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Message Publié : 31 Oct 2009 14:19 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 25 Mai 2004 21:35
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Localisation : Paris
Pédro a écrit :
Vous montrez que la Chine et la Perse ont construite sur des ethnies minoritaires, ce qui est vrai, mais attention leur territoire est beaucoup plus compact que celui de Rome. Le lac romain qu'est ma Méditerranée coupe des réalités très différentes et les communications en pâtissent. De plus, il existe au Occident et un Orient très marqués culturellement par deux langues et des réalités urbaines bien différentes. Les territoires des autres Empires universel sont moins disparates et n'ont pas à gérer des situation aussi opposées ; quelle rapport existe-t-il entre la Bretagne placée sous contrôle militaire et la Grèce? Quelle proximité entre l'Égypte et le Norique?

J’avais l’impression qu’au contraire, la Méditerranée créait une unité au monde romain. Pour les territoires européens éloignés, peut-être pas, comme la Bretagne, la Germanie, la Dacie. Mais il y a au moins une unité climatique du monde méditerranéen qui fait que, finalement, les conditions écologiques sont assez semblables de l’Espagne à la Syrie. Quant au domaine linguistique, même s’il y a une opposition entre les deux parties de l’empire, il y a quand même une certaine homogénéité en Orient d’une part, où presque tout le monde parle grec, et en Occident avec le latin. Enfin, la Méditerranée me paraissait être un atout pour les communications : on circule plus vite sur l’eau que sur mer (même si, j’en conviens, la mer est fermée six mois par an à la navigation).

Pédro a écrit :
Mais cela se grippe un peu au IVe siècle

La question devient donc : pourquoi cela se grippe ? Au moment de la conquête et jusqu’au IIIe siècle, la domination romaine, bien qu’imposée par la force, aurait apporté un mieux-être aux populations soumises, qui auraient donc pu se sentir partie intégrante de ce « concept de Rome » ? Et à un moment, elles ont fini par se dire que, tout compte fait, les royaumes barbares valaient autant que Rome.
Est-ce dû à une incapacité du pouvoir central à prendre en charge les besoins de ces populations, comme assurer la sécurité, le ravitaillement, les communications, les édifices d’utilité publique ? Est-ce que cela a à voir avec cette crise économique, et notamment monétaire, dont j’ai entendu parler mais que j’ai du mal à cerner ? A des problèmes sociaux ? En particulier : qu’en est-il de cette fameuse désurbanisation ? est-ce un mythe ? La civilisation romaine étant fondamentalement urbaine, y a-t-il un lien ?


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Message Publié : 31 Oct 2009 14:51 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Il faut bien se bien se figurer que les moyens de transport de l'époque sont extrêmement lents et se font principalement par voie maritime ce qui reste très aléatoire encore et pour de nombreux siècles... La conquête de Germanie s'est sans doute interrompue à cause de la difficulté à amener le ravitaillement à l'armée. Le monde antique reste le monde antique. On se figure souvent Rome d'une manière trop "moderne" sans doute à cause de l'anachronisme même de cette civilisation et de sa démesure... La Méditerranée et ses vents récalcitrant est bien sûr densément parcourue de bateaux de transport commerciaux, mais tout cela reste périlleux... Les épaves sont là pour en témoigner. Cela reste fragile pour établir une unité.

Les questions que vous posez sont un peu toutes dans le vrai ; mais fondamentalement le pouvoir s'éloigne et se concentre aux frontières. La crise économique est difficile il est vrai à saisir ; les multiples dévaluations monétaires du IIIe siècle ont vraiment déstabilisé l'économie de proximité ; un exemple la disparition des ateliers de production d'armes privés et l'État en assume désormais la charge avec les grandes fabricae d'État. Le paiement de la solde des militaires nous est moins connues que pour le Haut Empire mais il apparait que cela est moins régulier... Mais tout cela est difficile à quantifier.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 31 Oct 2009 15:05 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Pour ma part je suis plus que circonspect sur une éventuelle désurbanisation ; on assiste certes à une contraction du bâti derrière des murailles, mais rien ne nous dit qu'il n'existe pas de "faubourg"... Mais c'est surtout au niveau de la gestion des cités qu'il existe une vraie transformation : les charges municipales coutent cher à celui qui la porte et on assiste de plus en plus à la ruine, puis à la désaffection des curies locales. Ce rôle est de plus en plus assumé par l'Église chrétienne et la paroisse apparait progressivement. Donc s'il y a changement dans la ville c'est surtout à ce niveau que cela change. Mais c'est très profond car c'est le fondement même du contrôle des provinces dans le modèle antique, hérité de la Grèce.

