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Message Publié : 07 Sep 2016 17:35 
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Eginhard
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Merci Jefferson. Au moins vous répondez sur le fond (et non de manière méprisante) et en plus je suis d'accord avec vous.
Mais cette citation doit être comprise dans son contexte, celui de la discussion. De quoi parlions-nous? Du culte public des cités romaines et de ses délimitations. La question, fort pertinente, de PatteRit est la suivante : si le culte public est celui de la cité, chaque cité doit-elle autoriser le culte juif? Ma réponse est non, car la nature du culte juif est très différente. En synagogue, juridiquement pour un Romain, on ne pratique pas un culte, lequel ne se déroule qu'au temple de Jérusalem. Voilà tout.


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Message Publié : 07 Sep 2016 18:50 
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Helios a écrit :
Expliquez-moi pourquoi j'ai tort.


Vous avez tort quand vous réduisez la manifestation d'un culte à un sacrifice ou une offrande. Les Anciens avaient souvent une vision très subtile de nombreuses choses. Le problème est qu'on en a souvent une vision caricaturale et réductrice, comme celle que vous manifestez.
Il y a de nombreux exemples de cultes. La différence entre monothéistes et polythéistes est effectivement que pour les polythéistes, un dieu ou un esprit réside, parfois, uniquement en un lieu. Mais, j’ai bien dit parfois. Ils ont aussi des dieux qui peuvent se manifester partout. Quand on est monothéiste et que l'on croit à un dieu unique, il est évident que celui-ci ne peut pas se trouver dans un seul endroit. Donc, les choses sont plus complexes. Mais surtout, les cultes évoluent. L’un des rites du culte juif ne peut avoir lieu qu’au Temple. Mais, il ne s’agit que d’une partie du rite. Pensez-vous qu’un juif pieux attendait pour prier son dieu le jour du Yom Kippour, quand le Grand prêtre d’Israël pénétrait dans le Saint des Saints ? Ce serait comme réduire le culte catholique à la messe de Noël ou à la messe de Pâques.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 07 Sep 2016 19:26 
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Eginhard
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Certes, Narduccio, vous avez raison sur la richesse de la vie religieuse des Anciens, mais vous caricaturez mon propos en le détachant de son contexte. La phrase que vous citez était quand même accompagnée de plusieurs paragraphes d'explications!

Bien sûr que, pour les Juifs, le culte ne se résume pas au Temple de Jérusalem.
Mais toute la discussion était orientée du point de vue des Romains. La question que posait un intervenant est : comment s'insère le culte juif dans le culte public des cités, dont jusqu'ici nous discutions ?

Or, hors de Judée et de Jérusalem, les Juifs n'ont pas de lieu de culte stricto sensu. L'organisation interne d'une synagogue, ainsi que les pratiques qui s'y déroulent, n'ont rien à voir avec les pratiques "traditionnelles" d'un culte antique, comme les cultes grecs et romains mais aussi comme le culte juif lui-même, en fait pas si différent des cultes païens dans ses pratiques, si on considère ce qui a lieu à Jérusalem.
En ce sens, je le répète (car il me semble que c'était bien le propos, avant qu'il ne dévie), une synagogue est plus un lieu privé de réunion qu'un endroit autorisé par la cité pour pratiquer un culte à une divinité.

Ceci dit, peut-être ai-je tort : il est possible que les cités aient dû explicitement autoriser le culte juif. Mais sur ce point, personne n'a apporté d'informations. Du reste, je ne sais pas si nous avons beaucoup de sources.
A mon avis, le statut du judaïsme hors de Judée (et même en Judée) change radicalement quand l'empire devient chrétien au IVe siècle : dès lors, les synagogues deviennent considérées comme des lieux très particuliers, autorisés mais aussi contrôlés, par le pouvoir impérial, et peut-être par les autorités civiques elles-mêmes. Mais à ce moment-là, la religion n'est plus seulement une affaire civique.


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Message Publié : 07 Sep 2016 23:45 
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Polybe
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Inscription : 11 Fév 2015 14:52
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Helios a écrit :
Certes, Narduccio, vous avez raison sur la richesse de la vie religieuse des Anciens, mais vous caricaturez mon propos en le détachant de son contexte. La phrase que vous citez était quand même accompagnée de plusieurs paragraphes d'explications!

Bien sûr que, pour les Juifs, le culte ne se résume pas au Temple de Jérusalem.
Mais toute la discussion était orientée du point de vue des Romains. La question que posait un intervenant est : comment s'insère le culte juif dans le culte public des cités, dont jusqu'ici nous discutions ?

Or, hors de Judée et de Jérusalem, les Juifs n'ont pas de lieu de culte stricto sensu. L'organisation interne d'une synagogue, ainsi que les pratiques qui s'y déroulent, n'ont rien à voir avec les pratiques "traditionnelles" d'un culte antique, comme les cultes grecs et romains mais aussi comme le culte juif lui-même, en fait pas si différent des cultes païens dans ses pratiques, si on considère ce qui a lieu à Jérusalem.
En ce sens, je le répète (car il me semble que c'était bien le propos, avant qu'il ne dévie), une synagogue est plus un lieu privé de réunion qu'un endroit autorisé par la cité pour pratiquer un culte à une divinité.

