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Message Publié : 28 Avr 2013 22:03 
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Bonjour,

J'ai trouvé un article... ahurissant. Je ne suis pas un spécialiste sur le sujet, mais j'ai lu les deux tomes de Marcel Le Glay qui résument l'histoire sociologique et politique de Rome. Pour moi certains passages sont clairement interprétés de manière subjective.

Voici l'article:

Rome, du libéralisme au socialisme

Les vraies raisons de l’ascension et de la chute de Rome : le libéralisme et le socialisme... et les leçons à en tirer pour aujourd’hui.

Par Wenceslas Balyre

http://www.contrepoints.org/2012/08/03/ ... socialisme

L’Empire s’effondre. Le pouvoir central s’écroule et se dissout. Le territoire impérial se démembre sous l’effet de l’appropriation des structures du pouvoir par la classe dominant le système corrompu des derniers temps de l’ordre impérial et la résurgence sous son vernis craquelé des anciens particularismes locaux et spécificités culturelles et ethniques.

Parlons-nous ici de Rome ? Oui et non. Oui parce que c’est ce qui est arrivé au plus grand empire de l’Antiquité. Non parce qu’en rédigeant ces quelques lignes, c’est la chute de l’URSS que nous avons à l’esprit. Rome s’est effondrée de la même façon que l’URSS parce que son effondrement avait les mêmes causes. Oubliez les invasions barbares, oubliez l’idée de Gibbon sur le christianisme ramollissant les Romains, oubliez les discours compliqués. La cause centrale de la chute de Rome, ce fut le socialisme. Parce que l’Empire, intrinsèquement, était un régime socialiste totalitarisant.

Comment Rome, qui avait conquis le monde, avait pu en arriver là, et comment, avant cela, avait-elle étendu son hégémonie sur le monde ?

Comment Rome a subjugué le monde antique : le libéralisme romain

La République romaine, si elle n’était pas tout à fait une démocratie, était un régime profondément libéral. La société romaine était régulée par la rule of law depuis cet événement fondateur qu’était la rédaction de la loi des Douze Tables, par laquelle le peuple de Rome obtenait la mise par écrit, c’est-à-dire la publicité, des lois, qui devenaient ainsi certaines, connues de tous, et mettaient fin à l’arbitraire des rois et de la classe dominante des patriciens. Exemple type de liberté par la loi, de garantie des droits individuels par fixation de procédures et de règles préétablies, la rédaction de la loi des Douze Tables était un début de Bill of Rights de la Rome antique, motivé par le même idéal d’isonomie que celui qui triomphait en Grèce à la même époque.

Certes la loi des Douze Tables ne régla pas tous les problèmes, et n’instaura pas réellement l’isonomie : la « guerre des ordres », véritable combat pour les droits civiques, se poursuivit longtemps entre patriciens et plébéiens, mais l’apparition d’une vraie forme de sécurité juridique favorisa le développement de la cité et l’attrait de son modèle. Le dynamisme économique de la jeune Rome, en particulier, doit sans nul doute beaucoup à cette liberté garantie : la citoyenneté romaine donnait l’accès au droit de propriété (jus census), à la liberté d’entreprendre (jus commercii) et de faire valoir ses droits en justice (ius legis actionis).

Cette citoyenneté était donc extrêmement convoitée, et Rome utilisa son prestige pour unifier l’Italie, en octroyant aux habitants des cités alliées différentes formes de citoyenneté partielle, puis en concédant cette citoyenneté à tous les Italiens libres au terme de la guerre Sociale, équivalent romain de la Guerre de Sécession américaine au cours de laquelle Rome affronta les cités qu’elle avait fédérées et qui avaient, précisément, fait sécession et s’étaient unies contre elle en confédération italique.

Par la suite, lors de ses conquêtes, Rome gagna les élites des territoires conquis précisément par l’octroi de la citoyenneté romaine, et motiva les hommes à servir la République par la perspective de l’acquérir un jour.

