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Message Publié : 02 Nov 2009 1:10 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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La question de la baisse démographique est encore âprement débattue et je ne pense pas que l'on peut être catégorique sur le sujet. les indices invoqués sont beaucoup trop minces et aisément démontables ; ainsi l'érection de remparts urbains sur des surfaces restreintes laisserait entendre une perte démographique majeure. Or comme le rappelle Jean Dupaquier (histoire de la population française) les hommes sont capables de s'entasser sur des surfaces particulièrement restreintes... De plus pourquoi limiter la population totale à celle des villes? Et enfin les zones frontière censées être ravagées par la guerre offrent parfois, au détours d'un passage d'Ammien Marcellin une vision un peu moins apocalyptique, comme en témoigne les vignes chargées de raisins peu avant la bataille de Strabourg en 357 alors qu'on est en pleine zone de contact... La raison phare visant à expliquer la crise démographique reste la peste qui commence à sévir dès le règne de Marc Aurèle et de Lucius Verus. Cette dernière et ses résurgences jusqu'au VIIe siècle cause sans doute beaucoup de morts, mais je ne pense pas pour ma part que les conséquences sont aussi grave qu'une diminution de moitié. Comment dès lors, au sortir de la crise du IIIe siècle Dioclétien peut il augmenter autant les effectifs de l'armée, en sachant qu'il ne se résolu jamais à engager des barbares en nombre comme le fait plus tard Constantin? J'ai lu pour ma part des visions moins alarmistes (mais je ne sais plus où... :oops: ) qui tablaient sur une population sous le Haut Empire entre 60 et 70 millions de personnes, ramenée autour de 50 millions au IVe siècle. De toute manière il est tout bonnement impossible de savoir clairement et les indices sont trop faibles pour pouvoir nous donner des indications claires.
Par contre il est clair que les charges ont été revues à la hausse, notamment depuis le nouveau découpage provincial qui multiplie les fonctionnaires zélés... Mais là aussi il faut se garder de comparaison hatives comme cela fut la cas par le passé, où l'Empire tardif était comparé à un État totalitaire. Le nombre de fonctionnaires de cette époque est sans commune mesure avec aujourd'hui...

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 02 Nov 2009 1:16 
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Polybe
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Justement... le fait que culturellement, économiquement l'occident traine derrière l'orient montre que cette réalité tant à changer. Lorsque Constantin se converti au christianisme par exemple, il faut rappeler que le christianisme est un phénomène principalement oriental façonné dans des villes comme Alexandrie. Cela me donne quand même l'impression que le "leadership" même idéologiquement se déplace lentement, par étapes, mais inexorablement. Je crois que Constantin s'adapte à cette situation. Et les signes montrant cette émancipation, on peut peut etre deja les discerner sur le plan religieux ou les divisions font rage, avant et après le concile de nicée...

On parlait du mode de gouvernance s'orientalisant plus tot, en se monarchisant de plus en plus avec tout l'apparat que cela implique, je prends cela comme un autre des signes d'un gain d'influence de l'orient, il y en a d'autres... Ce qui est remarquable c'est que malgré ce changement, l'empire tient le coup, et même après la chute de Rome l'empire d'orient se revendiquera toujours romain.

D'autre part il est vrai la gaule et l'Espagne sont toujours remarquablement dynamique. J'en profite pour dire que la Gaule est un des plus eclatant succes de la romanisation : sa culture est clairement latine, voire plus latine que les latin eux meme, et des signes de 'appartenances ne cessent de se renouveler notamment a travers Lugdunum qui se vante d'un lien privilégie avec Rome, avec une certaine fierté.

En fait le gros hic en occident c'est la péninsule italienne qui est en pleine perte de vitesse dans tout les domaines, comme je le disais industriellement, mais aussi au niveau de l'agriculture qui devient un vrai désastre à cause de la concentration de vaste propriété aux mains de peu de propriétaires, les latifunda, et de l'usage excessifs d'esclaves. Je crois aussi que sous les Antonins, elle ne fournit que très peu de contingents à l'armée impériale...bref, tout cela pour dire qu'elle ressemble de plus en plus a un monstre parasite vivant sur sa gloire et ses acquis passés. Cela explique plus ou moins la suite des événement, dans la mesure ou un processus engagé depuis longtemps arrive peu a peu au bout de sa logique.

