bougé ... pourquoi ?


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 13:26 
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Caesar Scipio a écrit :
Vous me semblez faire une analyse fondée sur le postulat que les 2 acteurs connaissaient parfaitement le rapport de forces, les intentions adverses, et que chacun jouerait forcément le coup parfait. Ce faisant vous excluez les facteurs méconnaissance, inconnues, erreurs et chaos (lequel chaos fait que même un ordre parfaitement conçu n'est pas correctement exécuté) qui ont joué un rôlé absolument déterminant.
Le comportement de César et sa répartition des légions montre qu'il savait pertinemment que son adversaire était en position de faiblesse en Italie. Il devait être plutôt bien renseigné sur le rapport de force : il ne faut pas oublier que des hommes à lui se sont rendu en Italie pour négocier et ont sans doute pu l'informer sur l'état des troupes de Pompée. Je pense notamment à Antoine et à Q. Cassius Longinus. D'autre part, Pompée devait lui aussi disposer d'informations relativement complètes sur les troupes de César puisque les quelques bribes d'informations que nous pouvons tirer des lettres échangées entre Cicéron et Atticus (loin de passer leur vie à parler des troupes des deux protagonistes) nous permettent de savoir que César avait onze légions (Cic., Att., VII, 7, 6) dont quatre se trouvaient à Plaisance depuis le milieu du mois d'octobre (Cic., Att., VI, 9, 5). D'autre part, Pompée savait forcément que la XIIIe se trouvait à Ravenne depuis le départ de la XVe. La seule inconnue qui pouvait planer c'était la localisation des six autres légions, et encore !

Caesar Scipio a écrit :
Raisonnons a contrario : si César ne l'a pas fait en réalité, pourquoi l'aurait-il fait ?
Parce qu'il savait pertinemment que les légions de Pompée, éparpillées et mal préparées comme elles l'étaient, n'étaient pas de taille à rivaliser avec sa poignée de vétérans.

Caesar Scipio a écrit :
En 49, César a bien été en position de supériorité qualitative, mais pas de supériorité numérique face aux légions d'Espagne.
Cette infériorité numérique en Espagne est liée au fait que César a été contraint de laisser une force de dissuasion dans la pointe de l'Italie, incluant au moins trois légions de vétérans. D'autre part, il n'avait pas le temps d'attendre que les nouvelles levées réalisées en Cisalpine soient achevées. S'il avait définitivement écrasé Pompée en Italie, il aurait sûrement pris plus de troupes avec lui pour se rendre en Espagne et aurait été en supériorité numérique.

Caesar Scipio a écrit :
Batiste a écrit :
Deux ont été stationnées à Marseille, c'est tout. Le moins qu'on puisse dire, c'est que César n'avait pas l'air de se soucier beaucoup de la situation en Gaule chevelue !
Oui, mais je donne à ce fait une signification tout autre que vous. Ce n'est selon moi pas parce que César n'avait pas l'air de se soucier beaucoup de la situation en Gaule chevelue qu'il y a laissé 2 légions. C'est au contraire parce que la situation a évolué d'une manière telle qu'il n'avait pas le choix et qu'il lui fallait déployer le plus de forces possible sur les théâtres d'opérations de la guerre civile. En pesant les risques et les nécessités, il a lui a fallu faire le pari (réussi) que sa pacification des Gaules tiendrait le coup.
J'ai dit que César s'en souciait peu parce que vous avez sous-entendu qu'il ne pouvait pas se permettre de laisser les territoires nouvellement conquis vides de troupes. Eh bien si, puisqu'il l'a fait. De plus, César n'était pas en manque de légions lors de la guerre civile : l'adoption de la lex Roscia dès 49 lui permis d'enrôler massivement dans le nord de la Cisalpine et de former rapidement de nouvelles unités, dont six ont été concentrées en Espagne, en prévision d'une campagne africaine et quelques unes ont traversé l'Adriatique. La priorité de César était de se débarrasser de ses opposants, le reste pouvait bien attendre.

Caesar Scipio a écrit :
Tenir toute la côte me paraît bien hasardeux. Pompée n'a pas empêché César de débarquer en Epire et les légions d'Espagne avaient aussi le choix de la voie terrestre.
La comparaison ne tient pas car César avait simplement à traverser l'Adriatique : il lui "suffisait" de franchir la faible distance qui existe entre Brindes et l'Epire, qui est en outre une région difficile à contrôler car très montagneuse. Rien à voir avec du cabotage ! D'autre part, si les Romains se sont empressés de réduire la Narbonnaise en province, il me semble que c'est principalement pour assurer la route maritime entre l'Italie et l'Espagne. Je ne compte plus les fois où j'ai lu que la navigation entre ces deux pays n'était permise que parce que le contrôle des côtes gauloises était assuré par les Romains... Dans les conditions de l'époque, on ne pouvait parcourir la distance qui sépare l'Espagne du nord de l'Italie sans faire d'escales. Certes, les légions d'Espagne avaient aussi le choix de la voie terrestre. Mais combien de temps auraient-elle mis pour se porter au secours de Pompée ?

Caesar Scipio a écrit :
Lui Pompée l'a cru. D'autres non, ce qui a pu expliquer la honte et le flots de critiques dont il a fait l'objet pour ce choix stratégique.
Il est très facile de critiquer les décisions prises par un général vaincu. Même moi, qui n'ai pas de connaissances militaires particulières, je pourrais le faire. Aurais-je raison pour autant ? Ce n'est pas parce qu'on a beaucoup critiqué la démarche de Pompée a posteriori qu'elle était insensée pour autant. Sur le champ de bataille, la fierté ne suffit pas.