Le libéralisme romain n’explique pas seulement la prospérité économique de Rome sous la République, il explique aussi l’incroyable résilience du peuple romain face aux menaces extérieures. Durant la deuxième guerre punique, Rome perdit des dizaines de milliers d’hommes sur les champs de bataille, un chiffre phénoménal pour l’époque. Et pourtant elle réussit toujours à refaire ses forces et ses dirigeants ne s’avouèrent jamais vaincus. Cette extraordinaire force morale vient précisément de la liberté dont bénéficiaient les Romains, de la supériorité de leur mode de vie, et de l’attrait de leur modèle qui était tel que les cités italiennes restèrent fidèles dans la tourmente à la grande cité, alors qu’il eut été si aisé de choisir le camp d’Hannibal. Un empire résiste et lève des forces par la terreur, et s’il est sur le point de s’écrouler, les peuples qui lui sont soumis se soulèvent et se joignent à la curée. Mais Rome, au temps de la République héroïque, suscitait l’adhésion même en période de crise. C’est pour cette raison que Carthage a toujours perdu contre elle. Les guerres puniques, tout comme la Guerre froide, ne furent pas une simple guerre entre deux nations, ce fut un conflit de civilisations, et la victoire du modèle de société romain.

Ce modèle avait à tel point la liberté au cœur de son dispositif que lorsque les Romains, sous l’Empire, voulaient évoquer le régime que nous appelons République, ils l’appelaient libertas.

Et la question qui intéresse ici autant le libéral que l’historien, c’est comment la plus grande puissance libérale du monde antique a pu finir par s’effondrer comme l’empire soviétique ?

Des guerres civiles à l’Empire : la mutation socialiste de la société romaine

Au Ier siècle avant notre ère, Rome était devenue maîtresse de l’essentiel du monde connu, et l’Italie avait connu un afflux considérable d’esclaves sur son marché. Cette arrivée massive provoqua une chute des coûts, et profita principalement aux grands propriétaires qui, ayant les moyens d’investir, achetèrent ces esclaves en grand nombre pour les faire travailler sur leurs terres. Cette main-d’œuvre à bas coût permit aux grands propriétaires de vendre à des prix défiant toute concurrence, ce qui ruina les petits propriétaires et artisans et les réduisit aux chômage. Cette crise économique entraîna une crise sociale, et fit apparaître à Rome un courant populiste, les populares, porteur de revendications socialisantes : annulation des dettes, distribution de pain... ce courant s’opposa directement, quoique la politique romaine ne puisse être réduite à ce clivage, à celui des optimates, « parti » (le terme ne doit pas être pris dans le sens moderne et institutionnel, mais dans le sens courant de communauté d’idées ou d’intérêts) certes des aristocrates fortunés et de leur clientèle, mais plus largement des conservateurs romains, partisans de la défense du mos majorum, la « coutume des ancêtres », c’est-à-dire les mœurs et les valeurs romaines traditionnelles, la constitution politique romaine et ses principes fondamentaux : la séparation des pouvoirs, le contrôle des magistratures, les élections régulières... il n’était pas seulement question de défendre les intérêts des riches : des individus comme Caton d’Utique avaient pour souci premier la défense de la République et de la libertas.

C’est ce clivage qui constitua la base idéologique de ce qui finit par devenir une guerre civile et déstabilisa les fondements mêmes de la République romaine : deux visions s’opposaient, une vision dans laquelle l’intérêt du peuple devait primer, et une autre dans laquelle devaient primer les droits individuels traditionnels. Ce qui tua la République romaine, c’est la fin du consensus autour du mos majorum provoquée par les bouleversements socioéconomiques ; l’Empire naquit de la nécessité de trouver un nouveau consensus social dans la nation romaine. Jacques Bainville, dans son excellent Les Dictateurs (1935), avait parfaitement analysé les phénomènes Marius et César lorsqu’il les désignait comme des dictateurs fascistes avant l’heure, exaltant à la fois Rome, l’armée et prônant la redistribution des richesses.