Par contre je ne comprends pas votre bien le point de vue sur les deux universalismes qui ne serait pas les mêmes et seraient même carremment contradictoire, je veux bien que vous développiez votre point de vue là dessus. Pour moi l'universalisme chrétiens c'est considérer chaque être comme humain, avant de le voir dans le prisme de sa classe, sa nationalité, etc, et l'universalisme impérial met la citoyenneté romaine au dessus des mêmes facteurs. Je ne vois pas bien le conflit d'intérêt là dedans, au contraire j'y vois un lien interpenetrant du point de vue de la "philosophie"

d'ailleurs hors sujet, l'apparition du clergé d'un coté, et du pouvoir politique de l'autre, ne serait ce pas l'embryon de la laicité ? le paradigme, pouvoir politique contre l'église qui va marquer l'histoire moyen-ageuse et au delà n'a t' il pas trouvé là ses premiers fondements ?


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Message Publié : 02 Nov 2009 1:29 
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Polybe
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Je rajoute aussi, a propos des taxations excessives : on peut le voir sous un angle très simple, à savoir que peut etre Rome dépendait trop largement de l'exploitation et la taxation des provinces conquises, et de l'esclavagisme. En ces temps de rééquilibrage des pouvoirs (enfin selon moi) n'est il pas parfaitement logique que Rome et la péninsule italienne frôle la banqueroute, que les prix flambent, etc ?


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Message Publié : 02 Nov 2009 1:34 
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Georges Duby
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Pédro a écrit :
La question de la baisse démographique est encore âprement débattue
Débattue par qui, citez des ouvrages et des auteurs svp Pédro pour convaincre que Chaunu a tort, car il est catégorique et a ses sources. Trop facile sinon!

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Message Publié : 02 Nov 2009 2:21 
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Jean-Pierre Vernant
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Je me suis mal exprimé ; je ne parlais pas des élites et de leur culture, ni de la culture en général, mais de la conscience d'appartenir à quelque chose. Cette chose, même lorsque l'Orient semble se détacher de par son dynamisme et ses particularismes (qui font tâche d'huile vers l'Occident (encore que...), reste Rome. C'est une donnée qui doit être prise en compte car bien que très immatérielle c'est par elle que passe l'union de l'ensemble de l'Empire. Qu'est-ce qui fait qu'un Égyptien cohabite avec un Gaulois, un Ibère avec un Thrace...? C'est le sentiment d'appartenir à une seule et même entité transcendantale qui se nomme encore et toujours Rome. Constantinople n'obtient jamais le même statut et les Orientaux eux même se sentent Romains. Prenez l'exemple de l'auteur Ammien Marcellin (toujours lui...) ; il est Syrien, d'Antioche et de culture grecque et pourtant, il écrit ses histoires en langue latine et il suit à la lettre les idéaux de la vieille morale romaine. Il a très clairement conscience d'appartenir à Rome et à sa civilisation. C'est ce même tout qui flageole lorsque des soldats, ancré en terre gauloise, refusent de laisser leurs familles exposées aux assauts des Alamans. Mais c'est l'aura de l'empereur Julien représentant charismatique de la romanité qui fait traverser l'Empire à ses mêmes hommes pour allez conquérir le pouvoir suprême puis la gloire en combattant les Perses.

Je ne pense pas qu'il faille être trop critique avec la péninsule italienne, qui bien qu'en déprise sérieuse reste néanmoins productrice de certains produits très prisées à l'exportation ; je pense aux vins... Rome par contre est réellement un problème car c'est un poids considérable à gérer et à faire vivre et notamment l'annone...