Caesar Scipio a écrit :
C'est un point de désaccord entre nous. Ses propositions de négociations avant le déclenchement des hostilités militaires étaient très modérées. Elles ne visaient pas à lui assurer la position dominante sur la scène politique mais juste à lui permettre de revenir dans le jeu politique à des conditions raisonnables mais pas acceptables. Il ne demandait pas un traitement foncièrement différent de celui fait à Pompée et Crassus en 71/70.
Sauf erreur de ma part, Crassus et Pompée étaient considérés comme des héros pour leur rôle dans la répression des révoltes serviles. La position de César était moins brillante : il avait certes conquis les Gaules, mais son bilan était tout de même plus contrasté. Il était accusé de nombreux abus. De plus, laisser César à la tête d'une province et d'une ou deux légions, c'était courir le risque qu'il puisse par la suite continuer de s'appuyer sur ses anciens soldats pour prendre le pouvoir. Lui confier à nouveau un poste officiel revenait aussi à le réhabiliter, cela l'aurait disculpé de toutes ses fautes par avance. En outre, je pense qu'il devait être conscient que ses opposants voulaient se débarrasser de lui pour de bon, quoiqu'il propose. Je ne dis pas que ses tentatives de négociations étaient bidon, mais je n'exclus pas cette éventualité.

Caesar Scipio a écrit :
Je faisais référence à Dion Cassius.
Lorsque le récit de Dion Cassius va dans le même sens que ceux de César, Cicéron et Florus, je me dis qu'il a probablement raison. D'autre part, cet auteur disposait de sources que nous n'avons plus : il ne faut certes pas le mettre sur le même plan que les autres, mais il ne faut pas non plus le négliger comme source.


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 14:17 
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Aigle a écrit :
imaginez un conseil de guerre (ceci est vrai à toute époque) où la thèse pertinente est défendue par un idiot (ou un ivrogne ou lâche ou un jeunôt, bref quelqu'un de peu crédible) et la thèse absurde par un homme brillant mais qui s'est trompé ... Le chef n'aura-t-il pas tendance à écouter le second plutôt que le premier ?
Oui mais en l'occurrence, c'est Pompée lui-même qui défendait la thèse du retrait en Orient. Je sais qu'on l'a beaucoup surestimé, mais tout de même ! Pompée le Grand, à l'époque, ce n'était pas rien... D'autre part, si tout le monde l'a suivi, c'est parce qu'il est parvenu à convaincre son auditoire de la justesse de sa démarche, pas simplement parce qu'on lui faisait une confiance aveugle. Si sa proposition avait été jugée stupide et déplacée, personne ne l'aurait suivi. En tout cas, pour revenir sur la façon dont son idée de se retirer en Orient a été perçue par la suite, je pense que ceux qui la critiquaient par fierté ont moins fait les malins après Dyrrachium ! Forcément, une fois que le vent a tourné, ils s'en sont donnés à cœur joie...

Aigle a écrit :
pourquoi pendant les guerres civiles aucun peuple soumis ne s'est révolté contre Rome : ni la gaule chevelue, ni l'Espagne, ni l'orient grec, ni la syrie n'ont bougé ... pourquoi ?
La Gaule est ressortie très affaiblie de la conquête de César, aussi bien d'un point de vue moral que militairement et financièrement. Le bilan humain avait déjà été très lourd... Se soulever, c'était prendre le risque de subir ensuite une terrible répression. Je n'ai jamais étudié la question (à supposer que les sources le permettent) mais je suppose que César a pris de solides dispositions en plaçant des hommes dévoués à sa cause à la tête des différents peuples. Il disposait également de quelques alliés... L'Espagne était romaine depuis un certain temps déjà, à l'exception de régions comme le nord-ouest (conquis seulement au début du règne d'Auguste). Les habitants des provinces romaines n'avaient pas de réel motif pour se révolter, bien qu'ils aient ensuite pris part dans le conflit en s'engageant du côté de César ou de Pompée, notamment en raison de la mauvaise gestion de la province par les Césariens. Il faut garder à l'esprit que César a envoyé huit légions en Espagne en 49. Une neuvième a été levée en 48. Ensuite, je ne suis pas d'accord avec les historiens, qui pensent majoritairement que toutes ces légions (au départ destinées à franchir le détroit de Gibraltar) sont restées sur place. D'après moi, au moins quatre d'entre elles ont été envoyées en Sicile en prévision de la guerre d'Afrique, suite aux deux avortements de l'expédition africaine qui aurait dû être déclenchée en 48, car l'Espagne n'avait pas besoin d'une garnison aussi importante... Ce transfert de troupes permet à mes yeux de comprendre la facilité avec laquelle Cnéus Pompée s'est emparé de la province par la suite. Dans tous les cas, le nombre des légions se trouvant sur place constituait un bon argument pour ne pas se risquer à une révolte. L'Orient a beaucoup contribué à l'effort de guerre des Pompéiens, militairement et financièrement (je pense notamment à Déiotarus, roi de Galatie, aux cités grecques, etc). Lui aussi était sous influence romaine depuis un certain temps... Il ne faut pas oublier que César à tout de même dû faire face à quelques résistances, ne serait-ce qu'en Egypte ou dans le Pont, avec Pharnace. D'autre part, l'Afrique a également pris part dans le conflit avec le roi Bogus/Bogud (Maurétanie) du côté de César et Juba (Numidie) du côté des Pompéiens. Je ne crois pas me tromper en affirmant que les habitants de tous ces pays n'avaient pas de raisons particulières de se révolter, d'où le fait qu'ils n'aient pas profité de la guerre civile pour le faire, mais je m'engage ici dans un terrain que je ne maîtrise pas tellement. En fait, je pense que seule la Gaule aurait pu menacer de se soulever, car il s'agissait d'une province conquise très récemment... Paradoxalement, c'est peut-être aussi ce qui l'a dissuadée de le faire. J'avoue ne pas trop connaître le cas de la Syrie.


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 14:28 
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César devait en effet être assez bien informé. Pour ses adversaires, c'est beaucoup moins vrai, persuadés qu'ils étaient (intoxiqués par leur propre propagande ou prenant leurs voeux pour des réalités) que l'armée de César était découragée et prête à abandonner son général (cf. la mission du jeune Appius Claudius Pulcher en 50).

L'organisation de César qui répartit, comme vous l'expliquez plus haut, ses armées en 3 groupes sensiblement égaux dans un 1er temps montré plutôt qu'il se préparait à faire face de tous les côtés, ne pouvant savoir de quel côté ses adversaires agiraient.

