Je suis bien d'accord, et toutes les tentatives visant à rendre la succession se soldent immanquablement par des échecs, la tétrarchie en tête... Cela est due au fait que la dignité impériale reste jusqu'au bout une magistrature et non une monarchie, et l'allergie que nourrissent les Romains vis à vis de ce dernier système de gouvernement n'arrange pas les choses... D'ailleurs je pense que les guerres civiles du IVe siècle sont bien plus préjudiciables que les attaques barbares ; la bataille de Mursa, même si les chiffres donnés par les sources sont sans doute un peu irréels, reste une terrible saignée...
Mais ensuite, je dois dire que les propos que je tiens ici s'opposent à un point de vue éculé et parfois dangereux dans sa façon de traiter l'histoire ; je suis bien conscient que globalement l'Empire vie des heures assez difficiles, mais on reste à des années lumières de ce qui à longtemps été dit sur cette période. Ainsi je ne parlerais pas de paix au frontières par exemple... La guerre est endémique et les Romains accomplissent des prouesses pour éviter qu'une situation similaire au IIIe siècle ne réapparaisse...
En tout cas, il est assez fou de voir chez certains historiens accorder Mac Mullen que l'armée romaine est pratiquement évanouie au IVe siècle,mais alors on se demande bien pourquoi les Goths s'ennuient à demander l'autorisation à Valens pour passer dans l'Empire... On se demande aussi à quoi sert la
notitia dignitatum, un document administratif référençant ls différentes unités de l'armée... Un problème qui est souvent passé à la trappe est celui de la petite guerre de tous les jours, la guerre dont les sources ne rendent pas compte sauf dans de courtes mentions qu'ils faut saisir au vol. Chez Ammien j'en ai trouvé deux où l'auteur, parlant d'une campagne contre des brigands en Isaurie rappel les faits majeurs, puis nous dit qu'il arrête là son propos parce que le reste du déroulement n'est pas important dans son travail mais que les troubles continuent... Voilà de quoi bloquer pas mal de troupes pendant un moment... Les combat en montagne son parmi les plus difficiles en plus... Il faut donc se garder de conclusions hâtives et fonctionner avec plus de discernement. Le nombre d'attaques de très faible envergure et nécessitant des actions de police plus que de guerre devait être assez ébouriffant... Le plus dramatique est bien entendu lorsqu'un empereur dégarnit une frontière pour partir combattre les usurpateurs, car ce brigandage peut s'exercer librement... Mais les attaques massives restent très rares et finissent la plupart du temps punies dans le sang. Les Romains conservent avec aisance la supériorité tactique et technique et certaines rencontre où ils sont en net infériorité numérique se soldent rarement par des victoires barbares ; ainsi lors d'une attaque (Alamans je crois) deux légions, donc sans doute guère plus de 2000 hommes partent pour contrer la menace. Par orgueil les unités refusent de guerroyer de concert et son vaincues par un ennemi bien supérieur (peut être 10000 hommes) mais parviennent à décrocher en ordre et à se reformer plus loin. La menace est ensuite réduite par des renforts.
En tout cas les pillages et la situation de l'Empire décrite par certaines sources, comme les panégyriques latins, sont du domaine de la rhétorique et servent à augmenter le prestige de celui à qui on les dédies car il passe alors pour le restaurateur du monde romain... Et oui c'est pas très classe de dire qu'il a vaincu quelques barbares affamés venues voler des têtes de bétail... J'exagère quelque peu, mais souvent les Romains aiment à magnifier les victoires de certains empereurs, en leur attribuant des noms comme
parthicus maximus, alors que la guerre s'est soldé par une défaite romaine, habilement détournée... Dans un autre domaine il n'est pas rare de lire que durant l'hiver la terre est restée gelée pendant trois mois alors qu'au final ce fut un hiver un peu plus rigoureux que d'habitude...
Donc au delà de ces conventions de langage, certains auteurs sont plus objectif, et justement c'est le crédo d'Ammien Marcellin, qui non content de citer ses sources tente de livrer un visage contrasté de son époque, même s'il cède lui aussi parfois à la sinistrose... Il n'empêche que cet auteur nous parle de coteaux couvert de vignes aux abord de Strasbourg en 357, à la veille de la bataille contre les Alamans alors que la région passe pour totalement dévastée, et surtout sous contrôle barbare depuis que Constance à fomentée l'attaque des Alamas sur les arrières de l'usurpateur Magnence... La vigne n'étant pas quelque chose qui repousse facilement on est droit de douter de l'horreur des prétendues destructions...
Pour vus répondre Gethsemani, l'Empire d'Orient parvient à surmonter l'épreuve pour plusieurs raisons ; un dynamisme économique supérieur certes, mais aussi et surtout une place moindre réservée aux contingents barbares tenues par
feodus, et surtout l'envoie des Goths en Occident... La scission du monde romain n'est que réelle à partir de 395, et justement après l'entraide passe au second plan (même si ponctuellement des troupes de faible importance transitent de l'un à l'autre). Concrètement l'Orient une fois débarrassée des Goths s'est trouvée beaucoup plus tranquille que l'Occident qui doit se défendre sur tous les fronts (Rhin, Illyrie, Réthie, Nord de l'Italie, et une fois le Rhin franchi... ). Donc nous ne sommes pas sur des périls semblables et donc la question de la survie orientale passe aussi par un sacré coup de chance... Mais en même temps cela montre que les barbares n'étaient pas non plus des masses innombrables car il leur à suffit de l'occident pour s'établir...