Pour ce qui est de l'antagonisme entre les deux universalisme, il faut bien avoir en tête que les intérêts de chacun ne vont pas du tout dans le même sens. L'Église est avant tout "apatride" et le seul but qu'elle souhaite atteindre c'est la "soumission" de chacun aux lois de Dieu. Les motifs de son expansion sont pour elle bien plus vaste que Rome et son Empire et ne se confondent pas avec sa survie. L'Empire disparait mais l'Église survie, justement parce que les deux essences sont distinctes. L'universalisme romain est quant à lui dirigé vers un but qui veut que tout peuple civilisé devienne romain et obéisse aux lois de l'Urbs. Cet universalisme est conquérant et lui aussi souhaite son expansion. Mais avant tout le terme même d'universalisme montre très bien l'antithèse que deux d'entre-eux cote à cote peut représenter ; universalisme, selon la définition du Larousse , c'est "une opinion qui ne reconnaît d'autre autorité que le consentement universel", ce qui à mon sens à le mérite d'être clair. Un universalisme ne peut en tolérer un autre simplement parce l'un et l'autre sont persuadé de posséder la seule et unique vérité qui se doit d'être diffusée à tous. La coexistence entre le pouvoir impérial romain et le christianisme n'est qu'un temps de transition court et qui se déroule alors que l'Église n'est pas suffisamment forte pour s'imposer. Par la suite, surtout en Occident pour ce que je sais, elle devient un pilier fondamental de la civilisation pour de nombreux siècle, et ce n'est que le renforcement du pouvoir monarchique qui va se substituer à la tutelle romaine qui va réussir à en tempérer la puissance. En Orient la puissance de l'Église amène de nombreux conflit avec le basileus, comme les contraintes imposées vis à vis des guerres de conquête...

En fait, les arguments que vous proposez sont valides, mais en fait il faut juste essayer d'en étudier la portée réelle dans la situation de l'Empire. Je ne me suis pas vraiment penché sur l'économie antique mais je crois qu'il vaut mieux se garder de désigner une économie selon un terme global comme "banqueroute". En effet cela implique une direction centrale des affaires et une politique économique engagée dans un sens précis. Or, les choses sont beaucoup moins rigoureuses et l'Italie antique n'échappe pas à le règle. Comme dans tout contexte difficile, il existe toujours des secteurs d'activités très à la peine et d'autres en meilleur santé. Je pense que l'activité a dû se maintenir et que les gens n'en étaient pas à croquer des racines :mrgreen: . Surtout, il ne faut pas non plus oublier que l'essentiel de la population de l'Empire ne cherche qu'une chose ; avoir suffisamment à manger pour le lendemain et que le monde romain reste malgré tout très rural. Au final les exploitations agricoles continuent à fonctionner, même si dans certaines régions c'est un peu la bérésina.

La place là dedans pour l'esclavage... complexe et encore ici aussi débattue. Certains voient dans la croissance du Christianisme un élément qui amène à une diminution forte de l'esclavage, d'autres estiment qu'il faut des siècles pour le voir diminuer significativement... Ensuite, on voit souvent dans l'esclavage une sorte de nécrose de la civilisation romaine, bloquée dans ses traditions et incapable d'innover. Mais cela est une vision très inexacte et à l'encontre même des mentalités antiques. L'homme de l'antiquité greco-romaine pense avant tout par le passé et une manière de faire n'est valide que si par le passé elle a fait ses preuve. Mais attention, ce n'est pas non plus une notion d'archaïsme irrémédiable, simplement toutes les sociétés ne fonctionnent pas à marche forcée pour le progrès coute que coute comme la nôtre. Il est parfaitement anachronique d'analyser l'antiquité de la sorte. Les Romains n'ont d'ailleurs pas été des gens bloqués dans leur passé même si celui-ci les obnubilait. Ils ont été capables de prouesses techniques inédites comme les roue servant à soulever des charges imposantes, la voirie...

Quant à la flambée des prix et donc l'inflation, je crois que cela va mieux dès la fin du IIIe siècle avec notamment l'édit du maximum (des prix) lancé par Dioclétien afin de freiner les désordres monétaires. Mais je ne peux en dire beaucoup plus sur le sujet.

