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Message Publié : 26 Oct 2009 23:33 
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Alain.g a écrit :
Peut-être certains barbares voulaient-ils gagner des terres agréables à vivre,


Je suis en train de lire un livre sur l'archéologie en Alsace : Fouilles et découvertes en Alsace sous la direction de MAdeleine Châtelet Editions Ouest France (oui, je sais, cela m'à aussi étonné ;) )

Passé les chapitres forts intéressants sur les plus anciennes périodes, ils en viennent à évoquer l'empire romain, mais aussi sa fin.

Citer :
Les premières installations germaniques

Marqué par l'effondrement progressif de l'autorité romaine et l'installation des populations germaniques, la fin de l'Antiquité demeure encore assez mal connue en Alsace, comme dans le reste de la Gaule orientale. La rareté des découvertes du Vème siècle tend cependant à faire penser que le peuplement n'était plus très dense à cette époque, probablement en conséquences des invasions germaniques successives, mais aussi des mutations sociales, économiques et politiques qui touchent l'Empire depuis le IIIème siècle.

Les premières implantations germaniques en Alsace remontent au IVème siècle. Certaines devaient être spontanées, mais la plupart avaient certainement été suscitées par les Romains, qui se servaient alors des Germains tantôt pour renforcer leurs troupes (comme à Illzach), tantôt pour recoloniser et remettre en culture les terres désertées par la population locale. Leur nombre était cependant limité et la persistance d'une culture romaine dans la première moitié du Vème siècle atteste que la région était encore sous contrôle des Romains. La nécropole de Niedernai constitue l'une des découvertes les plus importantes pour cette période, Parmi la trentaine de tombes fouillées du dernier tiers du Vème siècle et du début du Vième siècle, certaines ont livré un mobilier très riche, révélant la présence d'une élite guerrière d'origine germanique, installée dans la région peu avant que celle-ci ne soit rattachée au royaume franc ? Était-ce des Alamans qui s'étaient implantés sur la rive gauche du Rhin ou les premiers Francs venus conquérir ces territoires ?

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
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Message Publié : 27 Oct 2009 0:11 
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Jean-Pierre Vernant
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Ce n'est pas strictement cette pression qui met fin à l'Empire mais bien certains soucis intérieur ; l'Empire Perse subit lui aussi toute une série d'agression à la même période (huns hephtalites) et parviennent à la surmonter. Le problème est beaucoup plus complexe et profond.

Ensuite, ces contrées "inhospitalières" ne sont pas aussi riches démographiquement ; les peuples ou ethnies sont nombreuses mais ne comptent que peu de membres. Les migrations concernent souvent que quelques centaines de milliers de personnes et même moins. De ce fait, il faut s'imaginer que les territoires ne peuvent subvenir à l'approvisionnement de populations trop importantes.

Pour ce qui est du déclenchement de ces mouvements de populations les avis divergent... énormément. Mutation climatique? Croissance démographique? Pour moi cela reste sans doute un peu vague et incomplet, en tout cas cela ne me satisfait pas complètement et laisse à mon sens des points non résolus. Par exemple on invoque des éléments contraires d'un théorie à l'autre ; croissance démographique ou refroidissement du climat entrainant une migration... Je ne suis pas vraiment compétent sur la question mais je pense que de toute façon de grandes zones d'ombres subsistent et continuent de nous échapper. Par exemple le mouvement des Cimbres et des Teutons au IIe siècle avant J.-C. se fait isolément sans autres peuples. Transformation climatique locale? explosion démographique. Nous sommes dépendant des sources qui je crois restent muettes... d'autant que ceux qui ont rapporté cela n'étaient guère plus informés que nous aujourd'hui...