Le principat fut instauré par Auguste comme un compromis entre la sauvegarde du mos majorum, illustrée par la permanence du Sénat, censé être un rempart contre la tyrannie et donc la défense de la libertas, et la satisfaction des populares qui exigeaient de l’État romain qu’il pourvût à leurs besoins.

Cette évolution permit l’établissement d’une paix sociale mais engageait Rome et l’Italie sur une pente dangereuse : ce qui avait fait la réussite du modèle romain, un régime constitutionnel moins démocratique que jadis à Athènes, par exemple, mais où la protection des libertés individuelles était garantie par une Constitution vénérée, n’était plus.

Si l’on se contente de lire ce qu’il fut écrit sous l’Empire, on peut avoir l’impression que ce fut l’apogée de la grandeur romaine. Mais c’est une démarche à peu près aussi avisée que de choisir, dans mille ans, de ne prendre connaissance de l’histoire de la Corée du Nord au XXe siècle qu’en reprenant les documents officiels de propagande.

Les grands auteurs du temps soit comme Cicéron, Lucrèce, Sénèque ont connu une mort violente à cause d’un désaccord avec le pouvoir, soit comme Virgile, Horace, étaient pratiquement des artistes officiels. Le proto-libéralisme romain laissa avec le principat la place à un régime dictatorial socialisant, et à partir de là la tendance à l’étatisme se renforça jusqu’à culminer dans le dominat de Dioclétien, régime fortement dirigiste et pratiquement soviétique, créant des corporations fermées, multipliant les emplois de père en fils et attachant les cultivateurs à leur terre, le tout étant ordonné principalement à la satisfaction des besoins de l’armée ; les persécutions religieuses qui frappèrent juifs et chrétiens sous le Haut et le Bas Empire sont à cet égard révélatrices : elles n’eurent pas seulement pour cause le refus des fidèles de ces religions d’adorer les divinités tutélaires de l’Empire, mais véritablement un affaiblissement de la tolérance religieuse qui fut pourtant longtemps un caractère romain. On ne peut pas considérer que ces persécutions n’eurent rien à voir avec le caractère autoritaire du pouvoir romain, ne serait-ce que parce que la violence des persécutions augmenta proportionnellement au renforcement du pouvoir impérial : plus celui-ci se voulait sans partage et indifférent aux traditions libérales romaines, plus il était répressif. En outre au IIIe siècle l’empereur Aurélien instaura le culte officiel du Sol Invictus, prélude aux pires persécutions contre les chrétiens, qui était l’aboutissement de l’évolution totalitarisante de l’Empire : une idéologie unique exaltée par un art officiel de plus en plus répétitif.

Ajoutons à cela l’inévitable corruption inhérente à tout État totalitaire ou quasi-totalitaire, qui ruine le peuple et interdit l’émergence d’une classe moyenne et étouffe tout ce qui y ressemblait auparavant.

Finalement, l’effondrement romain se fit sur le modèle de celui de l’URSS : un système planiste étouffant l’esprit d’entreprise, réduisant à néant la liberté économique, supprimant la mobilité sociale et démoralisant les individus face aux envahisseurs : qui veut se battre pour une tyrannie ? Les Romains des derniers temps de l’Empire étaient effectivement démoralisés, mais non à cause de la décadence des mœurs ; ils l’étaient parce que le régime impérial n’était pas de ceux que l’on défend au prix de sa vie, comme l’était la libertas.

Une lutte nécessaire contre la menace militaire extérieure absorbant toutes les ressources, un empire recouvrant des ethnies aux cultures très différentes sous le vernis commun. La dislocation se fit au profit de la nomenklatura de l’Empire romain qui s’appropria les prérogatives de puissance publique et amorça la fin de l’évolution millénaire du soleil éclatant de la République romaine libérale vers la nuit du féodalisme européen.