En tout cas, il me semble clair que ce qui amène directement à la disparition de l'Empire n'est vraiment ce ralentissement économique, même significatif. L'Afrique romaine se porte fort bien de même que l'Espagne et bien sûr l'Orient et les finances douteuses n'ont pas empêchés certains États de survivre malgré les difficultés. La force de Rome est peut être dans cet ordre de pensée justement sa diversité... A méditer... :mrgreen:

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Message Publié : 02 Nov 2009 2:22 
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Jean-Pierre Vernant
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Alain.g a écrit :
Pédro a écrit :
La question de la baisse démographique est encore âprement débattue
Débattue par qui, citez des ouvrages et des auteurs svp Pédro pour convaincre que Chaunu a tort, car il est catégorique et a ses sources. Trop facile sinon!


Je regarde dans ma bibliothèque... ;)

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Message Publié : 02 Nov 2009 2:25 
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Jean-Pierre Vernant
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Je ne l'ai pas sous la main, mais Dupâquier, en ce qui concerne le territoire Gaulois est critique envers une crise démographique importante. Il étaye son discours par une étude prosopographique il me semble...

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Message Publié : 02 Nov 2009 2:36 
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Jean-Pierre Vernant
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Trouvé! De manière magistrale Jean-Michel Carrié montre que la crise démographique expliquant les problèmes de l'Empire n'est que "l'argument ultime de ceux qui s'accrochent aux idées révolues concernant l'Antiquité tardive : récession économique, système de castes, fiscalité insupportable". p 519-526, L'Empire romain en mutation, co-écrit avec Aline Rousselle.
Il reprend les débats historiographiques depuis le XVIIIe siècle et démêle un peu tout cela.

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Message Publié : 02 Nov 2009 2:50 
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Jean-Pierre Vernant
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Pédro a écrit :
La raison phare visant à expliquer la crise démographique reste la peste qui commence à sévir dès le règne de Marc Aurèle et de Lucius Verus. Cette dernière et ses résurgences jusqu'au VIIe siècle cause sans doute beaucoup de morts, mais je ne pense pas pour ma part que les conséquences sont aussi grave qu'une diminution de moitié.


En réalité il semble qu'aujourd'hui on table plus pour une épidémie de variole (J.-M Carrié, L'Empire romain en mutation, p 520).

Pédro a écrit :
J'ai lu pour ma part des visions moins alarmistes (mais je ne sais plus où... :oops: ) qui tablaient sur une population sous le Haut Empire entre 60 et 70 millions de personnes, ramenée autour de 50 millions au IVe siècle.


C'est l'estimation d'Ernest Stein. Niebuhr (1776-1836) pensait quant à lui à une diminution de moitié.

Petite chose, les estimations alarmistes se fondent souvent sur des éléments régionaux difficilement généralisable à l'Empire, ainsi les papyrus du Fayoum laissent entrevoir une crise démographique très grave alors qu'il a été prouvé que cela été due à des conditions locales (J.-M Carrié, p 521).

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Message Publié : 02 Nov 2009 19:42 
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Polybe
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Moi aussi j’ai du mal me faire comprendre : je ne nie pas le sentiment d’appartenance à l’empire romain grâce à son universalisme (selon moi). Je pense juste que ce sentiment d’appartenance ne dépend pas (ou plus ) de la ville de Rome en particulier. On se sent fier d’être « Romain » d’un bout à l’autre de l’empire mais je ne pense pas que cela se rattache à Rome même, ni à Constantinople mais à un sentiment beaucoup plus diffus et général. L’empire romain s’affranchit de Rome, finalement pour moi, tout en gardant dans ses grandes lignes sa cohérence ( il ne faut pas oublier tout de même les révoltes et mouvement séparatiste notamment en egypte, etc). Ce qui peut être vu comme un grand succès de l’universalisme Romain. Plus tard les byzantins se revendiqueront toujours Romains alors que Rome a chuté depuis bien longtemps, je le vois comme une preuve de cet affranchissement.