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Message Publié : 31 Oct 2009 16:02 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Pédro a écrit :
Hé bien justement si. A la fin de l'Empire le recrutement provincial existe toujours et les Gaulois sont toujours présents dans l'armée ; cf Ammien Marcellin...
Je préfère suivre Chaunu: " ... 1er siècle, la Gaule a fourni 60 % des contingents de volontaires levés dans les provinces occidentales ... par la suite cette proportion décroit de manière vertigineuse. "
Chaunu cite Duby et Goudinaud en appui de son affirmation.
Pas étonnant, il n'y a plus d'armées qu'aux frontières, comme dans un oeuf, l'intérieur n'est plus protégé dit Chaunu et on fait alors appel à des "demi-barbares" . Pour un gaulois, l'armée est trop couteuse et elle est devenue une menace. pire même: " l'ennemi, c'est le soldat "
Chaunu évoque l"idée que l'empire dont l'armée était devenu déconnectée, " sans arrières ", aurait du mettre des légions à quelques points forts du territoire, comme il était fait dans la période julio-claudienne avec ses 150.000 légionnaires seulement. Le pays était alors parti à sa sécurité, par ailleurs. Un système efficace et peu couteux, peu de troupes aux frontières de l'empire.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 31 Oct 2009 16:43 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Hé bien je ne suis pas vraiment d'accord ; durant l'antiquité tardive les effectifs croissent de manière plus que significative avec une armée qui compte alors 450000 à 500000 hommes. Les soldats sont confrontés à de très nombreuses reprises à la population civile de part des garnisons par exemple. L'ennemi n'est clairement pas aussi facilement le soldat car c'est aussi quelqu'un qui a un pouvoir d'achat, d'où des villes qui se bâtissent autour des camps... Il y a toute une foule de gens qui vivent parallèlement à l'armée, que se soit des concubines, des artisants, des marchands et la vision d'une armée repliée sur elle même me semble très inexacte ; l'armée est plutôt un monde à part, mais un monde qui n'est ni totalement militaire ni totalement romain à part entière. Mais c'est un monde bien plus divers et bien plus large qu'on ne le pense généralement. Ainsi lorsque les soldats de Julien le proclament Auguste, ils le font parce qu'ils sont attachés à leur territoire, la frontière de Rhin et parce qu'ils ne veulent pas que leurs familles soient exposées aux agressions des Alamans... Le système du Haut Empire d'une armée déconnectée est largement remise en cause et les différentes armées se sont "provincialisées". L'attachement au sol commence à être très fort. De plus le recrutement se fait par un système qui fait que le fils d'un soldat devient obligatoirement soldat ce qui ancre encore plus l'homme à un camp... Les barbares qui entrent dans l'armée le font souvent en négociant leur poste en en posant des conditions ; ainsi les hommes qui proclament Julien avaient posé comme condition qu'ils ne devaient pas passer les Alpes. Mais tous ces hommes finissent par s'installer sur les terres de l'Empire et se mélangent avec les populations locales...
les choses changent donc beaucoup entre Haut Empire et Empire tardif...

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Message Publié : 31 Oct 2009 17:29 
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Salluste
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Inscription : 06 Juil 2009 22:33
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Localisation : Partout et nul part
Petite remarque: quelle est impact de la décision de Caracalla de donner la citoyenneté à tous les sujets de l'Empire ? A-t-elle offert un répit à sa décomposition interne ou fut-elle une erreur en dévalorisant les efforts faits par les notables pour acquérir une culture latine ? Des études récentes ont-elles été menées sur la question ?


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Message Publié : 31 Oct 2009 17:45 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Au final il apparait que le décision de Caracalla n'est pas spécialement une révolution au vu des statuts déjà concédés à la plupart des hommes libres de l'Empire. Mais je manque un peu d'informations sur la question. Je vais gratter dans ma bibliothèque... :mrgreen:

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Message Publié : 01 Nov 2009 15:29 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Pédro a écrit :
Hé bien je ne suis pas vraiment d'accord ...... Ainsi lorsque les soldats de Julien le proclament Auguste, ils le font parce qu'ils sont attachés à leur territoire, la frontière de Rhin et parce qu'ils ne veulent pas que leurs familles soient exposées aux agressions des Alamans... ainsi les hommes qui proclament Julien avaient posé comme condition qu'ils ne devaient pas passer les Alpes.