Lorsque les Goths souhaitent entrer dans l'Empire, ce n'est pas pour les richesses des terres impériales ni même pour une conquête ; ils demandent expressément la protection de l'Empire contre les Huns car ils viennent d'être vaincu. Chassé, c'est la peur qui provoque leur mouvement. Tant que les barbares se sont contentés des pillages, ils n'eurent guère envi de s'installer dans l'Empire et ils préféraient rentrer sur leurs terres avec leurs trésors (plus de 700 kilos de métal lors d'une découverte dans un bras mort du Rhin). Les migrations temps que tel ne commencent qu'à l'extrême fin du IVe siècle et les problèmes militaires ne sont dus qu'à des raids de pillages que les Romains ont bien du mal à circonscrire. C'est seulement au Ve siècle que les mouvements deviennent vraiment dramatique... également parce que l'armée romaine est en train de disparaitre, la défense confiée à des peuples fédérés. C'est donc par la peur et face à l'agression d'autres peuples que certaines populations se mettent en mouvement et parcours l'Empire à la recherche d'un asile sûr. Les fameux Vandales en sont bien la représentations car vaincus par les Francs et les Goths et passent en Afrique avant de se fixer.

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Message Publié : 30 Oct 2009 11:37 
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Polybe
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Inscription : 30 Oct 2009 11:28
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Bonjour à tous !

Je réagis sur ce qui à été dit plus tôt : la monarchie et son imagerie, c’est l’empire d’orient en premier, a partir de Diocletien, qui le développe, les fastes de la cours, la théâtralisation du monarque, un soucis de montrer le roi comme représentant de dieu sur terre, etc…J’y vois plutôt une orientalisation du pouvoir (opposition avec les modèles « démocratiques » traditionnels grecos romains).

D’autre part on a bien glosé sur la responsabilité des chrétiens dans la « chute » de l’empire, mais le fait est qu’elle portait le plus l’héritage de l empire, ne serait ce que par son organisation hiérarchique, ses doctrines d’universalités, ses rituels, ses fêtes, le paganisme qu’elle avait fini par intégrer bon gré mal gré. J’ajoute qu’après l’effondrement du pouvoir politique romain, c’est la seule institution qui subsiste capable de diriger et unifier un minimum les peuples, ce n’est pas pour rien que pas mal des « barbares » se sont tourné vers elle en quête d’approbation…Ce n’est que plus tard, vers le 7 eme 8 eme siecle que le christianisme se « germanisera » en achevant la conquête de l’Europe occidentale il me semble.

Déclin ou pas déclin ? le fait est que le monde change lors de l’antiquité tardive arrive, c’est une transition qui a beaucoup de facteurs, les mouvements de populations, la démographie, la disparition progressive de l’esclavage, le changement de mentalité, de religion …l’empire doit s’adapter et le fait du mieux possible, et réussit en partie puisque l’empire d’orient survivra, et qu’en occident l’église essaiera bon gré mal gré de réunifier l’ancien empire romain d’occident, politiquement. Il ne faudrait pas faire du « Romano centrisme » excessif en partant du principe qu’on s’achemine vers le moyen age à cause des romains en eux même, c’est un mécanisme auquel il réagissent et s’adaptent.

Le seul problème est de définir si cette transition est une évolution en elle-même, ou si l’on peut dire que c’est un déclin par rapport au haut empire, et avant. Et la subjectivité est totale…Cependant l'inévitable morcellement progressif en territoires tenus par des chef de guerre a cause de l'impossibilité du pouvoir central d'assurer l'intégrité du territoire me semble etre une régression, pour ne parler que de cet aspect.

Sinon pour répondre à la question, je dirai peut être dans sa manière de gérer politiquement ses rapports avec les peuples germaniques fédérés…une démographie renouvelée et une « remilitarisation » des population tout simplement…Ou une véritable union ou alliance entre l’est et l’ouest.

Bonne journée !