Certe le thème de « banqueroute » est caricatural. Je voulais seulement dire que depuis la fin de la république et les début de l’empire, Rome s’est peu à peu habituée à vivre sur une économie de guerre, de conquête, ou elle vivait des pillages, des tribus, des taxes, des esclaves affluant des provinces conquises. On est en train de rentrer dans une phase, selon moi (mais je ne crois pas que la thèse soit très originale) ou les rapports de force dans l’empire se rééquilibrent, les provinces ne sont plus réellement dominées par Rome mais où l’empire forme juste un tout (toujours l’empire universel)…Je crois que Rome et son économie à se moment, se retrouvent du coup inadaptés à la nouvelle donne, avec une balance commerciale dans le rouge, un chomage galopant et etc. L’esclavage se réduit bel et bien, non pas je le crois, a cause de l’église, mais tout simplement au fait de la raréfaction des conquêtes (il laisse place petit à petit au « servage). Si les gens ne croquent pas des racines comme vous le disiez plus haut c’est principalement grâce aux aides qui maintient artificiellement le niveau de vie. Mais au prix de taxes et d’impôts de plus en plus intolérables et de flambées des prix.

A ce sujet Les reformes économiques de Dioclétien ne résolvent pas réellement le problème : elles parent au plus pressé en essayant de soulager les classes les plus pauvres au moyen de taxes suplementaires et de contrôle des prix. Cela marche dans une certaine mesure, mais d’une autre coté, le marché noir et toute sorte de « magouilles » pour ne pas payer d’impôts, ou moins, se multiplient. ( au passage on peut remarquer grâce à cela que le légendaire esprit civique Romain est plus un souvenir qu’une réalité contemporaine, d’autant que l’apport humain dans l’armée impériale est assez négligeable.) De toute manière ces solution temporaire ne règlent pas le problème principal à savoir que l’économie « romaine » (là je parle de la ville) est inadaptée, survit artificiellement, et se nourrit grâce à des provinces comme l’Egypte, son « grenier à blé ». Pour résumer Rome est devenu totalement dépendante du reste de l’empire, limite parasite même si le terme est un peu provoc’. Si déclin il y a eu, c’est peut être là qu’il faut le voir…

Pour les universalismes, je ne vois pas vraiment en quoi les intérêts étaient aussi antagonistes : d’un coté les chrétiens trouvent un facteur de diffusion inespéré entre les mains des empereurs, et rien n’empêche les missionnaires d’aller convertir au-delà des frontières de l’empire, avec succès notamment auprès des tribus germaniques ce qui aura une grande importance par la suite. Je crois vraiment que Constantin espérait entre autre trouver un facteur d’unification de l’empire a travers les chrétiens, d’où son dépit devant les querelles théologiques infinies entre orientaux et occidentaux pour caricaturer. Bref, c’est un partenariat gagnant gagnant pour faire du modernisme. Les seuls vrai problèmes visibles de l’histoire sont les luttes parfois ensanglantées entre sectes chrétiennes…

Je crois que Dioclétien et Constantin sont deux empereurs essentiel qui, ayant bien senti vers où le vent soufflait, feront des grands efforts pour adapter l’empire aux changement qui s’opérait. Cela marchera a l’est, mais aussi dans une certaine mesure à l’ouest car l’église chrétienne survivra a Rome comme vous le disiez, avec tout son héritage et son influence auprès des peuples. Et si leur influence grandit c’est essentiellement grace a un pouvoir public qui disparaît. Je pense que les peuples de l’ex empire romains étaient assez content de pouvoir se tourner malgré tout vers une institution solide, et familière.

(désole pour la fin, j'ai ecrit un peu dans l'urgence lol )


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Message Publié : 02 Nov 2009 21:24 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Oui, je comprend et votre propos est juste. Lorsque j'évoque le sentiment d'appartenance à Rome, je pense avant tout à cette notion forte d'Urbs, qui il est vrai se confond avec la réalité de l'Empire tout entier. Mais Rome reste pour tous le centre du monde même si elle est vidée de sa substance. D'ailleurs sa population se maintient durant le IVe siècle ce qui prouve qu'elle est encore attractive (les métropoles antiques gagnent le plus souvent des habitants par attractivité que par croissance démographique...).