La réalité est différente, si la formulation de Chaunu, pour la fin de l'empire, peut surprendre car elle schématise, elle correspond je crois à la réalité, les troupes aguerries sont aux frontières et Rome a mis des barbares à l'intérieur, des barbares qui vont avoir des avantages, ce qui explique que les gaulois soient devenus indifférents au sort d'un empire qui procède ainsi et les pressure d'impôts pour entretenir cette armée de 500.000 hommes dont vous parlez qui comporte beaucoup d'auxiliaires. Les gaulois se révoltent de plus en plus d'ailleurs, par les bagaudes notamment. Ce n'est pas seulement le soldat (barbare le plus souvent) qui est l'ennemi, c'est l'empire qui est l'ennemi.

Notre différence de vue s'exprime bien dans la proclamation de Julien comme empereur que vous évoquez. Certes, les soldats de Julien demandent à ne jamais franchir les Alpes et ne veulent pas que les Alamans les remplacent sur le sol gaulois. Il y a donc des troupes sur place.

Mais justement, ce n'est pas la vraie histoire. Julien a d'abord reçu l'ordre de Constance II de lui envoyer une grande partie de ses troupes en Orient, précise KF Werner " les origines", grand spécialiste de cette période, qui confirme donc Chaunu: priorité aux frontières, on dégarnit le territoire. Puis, de ce fait, il y a presqu' une mutinerie des soldats gaulois et surtout en nombre des barbares engagés contre promesse de ne pas être employés au delà des Alpes. Ils élèvent alors Julien sur le pavois afin qu'il ignore les ordres de les envoyer en Orient de son Auguste, en devenant Augustus.

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Message Publié : 01 Nov 2009 16:37 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Il ne faut pas confondre la situation du IVe siècle et celle du Ve siècle. Le problème ici, est que l'ordre de Constance ne concerne pas une grande partie de l'armée de Julien comme semble le dire Werner, mais ses unités d'élite ; les auxiliaires palatins, qui sont de toutes les batailles à l'époque. Se sont des troupes redoutable, d'une fidélité éprouvée mais d'une susceptibilité assez proverbiale... comme le sont les soldats romains en général. Lorsque Constance envoie l'ordre à Julien César de lui envoyer ces unités, l'idée est avant tout politique ; Constance est jaloux des succès de Julien et craint que celui-ci, fort de sa gloire, ne brigue le titre d'Auguste. C'est pour cette raison qu'il souhaite le déposséder de ces forces d'élite. Or, ces unités très germanisées fonctionnent selon des liens d'hommes à homme et Julien a réussi à se faire accepter comme chef en prouvant sa valeur et en partageant le quotidien de ses troupes. Cela pèse dans la décision des soldats pour l'éleber, à la manière germanique au titre suprême. Mais prenez les sources, et Ammien est prolixe sur le sujet ;