Inquiétudes sur l’avenir des États-Unis d’Amérique

Le lecteur aura perçu, depuis le début de cet article, les nombreuses analogies entre l’histoire de la plus grande puissance libérale antique et la plus grande puissance libérale moderne. On aurait pu en ajouter d’autres : la République née du rejet d’une monarchie étrangère, l’austérité originelle des mœurs, un certain culte des pères fondateurs, un impérialisme principalement défensif, hégémonie déployée subitement sur le monde connu... Les États-Unis d’Amérique risquent-ils, à l’instar de leur illustre aînée et prédécesseur, de sombrer dans le socialisme ? Des signes précurseurs existent qui soulèvent chez le libéral de vives inquiétudes.

Depuis l’élection de Barack Obama et sa volonté de faire passer des réformes sociales portant une vision très étatiste de la société, est apparu le mouvement d’opposition des Tea Party, mouvement conservateur s’érigeant en défenseur de la Constitution et réclamant le respect des libertés individuelles et de la Déclaration des Droits ; dans ce cadre, Obama est accusé d’être « socialiste », un terme très insultant aux USA. D’autre part, la crise économique a également fait émerger les mouvements anti-capitalistes : Occupy Wall Street, ou encore les We are the 99%. La crise de 2008 semble donc avoir fait émerger en Amérique le clivage entre les tenants du mos majorum américain et les populares.

Les USA ne sont probablement pas au bord de la guerre civile. Mais la fracture est apparue et il est probable qu’elle ne sera pas réduite. Pour la première fois de l’histoire des États-Unis, en 2009, la majorité des foyers américains a reçu plus d’argent de l’État qu’il n’en a payé en impôts, notait le 14 juillet 2012 l’économiste Greg Mankiw sur son blog, cité récemment par Alexis Vintray sur Contrepoints.

Dans les années et les quelques décennies qui viennent, la fracture risque fort de se développer au gré des difficultés économiques jusqu’au moment où les principes libéraux de la Constitution des États-Unis ne feront plus du tout consensus dans la population américaine. En particulier le développement prometteur de la robotique, qui détruira probablement beaucoup d’emplois d’ouvriers, risque-t-il de faire réapparaître les démons anti-destruction créatrice, ce qui serait un parallèle assez frappant avec le développement massif de l’esclavagisme à Rome, les machines à travail quasi-gratuit étant nos modernes servi. Ce serait alors un temps de grands troubles qui nécessiterait la mise en place d’un nouveau paradigme.

Le scénario catastrophe d’une répétition de l’Histoire

On verrait apparaître une nouvelle forme de gouvernement aux États-Unis, qui gouvernerait globalement l’Empire américain de façon de plus en plus intégrée et de plus en plus autoritaire. La progression du socialisme dans l’économie et le recul du libéralisme rendrait celle-ci de moins en moins dynamique, et l’interventionnisme étatique, de type sans doute keynésien, ne ferait qu’empirer la situation. Progressivement, le gouvernement impérial américain finira par ressembler à l’empire soviétique stalinien ou à la Corée du Nord.

Arrivé à l’épuisement total, travaillé par des forces centrifuges liées à la persistance d’identités locales : européenne, asiatique, sud-américaine, l’Empire se délitera et nous retournerons à la nuit du féodalisme dont le soleil américain nous a, temporairement, tiré.

Peut-on encore l’éviter ?

Nos ancêtres « libéraux » romains n’avaient pas idée de ce qui les attendait. Nous si. C’est peut-être là notre espoir d’échapper à leur sort, en préparant mieux la défense de la liberté, chez nous, autour de nous, et dans l’esprit de nos contemporains.


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Message Publié : 28 Avr 2013 22:38 
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Je pense que Pédro aura beaucoup à dire là-dessus.