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Message Publié : 30 Oct 2009 13:14 
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Jean-Pierre Vernant
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Je suis assez d'accord avec cela. Néanmoins, l'orientalisation du pouvoir est à mon sens une marche mise en place dès l'origine du principat, simplement sous Dioclétien les vieilles traditions républicaines n'ont plus la force qu'elles avaient sous Caligula... La maturité du pouvoir s'exprime alors et le monarque romaine tente d'exalter sa toute puissance en réaction au IIIe siècle et aux multiples assassinats qui ont frappé les Princes. Dioclétien souhaite placer l'empereur au dessus de tous et pour cela agite fortement l'ascendance divine ; plus l'empereur sera intouchable, plus il sera en sécurité. Evolution logique en tout cas lorsqu'on regarde combien les Princes ont les coudées de plus en plus larges dans l'exercice de leur charge durant le Haut Empire...

Pour ce qui est de la fragmentation géographique, je crois que le soucis est plus profond ; les empereurs ne peuvent accorder leur confiance à des généraux pour la direction des opération car le fondement même du pouvoir impérial, l'imperium proconsulaire amène son titulaire au sommet du pouvoir par l'accumulation de Gloria et de Fortuna. Or si un général devient légitime de part ses victoire, il devient également un rival potentiel. Donc c'est un choix qui suit ; se porter sur tous les théâtres d'opérations, ce qui devient impossible avec la multiplication des agressions, soit on délègue et de préférence à des collègues qui en théorie n'essaieront pas de cumuler les offices... C'est le principe même de la Tétrarchie qui continuera à exister après sa disparition, mais au cas par cas. Mais attention, l'Empire est réuni sous un même souverain à plusieurs reprise au IVe siècle ; Constantin Ier, Constance II, Julien, Jovien et Théodose. Mais outre le successeur de Julien, tous sont des personnalités assez exceptionnelles capable de supporter le fardeau (Constance finit par déléguer devant ses difficultés à conclure victorieusement les guerres extérieures, d'abord à Gallus, puis à Julien, qui finit par entrer en conflit avec lui, sans doute à cause de la paranoïa de Constance vis à vis des usurpations)...

Quant à la remilitarisation de la population, cela est sans doute le fond même du problème, car fournir des masses d'hommes à moindre coût à l'État aurait sans doute amélioré la conduite des opérations, mais cela n'était possible qu'en renonçant à beaucoup d'acquis et en transformant brutalement et profondément la société romaine car le peuple en arme est un modèle de société commun à tous les Indo-européens mais que les Romains ont dépassé définitivement dès Auguste (il faut dire que dès Marius le système a du plomb dans l'aile...) et un tel retour aux sources aurait sans doute amené beaucoup de désordres dans la vie sociale des habitants. Le soldat/citoyen se caractérise par un être pour la guerre ce qui fait que de nombreux actes de la vie courante doivent passer par le port de l'arme. C'est toute une socialisation à reprendre et cela prend énormément de temps... à moins d'un électrochoc idéologique...

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Message Publié : 30 Oct 2009 15:00 
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Georges Duby
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Effectivement, ce problème de la défense du territoire par ses habitants est essentiel. Je ne sais plus quel grand historien a relevé que les habitants de l'empire ne se sentaient plus concernés par Rome au point de le défendre, d'autant que les troupes étaient pour l'essentiel massées aux frontières et composées de "barbares".
Dès les frontières franchies, on entrait comme dans du beurre dans l'empire romain et pire, le peuple aurait été indifférent aux invasions car lassé des lourds impôts romains et des servitudes. Cela ne pouvait être pire pour un habitant de l'empire! Je ne sais pas si se n'est pas Chaunu qui parle ainsi. je l'ai mis alors que j'avais l'ouvrage en mains dans un autre sujet, avec un meilleur exposé de ce point de vue. Rome a fait l'erreur de déléguer la sécurité au loin, sur les frontières. Très juste, semble t-il!