[20,4] (1) Une invasion des Perses était imminente; nos avant- postes en étaient prévenus par tous les transfuges, et Constance accourait au secours de l'Orient. Mais son coeur était dévoré d'envie devant l'éclatant témoignage que proclamait la renommée des travaux et des vertus héroïques de Julien: les Alamans terrassés, les cités de la Gaule arrachées aux mains des barbares, eux-mêmes soumis et devenus tributaires; autant de blessures portées à sa vanité jalouse.
(2) Il craignit que l'avenir ne lui en réservât de plus cruelles encore; et, par le conseil, dit-on, du préfet Florence, il envoya en Gaule Décence, tribun des notaires, avec mission de tirer de l'armée de Julien toutes les troupes auxiliaires, composées d'Hérules, de Bataves, de Pétulants et de Celtes; de réunir trois cents hommes choisis dans les autres corps, et de diriger le tout sur l'Orient, avec assez de diligence pour que ces troupes pussent au printemps entrer en ligne contre les Perses.
(3) Lupicin était nominativement désigné pour commander ce détachement; car on ignorait encore à la cour l'expédition de Bretagne. De plus, Sintula, grand écuyer de César, reçut l'ordre de prendre l'élite des scutaires et des gentils, et de se mettre à la tête de cet autre démembrement de l'armée des Gaules.
(4) Julien se soumit sans murmure, déterminé à déférer en tout à la volonté supérieure. Il ne put cependant s'empêcher de protester contre tout emploi de contrainte à l'égard des soldats natifs d'outre-Rhin, qui, venant lui offrir leurs bras, avaient stipulé qu'on ne les ferait jamais servir au-delà des Alpes. C'était, disait-il, une clause toujours insérée par les barbares dans leurs engagements volontaires; y porter atteinte était compromettre cette voie de recrutement pour l'avenir. Mais il parlait en vain.
(5) Le tribun, sans avoir égard à ses remontrances, exécuta strictement ses ordres. Il écréma auxiliaires et légions de leurs soldats les plus vigoureux et les plus dispos, et partit avec cette élite, tout joyeux de s'être acquis par là de nouveaux titres aux faveurs de la cour.
(6) Restait à expédier le complément des troupes demandées. César éprouvait une anxiété des plus vives. Il avait affaire aux plus farouches des soldats, et les ordres de l'empereur étaient péremptoires. Dans son embarras, qu'augmentait l'absence du général de la cavalerie, il manda près de lui le préfet, qui s'était rendu à Vienne sous prétexte de s'occuper des subsistances, mais en réalité pour s'éloigner du théâtre de la crise.
(7) Florence passait effectivement pour avoir, dans des rapports antérieurs, fortement appuyé près de Constance sur l'esprit militaire des corps employés à la défense des Gaules, sur l'effroi qu'ils inspiraient aux barbares, et pour avoir, par ces raisons mêmes, conclu au retrait de ces troupes.
(8) À l'invitation de Julien de venir l'aider de ses avis, il ne répondit que par un refus obstiné. La lettre de ce dernier, en effet, disait en termes formels (ce qui était loin de rassurer Florence) que le poste du préfet était près du général dans les moments difficiles. Julien ajoutait que s'il persistait à le laisser seul, il allait lui-même déposer le titre de César, préférant la mort à la responsabilité terrible qui allait peser sur lui. Mais toutes les raisons vinrent se briser contre l'opiniâtreté du préfet.
(9) Ainsi livré à ses incertitudes par l'absence d'un de ses conseils et la pusillanimité de l'autre, Julien, après quelque hésitation, jugea n'avoir d'autre parti à prendre que de presser officiellement le départ, et fit mettre en marche les troupes déjà sorties de leurs quartiers.
(10) Au moment où l'on publiait l'ordre, un pamphlet fut jeté au pied des enseignes des Pétulants. Entre autres excitations il contenait ce qui suit: "On nous relègue aux extrémités du monde, comme des proscrits, des malfaiteurs; et nos familles, que nous avons, au prix de tant de sang, arrachées à la servitude, vont retomber sous le joug des Alamans."
(11) Cette pièce fut portée au quartier général et lue par Julien, qui, reconnaissant quelque justesse dans la plainte, permit aux femmes et aux enfants des soldats de les suivre en Orient, et mit à leur disposition les transports publics. Comme on hésitait sur la route qu'on leur ferait prendre, le notaire Ducence proposa de leur faire traverser Paris, que Julien n'avait pas encore quitté; et cet avis prévalut.
(12) À l'entrée des troupes dans le faubourg, le prince alla au-devant, selon sa coutume. Il adressa la parole à tous ceux qui lui étaient connus, les loua individuellement de leurs bons services, et les engagea tous à se féliciter de rejoindre le drapeau de l'empereur: "Là, disait-il, ainsi que la générosité, la puissance était illimitée; là les attendaient enfin des récompenses dignes d'eux."
(13) Pour leur faire plus d'honneur, il réunit les chefs dans un dîner d'adieux, les invitant à lui adresser en toute liberté leurs demandes. Mais la bienveillance même de son accueil augmentait l'amertume de leurs regrets; et l'on rentra dans ses quartiers ne sachant ce qu'on devait déplorer le plus de la nécessité de quitter un pareil chef, ou de celle de s'expatrier.
(14) Vers le milieu de la nuit les esprits s'échauffent, l'aigreur du chagrin se tourne en désespoir, et bientôt en révolte. On court aux armes; on se porte en grande rumeur vers le palais; on en bloque toutes les issues. D'effroyables clameurs proclament aussitôt Julien Auguste, en insistant obstinément pour qu'il ait à se montrer. Il était nuit; force leur fut d'attendre. Mais au point du jour le prince, réduit enfin à paraître, est de nouveau salué du nom d'Auguste par un concert unanime d'acclamations.
(15) Cependant Julien restait inflexible. Il adjurait tous et chacun d'eux, tantôt avec l'accent de l'indignation, tantôt en étendant vers eux des mains suppliantes, de ne pas ternir par un acte odieux l'éclat de tant de victoires: c'était le déchirement de l'État qu'ils allaient opérer par cette manifestation inconsidérée. Puis, profitant d'un moment de calme, il ajouta, du ton le plus conciliant:
(16) "Point d'emportement, je vous en supplie: ce que vous désirez tous peut être obtenu sans révolution, sans guerre civile. Puisque le sol de la patrie a tant de charmes pour vous, puisque vous craignez tant le voyage, retournez dans vos cantonnements: nul de vous, contre son gré, ne verra le revers des Alpes. Je me charge, moi, de vous justifier. La haute sagesse et la prudence d'Auguste sauront comprendre mes raisons."
(17) De toutes parts à ces mots les clameurs éclatent avec une force nouvelle, et les reproches et les injures commencent à s'y mêler. César se vit enfin forcé de souscrire à leur exigence. Élevé sur le bouclier d'un fantassin, il fut salué Auguste tout d'une voix. On voulut ensuite qu'il ceignît le diadème; et comme il déclara n'avoir jamais eu d'ornement semblable en sa possession, on demanda le collier de sa femme, ou sa parure de tête.
(18) Julien s'y refusa, disant qu'un ajustement féminin inaugurerait mal un commencement de règne. On se rabattit alors sur une aigrette de cheval, afin qu'à défaut de couronne un insigne quelconque annonçât en lui le pouvoir suprême. Mais Julien s'en défendit encore, alléguant l'impropriété d'un pareil ornement. Alors un certain Maurus; promu depuis à la dignité de comte, qu'il soutint assez mal au pas de Sucques, mais qui n'était alors que simple hastaire dans lés Pétulants, détacha le collier qui le distinguait comme porte-dragon, et le mit audacieusement sur la tête de Julien. Celui-ci, poussé à bout, comprit qu'il y allait de la vie de persister dans son refus, et promit à chaque soldat cinq sous d'or et une livre d'argent.
(19) Mais toute cette transaction n'était pas faite pour tranquilliser Julien, qui en voyait clairement les conséquences. Il mit le diadème de côté, se renferma chez lui, et s'abstint de vaquer aux affaires même les plus urgentes.
(20) Tandis qu'il va dans son trouble chercher les recoins les plus obscurs de sa demeure, un décurion du palais, poste qui donne une certaine considération, se met à parcourir précipitamment les quartiers des Pétulants et des Celtes, en criant à tue-tête qu'un horrible forfait vient d'être commis. Celui que leur choix, la veille, a proclamé empereur, un assassin l'a frappé dans l'ombre.
(21) Grande rumeur parmi les soldats, dont la turbulence est prompte à s'émouvoir avec ou sans connaissance de cause: les voilà qui brandissent leurs javelots, tirent leurs épées, et courent confusément, comme c'est l'ordinaire dans les émeutes, occuper de vive force les issues du palais. L'effroi s'empare des sentinelles, des tribuns de la garde et du comte Excubitor, qui en avait le commandement suprême. Connaissant de longue main l'esprit révolutionnaire des soldats, les officiers supposent un coup monté, et chacun s'enfuit de son côté pour sauver sa vie.
(22) Cependant, au calme profond qui règne dans le palais, l'effervescence s'apaise. Interrogés sur la cause de cette irruption si brusque et si étrange, aucun d'abord ne sait que répondre. C'est, disent-ils enfin, qu'ils ont craint pour la sûreté du prince. Ils ne quittèrent la place néanmoins qu'après l'avoir vu lui-même en costume impérial dans la salle du conseil, où il fallut absolument qu'ils fussent introduits.