Juste un complément : n'oubliez pas la limite chronologique. ;)

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Message Publié : 28 Avr 2013 22:54 
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Salluste
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Narduccio a écrit :
Juste un complément : n'oubliez pas la limite chronologique. ;)

Pardon Narduccio, il est vrai que l'article date un peu. Mais c'est un exemple parfait des thèses idéologiques, au même titre que Marx quand il parlait d'esclavage. Le plus effrayant là-dedans c'est que l'auteur de l'article se dit historien: "Wenceslas Balyre prépare son doctorat en histoire du droit, des institutions et des idées politiques. Historien et juriste, il s’intéresse particulièrement à la théorie du droit naturel, de l’École de Salamanque à l’École autrichienne, et à la place de la liberté dans l’histoire des civilisations."
Je prendrai la peine demain soir de critiquer quelques paragraphes avec l'aide des mes deux livres. Histoire de prendre la peine de faire quelque chose d'honnête.


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Message Publié : 28 Avr 2013 23:00 
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genava55 a écrit :
Narduccio a écrit :
Juste un complément : n'oubliez pas la limite chronologique. ;)

Pardon Narduccio, il est vrai que l'article date un peu.


Excusez-moi, je visais ceux qui pourraient se laisser emporter par le feu de la discussion, oublier la limite et parler de politique actuelle.

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Message Publié : 29 Avr 2013 0:15 
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Fustel de Coulanges
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Et dire qu'on laisse des gens aussi partiaux faire des thèses alors qu'on les refuse à tant d'autres... Bref... :rool: Je pensais que les lectures ultra-politisées et ultra-anachroniques n'avaient plus cours depuis les élucubrations de nombres de tenants d'un marxisme historique sans subtilité. Je me suis trompé.

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"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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Message Publié : 29 Avr 2013 0:37 
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Jean-Pierre Vernant
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Je lirais "ça" à tête reposé, et tout ce que cela m'évoque c'est beaucoup de lassitude... Je me demande vraiment quand est-ce qu'on va lâcher la grappe à cette pauvre romanité qui ne cesse d'être le miroir de tout et n'importe quoi, depuis les ergotages sur le despotisme de Gibbon, aux maximes totalitaires de Paul Petit je crois que cet objet d'étude reflète tout à fait ce qu'il ne fait surtout pas faire en Histoire ; un anachronisme. On projette sans cesse notre réalité contemporaine sur Rome parce qu'elle semble, malgré tant d'écart, nous ressembler et bien sûr, nos contemporains, avec plus ou moins de génie, pensent détenir un exemple vibrant d'une "chute" provoquée par leur petit marotte personnelle qu'ils montent en épingle pour nous ficeler une bonne vieille moralisation sur laquelle je ne m'étendrais pas. C'est toujours le même processus. Pour m'être un peu intéressé à cette histoire de décadence, j'avoue être effaré par l'inventivité des pseudos ou vrais historiens qui ont construit de toute pièce des dossiers à charge parce qu'il y avait une évidence de base sur laquelle il n'était même pas pensable de discuter : la décadence était un fait, restait à l'expliquer. Si vous êtes familiarisé avec les méthodes d'investigation historique vous devez saisir où se trouve le problème... Si vous ne l'êtes pas, imaginez que l'on parte du principe qu'un suspect et coupable et que l'on cherche tout ce qui est possible pour l'incriminer, sans se demander une seule seconde s'il pouvait éventuellement être innocent.
Dans le cas qui nous occupe je regrette vivement que Rome ne soit pas tombée avec fracas du haut de son trône doré sous les coups de barbares vociférants. Cela eut été plus simple et aurait tué dans l'oeuf toute tentative plus ou moins abouti pour distordre les faits et les réduire à un enseignement aux relents de sermon.

Cette phrase est plutôt remarquable :
Citer :
Ajoutons à cela l’inévitable corruption inhérente à tout État totalitaire ou quasi-totalitaire, qui ruine le peuple et interdit l’émergence d’une classe moyenne et étouffe tout ce qui y ressemblait auparavant.