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Message Publié : 30 Oct 2009 15:26 
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Jean-Pierre Vernant
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C'est juste en effet. Certaines théories partent du principe que les Romains développent une armée dite d'intervention ou mobile pour justement intercepter les agressions barbares. Or on peut se rendre compte à la lecture des sources que les généraux composent un peu comme cela les arranges, sans s'en remettre à de complexes rôles de certaines troupes. Sur ce point je rejoins Le Bohec qui pense plus à un niveau de prestige différent des différents types de troupes. De plus, certains ont vu dans la "stratégie" de défense de l'Empire tardif, une défense en profondeur, ce qui semble très complexe à imaginer encore une fois à travers les sources ; les Romains procèdent d'une manière similaire au Haut Empire, c'est à dire qu'ils préfèrent désamorcer les attaques en avant de leurs positions, sur le territoire barbare si possible. Mais avec une situation aussi difficile aux frontières, les barbares passent souvent à travers et il faut les combattre sur les terres même de l'Empire. De plus l'essentiel des troupes est en garnison aux frontière, comme en témoigne la profusion de fortifications de différentes tailles construites entre le règne de Dioclétien et celui de Valentinien Ier. Les soldats effectuent en fait plus des missions de police très limitées contre quelques bandes de pillards qui volent quelques têtes de bétails que de vastes opérations. Ammien Marcellin en fait écho et il nous dit explicitement à deux reprise que les opérations se poursuivent mais que cela ne vaut pas la peine d'être raconté ; c'est la vision romaine de l'histoire qui nous condamne ici aux conjonctures...
A l'arrière, les populations civiles réagissent de manière différente aux agressions et il est certains que ceux de l'arrière qui ne voient jamais un barbare pointer son nez n'ont pas grand chose à faire de la situation des frontières (sauf dans le cas où cela influe sur les impôts ou autre) mais que celui qui vit avec est dans de toutes autres dispositions ; ainsi Ammien nous rapporte des cas d'Italiens se mutilant le pouce pour ne pas être mobilisés alors que dans le même temps les Gaulois continuent de s'enrôler. Il y a sans doute une orientation nettement ethnographique romaine là derrière, dans le sens où les Romains italiens sont perçus comme amollis alors que les Gaulois sont toujours assimilé à la bravoure, mais il y a peut être un certain enseignement là derrière...

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Message Publié : 30 Oct 2009 15:54 
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Georges Duby
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Les gaulois, excellents soldats et cavaliers, aimaient servir dans les armées romaines je crois et ils y étaient nombreux ? Peut-être moins à la fin de l'empire ?

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Message Publié : 30 Oct 2009 15:58 
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Jean-Pierre Vernant
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Hé bien justement si. A la fin de l'Empire le recrutement provincial existe toujours et les Gaulois sont toujours présents dans l'armée ; cf Ammien Marcellin...

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Message Publié : 30 Oct 2009 17:51 
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L'historien Jean-Pierre Rioux a écrit un ouvrage : "fin d'empires" où il recense (presque ?) toutes les fins d'empires connues. Au delà de la règle "un empire finit toujours par s'écrouler" il propose l'hypothèse qu'un empire commence sa décadence lorsqu'une institution s'érige à l'intérieur en Etat dans l'Etat, et perturbe les bases et les règles d'exercice du pouvoir. Cette institution peut être de toute nature : religieuse, militaire, familiale, administrative...

Pour l'empire romain, il désigne spécialement l'Eglise, et voit dans la conversion de Constantin un point de basculement, ou plutôt la constatation par le pouvoir impérial d'un état de fait déjà omniprésent.

Pour ma part je me demande si cet Etat dans l'Etat n'était pas plutôt l'armée. Dans une série documentaire récente sur la fin de l'Empire romain, il me semble qu'à plusieurs reprises c'est le chef des armées (dont j'ignore le titre exact) qui prend le pouvoir, au besoin en déposant l'empereur. En tous cas, plusieurs des derniers césars étaient des généraux. (et le premier également, d'ailleurs.) Qu'en pensez-vous ?