Voilà en quels terme Ammien nous raconte les évènements. On voit clairement combien les soldats se sont ancrés dans le sol qu'ils défendent et ils refusent de laisser leur familles sans protection. Les soldats barbares complète cela par un refus catégorique lors de leur incorporation de dépasser les Alpes. Par la suite, ces soldats vont quitter la Gaule pacifiée par Julien pour suivre leur chef, leurs familles les accompagnant vers l'Orient grâce aux véhicules du service des postes. Les barbares qui pénètrent dans l'armée de même que les pérégrins... font souches à l'endroit de leur garnison et l'armée n'est pas un simple monde militaire. Il est vrai que la Gaule dans son ensemble ne se sent pas concernée et que des bagaudes éclatent ; mais remarquer combien ce phénomène est localisé au centre du territoire... Il en va toujours ainsi et si vous regardez la provenances des soldats sous Louis XIV vous verrez combien ceux originaires des frontières sont nombreux...
La Gaule se moque-t-elle du sort des frontières? Sans doute pour une large partie de son territoire, mais il en va de même pour l'ensemble de l'Empire. Pourquoi les Illyriens peuplent les rangs de l'armée au IIIe siècle? Parce que la pression est la plus forte à cette endroit à ce moment. Les choses sont simples. Les Gaulois des frontières continuent à suivre des carrières militaires comme leur pères et grand pères parce que l'État les y obligent. Mais Ammien explicite également leur implication : 25, 6, 13 : On finit à regret par céder, et donner l'ordre aux Germains et aux Gaulois du Nord d'entrer les premiers dans le fleuve. (id impetratur aegerrime, ut mixti cum arctois Germanis Galli amnem primi omnium penetrarent). La distinction me semble claire entre Gaulois et Germains. 20, 8, 15 : La persuasion ni la force (je crois pouvoir l'affirmer) n'obtiendront des Gaules l'envoi de leurs recrues dans de lointains parages. Cette contrée a été trop longuement, trop cruellement éprouvée. Lui enlever sa jeunesse valide serait lui porter le dernier coup, par la réminiscence de ce qu'elle a souffert, et par l'anticipation de ce qui lui serait encore réservé. Encore une preuve de l'origine de soldats Gaulois, attachés à leur sol... Et surtout 15, 12, 3 : Le Gaulois est soldat à tout âge. Jeunes, vieux courent au combat de même ardeur; et il n'est rien que ne puissent braver ces corps endurcis par un climat rigoureux et par un constant exercice. L'habitude locale en Italie de s'amputer le pouce pour échapper au service militaire, et l'épithète de "murcus" (poltron) qui en dérive, sont choses inconnues chez eux. Ceci est sans doute un peu d'ethnographie romaine, mais il me semble qu'Ammien est souvent dans le vrai ; il n'est pas homme à mentir et tout son travail en est l'expression même.
Ce sont des preuves de la permanence du recrutement provincial de l'époque, injustement sous estimé alors qu'il représente encore sans doute la majorité. Le recrutement barbare existe bien entendu dans des proportions importantes, mais il en a toujours été ainsi, même s'il était plus marginal.