Il faut prendre en compte non seulement les facteurs militaires mais aussi le jeu politique à Rome pour avoir une idée globale du déroulement des événements. Rien n'était certain, si ce n'est la haine inextinguible de Caton, Domitius Ahenobarbus et quelques autres envers César.

L'événement qui rétrospectivement a tout fait basculer n'était guère prévisible : quand Curion réussit à ce que 370 sénateurs contre 22 se prononcent en faveur de la fin simultanée de l'imperium de César et de celui de Pompée, le consul Claudius Marcellus refuse d'obtempérer, se déclare non lié par l'avis du Sénat, et confie à Pompée des troupes et un commandement pour protéger non pas une république menacée mais une faction de 22 sénateurs qui refuse d'obtempérer.

Les compromis proposés par César auraient laissé le jeu très ouvert, dans la mesure où s'il était bien sûr devenu le patron le plus influent des Gaules et de la Gaule cisalpine, il n'était pas le seul. Domitius Ahenobarbus, Pompée, voire les Valerii Flacci étaient très influents dans la province de Transalpine (cf. la réaction de Marseille). Pompée était également influent en Gaule cisalpine, même s'il y avait été largement dépassé par les 10 ans d'imperium de César.

Je reviens sur votre référence à la lex Roscia de 49. Selon moi, le vote de cette loi n'a en rien donné à César la capacité de recruter massivement des troupes pour les habitants vivant au nord du Po vu que César avait commencé dès 58 à traiter les transpadans (en majorité de droit latin seulement) comme des citoyens romains de plein droit et avait déjà commencé avant 49 à recruter de nombreux légionnaires transapadans qui n'étaient que de droit latin.

Je vous confirme que je ne conteste nullement la présence de plusieurs légions en cisalpine dès la fin 50.

César savait en effet que les troupes de Pompée étaient éparpillées en janvier 50. On en revient donc à nos 1ers échanges. Pompée avait les moyens de mieux résister s'il avait concentré toutes les troupes disponibles, même peu expérimentées, à proximité de Rome par exemple.


Je vois que nous convenons bien que César n'a jamais été en mesure d'être en supériorité numérique, notamment parce qu'il lui a fallu se couvrir contre un retour offensif de ses adversaires, en Italie ou ailleurs. Mais je ne partage pas votre avis quand vous indiquez que s'il avait définitivement écrasé Pompée en Italie, César serait parti en Espagne avec des troupes plus nombreuses.

Si César avait définitivement écrasé Pompée en Italie dès le mois de mars 49, la guerre civile aurait été terminée. César serait rentré à Rome et aurait trouvé un accord politique avec les modérés sur le dos de ses ennemis optimates qui auraient été les grands perdants de leur lutte à mort avec le proconsul des Gaules.

César était déjà allié avec les Aemilii Lepidi, avec le dernier des Fabii Maximi, avec les Servilii, avec les exilés. J'émets une hypothèse assez simplifiée mais on aurait alors pu avoir les éléments suivants :
- le grand retour de Cicéron symbole de concorde et de modération, un rôle important pour Pison beau-père de César (toujours modéré pendant la crise) ainsi que pour Marcius Philippus (remarié avec Atia la nièce de César).
- un revirement de Caius Claudius Marcellus le consul de 50 si belliqueux envers César mais qui avait eu le bon goût de rester neutre une fois la guerre commencée et qui devait se souvenir que son épouse Octavie était la petite-nièce de César.
- la montée du jeune Brutus, également symbole de lien avec les anciens ennemis de César (neveu de Caton),
- Pompée en icône d'une amitié prétendument rétablie avec son ancien beau-père et en réalité rendu totalement impuissant, cantonné dans ses villas,
- un nouveau revirement des toujours opportunistes Claudii Pulchri dont le rejeton suscité se serait souvenu qu'il avait été légat de César en Gaule, ...etc.

Au plan politique, la Lex Roscia aurait effectivement été votée, les fils des proscrits de Sylla auraient été rétablis dans leurs droits civiques.

Très vraisemblablement, César après 1 à 2 ans pour que la situation revienne à peu près à la normale à Rome se serait fait confier un imperium extraordinaire pour mener la grande campagne contre les parthes.

Ce n'est que là que pure spéculation de ma part, donc je reviens à nos échanges d'arguments.


Je ne dis pas que le choix stratégique de Pompée de finalement évacuer l'Italie était insensé. Je pense juste que, même s'il a failli l'emporter (Dyrrachium), ce n'était pas le meilleur choix.


Quand vous indiquez que le bilan de César en 50 était plus contrasté que celui de Pompée et Crassus en 71/70, je suis d'un avis absolument contraire.
Pompée revenait en 71 vainqueur d'une guerre civile contre les marianistes qui avaient pris le contrôle de l'Espagne et était jalousé par tous les nobles qui avaient suivi, eux, un cursus normal. Crassus avait certes gagné la guerre servile, mais il n'y avait pas grand prestige à vaincre des esclaves révolté (il n'a donc eu droit qu'à une ovation plutôt qu'à un triomphe).

Si l'étoile de César a effectivement pâli avec la grande révolte gauloise, en revanche son prestige est à nouveau au zénith après Alésia. Il reçoit rien moins que 20 jours de supplications. L'ampleur de ses réalisations et de ses conquêtes (les terribles hommes du nord qui avaient effrayé Rome depuis des siècles, et notamment lors de l'attaque des cimbres et des teutons) était du même ordre de grandeur et du même niveau de prestige que les réalisations de Pompée.
César était un popularis très "populaire" (il avait déversé tout l'or des Gaules en Italie) qui était certain de gagner une élection. Il avait derrière lui des soutiens et des moyens considérables (ses vétérans, ses clientèles gauloises). C'est bien parce que son prestige était énorme, parce qu'il y avait désormais deux principes au sein de la république romaine, que ses ennemis ont refusé le moindre accord avec lui. Vu ce qu'avait su faire César lors de son 1er consulat de 59, ils craignaient d'être impuissants face au triomphateur des Gaules.


