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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 25 Mai 2016 16:38 
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Jean-Pierre Vernant
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En ce qui concerne l'armée romaine de l'époque le moins que l'on puisse dire est de ne pas la sous estimer. Ce n'est pas qu'une armée de forteresse passive et incapable de conquête. Les opérations en terres étrangères sont nombreuses et dans des secteurs géographiques très difficiles où les organisations précédentes n'ont jamais été très operantes. Les expéditions dans le barbaricum septentrional démontrent une certaines habitude du terrain, les soldats avançant souvent équipés à la légère dans des coups de main organisés. Bref, ils se sont habitués à la petite guerre. La situation sur le front perse montre qu'ils savent aussi désormais les tactiques d'archers à cheval (d'autant qu'ils en possèdent eux aussi). La campagne de Julien montre une supériorité militaire assez explicite mais des problèmes de logistiques.

A Andrinople les problèmes sont multiples et révélateurs des ennuis dus à la situation : impossible de dégarnir les frontières sans risquer des attaques sur plusieurs points (exemple du IIIe) du coup Valens rassemble qu'il peut et il n'a que très peu de cavalerie lourde... mais si on regarde les resultats en bataille rangée les Romains restent très dominent (voyez Strasbourg en 357 à presque 3 contre 1). A chaque fois que les Romains peuvent mettre les moyens ils sont en avantage dans ce genre de combats.

Pour les Goths il ne faut pas trop exagérer la part de cavalerie lourde mais c'est devenu un élément très important de leur armée et qui est ici déterminante.

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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 25 Mai 2016 19:07 
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Eginhard
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C'est pour ça qu'Andrinople n'est peut-être pas le signe d'un déclin de l'armée romaine. Même si par la suite, à la fin du 4eme et au début du 5eme siècle, Alaric va allègrement piller la Grèce et l'Italie. Apparemment aucune armée romaine d'Orient ou d'Occident ne peut arrêter les velléités belliqueuses du chef wisigoth.

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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 25 Mai 2016 19:29 
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Jean-Pierre Vernant
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Pas vraiment, c'est un état de fait qui remonte à loin ; déjà au premier siècle de notre ère dégarnir la frontière présentait un risque. Mais ce qui a changé c'est que la pression s'est accrue. Finalement c'est pas tellement Rome et son armée qui déclinent que la menace qui se renforce et l'écart de puissance global qui diminue. En clair à un contre un, sans menace sur les arrières, l'Empire est inatteignable pour ses ennemis, sans doute même les Perses. Mais quand on doit surveiller une telle frontière qui ne cesse de voir arriver des nouveaux venus, et quand la menace pénètre même à l'intérieur, ça commence à faire beaucoup.

Si on y rajoute les guéguerres de cour, les guerres civiles, l'incurie de certains hauts commandants voir empereurs, ça fait un tableau pas super réjouissant. Et pourtant l'Occident tient encore un moment et l'Empire d'Orient sera encore debout bien des siècles plus tard malgré de nouvelles menaces considérables.

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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 26 Mai 2016 4:51 
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Eginhard
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Pédro a écrit :
Pas vraiment, c'est un état de fait qui remonte à loin ; déjà au premier siècle de notre ère dégarnir la frontière présentait un risque. Mais ce qui a changé c'est que la pression s'est accrue. Finalement c'est pas tellement Rome et son armée qui déclinent que la menace qui se renforce et l'écart de puissance global qui diminue. En clair à un contre un, sans menace sur les arrières, l'Empire est inatteignable pour ses ennemis, sans doute même les Perses. Mais quand on doit surveiller une telle frontière qui ne cesse de voir arriver des nouveaux venus, et quand la menace pénètre même à l'intérieur, ça commence à faire beaucoup.

Si on y rajoute les guéguerres de cour, les guerres civiles, l'incurie de certains hauts commandants voir empereurs, ça fait un tableau pas super réjouissant. Et pourtant l'Occident tient encore un moment et l'Empire d'Orient sera encore debout bien des siècles plus tard malgré de nouvelles menaces considérables.


Oui, le plus surprenant est que l'empire d'Orient ait survécu près de 1000 ans à son homologue d'Occident. Pourtant, les menaces extérieures ne manquaient pas pour le mettre à bas ni les querelles internes incessantes !
Mais on en revient toujours aux causes de la chute de l'Empire romain d'Occident. La pression des peuples barbares fuyant ici les Huns, font craqueler de partout les frontières de l'empire qui n'a tout simplement plus les moyens d'arrêter par la guerre ce flux incessant d'hommes et de femmes. On acte souvent leur présence en les associant à l'Empire, comme peuple fédéré, solution pernicieuse puisque l'empire tend ensuite à se disloquer sous l'effet des forces centrifuges.