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Message Publié : 30 Oct 2009 18:07 
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Eginhard
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pierma a écrit :
Pour l'empire romain, il désigne spécialement l'Eglise, et voit dans la conversion de Constantin un point de basculement, ou plutôt la constatation par le pouvoir impérial d'un état de fait déjà omniprésent.

L'empereur, à partir de Constantin, est le chef de l'Eglise ; celle-ci n'est pas un Etat dans l'Etat. Dans l'empire romain d'Orient, rebaptisé byzantin par les modernes, cela fonctionnera très bien.

Citer :
Pour ma part je me demande si cet Etat dans l'Etat n'était pas plutôt l'armée. Dans une série documentaire récente sur la fin de l'Empire romain, il me semble qu'à plusieurs reprises c'est le chef des armées (dont j'ignore le titre exact) qui prend le pouvoir, au besoin en déposant l'empereur. En tous cas, plusieurs des derniers césars étaient des généraux. (et le premier également, d'ailleurs.) Qu'en pensez-vous ?

Le pouvoir de l'armée est effectivement un problème du régime impérial. Mais l'on peut difficielement y voir la cause de la chute de l'empire car c'est comme ça depuis le début. Ce n'est pas que les derniers Césars qui étaient généraux, tous l'étaient ou étaient supposés l'être.
Sous la République, imperator désigne le général victorieux acclamé par ses troupes. Or ce titre honorifique est capté par le princeps (qu'on appelle significativement "empereur") dès Auguste : plus aucun autre personnage ne peut s'en prévaloir, et cela devient même leur prénom. L'empereur est donc celui qui est perpétuellement victorieux.
Et l'acclamation par l'armée est le point le plus important de l'investiture impériale, dès les Julio-Claudiens : le sénat et le peuple finissent presque toujours par ratifier l'investiture donnée par l'armée.
Des généraux qui, dans leurs provinces, sont acclamés imperator par leurs troupes et ainsi portés au pouvoir suprême, c'est une caractéristique de l'empire : Vespasien, Septime Sévère, etc.
L'empire romain ressemblait plus à une dictature militaire qu'à une monarchie héréditaire. D'où l'instabilité du régime, dès le départ et pas seulement à la fin.


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Message Publié : 30 Oct 2009 19:17 
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Jean-Pierre Vernant
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Attention, les autres généraux en chef son titulaires de l'imperium car sans ça ils ne peuvent commander aux armées, de même que les consuls le possèdent également dans Rome. L'empereur ne fait que le cumuler et l'étendre à tout l'Empire.

Je ne suis pas du tout d'accord avec les théories qui voient dans les Empire une décadence ou une chute irrémédiable ; il suffit de se tourner un peu vers l'Orient pour se rendre compte de la limite d'un tel modèle ; l'Empire Chinois, qui à travers les multiples crises et invasions continue sous une nouvelle forme à exister. Il en vas de même de l'Empire perse qui bien que conquis par l'Islam a conservé ses particularismes et à terme a survécu également. Le problème profond de Rome était peut être la multiplicité ethnique qui ne tenait que grâce à l'idéal de chacun ; Rome qui était bien plus qu'une simple ville, c'était un idée, un concept commun que chacun s'efforçait de copier et même de transcender. Une fois disparut, le territoire manquait certainement d'unité ce qui explique sans doute sa dilution.

Pour ce qui est de la religion chrétienne, c'est un élément qui souhaite être universel, or cela est incompatible avec l'idée même d'universalité impériale... et de Rome elle-même, idée que j'ai développée plus haut. Cette opposition crée beaucoup de tumulte dans la partie orientale de l'Empire qui parvient à survivre, le basileus souvent en conflit avec son Église et notamment lors de la crise iconoclaste... Au final à Byzance, l'empereur a perdu son universalité, son aura supérieure comme en témoigne le terme même de basileus qui est plus proche de celui de roi, souverain que de celui d'imperator.