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Message Publié : 01 Nov 2009 20:17 
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Inscription : 10 Fév 2009 0:12
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Pédro a écrit :
Quelle proximité entre l'Égypte et le Norique? Une seule chose maintient tout cela et ce n'est pas le fer des légions ; c'est la conscience d'appartenir à un tout que l'on appelle Rome. Si ce sentiment s'étiole il ne reste pas grand chose.

ça c'est intéressant. - Tiens, il manque un smiley admiratif, sur ce forum... :mrgreen:

Evidemment cette explication, prise seule, ne permet guère de distinguer les causes des conséquences. On arriverait à un constat "circulaire" : le sentiment d'appartenir "à un tout qui s'appelle Rome" a décliné parce que l'Empire déclinait... parce que le sentiment d'appartenance déclinait... lol (Peut-être faudrait-il dire : le sentiment d'appartenir à quelque chose de grand et prestigieux...)

A quelle date les empereurs décident-ils de s'installer à Ravenne ? Il me semble que c'est une décision symboliquement lourde : Rome n'est plus dans Rome, en quelque sorte. C'est admettre que LA ville ( la ville entre toutes) ne signifie plus rien. Est-ce une décision tardive, un simple constat ?

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 01 Nov 2009 20:46 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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OK, très intéressant Pédro. Un débat utile de toutes manières. Je dois dire qu'à ma (faible) connaissance, Julien était un empereur bien persuadé par rapport à d'autres qu'il fallait conserver des unités de valeur sur le territoire.
Chaunu décrit une évolution nettement plus tardive qui tourne le dos à son sentiment d'historien que c'est en ne pensant pas assez à une stratégie de défense intérieure du territoire, trop à la frontière et en faisant entrer de très nombreux barbares à titre individuel puis par peuples entiers , que l'empire a créé son propre déclin.
Mais il y a d'autres causes à ce déclin qui ressemble plus à une décomposition progressive qu'à une conquête.

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Message Publié : 01 Nov 2009 21:43 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
pierma a écrit :
Pédro a écrit :
Quelle proximité entre l'Égypte et le Norique? Une seule chose maintient tout cela et ce n'est pas le fer des légions ; c'est la conscience d'appartenir à un tout que l'on appelle Rome. Si ce sentiment s'étiole il ne reste pas grand chose.

ça c'est intéressant. - Tiens, il manque un smiley admiratif, sur ce forum... :mrgreen:

Evidemment cette explication, prise seule, ne permet guère de distinguer les causes des conséquences. On arriverait à un constat "circulaire" : le sentiment d'appartenir "à un tout qui s'appelle Rome" a décliné parce que l'Empire déclinait... parce que le sentiment d'appartenance déclinait... lol (Peut-être faudrait-il dire : le sentiment d'appartenir à quelque chose de grand et prestigieux...)

