Il y a deux problèmes dans votre question : d'une part, ce qui touche au sens même du mot "romain" (qui n'est en aucun cas synonymique de latin), d'autre part, ce qui en découle, à savoir, une évolution du terme au fil des siècles. Bien entendu, "romain" n'a pas eu le même sens - employé par ceux-là même qu'il concerne et par les autres peuples, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas romains - selon les époques.
D'une certaine manière, est romain celui qui habite Rome, et cela reste encore aujourd'hui un fait : la nation italienne ne s'est absolument pas fondée de la même manière que la nation française. Aujourd'hui encore, les villes italiennes conservent un fort sentiment d'identité, ou plus simplement d'autonomie : du point de vue des dialectes, des mentalités, des mœurs ou de l'histoire, la géographie italienne est très riche et complexe. En aucun cas les habitants de Milan, de Florence ou de Naples (pour ne prendre que les plus célèbres, mais allez en Calabre ou en Sardaigne et vous en verrez de belles) ne se sentent "romains".
En ce qui concerne les périodes antiques, Cicéron est un exemple assez important : il propose en effet de distinguer deux types d'identités, celle de l'origine, du petit bourg paumé à la grande cité connectée au reste du monde, et celle de la "mère-patrie", Rome, maîtresse du monde. Notons tout d'abord que si c'est là la pensée de Cicéron, rien ne nous permet exactement de constater son effectivité antérieure, bien au contraire (mais c'est là un autre sujet) ; ensuite, il faut au moins attendre la révolution augustéenne concernant les regiones Italiae pour observer avec plus d'aisance ce phénomène qu'on pourrait appeler la romanisation de l'Italie. A cet effet, je me demande parfois si "romanisé" signifie être devenu romain ou avoir accepté Rome, ce qui n'est pas pareil.
On le voit bien avec le fameux édit de Caracalla : être romain finit par vouloir dire être citoyen romain. Et de ce point de vue, l'exemple de l'Italie est particulièrement important puisque l'installation de colonies n'y était pas fait selon l'idée d'exporter une culture ou un modèle uniforme mais plutôt d'exporter une conception juridique. En ce sens, je dirais que Rome a davantage conquis le monde avec son droit qu'avec sa grammaire
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