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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 26 Mai 2016 12:57 
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Jean-Pierre Vernant
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Je crois que l'Empire avait encore en parti des moyens de survivre en appliquant parfois d'autres politiques, d'autres choix, comme en Occident tenter de préserver un cadre réel d'armée romaine structurée. Cela passait sans doute aussi par une meilleure capacité d'intégration de l'Autre ce qui a longtemps fait la force de Rome et qui là, dans de nombreux cas, marque clairement le pas. Et puis également je pense qu'il existe aussi une cause humaine ; les querelles entre généraux et empereurs, le plus souvent retranchés à la cour, tendent les rapports entre pouvoir et sphère militaire et paralysent les réactions. Il n'est qu'à voir les résultats encourageant de Majorien à une époque où pourtant ça ne sent plus très bon depuis un moment.

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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 31 Août 2016 22:59 
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Plutarque
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Comment expliquer les difficultés de l'Empire pour restituer une armée capable de faire face aux Goths suite à cette défaite ? Je sais bien qu'ils ne peuvent pas dégarnir la frontière, mais sous la république, des armées entières ont été perdues et reconstituées très rapidement. Pourquoi cela n'est plus possible à cette époque ?


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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 01 Sep 2016 23:31 
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Jean-Pierre Vernant
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L'armée romaine n'est plus une armée de conscription où le citoyen vient faire son devoir momentané en se pourvoyant lui même en équipement. Sous la République, surtout ancienne, avec la démographie très dynamique de Rome, il était relativement simple de renouveler les effectifs. C'est ce qui explique qu'après les roustes reçues contre Hannibal Rome pu tenir et se refaire. Or à cette époque Rome ne surveille pas continuellement des milliers de kilomètres de frontière et ne mène des campagne que ponctuellement. Elle fonde sa puissance sur le peuple en arme ce qui peut être aussi un facteur de déstabilisation de l'Etat comme le montre très bien les événements menant à la fin de la République. La professionnalisation de l'armée par Auguste sous entend une volonté de maîtrise et de gestion de la force armée au service de l'Etat et non contre lui. Si cela n'a pas été sans heurt, ils ne furent que rarement aussi profond que lors de la République tardive. Or, une armée de métier permanente cela coûte cher et la carrière des armes devient moins intéressante quand c'est pour privilégier une guerre défensive assez statiques, surtout quand elle devient de plus en plus dangereuse à partir du IIIe siècle. Il est plus motivant d'enfiler une cotte de mailles pour aller piller les riches terres grecques que pour aller affronter les Germains dans le froid et les forêts lugubres pour bien peu de butin... Les régions assurant l'essentiel des recrutements sont généralement celles qui sont directement au contact des frontières, au contacts des réalités militaire. C'est l'Illyrie, c'est la Gaule, la Thrace... et bien entendu l’étranger, le barbare.
Je n'ai plus en tête les estimations annuelles du renouvellement des unités, mais un trou de 20000 hommes peut créer quelques soucis, surtout que les unités de combat nécessitent un entraînement long et complexe. L'armée romaine n'est pas une cohue de bleusailles mais un outil militaire composé de professionnels de la guerre. Les germains sont appréciés parce que les sociétés germaniques sont structurées autour de la guerre et que celle-ci les définit en temps qu'hommes libres. Chaque homme est un guerrier de fait et il apprend le maniement des armes très tôt. Avec les civils de l'Empire cela est un peu plus long surtout à mesure que l'on s'éloigne des marges frontalières. Les moqueries que Julien adresse aux citoyens d'Antioche pour leur molesse relève certes du stéréotype mais met aussi en exergue la désaffection pour la violence armée dans ces régions urbanisées de l'Asie.

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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 02 Sep 2016 0:02 
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Plutarque
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Awesome !

Merci pour ce paragraphe on ne peut plus clair et instructif :)


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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 02 Sep 2016 4:59 
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Jean Mabillon
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Je vous propose plusieurs pistes pour compléter l'analyse de Pedro. S'il y a armée de métier c'gst évidemment pour partie pour des raisons stratégiques et d’efficacité militaire. Mais sans doute aussi pour des raisons politiques et culturelles.

Politiquement, il existe un lien (au moins conceptuel) entre le régime républicain et le service militaire universel. C'est tellement vrai que pendant la majeure partie de la République (jusqu’à Marius), les citoyens les plus pauvres étaient exclus du vote, dispensés d'impôts et de Service militaire ...