Ceci dit, peut-être ai-je tort : il est possible que les cités aient dû explicitement autoriser le culte juif. Mais sur ce point, personne n'a apporté d'informations. Du reste, je ne sais pas si nous avons beaucoup de sources.
A mon avis, le statut du judaïsme hors de Judée (et même en Judée) change radicalement quand l'empire devient chrétien au IVe siècle : dès lors, les synagogues deviennent considérées comme des lieux très particuliers, autorisés mais aussi contrôlés, par le pouvoir impérial, et peut-être par les autorités civiques elles-mêmes. Mais à ce moment-là, la religion n'est plus seulement une affaire civique.


Votre approche est erronée
Les Grecs ou les Romains ne connaissent pas aussi bien que vous le prétendez le judaïsme et sa pratique. Théophraste les présentait comme "un peuple de philosophes", formule qui a donné son titre à un ouvrage magistral de Joseph Mélèze-Modrzejewski, en raison de leur croyance en un seul dieu.
D'un autre côté, la littérature antisémite démontre toute la méconnaissance du culte juif. On y écrit que les Juifs vénèrent Moïse, que les synagogues regorgent de statues de culte, qu'ils prient ou sacrifient à l'intérieur. Caligula voulut même désacraliser les synagogues en imposant des eikones de la famille impériale.
En outre, le judaïsme n'est pas monolithique. La pratique varie entre les différentes écoles, et le groupe de reclus décris par Philon dans son traité De Vita Contemplativa n'a rien à voir avec les Juifs qui décorent les murs de la synagogue de Doura Europos, et encore moins avec le Préfet d’Égypte Tiberius Iulius Alexander, renégat qui réprima dans le sang la révolte juive qui aboutit à la destruction du Temple en 70.


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Message Publié : 08 Sep 2016 10:31 
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Eginhard
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Inscription : 25 Mai 2004 21:35
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Localisation : Paris
J'ai cherché si l'on trouvait des dispositions juridiques relatives aux pratiques religieuses juives dans le droit romain. Il y a beaucoup de choses dans les lois impériales tardives (postérieures au IVe siècle), mais, à ce moment-là, la religion juive a acquis un statut tout à fait particulier du fait que les empereurs sont désormais chrétiens.

Pour les périodes antérieures, c'est plus difficile. Dans le Digeste, je n'ai rien trouvé (si ce n'est des dispositions autorisant l'accès des Juifs aux fonctions municipales, ce qui les dispensait - peut-être car n'est pas explicitement dit - de procéder aux sacrifices et aux autres rites qui devaient accompagner toute prise de fonction publique dans une cité).

Mais on trouve des lois de l'époque de la fin de la République relatés par Flavius Josèphe (Antiquités Juives, XIV, 10). Le contexte est bien particulier : dans le cadre de luttes entre Rome et les monarchies hellénistiques, en particulier la séleucide, les Romains se targuent d'une amitié avec les Juifs et contraignent plus ou moins les cités grecques d'Orient à tolérer explicitement les Juifs. Flavius Josèphe cite plein d'exemples, par exemple cette loi de la cité de Sardes :

"Le Conseil et le peuple, sur la proposition des stratèges, ont décidé : Attendu que les Juifs citoyens, qui habitent notre ville, et qui ont toujours été traités avec la plus grande humanité par le peuple, se sont présentés maintenant au Conseil et au peuple, rappelant que leurs lois et leur liberté leur ont été rendues par le Sénat et le peuple romain, et demandent qu'ils puissent se réunir, se gouverner, se juger entre eux, suivant leurs coutumes, et qu'on leur donne un lieu où ils puissent se rassembler avec leurs femmes et leurs enfants pour offrir leurs prières et leurs sacrifices traditionnels à Dieu ; en conséquence, le Conseil et le peuple ont décidé de les autoriser à se réunir aux jours fixés, pour se conformer à leurs lois ; les stratèges leur assigneront, pour bâtir et habiter, l'emplacement qu'ils jugeront convenable à cet effet, et les agoranomes de la cité auront soin de faire introduire dans la ville tout ce qui sera nécessaire pour leur subsistance."

Contrairement à ce que j'ai dit plus haut, il semble bien que certaines cités aient été contraintes, par leurs traités avec Rome, d'autoriser spécifiquement et publiquement les pratiques religieuses juives. Il est même mentionné l'assignation d'espaces pour habiter et peut-être pour leurs synagogues (mais ce n'est pas dit explicitement). On voit d'ailleurs la méconnaissance des pratiques juives, quand les magistrats parlent de "leurs sacrifices à Dieu", et qu'ici, ils raisonnent comme face à un culte païen étranger (ceci dit, je commente un texte en traduction, il faudrait retourner à l'original grec).

