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 Sujet du message : Se sentir romain sous l'Empire
Message Publié : 05 Jan 2010 16:18 
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Thucydide
Thucydide
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Inscription : 20 Nov 2009 14:35
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Localisation : Aurelianis
Après un long débat avec un romaniste, je pose ici la question en espérant en savoir un peu plus, et surtout avoir des références d'auteurs antiques... :rool:

Sous l'empire romain, sous n'importe quel empereur et dans n'importe quelle région, les citoyens de l'empire qui n'habitaient pas à Rome se sentaient-ils réellement romains?
je m'explique... est-ce que, par exemple, le laboureur du fin fond de l'Illyrie s'identifiait comme citoyen romain ou avant tout comme un illyrien? se sentait-il proche des citoyens romains de la ville de Rome ou était-ce pour lui qu'une entité juridique floue?


Merci de vos réponses!!!! :P

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Sono Pazzi Questi Romani


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Message Publié : 05 Jan 2010 16:30 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Nous en avons déjà palabré, mais surtout concernant la fin de ce sentiment. En vérité, c'est toujours difficile de savoir ce que les populations pensaient, néanmoins les exemples ne manquent pas ; en premier lieu, après la conquête se sont les populations soumises qui se romanisent toute seule, sans intervention contraignante du pouvoir central. L'adoption de l'urbanisme romain en est un symbole ; là où il n'a pas pris il n'y a pas eu maintient de la conquête comme en Germanie, où pourtant on retrouve un exemple de ville. Le sentiment d'appartenir à Rome se retrouve dans la volonté de beaucoup de cité de devenir colonie romaine, copie de Rome donc alors qu'elles pouvaient garder leurs particularisme et pourtant bénéficier malgré tout du droit romain. Ce sont des pistes il me semble....
De plus l'armée est un puissant moyen de diffusion de la langue et de la culture romaine. La proximité des camps était recherché à tel point que des villes se sont construites à leur périphérie. Cela dénote d'une adhésion il me semble.
En plus rare sont les mouvements de révolte "nationaux" après la mise en place de l'Empire.
Les auteurs en tout cas distinguent les habitants en fonction de leur origine géographique, mais ils sont toujours appelé romains par rapport aux étrangers ; je pense en particulier à un texte d'Ammien qui parle de soldats romains d'origine barbare et qu'ils appelle romain par rapport aux Perses.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 05 Jan 2010 16:51 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 25 Mai 2004 21:35
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Localisation : Paris
Madamboevarix a écrit :
Sous l'empire romain, sous n'importe quel empereur et dans n'importe quelle région, les citoyens de l'empire qui n'habitaient pas à Rome se sentaient-ils réellement romains?
je m'explique... est-ce que, par exemple, le laboureur du fin fond de l'Illyrie s'identifiait comme citoyen romain ou avant tout comme un illyrien? se sentait-il proche des citoyens romains de la ville de Rome ou était-ce pour lui qu'une entité juridique floue?

C'est difficile à savoir, dans la mesure où votre paysan illyrien n'a pas laissé de mémoires pour dire son appartenance communautaire. Par ailleurs, le concept d'identité n'existe pas à Rome (le terme apparaît au IVe siècle pour parler de problèmes religieux).

Surtout, ce qu'il faut bien comprendre c'est que l'on peut se sentir plusieurs choses à la fois. Notre concept moderne de nation a eu tendance à simplifier la donne, mais enfin même aujourd'hui on peut être se définir comme marseillais, français et citoyen européen à la fois. Tout ça pour dire qu'il y a de fortes chances que votre paysan illyrien fut à la fois Romain et Illyrien.
Rome n'a pas détruit les identités locales et il est probable que, tant que la paix était là et que l'empire romain paraissait recouvrir le monde habité, l'identité locale fut prédominante parce qu'être Romain allait un peu de soi. Mais quand l'empire fut menacé par des populations extérieures, que l'on s'est trouvé confronté à l'autre, à l'étranger, alors le sentiment d'appartenance à l'empire romain a pu prendre le dessus.

Les sociétés antiques sont des sociétés à statut, spécialement la société romaine : le principal critère de définition des individus est juridique. Si ce paysan illyrien est citoyen romain, il se définira ainsi.