On en revient aux vieilles thèses des années 50... En écrivant ce message je doute de plus en plus que je parvienne à lire ce texte ; je commence à rechigner franchement à me faire du mal. Qu'il pense ce qu'il veut, qu'il l'écrive, de toute façon qui souhaite s'intéresser un minimum à la période se rendra vite compte combien cette vision est datée et peu en accord avec les réalités de l'époque. Si vous voulez vous nettoyez l'esprit de ce genre de remarque lisez le Misopogon de Julien et vous verrez combien la population d'Antioche exprimait son respect au maître du monde... Est-ce que Staline en aurait toléré autant? J'en doute fort... De ce que j'ai lu ce n'est pas servi par autre chose qu'une érudition de surface qu'on retire de la lecture d'un manuel ancien.

Oh en revenant vers le torchon j'ai trouvé de quoi ravir nos camarades médiévistes :
Citer :
la nuit du féodalisme européen


Cela se piquerait presque de poésie, c'est magnifique.

Oh mon dieu, le libéralisme romain a permis à Rome de s'en sortir face à Hannibal et aux malheurs de l'époque républicaine... Mais c'est parfaitement somptueux, cela verse dans un genre littéraire particulièrement servile et très goûté à l'époque du "socialisme romain" ; la panégyrique, qui était à l'objectivité ce que ce texte est à l'Histoire... Néanmoins, à l'époque romaine, les panégyristes intelligents savaient critiquer par l'éloge, comme un certain Julien (oui encore lui et je vous flûte) qui énumère dans deux panégyriques les vertus de son cousin Constance qu'il haïssait (comme probable coupable du massacre de sa famille...) et qui correspondent à peu près à l'inverse du caractère du cousin... En tout cas texte formels et sans âmes contrairement à celui qu'il adressa à son épouse...


Finalement, en picorant de ci de là on dégote des pépites :
Citer :
Oubliez les invasions barbares, oubliez l’idée de Gibbon sur le christianisme ramollissant les Romains, oubliez les discours compliqués. La cause centrale de la chute de Rome, ce fut le socialisme. Parce que l’Empire, intrinsèquement, était un régime socialiste totalitarisant.


Contrepoints, nivellement par le haut? Et en plus monsieur a la Vérité, oui madame, môsieur il est le verbe divin incarné, oui madame il sait mieux que tous les historiens de la période et les archéologues. Oui madame il envoie aux orties toutes les histoires de ces vieilles badernes parce qu'il a la solution et il en est content comme une poule qui a trouvé un couteau.

Oh pinaise, je viens de voir que l'auteur prépare un doctorat! C'est la décadence mes amis! Nietzsche avait raison! lol

Bon bon, vous l'aurez compris je pense, si c'est une blague elle est drôle, si ce n'en est pas une par contre...

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 29 Avr 2013 0:57 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 28 Déc 2011 12:34
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Wenceslas Balyre est un de ces ultra-libérals qui paniquent et qui invoque la corée du nord dés qu'on évoque quelques idées progressistes. C'est à la mode en ce moment, même un Jacques Attali vient d'y succomber :mrgreen:

Bon sinon que dire de ce ramassis de phantasme détourné et anachronique ?
Juste un point sur
Citer :
qui veut se battre pour une tyrannie ?
l'admiration sans bornes du modèle romain chez les barbares, ils l'on défendu pour certain jusqu'à la mort.
Citer :
l’effondrement romain se fit sur le modèle de celui de l’URSS
un effondrement qui dure 500 ans ça force l'admiration B)

En fait cher Pédro, c'est peut ^etre bien une blague, Wenceslas Balyre officie comme devin dans le blog http://www.arbredespossibles.com/base/fiche_profil.php?valeur=5605 il se définit lui même comme explorateur du futur !
il y parle des algorythme qui lui permettent de prévoir les répétitions de l'histoire. ça va Prolix, on t'a reconnu !
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Lietz her heidine man. Obar seo lidan.
Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


Dernière édition par Almayrac le 29 Avr 2013 1:08, édité 1 fois.