Le rôle de l'armée est intéressant car elle crée bien sûr de nombreux désordres... mais seulement au IIIe siècle! Par la suite elle est beaucoup plus mesurée dans ses actions. Au Ve siècle, c'est elle qui finit par disparaitre progressivement devant sa substitution par des peuples barbares chargé de la défense de l'Empire. Politique au combien dangereuse, et Byzance survie car elle réussit à sauver son armée et à la rendre de plus en plus "nationale" ; comprendre qu'elle conserve une institution forte.

Le problème de la non hérédité du pouvoir est justement le nœud principal de l'instabilité du pouvoir impérial ; le Prince est le souverain de plus absolu que l'Europe ai connu et pourtant la base de son pouvoir est très fragile. En effet, il est dépendant de ses résultats dans la guerre et un souverain défait devient rapidement un parasite à éliminer pour reprendre les mots très justes de Paul Veyne. Or si les armées ne sont pas victorieuses souvent comme lors du IIIe siècle, bonjour la valse des imperatores :mrgreen: ...
Mais cette situation est beaucoup moins préoccupante au IVe siècle ; seule l'usurpation de Julien peut être considérée comme le fruit de l'incapacité militaire (Constance II était réputé pour ses résultats éclatant lors des guerres civiles mais également pour son incapacité chronique à venir à bout des ennemis extérieurs de l'Empire) seulement parce que Constance avait vu sa Fortune se réduire pour les soldats occidentaux... et encore très localisé à la Gaule... :mrgreen: Pi c'est compliqué... lol

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Message Publié : 30 Oct 2009 19:35 
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Helios a écrit :
Sous la République, imperator désigne le général victorieux acclamé par ses troupes.

Si on les juge sous ce critère, les impérators suivants ont forcément un problème de légitimité : personne n'est victorieux de naissance. :-)

Helios a écrit :
Des généraux qui, dans leurs provinces, sont acclamés imperator par leurs troupes et ainsi portés au pouvoir suprême, c'est une caractéristique de l'empire : Vespasien, Septime Sévère, etc.
L'empire romain ressemblait plus à une dictature militaire qu'à une monarchie héréditaire. D'où l'instabilité du régime, dès le départ et pas seulement à la fin.

Aucune dictature militaire ne dure 4 siècles. Quelles sont les autres bases de légitimité, qui ont permis aux empereurs successifs de stabiliser le pouvoir pendant de longues périodes ?

L'utilisation du principe dynastique ? Des contre-pouvoirs ?

Vous décrivez bien l'armée romaine comme un Etat dans l'Etat. Peut-on dire que sur la fin de l'Empire elle était seule à faire et défaire les empereurs ?

(Pour moi un état où tout général victorieux peut imaginer prendre la place de l'empereur n'est guère mieux loti - politiquement - qu'une tribu germanique.)

Vous aurez déjà compris que je connais très peu l'histoire romaine, mais que je trouve la question passionnante. :P

(Dans le documentaire que j'ai évoqué, j'ai été stupéfait de découvrir que l'Empire était déjà plus ou moins instable dès le 3ème siècle. En tous cas qu'il a connu des péripéties... sévères.)

EDIT : @ Pédro : si l'armée romaine au IVème siècle n'est plus romaine - et en voie de désagrégation - alors qui fait et défait les empereurs ?

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Message Publié : 30 Oct 2009 19:40 
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Jean-Pierre Vernant
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Au IVe siècle elle n'est pas moribonde, loin de là, et les barbares qui y entrent ont un féroce sentiment d'appartenance à l'Empire, je voulais juste dire que par rapport aux siècle passé l'armée se calme dans les assassinats. Mais c'est toujours elle qui acclame et c'est l'État major qui fournit les futurs empereurs. C'est au Ve siècle que cela change, mais je ne suis pas assez compétent sur la question pour être efficace... Il me semble que les tractations du Sénat et de la cours impériale se substituent à ce rôle, sous réserve.