Une de nos divergences tient au fait que vous me semblez totalement oblitérer les 7 légions d'Espagne. Vos analyses sont tout à fait précises mais vous faites comme si les légions d'Espagne, expérimentées commandées par des hommes très expérimentés (en particulier Petreius) n'auraient en tout état de cause rien fait et seraient restées figées sur place.

Enfin, s'agissant de la campagne d'Espagne de 49, il me semble plutôt que César n'y est allé qu'avec 6 légions (les 7 ème, 9 ème et 11ème qui étaient stationnées près de Narbonne et les 6ème, 10ème et 14ème qui les ont rejointes).


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 15:15 
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Caesar Scipio a écrit :
César devait en effet être assez bien informé. Pour ses adversaires, c'est beaucoup moins vrai, persuadés qu'ils étaient (intoxiqués par leur propre propagande ou prenant leurs voeux pour des réalités) que l'armée de César était découragée et prête à abandonner son général (cf. la mission du jeune Appius Claudius Pulcher en 50).
On se faisait effectivement des idées sur le moral de ses troupes, ce qui aurait pu constituer un argument déterminant dans le choix de protéger à tout prix l'Italie. Je pense que cet argument n'a pas au grande influence sur Pompée, qui est resté beaucoup plus réaliste en se fiant surtout à leur valeur et à leur nombre.

Caesar Scipio a écrit :
Je reviens sur votre référence à la lex Roscia de 49. Selon moi, le vote de cette loi n'a en rien donné à César la capacité de recruter massivement des troupes pour les habitants vivant au nord du Po vu que César avait commencé dès 58 à traiter les transpadans (en majorité de droit latin seulement) comme des citoyens romains de plein droit et avait déjà commencé avant 49 à recruter de nombreux légionnaires transapadans qui n'étaient que de droit latin.
Je pense que cette affirmation est totalement fausse, bien qu'on la trouve chez de nombreux historiens, notamment chez Christian Goudineau. Cette idée que César n'avait aucun scrupule à enrôler des Transpadans dans ses légions repose sur la seule conviction (erronée à mon avis) que l'une de ses légions était composée de Transalpins : la fameuse "légion des Alouettes", qu'aucune source ne présente comme une légion. Je ne vais pas entrer dans les détails, car je me vois mal résumer le contenu de mon mémoire en dix lignes. D'ailleurs, j'ai déjà eu l'occasion d'en parler un peu sur ce forum. Je note simplement que Tite-Live et Florus attestent la présence de soldats opitergins dans l'armée de César au début de la guerre civile. D'après l'épitome de Tite-Live, ces derniers « habitaient au-delà du Pô et étaient les auxiliaires de César ». Devant l'absence complète de preuves attestant que César a enrôlé des Transalpins et des Transpadans dans ses légions et la certitude qu'il a utilisé au moins un peuple transpadan dans ses troupes auxiliaires, j'incite à la prudence face à ce que vous présentez comme une certitude et qui n'est en réalité qu'une simple hypothèse, relativement difficile à justifier au regard des sources. Ceci dit, je pense que vous avez certainement trouvé cette affirmation dans un très bon ouvrage (César et la Gaule ?) dont l'auteur, excellent par ailleurs, s'est hasardé à la présenté comme une certitude. Je comprends donc que vous ayez repris cette affirmation. Pour moi, César s'est conformé aux usages et n'a pas outrepassé ses droits. Au contraire, s'il a fait adopter la lex Roscia, c'est précisément pour être en mesure de recruter ses légionnaires au nord du Pô et d'augmenter rapidement ses capacités militaires.

Caesar Scipio a écrit :
César savait en effet que les troupes de Pompée étaient éparpillées en janvier 50. On en revient donc à nos 1ers échanges. Pompée avait les moyens de mieux résister s'il avait concentré toutes les troupes disponibles, même peu expérimentées, à proximité de Rome par exemple.
D'après vous, pourquoi ne l'a-t'il pas fait ?

Caesar Scipio a écrit :
(...) je ne partage pas votre avis quand vous indiquez que s'il avait définitivement écrasé Pompée en Italie, César serait parti en Espagne avec des troupes plus nombreuses. Si César avait définitivement écrasé Pompée en Italie dès le mois de mars 49, la guerre civile aurait été terminée.
Je suis d'accord avec vous, mais en fait je me suis mal exprimé. J'envisageais l'anéantissement complet des troupes de Pompée, mais pas sa mort ou sa capture. Ce que je voulais dire c'est que si Pompée avait gagné l'Orient sans ses cinq légions, suite à une défaite militaire, il n'aurait représenté aucune menace directe pour l'Italie et César aurait pu se contenter d'y laisser peu de troupes. Mais je pense que nous sommes à peu près d'accord là dessus.

Caesar Scipio a écrit :
Je ne dis pas que le choix stratégique de Pompée de finalement évacuer l'Italie était insensé. Je pense juste que, même s'il a failli l'emporter (Dyrrachium), ce n'était pas le meilleur choix.
Oui, c'est essentiellement sur ce point que nos analyses divergent.

Caesar Scipio a écrit :
Crassus avait certes gagné la guerre servile, mais il n'y avait pas grand prestige à vaincre des esclaves révolté.
Oui, mais combien de généraux ont échoué avant lui ? Ses ennemis étaient peut-être de simples esclaves, mais il pouvait à juste titre se présenter comme le sauveur de Rome.

Caesar Scipio a écrit :
Une de nos divergences tient au fait que vous me semblez totalement oblitérer les 7 légions d'Espagne. Vos analyses sont tout à fait précises mais vous faites comme si les légions d'Espagne, expérimentées commandées par des hommes très expérimentés (en particulier Petreius) n'auraient en tout état de cause rien fait et seraient restées figées sur place.
Le fait est qu'elles sont restées figées sur place et qu'elles n'ont tiré aucune leçon de ce qui s'est passé en Italie, puisque ces sept légions (pour une raison qui m'échappe) ont été divisées en deux armées pour affronter César : seulement cinq légions lui ont été opposées, tandis que les deux autres sont restées en Ultérieure. Si je ne tiens pas compte de ces légions dans le rapport de force du début de l'année 49, c'est parce que je suis intimement convaincu que Pompée et ses légions d'Italie n'étaient pas en position de tenir assez longtemps pour que celles d'Espagne arrivent à temps pour la bataille. Si le contraire avait été envisageable, je ne parviens pas du tout à m'expliquer le comportement de Pompée.