Quant à ce que vous dites, rdchr, sur la méconnaissance des Romains envers le culte juif et les fantasmes qu'ils suscitent, c'est très intéressant. Mais pas forcément contradictoire avec ce que je disais : ce n'est pas parce que certains Romains imaginaient des tas de pratiques bizarres dans les synagogues qu'elles étaient juridiquement conçues, dans les cités de l'empire, comme des espaces consacrés, pouvant entrer en concurrence avec le culte officiel (question de Patterit à laquelle j'essayais de répondre).
Ceci dit, les textes de Flavius Josèphe montrent que la pratique de la religion juive, hors de Judée, nécessitait bien une reconnaissance publique. Mais il ne faudrait peut-être pas tirer trop de généralités des exemples cités par Flavius Josèphe, car ils ont lieu dans un contexte très particulier (les guerres entre Romains et monarchies hellénistiques). Dans le courant de l'époque romaine, dans une cité quelconque d'Orient ou d'Occident, qui pouvait bien accueillir une petite communauté juive, était-il nécessaire de reconnaître officiellement le culte juif parmi les cultes possibles de la cité? C'est possible, mais je ne suis pas sûr qu'on ait assez d'éléments pour l'affirmer.

De plus, j'imagine que la situation n'était pas la même dans des cités d'Occident (où il pouvait y avoir des communautés juives, mais sans doute peu nombreuses) et en Egypte, Cyrénaïque, voire en Asie Mineure, où la diaspora juive était très importante.
Vous mentionnez des sources papyrologiques, rdchr, pouvez-vous nous en dire plus?

rdchr a écrit :
Caligula voulut même désacraliser les synagogues en imposant des eikones de la famille impériale.

Je savais qu'il voulait mettre sa statue dans le Temple de Jérusalem (qui ne contenait aucune image), mais je ne savais pas qu'il avait étendu cela à toutes les synagogues. Est-ce dans Flavius Josèphe?


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Message Publié : 08 Sep 2016 23:09 
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Polybe
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Inscription : 11 Fév 2015 14:52
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Helios a écrit :
rdchr a écrit :
Caligula voulut même désacraliser les synagogues en imposant des eikones de la famille impériale.

Je savais qu'il voulait mettre sa statue dans le Temple de Jérusalem (qui ne contenait aucune image), mais je ne savais pas qu'il avait étendu cela à toutes les synagogues. Est-ce dans Flavius Josèphe?


Philon, In Flaccum

Pour les sources papyrologiques, je vous invite à consulter le Corpus Papyrorum Judaicarum, édité conjointement par Alexander Fuks, Victor Tcherikover et Menahem Stern (3 volumes), qui regroupe l'ensemble de la documentation papyrologique en langue grecque sur ce sujet publiée jusque dans les années 1960. Il faut compléter avec le dossier du politeuma d'Hérakléopolis, découvert et édité au début des années 2000 en Allemagne, et qui est un fonds (réduit évidemment) d'archives qui nous montre le fonctionnement quotidien de cette institution. Un IVe volume du Corpus Papyrorum Judaicarum était en préparation mais le directeur du projet, l'Israélien Fikhman, est décédé il y a 3 ans...
Pour la littérature antisémite et sur les textes traitant du judaïsme antique en général, le recueil du même Stern, en 3 volumes mais avec traduction en anglais. Celui de Théodore Reinach, complété par Claude Aziza, demeure valable. Le Contre Apion de Flavius Josèphe reprend également au Livre I la substance des écrits antisémites.
D'une manière générale, sur le judaïsme et sur les problèmes juridiques comme papyrologiques, J.Mélèze-Modrzejewski, Les Juifs d'Egypte de Ramsès II à Hadrien, PUF, 1997, et du même auteur Un peuple de philosophes, 2011.


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Message Publié : 09 Sep 2016 13:43 
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Polybe
Polybe

Inscription : 24 Juil 2010 17:07
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Merci à tous pour vos observations qui sont toutes intéressantes.

C'est peut-être le mot "public" qui pose problème finalement. D'après Helios qui avait répondu à mon premier message dans ce topic, "public" veut dire en substance "ce qui est du ressort de la cité".

Si j'ai bien compris ce que disait John Scheid dans La religion des Romains, le culte public était obligatoire. Donc tout citoyen devait y prendre part. Mais chaque cité étant polythéiste, rendre un culte à chaque dieu pouvait occuper de nombreux jours dans l'année, si les dieux de la cité étaient nombreux. Ce qui posait problème lorsqu'un nouveau culte devenait public, tel les cultes des dieux égyptiens devenus public pour la cité de Rome sous Caligula. A force d'admettre toujours plus de cultes publics, le nombre de jours travaillés devait devenir bien faible.

A moins que "culte public" ne veuille pas forcément dire "culte pour lequel la participation de chaque citoyen est obligatoire", mais puisse signifier simplement "culte pris en charge par les autorités de la cité".


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