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Message Publié : 05 Jan 2010 17:00 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 08 Mars 2009 21:18
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Localisation : Lutèce
Pédro a écrit :
L'adoption de l'urbanisme romain en est un symbole ; là où il n'a pas pris il n'y a pas eu maintient de la conquête


Je n'irais pas jusque là. Ou plutôt, c'est loin d'être une règle absolue. Regardons l'exemple d'Antioche et d'Apamée par exemple, en Syrie romaine. Antioche surtout apparaît comme la "capitale culturelle" (terme anachronique à dessein) de l'Asie mineure. Elle, comme Apamée, sont dotées des monuments de la vie publique que l'on pourrait qualifier de classiques (thermes, amphi...). Elles se sentent complètement romaines, du moins officiellement (textes de Libanios), mais elles ont néanmoins développé des conceptions urbaines originales et indépendantes, surtout à Antioche (abandon du forum, cardo et decumanus assez aléatoires, et même absents à Antioche, et surtout apparition des portiques le long des axes principaux de la ville, ces portiques qui sont une création complètement originales de la Syrie romaine).
Et pourtant, tout cela va de paire avec un profond sentiment de romanisation...

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"Je souhaite que les conquérants à venir apprennent à ne pas dépouiller les villes qu'ils soumettent, et à ne pas faire des calamités d'autrui l'ornement de leur patrie"

Polybe, Histoires, Livre IX (chap.3).


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Message Publié : 06 Jan 2010 13:51 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
Message(s) : 5718
Localisation : Limoges
Bien évidemment, lorsqu'on parle de l'Orient, dépositaire d'une civilisation urbaine préexistante à l'arrivée des Romains on se retrouve dans un cas particulier, mais malgré tout, les nouveaux venus se sont servi de ce maillage ancien comme relais de leur pouvoir. Le sentiment d'appartenance à Rome se matérialise de toute façon dans le culte impérial et en Rome.

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Message Publié : 06 Jan 2010 14:00 
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Salluste
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Inscription : 03 Jan 2010 10:46
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Localisation : Lotharingie
Pour se sentir citoyen romain, il faut déja l'être. Et ce n'était pas donné à toutes les provinces.
Après, se sentir de culture romaine est une autre chose. Comme le disent certains, c'est difficile à savoir. Mais il y a des indicateurs : Pédro souligne bien le rôle de l'armée, l'urbanisme,...
Je rajouterais également la pratique du culte impérial et son essor, particulièrement en orient. Cela montre que ces populations approuvent l'empereur, sa domination, sa culture et une certaine supériorité de celui-ci.
Il faut juste noter que les juifs étaient exemptés de ce culte. Mais les autres, eux, le pratiquaient, quelque soit leur religion, ce qui montre leur assimilation à Rome et à sa religion. C'est d'autant plus facile pour les religions polythéistes, très ouvertes.

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Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu Hugues de Saint Victor


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Message Publié : 06 Jan 2010 14:01 
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Salluste
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Inscription : 03 Jan 2010 10:46
Message(s) : 220
Localisation : Lotharingie
Pédro a écrit :
Bien évidemment, lorsqu'on parle de l'Orient, dépositaire d'une civilisation urbaine préexistante à l'arrivée des Romains on se retrouve dans un cas particulier, mais malgré tout, les nouveaux venus se sont servi de ce maillage ancien comme relais de leur pouvoir. Le sentiment d'appartenance à Rome se matérialise de toute façon dans le culte impérial et en Rome.

:oops:

Oups je viens seulement de voir que tu en avais déjà parlé. :wink:

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Message Publié : 07 Jan 2010 11:24 
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Thucydide
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Inscription : 06 Jan 2010 20:10
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En fait, les Romains, c'était au départ l'Italie (je parle à partir d'Auguste, bien sur), puis avec la romanisation, le monde entier commence a se sentir romain.
Entre parenthèses, cette romanisation est souhaitée, pour preuve, il y a des cas d'usurpations.
Les peuples se sentent de plus en plus romains au fur et a mesure, pour exemple, au IIeme siècle, les Grecs, en parlant des Romains, disaient "eux", et au IIIeme siècle, un auteur a parlé des mégions romaines en disant "Nos soldats".
Donc se sentir romain sous l'empire, c'est une construction, d'autant plus que peu à peu des provinciaux intégrerons le sénat; Et je ne parle pas des empereurs espagnols comme Trajan ou des empereurs africains comme Septime Severe...