Caesar Scipio a écrit :
PS : De mémoire, ne sont-ce pas plutôt 4 légions que César laisse en Espagne après sa campagne victorieuse de 49 ?
César a confié quatre légions (dont deux venaient de déserter l'armée de Pompée) à Q. Cassius Longinus avec le gouvernement de l'Ultérieure. Lorsque ce dernier a été victime du soulèvement de ses troupes, cela a nécessité l'intervention de Lépide, gouverneur de la Citérieure, avec trente-cinq cohortes légionnaires. Les historiens en déduisent généralement que César avait placé quatre légions dans chacune des deux provinces, Lépide ayant laissé cinq cohortes en retrait lors de son intervention.


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 15:27 
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Désolé, je n'avais pas vu que vous aviez modifié la fin de votre message !

Caesar Scipio a écrit :
Enfin, s'agissant de la campagne d'Espagne de 49, il me semble plutôt que César n'y est allé qu'avec 6 légions (les 7 ème, 9 ème et 11ème qui étaient stationnées près de Narbonne et les 6ème, 10ème et 14ème qui les ont rejointes).
Exact, ce sont ces légions de vétérans qui ont été utilisées en Espagne, tandis que celles qui sont restées dans le sud de l'Italie comprenaient les VIIIe, XIIe et XIIIe. Certains affirment que ces dernières ont été envoyées devant Marseille, mais je n'y crois pas trop : cela signifie que César aurait confié la protection de l'Italie à des troupes peu fiables, alors qu'un retour de Pompée en Italie aurait été catastrophique pour lui. Je pense donc que les légions envoyées à Marseille étaient composées de recrues. Les légions de vétérans qui ont participé à la campagne espagnole de 49 ont ensuite regagné l'Italie : toutes les anciennes légions de l'armée des Gaules sont passées en Epire pour affronter Pompée, accompagnée d'une ou deux légions de recrues. Les troupes stationnées en Espagne à partir de 49 sont toutes des légions qui ont été levées en Cisalpine juste après la conquête de l'Italie, à l'exception des deux unités d'Ultérieure provenant de l'armée pompéeienne, ainsi que de la Ve légion levée par Q. Cassius en 48, sans doute formée à partir des milliers de vétérans des légions d'Afranius et Petreius qui ont été démobilisés sur place à Ilerda. Il ne fait pour moi aucune doute que cette dernière est la veterana legio quinta du Bellum Africum, d'où mon idée que des légions ont été transférées d'Espagne en Sicile en 47. Parmi les légions de la guerre d'Afrique, on trouve également la XXXe, qui se trouvait au préalable sous les ordres de Q. Cassius en Espagne, de même que la Ve. Si vous consultez la traduction des Belles Lettres et de nombreux ouvrages d'historiens, vous pourrez remarquer que le nombre XXX est fréquemment remplacé par celui de XXV, alors qu'aucun élément sérieux ne permet de procéder à cette modification du texte des manuscrits. Cela fait partie des quelques mises au point effectuées dans mon mémoire pour refuser l'idée qu'il a existé une Ve légion composée de Transalpins dans l'armée de César. Pour vérifier la pertinence de mes hypothèses, il m'a fallu retourner toutes les sources concernant les légions dans tous les sens, d'où le fait que je sois particulièrement pointilleux sur cette question et d'où également le fait que j'adopte parfois des positions à contre-courant, lorsqu'elles me paraissent plus proches de la réalité que certains poncifs.


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 16:02 
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Je poste juste un dernier message histoire de faire un bilan rapide par rapport à notre échange.

Je conçois très bien que l'on puisse penser que Pompée a commis une erreur, qu'il aurait dû rester en Italie, etc. Je ne partage pas cette position, mais je comprend qu'on puisse la défendre. Je ne suis clairement pas compétent pour juger la pertinence de la décision prise par Pompée, car ce n'est pas cet aspect qui m'a intéressé lors de mon analyse personnelle des sources : tout le travail que j'ai réalisé sur cette période porte sur la localisation des légions, leur identification et leurs déplacement. J'ai toujours laissé l'aspect stratégique de côté, car il ne m'intéressait pas vraiment. Par conséquent, mon avis sur la question est purement indicatif. J'espère ne pas avoir donné l'impression de penser détenir la vérité ultime sur cette question, car je n'ai pas du tout cette prétention ! En tout cas, je vous remercie d'avoir exprimé votre point de vue sur ce sujet, car cela me permet d'envisager les choses sous un autre angle. Mon opinion très tranchée est peut-être liée à la façon dont se sont déroulée les événements. Votre point de vue a-t-il été exprimé par certains historiens ? Vous avez cité Napoléon, mais y en a-t-il d'autres plus récent ? Si c'est le cas, je serais ravi de les consulter, car cela me permettrait peut-être d'avoir un avis plus nuancé. :wink:


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 18:54 
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J'imagine que je défends moi-même mes analyses et opinions avec autant de convictions que vous. Et je n'ai rien trouvé à redire au ton ou au fond de nos échanges. Bien au contraire.

Sur le traitement en citoyens romains des transpadans ne jouissant que du droit latin par César, l'affaire de la 5ème légion composée de transalpins (et donc pas de transpadans de cisalpine) n'est pas la référence qui permet à une grande partie des historiens de prendre cette hypothèse pour un fait acquis. L'événement peut-être le plus emblématique qui l'atteste, c'est l'affaire du notable de la colonie de Novum Comum qui se disait citoyen romain parce que César l'avait traité comme tel (et auquel il avait en quelque sorte, à la manière de Marius avec ses vétérans italiens, dû conférer solennellement la citoyenneté) et que Marcus Claudius Marcellus, consul de 51, avait fait fouetter pour bien lui montrer qu'il ne le considérait pas comme un citoyen et que César n'avait pu légalement lui donner la citoyenneté romaine.