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Message Publié : 29 Avr 2013 1:04 
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Jean-Pierre Vernant
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ALMAYRAC a écrit :
Citation:
qui veut se battre pour une tyrannie ?
l'admiration sans bornes du modèle romain chez les barbares, ils l'on défendu pour certain jusqu'à la mort.


Bien sûr sans compter ceux qui crèvent pour Rome et qui se battent dans la plupart des cas avec bravoure, acharnement et témérité... qu'ils soient Gaulois, Thraces, Illyriens, Syriens ou autre...

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Message Publié : 29 Avr 2013 1:25 
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Philippe de Commines
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Pédro a écrit :
je crois que cet objet d'étude reflète tout à fait ce qu'il ne fait surtout pas faire en Histoire ; un anachronisme.


C'est tout le problème : la liberté d'expression est valable aussi pour les imbéciles. Ce qui donne ce genre de thèse absurde (entre autres).
Bientôt on apprendra que le Néolithique est bien la preuve qu'il ne faut pas piétonniser les voies sur berges de Paris. Et ce sera un Professeur de l'Université qui nous le dira, et il aura de puissants arguments tirés de l'histoire des Incas.

_________________
Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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Message Publié : 29 Avr 2013 1:39 
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Jean-Pierre Vernant
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ALMAYRAC a écrit :
il y parle des algorythme qui lui permettent de prévoir les répétitions de l'histoire. ça va Prolix, on t'a reconnu !


Incroyable ; dans mes rêves les plus fous (et pourtant...) je n'avais jamais espéré rencontrer de telles choses. Quand les Mathématiques rencontre l'Histoire j'espère qu'ils n'auront pas de pensées cochonnes parce que je n'en veux pas de l'éventuelle portée! lol En tout cas ça montre une belle capacité à se couper du réel et à tout prendre de surface comme si on bougeait des pions sur une carte. Tout bouge de façon mécanique et algébrique, tout s’emboîte, d'ailleurs si j'écris en ce moment c'est parce que le grand tout mathématique me le commande. Et Charles VIII c'est le linteau de porte mathématique qui lui a fracassé le crâne. (bon ok, il est tard et je vais aller dormir ; je vous prie, chers lecteurs de Passion Histoire et vous non moins chers modos de ne pas tirer de conclusion trop hâtives sur la décadence de mes synapses).

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Message Publié : 30 Avr 2013 8:46 
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Polybe
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Huyustus a écrit :
Pédro a écrit :
je crois que cet objet d'étude reflète tout à fait ce qu'il ne fait surtout pas faire en Histoire ; un anachronisme.


C'est tout le problème : la liberté d'expression est valable aussi pour les imbéciles. Ce qui donne ce genre de thèse absurde (entre autres).
Bientôt on apprendra que le Néolithique est bien la preuve qu'il ne faut pas piétonniser les voies sur berges de Paris. Et ce sera un Professeur de l'Université qui nous le dira, et il aura de puissants arguments tirés de l'histoire des Incas.



Tout le problème c'est que chacun a sa propre idée de qui est un imbécile et qui ne l'est pas.


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Message Publié : 30 Avr 2013 13:18 
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Jean-Pierre Vernant
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Tristan33 a écrit :
Tout le problème c'est que chacun a sa propre idée de qui est un imbécile et qui ne l'est pas.


Oui, c'est certain, et un certain Lucien Jerphagnon l'a très bien montré dans un petit ouvrage. Néanmoins, quand on proclame des choses avec une socle de connaissance aussi fin qu'une feuille de papier à cigarette, qu'on envoie ad patres des décennies de recherche pour annoncer qu'on détient la Vérité, qu'on fait de l'idéologie en violant purement et simplement la plus basique méthode historique, il me semble qu'un faisceau d'indice amène tranquillement, peut être pas directement à l’imbécillité, en tout cas à l'outrecuidance et à la malhonnêteté.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 30 Avr 2013 13:36 
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Polybe
Polybe

Inscription : 19 Déc 2011 15:34
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Cette thèse me parait aussi totalement complètement délirante (mais je ne suis pas historien - je ne suis qu'en L1 lol ), je précise.
Comment un universitaire a pu pondre un truc pareil ? Ca m'échappe totalement, quand je vois la rigueur qu'exige les profs en fac d'histoire.