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Message Publié : 31 Oct 2009 13:02 
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Eginhard
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Pédro a écrit :
Je ne suis pas du tout d'accord avec les théories qui voient dans les Empire une décadence ou une chute irrémédiable ; il suffit de se tourner un peu vers l'Orient pour se rendre compte de la limite d'un tel modèle ; l'Empire Chinois, qui à travers les multiples crises et invasions continue sous une nouvelle forme à exister. Il en vas de même de l'Empire perse qui bien que conquis par l'Islam a conservé ses particularismes et à terme a survécu également. Le problème profond de Rome était peut être la multiplicité ethnique qui ne tenait que grâce à l'idéal de chacun ; Rome qui était bien plus qu'une simple ville, c'était un idée, un concept commun que chacun s'efforçait de copier et même de transcender. Une fois disparut, le territoire manquait certainement d'unité ce qui explique sans doute sa dilution.

Peut-être justement est-ce là un problème de définition d’un empire. Le propre de l’empire, par rapport notamment au royaume ou à la nation, serait d’être une domination (imperium) : ainsi quand on parle de l’empire américain pour exprimer sa toute puissance mondiale ou de l’empire athénien en Mer Egée au Ve siècle. Et en tant que tel, il ne pourrait durer.
Et les empires qui ont survécu seraient ceux qui auraient réussi à pousser l’intégration des territoires soumis jusqu’à créer une nation : Iran, Chine (même s’il reste bien sûr des minorités ethniques, mais ces minorités sont justement… minoritaires).

pierma a écrit :
Aucune dictature militaire ne dure 4 siècles.

Et pourquoi pas ? C’est un postulat, mais ça reste à démontrer.
Mais en fait, je suis d’accord avec vous : l’empire romain est bien plus qu’une dictature militaire. C’était une analogie avec le XX siècle délibérément anachronique, pour prendre la mesure de la différence entre le régime du principat et les monarchies européennes avec lesquelles nous sommes familières.
Il y a notamment une tentation dynastique, avec le principe de l’adoption mais aussi par la filiation naturelle (Vespasien et ses fils, Marc Aurèle et Commode, Septime Sévère et Caracalla) mais aucune dynastie n’arrive à s’imposer longtemps : car l’empereur, bien que divinisé à sa mort, reste dans l’esprit et dans la loi un magistrat, et que les magistrats républicains étaient choisi parmi les grandes familles (l’hérédité jouait donc un grand poids) mais étaient quand même élus par le peuple et approuvés par le Sénat. Le moment qui a pu paraître idéal aux Romains, et surtout aux sénateurs, est la dynastie antonine avec le mythe (en réalité jamais vraiment appliqué) de l’adoption du meilleur, conciliation de l’idée dynastique et de l’idée républicaine.
Au final, dans cet équilibre toujours instable, la légitimité suprême reste la victoire militaire. C’est pourquoi Claude a lancé la conquête de la Bretagne. Voir aussi les célébrations monumentales des victoires : arc de Titus, colonne Trajane. Trajan, par exemple, se fait décerner des titres en rapport avec ces victoires : Parthique, Dacique, etc.

pierma a écrit :
Vous décrivez bien l'armée romaine comme un Etat dans l'Etat. Peut-on dire que sur la fin de l'Empire elle était seule à faire et défaire les empereurs ?