Si Pompée n'a pas concentré ses troupes, c'est accessoirement parce qu'il devait gérer plusieurs consulaires et qu'il n'y avait pas unité de commandement, et c'est essentiellement et chronologiquement parce qu'il n'avait tout simplement pas imaginé que César attaquerait aussi tôt. Le plan de Pompée et de ses alliés optimates, c'était de mobiliser progressivement leurs immenses ressources potentielles (tout l'empire sauf la Gaule) pour être fin prêt au printemps, quand commencent les mois de l'année où on fait traditionnellement campagne. Et ils se disaient fort légitimement qu'une fois leurs forces ayant convergé, César serait cuit et ne livrerait pas un combat perdu d'avance.

Sur le papier, ce beau plan classique, limpide, garantissait la victoire de Pompée. Leur faiblesse et leur inintelligence collective a été de croire que César allait se résigner à les laisser matérialiser ce potentiel considérablement supérieur au sien. Absence totale de vision dynamique.

La reconstitution des démarches des 2 camps me semblen pouvoir être la suivante.

1 - En position de faiblesse puisque Pompée et les optimates refusent que César puisse bénéficier du ratio absentis (droit d'être élu consul et de ne rentrer dans Rome que pour sa prise de fonction, ce qui lui permet d'avoir une continuité d'imperium qui lui garantisse la continuité de l'immunité judiciaire) qui lui a été accordé par la loi des dix tribuns de 52, César négocie en montrant avec les mouvements de ses légions qu'il ne se laissera pas liquider par ses adversaires.

2 - Des tentatives de négociation césarienne très conciliantes qui échouent essentiellement parce que Pompée tient à rendre César dépendant de lui et parce que ses nouveaux alliés veulent carrément liquider César.

3 - César tente alors de contourner l'alliance de Pompée avec une poignée d'optimates par le centre. Il y réussit et même il y réussit trop bien si bien que ça se retourne contre lui.
Je fais là référence au fameux vote où Curion réussit à faire voter 370 sénateurs contre les 22 regroupant Pompée, Caton, Domitius et les autres.
Pompée se retrouve mis en minorité par la faute de ses alliés jusqu'au-boutistes qui n'ont pas été capables de tenir le Sénat et de sentir l'opinion des élites. Cette défaite est inacceptable : il y aura donc un coup d'Etat où le consul Marcellus indique qu'il ne se sent pas lié par l'avis du Sénat et où il décide d'organiser lui-même la défense militaire contre César.

4 - Les optimates tentent de faire voter une motion donnant injonction à César d'abandonner son imperium et ses légions à une date fixée, faute de quoi il sera déclaré hostis. Mais devant le veto des tribuns Antoine et Cassius, ils sont bloqués. La situation étant bloquée sur le plan institutionnel grâce au jeu des contre-pouvoirs, ils font voter le senatus consultus ultimum. Fin de partie politique.

César n'a plus le choix qu'entre se soumettre et finir liquidé judiciairement comme Milon, soit se lancer dans une lutte armée où tous ses adversaires sont convaincus qu'ils auront le dessus. César calculait autrement. Et surtout, comment imaginer que quelqu'un qui avait déjà résisté à Sylla alors qu'il était insignifiant et n'avait que 19 ans allait se coucher alors qu'il avait une armée de 11 légions aguerries ?

On connaît son choix. Mais si je continue le déroulé, c'est aussi un choix précipité.

5 - César sait que la vitesse, la surprise et l'anticipation sont ses seules chances. Il n'avait pas prévu que les choses s'envenimeraient aussi vite. Antoine et Cassius en 49 devaient rééditer avec succès les manoeuvres politiques que Curion avait brillamment menées en 50.

Ce serait exagérer son génie visionnaire et méconnaître ses véritables qualités que de croire qu'il savait déjà que les choses allaient forcément se passer ainsi. César était tout sauf certain parce qu'il ne voulait pas à tout prix la guerre, même s'il y était prêt en dernière extrémité.
La principale qualité de César n'était pas une capacité à connaître l'avenir ni à l'avoir prévu et voulu depuis plusieurs décennies. A défaut d'être une bien improbable madame soleil, une de ses plus exceptionnelles qualités était sa capacité hors normes d'adaptation, de changement d'orientation, sa capacité à avoir toujours plusieurs fers au feu.

Et donc il a joué le coup le plus improbable : la précipitation, pour enrayer la belle mécanique que ses adversaires prévoyaient de mettre en oeuvre.

La campagne d'Italie qui débute en janvier 49, c'est le chaos absolu. Le plan pépère prévu par Pompée et les optimates est complètement à revoir.


Vous avez bien compris que, pour ma part, je m'explique le choix de Pompée par une insuffisance connaissance de la situation. Il a préféré imaginer le pire (l'armée césarienne qui déboule en masse) pour être certain de l'éviter alors que l'armée césarienne a déboulé en 2 groupes de 5 cohortes dans un premier temps. C'est ça le critère qu'on appelle la Fortune ou le hasard : le fait que 2 groupes de 1500 à 2000 hommes chacun, certes de redoutables vétérans, aient réussi à semer la panique et le chaos.

Ce n'est que courant février, soit un mois plus tard, que des renforts arrivent de cisalpine pour César (la 12ème légion, puis la 8ème et les 22 cohortes levées en Gaule transalpine.

Les forces adverses eussent-elles été concentrées (notamment les dizaines de cohortes commandées par Domitius et quelques autres qui sont tombées comme des mouches sans combattre) en un point que la 13ème légion soit aurait été blackboulée, soit aurait du attendre l'arrivée des renforts, ce qui aurait donné le temps de faire quelque chose du côté des légions espagnoles.