Par contre là où je suis moins d'accord c'est sur l'idée de liaison entre passé et présent. L'histoire c'est construire ces ponts. J'ai l'impression que certains, au nom de la rigueur "scientifique" (les sciences humaines ne sont pour moi pas des sciences) refusent toutes constructions/comparaison entre les époques. Evidemment il ne s'agit pas de faire des liens foireux (comme ça me semble le cas ici).


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Message Publié : 30 Avr 2013 14:18 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
Message(s) : 5718
Localisation : Limoges
En fait l'exemplarité du passé est un domaine qui ne concerne pas l'historien ; la portée de ce genre de comparaison est éminemment morale comme je l'ai dit plus haut. En Histoire on n'est pas là pour dire que telle ou telle chose est bien ou mauvaise ni pour dresser un réquisitoire contre un système et porter aux nues nos aspirations personnelles. Néanmoins, et cela a beaucoup été fait avec plus ou moins de réussite, il arrive très souvent que les historiens adaptent des concepts contemporains par exemple à des époques passées. C'est le cas du totalitarisme pour l'Empire romain tardif, comme ce drôle le fait avec 50 ans de retard et autant de génie que le génial inventeur de l'eau en poudre. On a voulu rapprocher une bureaucratisation de l'Empire des formes de gouvernement contemporain particulièrement honnis. En effet les historiens opposaient le Haut Empire, censé être un époque bénie où un souverain vertueux gouvernait en association intime avec le Sénat dans l'harmonie, à une période où l'administration devenait dans leurs esprits tentaculaire et suspicieuses. Or quand on regarde avec attention cette période on se rend compte que le nombre de fonctionnaires impériaux est très loin d'atteindre ne serait-ce que le chiffre de la Chine ancienne et sans commune mesure avec nos démocratie occidentales. Ce règne de la terreur est une projection sur le passé des angoisses contemporaines et a conduit à flouer complètement l'étude d'une période. On est a inclus des axes de réflexion partisans et peu rigoureux servant plus à illustrer le présent qu'à comprendre le passé. Le risque de l'anachronisme a été pris et cela s'est concrétisé... Le paradigme était tout simplement faux et inapplicable.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 30 Avr 2013 14:35 
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Polybe
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Inscription : 19 Déc 2011 15:34
Message(s) : 95
Ah oui d'accord. Bien évidemment l'histoire n'a rien à voir avec la morale (il n'y a d'ailleurs rien qui m'énerve plus que les notions de bien et de mal).
Je suppose évidemment la rigueur censée etre celle d'un universitaire (et du coup je reviens à ma question : comment un universitaire peut publier ça ? quand je vois la rigueur qu'ils exigent en fac d'histoire).
Pour autant, nous avons tous des opinions, et il vaut mieux les afficher que les cacher.
Je prend l'exemple de "Penser à la Révolution" de François Furet. Dans les premières pages il dit clairement les choses : il faut annoncer la "couleur" (politique s'entend) quand le sujet (comme la Révolution) est en lien direct avec les passions contemporaines. Il donne je crois l'exemple des rois mérovingiens qui était un sujet brulant au 18°. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Quand le sujet est en lien avec les questions que les hommes contemporains se posent l'historien n'est plus seul à s'emparer de la question, toute la société s'en empare. Au contraire quand le sujet n'a plus de lien avec ces questions, ça reste un débat d'érudits.

Sinon la comparaison avec les régimes totalitaires du 20° et l'empire romain me parait assez délirante aussi.


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