Pas seulement à la fin. A chaque crise, c’est un général qui s’impose : en 69, Vespasien ; en 193, Septime Sévère. Voir aussi le rôle de la fraction d’élite de l’armée romaine : les Prétoriens (garde personnelle de l’empereur). Ce sont eux qui choisissent Claude en 41, ce sont eux qui mettent l’empire aux enchères en 192/193 (Septime Sévère les roulera dans la farine).
Et le moment où l’anarchie militaire est la plus forte, comme l’a rappelé Pedro et comme vous l’évoquez plus loin dans votre message, c’est la crise du IIIe siècle où les empereurs changent chaque année et qui ne se terminera que grâce aux réformes énergiques de Dioclétien avec l’instauration de la Tétrarchie.
A la fin de l’Empire, la combinaison du facteur militaire et du principe dynastique reste la même : Constantin est le fils du tétrarque Constance Chlore, Théodose place ses fils sur le trône (Arcadius et Honorius). Bref, l’armée n’est pas la seule à faire et défaire les empereurs (surtout que précisons : l’armée au singulier n’existe pas, il n’y a pas de chef d’Etat-major à Rome autre que l’empereur, ce sont toujours des armées précises qui portent leur chef au pouvoir contre un autre chef : les légions du Danube, celles du Rhin, etc). L’armée est la légitimité en cas de crise, et comme la situation est grave au Ve siècle, oui elle joue un grand rôle, mais ce n’est pas une nouveauté. Pedro l’a bien expliqué plus haut : quand l’empereur perd, on lui cherche un remplaçant, c’était pareil dès le début, mais à la fin la pression germanique est telle que l’empereur perd plus souvent.


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Message Publié : 31 Oct 2009 13:34 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Hé bien Helios, vous réduisez quelque peu la capacité de l'Empire en tant que tel à être un ensemble cohérent ; la force des Romains passe avant tout par leur formidable capacité à faire participer les provinciaux à la bonne marche de l'Empire, par différents moyens ; citoyenneté romaine... Dès lors chacun a conscience d'appartenir à quelque chose de plus grand, de presque transcendantal : Rome. Mais cela se grippe un peu au IVe siècle et il est étonnant de voir que deux phénomènes sont concomitant à cette époque : d'une part les population civiles ressentent une sorte d'éloignement par rapport au pouvoir central parce que celui ci a du mal à répondre présent sur tous les fronts (d'où des pouvoirs centrés sur des territoire particuliers comme s'est le cas pour la Tétrarchie et même lors de l'usurpation de Postumus par exemple) alors que dans le même temps les barbares qui pénétrent via l'armée dans l'Empire font des serviteur zélés du modèle romain et des défenseurs acharnés de l'Empire (que se soit des généraux comme Stilicon, des tribuns dont certains sont tués dans des affrontements sans qu'ils aient laché un pouce de terrain, ou de simples soldats et ici l'attitude des Auxiliaires Palatins est il me semble significative).

Mais comme l'avez fort bien montré, l'interrogation fondamentale qui existe toujours sur la question de la succession impériale et les appétit qu'elle suscite parmi les puissants. Mais dans le même temps c'est un revers à un pouvoir aussi gigantesque qu'aucun souverain, même les roi absolus français ne pourront se targuer de posséder.

Vous montrez que la Chine et la Perse ont construite sur des ethnies minoritaires, ce qui est vrai, mais attention leur territoire est beaucoup plus compact que celui de Rome. Le lac romain qu'est ma Méditerranée coupe des réalités très différentes et les communications en pâtissent. De plus, il existe au Occident et un Orient très marqués culturellement par deux langues et des réalités urbaines bien différentes. Les territoires des autres Empires universel sont moins disparates et n'ont pas à gérer des situation aussi opposées ; quelle rapport existe-t-il entre la Bretagne placée sous contrôle militaire et la Grèce? Quelle proximité entre l'Égypte et le Norique? Une seule chose maintient tout cela et ce n'est pas le fer des légions ; c'est la conscience d'appartenir à un tout que l'on appelle Rome. Si ce sentiment s'étiole il ne reste pas grand chose. Or ce sentiment, même un peu plus ténu vers la fin reste tout de même vivace et les auteurs ne s'y trompe pas non plus ; les habitants de l'Empire sont toujours désignés sous le nom de romains dès lors où on les oppose aux barbares de l'extérieur. Il en va de même des soldats auxiliaires barbares qui sont désignés comme romains par rapport aux autres.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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