A quelle date les empereurs décident-ils de s'installer à Ravenne ? Il me semble que c'est une décision symboliquement lourde : Rome n'est plus dans Rome, en quelque sorte. C'est admettre que LA ville ( la ville entre toutes) ne signifie plus rien. Est-ce une décision tardive, un simple constat ?


Ce sentiment d'appartenance est assez difficile à cerner et très complexe à analyser ; ainsi cela dépend beaucoup des régions, des catégories socio-professionnelle, du niveau de culture personnelle... Mais on sent clairement une sorte de virage net au court du Ve siècle. Cela fait déjà longtemps que le centre du pouvoir n'est plus à Rome mais que les empereurs sont sur les frontières à guerroyer et de ce fait commencent à s'installer dans des villes stratégiques comme Cologne, Trève, Nish,... Cela culmine lorsque Constantin décide de bâtir Sa ville sur l'antique Byzance. Dès lors il y a deux capitale. On a beaucoup glosé sur cette création, mais je n'en trouve pas d'écho réel dans les sources que j'ai pu lire. En effet, Rome "ville-musée" reste le centre symbolique du monde et une ville sans pareil. La nouvelle Constantinople n'occupe pas le même rang dans l'esprit des Romains ; lorsque Constance II y fait son unique voyage, il est ébloui devant la majesté de l'Urbs qui reste le point de départ de l'aventure romaine. Il en profite même pour faire rénover certains monuments et pour élever un gigantesque obélisque importé d'Égypte sur la spina centrale du Circus Maximus. L'"exil" de Ravenne est à mon sens d'une toute autre portée par rapport aux autres "déménagements" du centre du pouvoir impérial ; il s'agit toujours de répondre à la nécessité, mais ici c'est clairement pour se soustraire à la menace grandissante des Goths, qui prennent Rome en 410. La nouveau siège du pouvoir a été choisi pour sa commodité ; il laisse une porte de sortie à l'empereur en cas de siège... Mais au delà de tous ces chamboulements, il semble clair que pour les Romains Rome restait Rome. Le changement qui s'opère dans les mentalités collectives et qui fait que l'idée d'Empire devient moins nette, c'est une certaine lassitude vis à vis d'une idée auparavant phare et qui n'existe plus : la pax romana. L'Empire n'est plus capable de protéger ses habitants et en plus il les présure de plus en plus d'impôts sans résultats tangibles sur le terrain et les difficultés s'amoncellent. On est pourtant loin du cataclysme décrit par les auteurs, qui vivant sur le mythe de l'âge d'or, abordent leur propre période de manière extrêmement pessimiste. Certains auteurs actuels suivent justement un peu trop cette sinistrose, et notamment un Anglais dont j'ai lu les travaux, brillants sur l'économie, mais absolument inexacts sur bien des aspects et notamment l'armée (c'est comme s'il n'existait pratiquement plus d'armée romaine au IVe siècle... on se demande bien suivant ce postulat pourquoi les Goths demandent l'autorisation à Valens pour pénétrer en territoire romain...) décrite comme étant famélique alors qu'elle n'a jamais été sans doute aussi puissante ; il ne faut pas oublier que la menace est bien plus vive qu'au IIe et même IIIe siècle. Les Romains ont pris la mesure de leurs ennemis et se sont adapté, c'est ce qui fait que le IVe siècle est relativement tranquille.
Au final, et au delà de mes digressions ( :oops: ) le problème de l'identité romaine vient sans doute de l'état de crise ambiante. En effet dans ces cas les populations ont naturellement tendance à se raccrocher à ce qui est proche d'elles, aux pouvoir locaux, ce qui se concrétise par cette recherche de la vie en communauté auprès des prêtres dans les nouvelles paroisses.

Alain.g a écrit :
OK, très intéressant Pédro. Un débat utile de toutes manières. Je dois dire qu'à ma (faible) connaissance, Julien était un empereur bien persuadé par rapport à d'autres qu'il fallait conserver des unités de valeur sur le territoire.
Chaunu décrit une évolution nettement plus tardive qui tourne le dos à son sentiment d'historien que c'est en ne pensant pas assez à une stratégie de défense intérieure du territoire, trop à la frontière et en faisant entrer de très nombreux barbares à titre individuel puis par peuples entiers , que l'empire a créé son propre déclin.
Mais il y a d'autres causes à ce déclin qui ressemble plus à une décomposition progressive qu'à une conquête.