Je n'ai pas connaissance d'historiens qui aient développé d'autres thèses sur l'aspect militaire. Napoléon est cité par des historiens contemporains sur le sujet.


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 23:11 
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Caesar Scipio a écrit :
Sur le traitement en citoyens romains des transpadans ne jouissant que du droit latin par César, l'affaire de la 5ème légion composée de transalpins (et donc pas de transpadans de cisalpine) n'est pas la référence qui permet à une grande partie des historiens de prendre cette hypothèse pour un fait acquis. L'événement peut-être le plus emblématique qui l'atteste, c'est l'affaire du notable de la colonie de Novum Comum qui se disait citoyen romain parce que César l'avait traité comme tel (et auquel il avait en quelque sorte, à la manière de Marius avec ses vétérans italiens, dû conférer solennellement la citoyenneté) et que Marcus Claudius Marcellus, consul de 51, avait fait fouetter pour bien lui montrer qu'il ne le considérait pas comme un citoyen et que César n'avait pu légalement lui donner la citoyenneté romaine.
Je pense que vous mettez sur le même plan des choses qui ne peuvent pas l'être. En tant que consul, César a installé des colons dans la ville de Côme et leur a attribué la citoyenneté romaine. En tant que proconsul des Gaules, il n'était pas en mesure de conférer la citoyenneté à un pérégrin, ou la citoyenneté romaine à un Cisalpin relevant du droit latin. Sous la République, sauf si l'on avait reçu des pouvoirs extraordinaires, on ne pouvait attribuer la citoyenneté romaine sans en référer au peuple. J'en veux pour preuve le procès lié à l'octroi du droit de cité par Pompée à L. Cornelius Balbus (voir le Pro Balbo de Cicéron). Bien que le fait de conférer le droit romain à tous les Italiens (il considérait personnellement la Cisalpine comme une partie de l'Italie) ait fait partie de son programme politique, César était obligé de se conformer aux lois et ne pouvait pas intégrer n'importe qui dans ses légions.

Peter Astbury Brunt, auteur d'un remarquable ouvrage intitulé The Italian Manpower (1971) écrivait : « It seems to me probable that Caesar also enlisted Transpadani (...) in his regular units, even before 49 B.C., but this cannot be proved ». Je peux vous assurer que l'histoire de la légion que César (d'après Suétone) aurait formée de Transalpins est intimement liée à cette conviction que César a enrôlé des Transpadans dans ses légions. La logique suivie par les historiens, c'est que si César n'a pas hésité à former l'une de ses légions de Transalpins (donc de pérégrins), alors il n'y a aucune raison pour qu'il ait eu des scrupules à enrôler des Transpadans, bien qu'ils n'aient disposé que du droit latin. Si l'on pense comme moi que l'histoire de Suétone ne tient pas, aucun élément ne permet d'affirmer que César a outrepassé ses droits en incluant des Transpadans dans ses légions. D'ailleurs, si cela avait été le cas, pourquoi aurait-il été si pressé de faire adopter la lex Roscia ?


Caesar Scipio a écrit :
Ce n'est que courant février, soit un mois plus tard, que des renforts arrivent de cisalpine pour César (la 12ème légion, puis la 8ème et les 22 cohortes levées en Gaule transalpine.
Ces vingt-deux cohortes ont été levées en Cisalpine. Certains affirment qu'il s'agit là des cohortes qui avaient été levées en Transalpine par César en 52, mais cela ne tient pas la route car lorsqu'il en parle en 49 le général affirme qu'elles sont ex novis (...) dilectibus, c'est-à-dire issues d'une nouvelle levée.


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 07 Mai 2009 23:58 
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Voici ce que dit Jérôme Carcopino (Jules César, édition de 1965, p. 261-262) au sujet du départ de Pompée, en réaction à l'analyse de la situation faite par Napoléon :
Citer :
Mais, précisément, les forces de Pompée, limitées aux recrues en cours de mobilisation, à quelques cohortes disséminées dans les garnisons de la Péninsule et aux deux légions de Capoue, si elles doublaient en apparence celles que César pourrait employer immédiatement, et dont Labienus confirmait la faiblesse, n'étaient, ni réunies, ni homogènes, ni sûres. Dans ces conditions, Pompée reste répréhensible d'avoir engagé le conflit sans s'y être sérieusement préparé ; il fut peut-être aussi fautif d'avoir négligé l'importance morale de la possession de l'Urbs ; mais il était fondé à adopter le plan de retraite qu'il avait probablement déjà formé, et qui lui eût, en effet, permis de réparer les funestes effets de son imprévoyance et de renverser à profit la situation générale. Il est vraisemblable que, dès la fin de janvier, il avait pris son parti de transférer en Orient le théâtre de la guerre pour attirer César loin de ses bases, le couper des Gaules, de leurs greniers et de leurs réserves humaines, le réduire à transporter ses troupes par mer, à les mal nourrir, à ne point combler les vides qui se produiraient en elles, et finalement, tandis que les légions d'Espagne, marchant sur ses talons, réoccuperaient ses provinces et l'Italie, à s'épuiser dans une poursuite sans issue. Du point de vue militaire, le dessein de Pompée était d'une ampleur et d'une sagesse magnifiques.


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 Sujet du message : Re: Le départ de Pompée.
Message Publié : 10 Mai 2009 9:00 
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Philippe de Commines
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Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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C'est toujours un régal que de relire Carcopino et son style incisif. Sans toutefois qu'il soit, en matière d'histoire antique, tombé dans les errements de Benoist-Méchin, Carcopino se caractérise par des analyses maximalistes et par des conclusions fatalistes (je veux dire par là : "si ça c'est passé ainsi, c'est que ça ne pouvait pas se passer autrement et parce que les acteurs de l'histoire le voulaient.").

Mon point d'accord avec Carcopino, c'est comme je vous l'indiquais précédemment que tout le monde a été pris de court par les événements, aussi bien Pompée que César. Tout le monde avait commencé à se préparer à rassembler des forces pour obliger la partie adverse à se plier à sa volonté, mais dans un but dissuasif, pour précisément ne pas avoir à y recourir.