Pour ce qui est de l'économie tardive, je ne pense pas qu'il faille trop entrer dans les théories défaitistes et misérabiliste. Après avoir relu Jean-Michel Carrié, ce qui fut très agréable par ailleurs, je me suis rendu compte combien pour lui l'idée de crise économique est vague pour ne pas dire simplement fausse. En effet les dévaluations monétaires posent certes des problèmes mais cela n'a pas de liens directs avec la situation économique de l'Empire, d'après ce que j'ai compris, mais si vous souhaiter beaucoup plus de précisions sur ce thème je vous encourage à vous reportez à l'ouvrage que j'ai précédemment cité. Il est vraiment fondamental.

Ensuite, pour ce qui est de l'antagonisme entre les deux universalisme, cela est clair dans ma tête, mais pas forcément facile à expliquer. Mais en tout cas je vais prendre un exemple plus tardif. Dans l'empire Byzantin, l'empereur doit passer par la récupération de l'universalisme chrétien en se faisant proclamer lieutenant de Dieu sur terre. C'est une récupération de l'un par l'autre mais la cohabitation sur un pied d'égalité est impossible. Les relations sont d'ailleurs houleuses à Constantinople et l'empereur oblige le patriarche à se défaire de son titre d'œcuménique (universel littéralement) ce qui montre combien l'antagonisme est fort. On le perçoit encore difficilement au IVe siècle car l'Église doit composer. Mais déjà les symboles de l'universalisme de l'empereur doivent se mélanger avec des éléments chrétiens et ainsi on trouve le Chrisme associés à des victoires ailées sur les monnaies par exemple... Cela montre que si le pouvoir impérial veut continuer à perpétuer son idéologie "globalisante" il doit dès lors passer par des symboles chrétiens, en le mélangeant avec les anciennes traditions impériales. Mais l'Église et son chef ne vont pas tolérer indéfiniment cet assujettissement, en témoigne les querelles entre patriarche et basileus et entre empereur germanique et la papauté... Mais cela se passe plus tard... :mrgreen: C'est l'aboutissement d'une querelle originelle et profonde entre un pouvoir temporel universel et un pouvoir théologique universel, qui chacun de leur côté souhaite empiéter sur les prérogatives de l'autre.

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Message Publié : 02 Nov 2009 22:15 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Alain.g a écrit :
Il y a aussi la démographie catastrophique évoquée par Pierre Chaunu: " Entre la fin du IIè et le début du IVè siècles, la population a baissé de moitié"
Chaunu a du penser effectivement au déclin des villes après les invasions terribles du IIIè siècle, elles fondent. Reste la campagne, OK. Mais il a certainement pensé aussi au fait que si Rome envoyait en Gaule un nombre aussi considérable de barbares, c'est qu'on pensait que la Gaule s'était fortement dépeuplée lors des invasions et par des épidémies.
J'ai grande envie Pédro , par ailleurs, d'ouvrir un sujet plus restreint sur nos braves Gaulois pendant les invasions du Vè siècle pour en savoir plus sur leur situation et leur comportement, ce qui se passe en Gaule, alors que les "barbares" arrivent et tournent , s'installent, tiennent garnison et se battent entre eux, éliminant l'armée romaine de Syagrius.

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Message Publié : 02 Nov 2009 23:08 
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Vous allez un peu vite en besogne. La pénétration et l'impact des populations barbares reste très minoritaire en Gaule. Il en va de même après les "invasions"! Ce sont des peuples dont la faiblesse démographique est réelle. Mais je reste persuadé, comme le pense Carrié (qui est un spécialiste reconnu de la période contrairement à Chaunu, qui me semble reprendre pas mal de lieux communs de l'historiographie, dépassés actuellement) que la crise est loin d'être aussi profonde qu'on l'a souvent écrit. Je vous conseille une petite lecture de l'ouvrage de Carrié et Rousselle, disponible au Point Seuil. Sinon, il existe aussi l'ouvrage de Bertrand Lançon, L'Antiquité tardive, Que sais-je? très bien fait... :mrgreen:
Même Dupâquier reste plus que sceptique sur la contraction des villes car nous ne disposons que du tracé des remparts... sans détail du bâti réel. Des faubourgs étaient sans doute présents et d'autre part l'ancienne extension de la ville n'était absolument pas remplie d'habitations... Au final, à la manière des villes médiévales, les cités tardives entassent littéralement les habitants des des espaces plus restreint, comme le dit Dupâquier...