C'est tout à fait cela. Le règne de Julien n'est pas seulement une histoire d'apostasie. L'homme est un grand chef d'État, doublé d'un visionnaire.
En fait, l'idée de déclin traité à travers la pénétration barbare des IIIe et IVe siècle, à des époques où ils pénètrent individuellement (et même parfois par peuple mais de manière très encadré) est un faux débat. Certaines productions (surtout anciennes) laissent entendre que les barbares pervertissent la société et l'armée par leur seule présence. Or il apparait que les soldats barbares présent dans la structure de l'armée romaine sont de farouches combattants (et ce jusqu'au sommet de la hiérarchie) et qu'ils s'immergent complètement dans la société romaine lorsqu'ils s'établissent sur le sol de l'Empire. C'est plus l'arrivée de la structure politique germanique qui bouleverse tout cela après la pénétration des Goths. Dès lors les chefferies gardent leur identité propre qui finit par se substituer à l'absence du pouvoir central romain.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 01 Nov 2009 22:17 
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Polybe
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Inscription : 30 Oct 2009 11:28
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Tout de même on ne peut pas s'empêcher de remarquer que le centre de pouvoir , de l'économie, et de la culture s'est inexorablement déplacé vers l'ouest et de ce point de vue, tu minimise peut etre l'aspect au moins symbolique de la création de Constantinople, qui consacre cet état de fait. La péninsule italienne est en pleine perte de vitesse, notamment industrielle, et perd progressivement le "vrai" contrôle de l'empire. On peut y voir le succès ou au contraire les limites de l'universalisme de l'empire, qui est par ailleurs fascinant. La séparation en deux de l'empire n'est pas qu' administrative a mon sens. L'orient s'émancipe de plus en plus à travers l'entité politique romaine vis à vis de l'occident. Je pense que le christianisme en tant que religion officielle de l'empire est une des grandes tentatives de garder une certaine unité, qui connaitra un échec symbolique dans la guerre entre "arianisme" et "catholicisme" qui perdurera. Et on peut remarquer que la solidarité de l'empire d'orient au moment du crépuscule de l'empire romain d'occident ne sera pas des plus évidentes.


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Message Publié : 01 Nov 2009 22:47 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Lors de mon développement j'essaie de montrer que le centre idéologique reste indéfectiblement attaché à Rome ; je ne parlais absolument pas des autres secteurs et notamment de l'activité économique. Bien entendu, suivant ce postulat on remarque sans peine un certain ralentissement économique dans la partie occidentale, déséquilibre entretenu et même largement accentué par la création de Constantinople sur un site très intéressant par ailleurs ; au cœur des voies de communications Ouest-Est.
L'occident fait face à des difficultés il est vraie, mais il ne faut pas pour autant précipiter les choses. Durant le IVe siècle l'armée des Gaules notamment est une des plus craint de l'Empire par exemple.
Pour ce qui est de la fin de la solidarité et même de la rivalité, il faut là aussi attendre le Ve siècle pour voir son apparition, sous les règne d'Honorius et d'Arcadius. Mais jusqu'à la partition définitive, tout cela est encore inexistant de manière concrète.
Pour ce qui est de la religion chrétienne, je ne suis pas d'accord avec votre postulat ; en effet, cette dernière joue une carte bien distincte et Constantin semble vouloir se rapprocher de cette religion pour s'appuyer sur une élite chrétienne influente, mais aussi par conviction personnelle. L'universalisme romain est antagoniste de l'universalisme chrétien et l'unité, pour un temps de la chrétienté se fait au détriment de l'Empire. L'un est l'autre sont deux organes bien séparés et même si l'empereur tente de poser son ascendant sur l'Église, ce rôle devient caduc avec des personnalités moindre que celle de Constantin, et surtout au moment où l'Église est suffisamment forte pour ne plus avoir à rendre de comptes.
L'universalisme de l'Empire est toujours vivace au IVe siècle et les auteurs comme les empereurs ont toujours en tête que la conquête reste fondamentale. Ainsi lorsque Julien s'avance en Perse, il a l'image d'Alexandre en tête, de même que les exploits et les défaites de ses devanciers.

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Message Publié : 02 Nov 2009 0:55 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Il y a aussi la démographie catastrophique évoquée par Pierre Chaunu: " Entre la fin du IIè et le début du IVè siècles, la population a baissé de moitié". Le cout de l'empire devient insupportable. Or l'armée, à cause des troubles aux frontières, voit son cout multiplié par deux sur la fin de l'empire et les villes ajoute Chaunu, avec leur civilisation des loisirs, Rome surtout, contribuent également à un accroissement des impôts. Constantin aurait essayé de baisser les impôts.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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