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Message Publié : 07 Jan 2010 12:01 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
Message(s) : 5718
Localisation : Limoges
C'est un résumé de ce qui est dit au dessus... :mrgreen:

Pour continuer dans ce domaine, pensons aussi à l'édit de Caracalla qui donne la citoyenneté à tous les habitants libres de l'Empire.

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Message Publié : 07 Jan 2010 14:09 
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Thucydide
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Inscription : 06 Jan 2010 20:10
Message(s) : 42
Désolé je suis un petit nouveau


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Message Publié : 07 Jan 2010 14:10 
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Salluste
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Inscription : 03 Jan 2010 10:46
Message(s) : 220
Localisation : Lotharingie
Clemsus a écrit :
Désolé je suis un petit nouveau


Moi aussi. Disons que c'est la première fois que je peut dire bienvenue à quelqu'un sur ce forum.

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Message Publié : 07 Jan 2010 14:13 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
Message(s) : 5718
Localisation : Limoges
Clemsus a écrit :
Désolé je suis un petit nouveau


Il n'y a pas de mal d'où => :mrgreen: !

Bienvenu et bonne visite! :wink:

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Message Publié : 07 Jan 2010 14:15 
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Thucydide
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Inscription : 06 Jan 2010 20:10
Message(s) : 42
Merci :mrgreen:


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Message Publié : 08 Jan 2010 15:35 
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Localisation : Caesarodunum
La romanisation telle qu'elle se voit aujourd'hui - poliadisation, monuments, culte de l'empereur... - tout le monde y trouvait son intérêt. Le monde antique est profondément compétitif : gagner davantage les faveurs de Rome, par l'octroi d'une refondation en colonie par exemple, c'est aussi une façon de "faire bisquer" les voisins. Le mécanisme n'est plus le même qu'avant où l'on se faisait la guerre, mais la finalité est la même. Rome, de son côté, étend progressivement la citoyenneté car là encore tout le monde y trouve son compte.

C'est cela qui explique que l'Empire ait pris sous Auguste et les Julio-Claudiens plus généralement. Ce qui prend le relai c'est une transformation durant laquelle l'Empire romain n'est plus l'empire conquis d'une cité, Rome, mais bien la somme de ses parties. Bref l'Empire se définit progressivement à ses marges, autant et plus qu'à Rome même - les origines des Empereurs en sont l'exemple le plus parlant.
Du coup il faut sortir de la dialectique centre / périphéries car elle ne veut plus dire grand chose, la preuve : à terme l'Empire survit à la chute de Rome même, juste en Orient, loin de là où il a entamé sa croissance (l'Italie). Le terme même "d'Empire Romain d'Orient" est un paradoxe en soi que gomme la réalité de plusieurs siècles d'histoire commune. L'Empire devient universel, Rome une abstraction.

En conséquence de quoi "se sentir romain" ça n'a pas à terme d'implication nationale ou ethnique. On n'est pas Gaulois ou Africain plutôt que Romain, ou l'inverse : on est les deux, car les deux ne s'excluent pas. Il s'agissait à la base de "faire romain", surtout lorsqu'on était issu d'une élite locale, mais ça devient ensuite un état de fait. Est-ce que le petit paysan du fin fond de je ne sais où se considère romain au IIIe siècle ? Je pense qu'il ne se pose pas la question, et qu'à défaut, ben... il est "romain".


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Message Publié : 08 Jan 2010 15:41 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Entièrement d'accord. La transition importante et elle est multiples correspond au moment où la romanité se définit à travers l'Empire dans sa globalité et non plus dans Rome. je pense en particulier à la guerre sociale qui en quelque sorte amène Rome à mettre le pied à l'étriller de l'intégration de ses futurs "sujets" et justement sans qu'ils en soient. La participation à la vie municipale et politique des populations "indigènes" et une pyramide sociale mouvante provoque indéniablement l'adhésion des masses. Il ne faut pas oublier également le caractère très tolérants des Romains vis à vis des divinités locales. Leur respect évite une oppression supplémentaire aux populations déjà soumises par la force.

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