De plus, ne croyez pas qu'au IIIe siècle nous assistons à des invasions ; ce sont des raids de pillage qui laissent plus des traces psychologiques que matérielles! La plupart des cités n'ont jamais vu un barbare et pourtant la contraction du bâti est présente également d'où les doutes sur une perte démographique. De plus les barbares attaquent avec des effectifs faibles pour gagner en rapidité et pour couvrir plus de terrain. Mais cela dans le même temps les expose aussi à des représailles dont les sources ne nous disent malheureusement rien. Mais attention le "nombre considérable de barbares" n'est absolument pas réel! Imaginer des migrations en masse d'à peine quelques centaines de milliers de personnes lorsque des peuples entiers s'ébranlent au Ve siècle... On est loin de hordes sanguinaires et innombrables...

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Message Publié : 03 Nov 2009 1:26 
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Georges Duby
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Votre position va à l'encontre de tout ce qui a été écrit il a peu par Duby, Werner, Chaunu, notamment qui parlent de la grande catastrophe des invasions du IIIè siècle, 272-276 surtout, de la destruction des villes mais aussi des campagnes, d'envahisseurs brutaux et pas civilisés comme au Vè siècle Que faites vous de tous ces trésors enfouis en Gaule ( 250 retrouvés environ) à cette seule période dans une telles masse. Duby parle d'une Gaule à feu et à sang en 275, "villes pillées, campagnes razzies, populations terrorisées". Vous balayez tout cela au vu d'un seul ouvrage, en fait !!! :?:
Je me demande si alors que vous étiez étudiant vous n'êtes pas tombé sous le charme de professeurs qui comme cela se fait beaucoup à l'université combattaient, pour se faire connaitre, les thèse de la précédente génération alors aux honneurs.
Je vais y réfléchir, voir votre JM Carrié, si je le trouve, et demander d'autres avis sur ce forum %1 %1 %1

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Message Publié : 03 Nov 2009 10:46 
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Le problème est que Chaunu, Werner et Duby ne font absolument pas autorité en ce qui concerne l'Empire romain et que leurs théories sont quelque peu vieillissante ; Duby par exemple est remis en question sur ses positions sur la féodalité. Au final vous pouvez sans mal posez des question sur Carrié, c'est un professeur particulièrement rigoureux avec une érudition assez incroyable.
Ensuite, sachez que cela fait 4 ans que j'ai commencé mes travaux sur l'Empire romain tardif et que j'ai légèrement bourlingué sur la thématique. Au final les postulats que vous défendez ont environ trente ans et ne sont plus vraiment d'actualité. Je me suis également assez intéressé aux sources de l'époque tel que Ammien Marcellin, les Panégyriques latins, Zosime, Julien,... Je ne pensais pas faire des développements pendant tant de pages et que l'on pense que je me suis contenté de lire un ouvrage un peu polémique sur le sujet... Enfin bon mon M2 a été validé avec succès et je ne me fais pas trop de soucis quant à ma position scientifique.

Duby n'a jamais travaillé en histoire romaine à la façon de n'importe quel romaniste. C'est bien beau de se lancer dans l'étude d'une période qu'on ne connait guère, mais c'est beaucoup plus difficile de ne pas partir avec des à priori énormes. Mais tous les travaux actuels comme Lançon, Carrié, Rousselle, Richardot, Irénée-Maroux, Modéran, Wolf, Janniard... ont une position beaucoup plus en rapport avec la réalité et préfèrent plutôt la notion d'antiquité tardive que la vieille vision de Bas Empire, très chargée de postulats négatifs.

Concrètement si vous souhaitez vous intéresser à l'antiquité tardive, je peux vous faire parvenir une bibliographie sur la période.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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