Il est aussi anachronique et erroné de prétendre que César a depuis toujours visé et tout fait pour devenir le maître de Rome qu'il le serait de prétendre que De Gaulle et Mitterrand ont toujours tout fait pour devenir l'un le fondateur et l'autre le 4ème président de la 5ème république.
D'un côté il y a les rèves d'enfant et les fantasmes (enfant, de Gaulle se rêvait et s'écrivait en sauveur de la France et Mitterrand disait qu'il voulait être roi ou pape), de l'autre il y a les projets politiques et les actions réellement entreprises. On doit juger les acteurs sur leurs actions plus que sur leurs intentions, réelles, supposées ou prétées par des adversaires.
Tout dans l'action de César dans la décennie 50 montre les éléments suivants.
Primo il voulait atteindre le 1er rang dans sa cité et au service de sa cité. Mais en cela il ne différait de n'importe quel grand aristocrate romain. Or, compte tenu des références fixées par Pompée dans les années 70 et 60, atteindre le 1er rang voulait dire égaler Pompée et à tout le moins remporter de grandes guerres et agrandir notablement l'empire des romains. Rome, comme toute société aristocratique antique, baignait dans l'idéologie de la victoire et de la conquête.
Par ces conquêtes, un proconsul acquerrait un prestige, des richesses, des clientèles dans les provinces, des électeurs fidèles parmi les légionnaires/citoyens romains, une grande popularité dans le peuple et des alliés parmi d'autres nobles qui fournissaient son état-major, qui lui permettaient d'exercer une influence énorme sur la scène politique romaine.
Secundo, la politique de César consistait à maintenir le plus longtemps possible l'alliance avec Pompée. Et quand il est devenu clair que Pompée ne voulait pas d'une alliance sur un pied d'égalité (en 50), César a proposé de multiples concessions toujours plus importantes pour éviter d'en venir à la guerre civile, a cherché de nouveaux alliés.
Parmi les concessions, il avait proposé de ne plus garder que la gaule cisalpine avec 2 légions puis finalement l'Illyricum avec 1 seule légion jusqu'à ce qu'il entre en fonctions pour un 2ème consulat auquel une loi lui avait reconnu le droit de se présenter sans être présent à Rome (c'est-à-dire implacablement en conservant son imperium proconsulaire sinon à quoi bon ne pas rentrer à Rome ?).
Pouvait-il menacer l'empire avec 2 légions ?
Bien sûr que non. Et pourtant, ses ennemis n'ont pas voulu de cette concession, lui signifiant clairement qu'ils voulaient le liquider.Observez sans anachronisme ni parti pris les faits, et vous verrez que ce n'est que quand il a considéré qu'on ne lui laissait aucune chance de retrouver à Rome une place conforme à sa "dignité" que César s'est résolu à affronter ses ennemis militairement dans une guerre civile. Comme Sylla une génération plus tôt.
Ceci dit, je recommande aussi chaudement la lecture du livre de Christian Goudineau.