Je me suis mal exprimé ; je ne parlais pas des élites et de leur culture, ni de la culture en général, mais de la conscience d'appartenir à quelque chose. Cette chose, même lorsque l'Orient semble se détacher de par son dynamisme et ses particularismes (qui font tâche d'huile vers l'Occident (encore que...), reste Rome. C'est une donnée qui doit être prise en compte car bien que très immatérielle c'est par elle que passe l'union de l'ensemble de l'Empire. Qu'est-ce qui fait qu'un Égyptien cohabite avec un Gaulois, un Ibère avec un Thrace...? C'est le sentiment d'appartenir à une seule et même entité transcendantale qui se nomme encore et toujours Rome. Constantinople n'obtient jamais le même statut et les Orientaux eux même se sentent Romains. Prenez l'exemple de l'auteur Ammien Marcellin (toujours lui...) ; il est Syrien, d'Antioche et de culture grecque et pourtant, il écrit ses histoires en langue latine et il suit à la lettre les idéaux de la vieille morale romaine. Il a très clairement conscience d'appartenir à Rome et à sa civilisation. C'est ce même tout qui flageole lorsque des soldats, ancré en terre gauloise, refusent de laisser leurs familles exposées aux assauts des Alamans. Mais c'est l'aura de l'empereur Julien représentant charismatique de la romanité qui fait traverser l'Empire à ses mêmes hommes pour allez conquérir le pouvoir suprême puis la gloire en combattant les Perses.
Je ne pense pas qu'il faille être trop critique avec la péninsule italienne, qui bien qu'en déprise sérieuse reste néanmoins productrice de certains produits très prisées à l'exportation ; je pense aux vins... Rome par contre est réellement un problème car c'est un poids considérable à gérer et à faire vivre et notamment l'annone...
Pour ce qui est de l'antagonisme entre les deux universalisme, il faut bien avoir en tête que les intérêts de chacun ne vont pas du tout dans le même sens. L'Église est avant tout "apatride" et le seul but qu'elle souhaite atteindre c'est la "soumission" de chacun aux lois de Dieu. Les motifs de son expansion sont pour elle bien plus vaste que Rome et son Empire et ne se confondent pas avec sa survie. L'Empire disparait mais l'Église survie, justement parce que les deux essences sont distinctes. L'universalisme romain est quant à lui dirigé vers un but qui veut que tout peuple civilisé devienne romain et obéisse aux lois de l'
Urbs. Cet universalisme est conquérant et lui aussi souhaite son expansion. Mais avant tout le terme même d'universalisme montre très bien l'antithèse que deux d'entre-eux cote à cote peut représenter ; universalisme, selon la définition du Larousse , c'est "une opinion qui ne reconnaît d'autre autorité que le consentement universel", ce qui à mon sens à le mérite d'être clair. Un universalisme ne peut en tolérer un autre simplement parce l'un et l'autre sont persuadé de posséder la seule et unique vérité qui se doit d'être diffusée à tous. La coexistence entre le pouvoir impérial romain et le christianisme n'est qu'un temps de transition court et qui se déroule alors que l'Église n'est pas suffisamment forte pour s'imposer. Par la suite, surtout en Occident pour ce que je sais, elle devient un pilier fondamental de la civilisation pour de nombreux siècle, et ce n'est que le renforcement du pouvoir monarchique qui va se substituer à la tutelle romaine qui va réussir à en tempérer la puissance. En Orient la puissance de l'Église amène de nombreux conflit avec le
basileus, comme les contraintes imposées vis à vis des guerres de conquête...
En fait, les arguments que vous proposez sont valides, mais en fait il faut juste essayer d'en étudier la portée réelle dans la situation de l'Empire. Je ne me suis pas vraiment penché sur l'économie antique mais je crois qu'il vaut mieux se garder de désigner une économie selon un terme global comme "banqueroute". En effet cela implique une direction centrale des affaires et une politique économique engagée dans un sens précis. Or, les choses sont beaucoup moins rigoureuses et l'Italie antique n'échappe pas à le règle. Comme dans tout contexte difficile, il existe toujours des secteurs d'activités très à la peine et d'autres en meilleur santé. Je pense que l'activité a dû se maintenir et que les gens n'en étaient pas à croquer des racines
. Surtout, il ne faut pas non plus oublier que l'essentiel de la population de l'Empire ne cherche qu'une chose ; avoir suffisamment à manger pour le lendemain et que le monde romain reste malgré tout très rural. Au final les exploitations agricoles continuent à fonctionner, même si dans certaines régions c'est un peu la bérésina.
La place là dedans pour l'esclavage... complexe et encore ici aussi débattue. Certains voient dans la croissance du Christianisme un élément qui amène à une diminution forte de l'esclavage, d'autres estiment qu'il faut des siècles pour le voir diminuer significativement... Ensuite, on voit souvent dans l'esclavage une sorte de nécrose de la civilisation romaine, bloquée dans ses traditions et incapable d'innover. Mais cela est une vision très inexacte et à l'encontre même des mentalités antiques. L'homme de l'antiquité greco-romaine pense avant tout par le passé et une manière de faire n'est valide que si par le passé elle a fait ses preuve. Mais attention, ce n'est pas non plus une notion d'archaïsme irrémédiable, simplement toutes les sociétés ne fonctionnent pas à marche forcée pour le progrès coute que coute comme la nôtre. Il est parfaitement anachronique d'analyser l'antiquité de la sorte. Les Romains n'ont d'ailleurs pas été des gens bloqués dans leur passé même si celui-ci les obnubilait. Ils ont été capables de prouesses techniques inédites comme les roue servant à soulever des charges imposantes, la voirie...
Quant à la flambée des prix et donc l'inflation, je crois que cela va mieux dès la fin du IIIe siècle avec notamment l'édit du maximum (des prix) lancé par Dioclétien afin de freiner les désordres monétaires. Mais je ne peux en dire beaucoup plus sur le sujet.
En tout cas, il me semble clair que ce qui amène directement à la disparition de l'Empire n'est vraiment ce ralentissement économique, même significatif. L'Afrique romaine se porte fort bien de même que l'Espagne et bien sûr l'Orient et les finances douteuses n'ont pas empêchés certains États de survivre malgré les difficultés. La force de Rome est peut être dans cet ordre de pensée justement sa diversité... A méditer...