Sur le papier, le plan de Pompée était implacable et devait mathématiquement convaincre César de rendre gorge. Absence totale de vision dynamique d'une part et d'autre part complète méprise sur la personnalité et le parcours personnel de César. On peut tout faire avec une baïonnette ou avec un gladius pointé vers le ciel, sauf s'asseoir dessus, et cela, il n'était pas besoin d'attendre Clemenceau pour en avoir conscience.

Cette logique poussait au contournement et César, certainement mortifié et furieux d'avoir échoué politiquement, s'est froidement résolu à la guerre civile.


Batiste a écrit :
Je pense que vous mettez sur le même plan des choses qui ne peuvent pas l'être. En tant que consul, César a installé des colons dans la ville de Côme et leur a attribué la citoyenneté romaine. En tant que proconsul des Gaules, il n'était pas en mesure de conférer la citoyenneté à un pérégrin, ou la citoyenneté romaine à un Cisalpin relevant du droit latin. Sous la République, sauf si l'on avait reçu des pouvoirs extraordinaires, on ne pouvait attribuer la citoyenneté romaine sans en référer au peuple. J'en veux pour preuve le procès lié à l'octroi du droit de cité par Pompée à L. Cornelius Balbus (voir le Pro Balbo de Cicéron). Bien que le fait de conférer le droit romain à tous les Italiens (il considérait personnellement la Cisalpine comme une partie de l'Italie) ait fait partie de son programme politique, César était obligé de se conformer aux lois et ne pouvait pas intégrer n'importe qui dans ses légions.

Peter Astbury Brunt, auteur d'un remarquable ouvrage intitulé The Italian Manpower (1971) écrivait : « It seems to me probable that Caesar also enlisted Transpadani (...) in his regular units, even before 49 B.C., but this cannot be proved ». Je peux vous assurer que l'histoire de la légion que César (d'après Suétone) aurait formée de Transalpins est intimement liée à cette conviction que César a enrôlé des Transpadans dans ses légions. La logique suivie par les historiens, c'est que si César n'a pas hésité à former l'une de ses légions de Transalpins (donc de pérégrins), alors il n'y a aucune raison pour qu'il ait eu des scrupules à enrôler des Transpadans, bien qu'ils n'aient disposé que du droit latin. Si l'on pense comme moi que l'histoire de Suétone ne tient pas, aucun élément ne permet d'affirmer que César a outrepassé ses droits en incluant des Transpadans dans ses légions. D'ailleurs, si cela avait été le cas, pourquoi aurait-il été si pressé de faire adopter la lex Roscia ?


Caesar Scipio a écrit :
Ce n'est que courant février, soit un mois plus tard, que des renforts arrivent de cisalpine pour César (la 12ème légion, puis la 8ème et les 22 cohortes levées en Gaule transalpine.
Ces vingt-deux cohortes ont été levées en Cisalpine. Certains affirment qu'il s'agit là des cohortes qui avaient été levées en Transalpine par César en 52, mais cela ne tient pas la route car lorsqu'il en parle en 49 le général affirme qu'elles sont ex novis (...) dilectibus, c'est-à-dire issues d'une nouvelle levée.


Et pourtant, si vous lisez la guerre des Gaules, le seul moment où César parle de levées, c'est précisément dans le livre 7, soit en 52. Et il indique expressément qu'il a levé des troupes dans toute sa province.
Je comprends que vous émettiez l'hypothèse (je me suis aussi posé la question) qu'il ne s'agit que de la Cisalpine : c'est plutôt cohérent avec le fait que César essaie alors de s'occuper de la crise qui a lieu à Rome depuis l'assassinat de Clodius. Mais vous me donnerez acte qu'à tout le moins, l'indication de "toute" la province, par un César chez lequel jamais un mot n'est inutilement employé, indique bien, avec la provocation délibérée de celui qui assume, qu'il a aussi recruté au nord du Po.

Suétone, qui écrit certes 2 siècles plus tard et qui instruit surtout un portrait à charge, évoque expressément des levées en Transalpine et fait le lien avec la 5ème ALaudae.

Enfin, quant à votre situation de Brunt et à l'affaire de Novum Comum, je ne suis pas certain qu'il ne faille pas en tirer la conclusion inverse.
Il est en effet attesté depuis 68 que César cherchait à se gagner des clientèles et à faire conférer le droit romain aux transpadans. Cet objectif-là du César politicien a toujours et fortement précédé les besoins du César général qui avait besoin de recrues. La guerre s'achèverait un jour, de même que l'imperium de César dans les Gaules. En revanche, le politicien aurait besoin jusqu'à la fin de ses jours du maximum de soutiens dans cette province tout à fait à part qu'était la cisalpine.

La logique, étayée sur des indices, qui a conduit des armées d'historiens écrivent comme un fait que César traitait les transpadans comme des citoyens romains, est très forte.

Pour revenir aux levées de troupes, ce n'était pas la 1ère fois ni la dernière fois que des non-citoyens étaient levés comme légionnaires. Juste les qualifier de levées, n'est-ce pas tout simplement masquer cet écart au droit ?

César était réputé pour y faire des entorses. Ou plus précisément, la loi n'était pas la seule source de création de "droits" objectivement reconnus comme valides. Il y avait aussi l'Auctoritas. Comme un Marius (avec les vétérans italiens) ou un Pompée (rajoutant un codicille à une loi gravée dans le bronze), César a pu estimer être en mesure de traiter des transpadans de droit latin en citoyens romains parce que cela faisait 20 ans qu'il le leur promettait et qu'il était désormais leur gouverneur.

Sur Novum Comum, certes c'était une colonie romaine mais ce n'était pas exclusivement une colonie romaine. Autrement dit, dans la même ville il devait y avoir des romains et des latins et on imagine aisément comment un proconsul bienveillant a pu généreusement laisser entrer les seconds dans le groupe des premiers. En outre, il n'est pas sûr que le citoyen de Novum Comum fouetté par Marcellus ait occupé la charge équivalent au consulat qui seule conférait le droit romain aux latins.


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