Vous remarquerez d'abord que cette date de 476 n'occupe qu'une petite partie de mon exposé, au début de ce sujet. Cet exposé était surtout destiné à faire comprendre le processus ayant provoqué la disparition de l'État romain, comme objet d'étude intelligible. Cette disparition fut provoquée par annexion et fragmentation, deux des trois modalités pour la disparition d'un État, s'appuyant ou même se confondant en l'occurrence. Cela m'a amené aussi à présenter la définition classique de l'État. Mon exposé était destiné à ceux ne comprenant rien à l'histoire romaine des IVe et Ve siècles : une période si confuse qu'on peut même se demander si la Rome antique n'a pas continué bien après, comme État bien sûr. Si nous considérons la civilisation romaine, il est évident qu'elle continue de nos jours : langues d'origine latine, influence du droit romain, urbanisme... Je ne vais pas faire une recension précise.
Mon exposé initial était par ailleurs passablement long. Vous comprenez que je ne pouvais donc pas m'égarer dans une foule de détails ou de nuances. Je n'ai pas en particulier envisagé les causes ayant provoqué la disparition de l'État romain (objet intelligible). Il faudrait pour cela un tout autre sujet. Si vous voulez en savoir plus, je vous ai indiqué deux références, suffisantes pour une première approche. Cela ne vous empêche pas d'aller ensuite plus loin...
Pour répondre à Hugues, 476 ne représente pas grand-chose dans la perception des contemporains, rien du tout sur le plan juridique. Si l'on se base sur ces critères, il est très difficile de fixer précisément la disparition de l'État romain. Considérez donc que notre ami romain est parti pour un long voyage en 476, un voyage dont il n'est toujours pas revenu. Comme personne ne l'a vu mourir, on peut supposer qu'il vit toujours quelque part...
Par contre, 476 représente à coup sûr la meilleure date pour les historiens. En 476, une demi-douzaine d'États se partagent l'empire romain : plusieurs royaumes germaniques et l'empire d'Orient. Comme il est impossible d'écrire simultanément leurs histoires respectives, vous comprendrez que les historiens considèrent que l'histoire de l'État romain devient inintelligible après 476. Ils préfèrent donc ne pas aller plus loin, bien que cette date soit largement artificielle comme déjà dit. Pas entièrement quand même : la déposition de l'empereur Romulus Augustus par Odoacre possède une signification. La disparition de l'État romain s'est en fait étalée sur plusieurs siècles. On peut seulement considérer que les éléments de rupture l'emportent sur les éléments de continuité après 476.
Contrairement à ce qu'avance Pédro, je n'ai pas dit que les royaumes germaniques issus des grandes invasions continuaient mieux la Rome antique que l'empire d'Orient, mais qu'ils la continuaient aussi bien (ou pas plus mal) pour les raisons déjà indiquées. Dans ces conditions, il n'existe aucune raison de choisir l'un plutôt que l'autre, au risque de faire des jaloux. 476 représente donc la meilleure date pour que les historiens baissent le rideau.
J'ai par ailleurs eu l'occasion de voir plusieurs manuels sur l'histoire romaine en librairie, écrits bien sûr par des professeurs spécialistes. Ils prennent tous comme point de départ la fondation de Rome vers le VIIIe siècle avant notre ère. Autant que je m'en souvienne (je n'en suis même pas sûr), l'un s'interrompait au partage administratif de 395. Tous les autres s'arrêtaient à 476. Cela n'empêchait pas les historiens en question de reconnaitre que cette date de 476 est largement artificielle (pas tout à fait), mais il était pour eux impossible d'aller plus loin pour conserver un sujet d'étude intelligible.
Le seul à continuer jusqu'à la chute de Constantinople est à ma connaissance Gibbon. Il écrivait au 18e siècle, ce qui ne nous rajeunit pas ! Et encore, je sais que Gibbon a beaucoup hésité avant de s'y lancer, considérant que cette prolongation était passablement artificielle. Il ne s'y est décidé que pour des raisons strictement commerciales, après le succès de son premier volume.
Et ce n'est pas une question de durée. Après tout, de la fondation de Rome à la chute de Constantinople, il n'y a que 22 siècles. J'ai vu des manuels sur l'Égypte ancienne couvrir sans problème 30 siècles. Si tous ces historiens indignes s'arrêtent à 476, ce n'est donc pas uniquement pour économiser du papier !
Maintenant, Pédro a le droit d'avoir un autre avis. Je ne peux donc que l'encourager à contacter les historiens en question pour dialoguer avec eux sur ce forum et dénoncer publiquement leur lâcheté. Et pour bien faire, il devrait même publier un manuel sur l'histoire romaine, la faisant commencer par la fondation de Rome en 753 avant notre ère (date conventionnelle) pour l'achever en 1461 : lorsque les Turcs ont pris Trébizonde, dernier vestige de l'empire romain d'Orient (byzantin). Et pour faire encore mieux, il devrait même aller jusqu'en 1806, date à laquelle fut dissous le Saint Empire Romain Germanique. Avec le talent que nous lui reconnaissons tous sur ce forum, je ne doute pas que l'œuvre de notre ami Pédro remporterait un franc succès de librairie. Et je serai en tout cas le premier à l'acheter !
Je constate par ailleurs que ce sujet a dérivé vers les causes de la disparition de l'État romain (objet intelligible), alors que j'envisageais seulement le processus de cette disparition. Comme déjà dit, il faudrait un autre sujet pour les causes, même plusieurs sujets animés de préférence par des spécialistes ayant déjà publié à ce sujet : pas notre ami Pédro ou moi-même. Et je constate aussi que je n'arrive pas du tout à me faire comprendre ou qu'on ne veut pas me comprendre, alors que j'ai la réputation d'être plutôt clair !
Comme je n'ai pas beaucoup de goût pour les dialogues de sourds et les redites perpétuelles, permettez-moi de tirer ma révérence, chers Messieurs. Comme notre ami romain en 476, je pars pour un long, très long voyage... N'en déduisez pas pour autant que je suis mort ! Je reviendrai peut-être un jour, dans mille ans qui sait...