Culturellement, il aurait été très difficile d'appeler sous les armes une masse de jeune gens qui sont de facto très éloignés des armes depuis des siècles. La majorité de la population de l'empire vit loin des frontières et donc loin des armées ...cet éloignement géographique est aussi psychologique : l'image du soldat est plutôt médiocre dans la population civile ... Et réciproquement.

Et pensez vous qu'un paysan de Lusitanie aurait facilement accepté d'être appelé à combattre sur le Danube ? Un système de conscription aurait débouché sur des armées régionales ...ce qui était déjà un peu le cas avec la professionnalisation et avait un effet très négatif sur le plan politique.

D'ailleurs en pratique le IVe siècle connaît un mode un peu atypique de conscription avec le recrutement forcé de soldats ... Professionnels. Autrement dit certains jeunes sont appelés à servir ... À vie ...système très impopulaire, on s'en doute. Et qui va certainement affaiblir l'attachement des provinciaux à l'empire ...


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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 02 Sep 2016 10:26 
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galoniger a écrit :
Comment expliquer les difficultés de l'Empire pour restituer une armée capable de faire face aux Goths suite à cette défaite ? Je sais bien qu'ils ne peuvent pas dégarnir la frontière, mais sous la république, des armées entières ont été perdues et reconstituées très rapidement. Pourquoi cela n'est plus possible à cette époque ?


Pour compléter les réponses de Pedro et d'Aigle. De nombreux historiens ont constaté que les empires suivaient tous la même évolution. Je suis désolé, mais je vais devoir parler aussi de fiscalité. Au début, chaque citoyen est un soldat. C'est parfois la condition nécessaire pour participer à la vie publique, comme le rappelle Aigle. Dans certaines sociétés, pour être un citoyen, il faut être en capacité de prendre les armes pour défendre la cité. Vu la structure des sociétés en question, cela exclu de la citoyenneté les femmes et les esclaves, voire aussi les serviteurs libres. Ces considérations font que le nombre de producteurs est souvent plus élevé que le nombre de soldats. Mais le rapport est souvent proche de 0,75, ce qui veut dire que 75% de la société masculine est susceptible de prendre les armes. Petit à petit, les rapports dans la société changent et on se rend compte que la richesse est fonction du nombre de producteurs. Pour augmenter leur nombre, il "suffit" de partir conquérir les peuples voisins ... et ils furent nombreux à le faire au cours des siècles. Mais, les conditions changent aussi dans votre population, des citoyens deviennent plus riches, mais d'autres deviennent plus pauvres et n'ont pas les moyens de s'acheter les équipements nécessaires. Car, il ne faut pas se leurrer, au fur et à mesure qu'une société évolue, la technologie qu'elle exploite évolue. Donc, les soldats aussi découvrent qu'un meilleur arc, fait par un bon artisan porte plus loin que l'arc de base, que des protections mettent à l'abri des coups malheureux, que ... Puis on se rend compte que les protections de cuir sont plus efficaces que les protections de tissus. Quant aux protections de métal, elles sont encore plus efficaces que celles en cuir, mais nettement plus chères. Il se créé des castes au sein de la société entre ceux qui peuvent se payer un armement lourds et ceux qui n'ont accès qu'à un armement léger. Or, sur le champ de bataille on se rend compte que ceux qui ont un armement lourd résistent mieux, mais ont aussi une valeur offensive plus importante que ceux qui ont un armement léger. Dans certaines cités, des gens ont trouvé une solution, les gens des quartiers pauvres compensent en se cotisant et en payant un des leurs qui est équipé et qui combattra en leur nom. D'autres cités permettent à ceux qui ne veulent pas combattre, mais qui désirent rester citoyens de payer une taxe pour se dispenser du service militaire, cette taxe servant à payer des gens plus pauvre qui vont être équipés par le palais.

L'évolution suivante est l'entraînement. Bien vite on se rend compte que les tactiques les plus subtiles, les plus efficaces requièrent de la cohésion. Dans certaines sociétés apparaissent alors des rassemblements où de manière plus ou moins régulière tous les citoyens, ou seulement ceux d'un quartier se réunissent et s'entrainent. Mais, le temps d'entrainement empiète sur le temps de production et tous n'ont pas les moyens de passer 1 ou 2 heures par jour à s'entrainer. Bref, petit à petit on va vers une armée de métier ou une caste de combattants. Le reste de la société s'acquittant d'un impôt pour pallier à son manque d'implication dans la défense commune. Le rapport entre soldats et militaires s'écroule, on arrive parfois à 1 soldat pour 40 ou 50 producteurs...

Mais, là on se rend compte qu'un soldat de métier, bien formé, bien entrainé, vaut sur le champ de bataille plus que les soldats-citoyens levés à la hâte. Combien plus ? Ce n'est pas toujours évident à dire, le rapport peut aller jusqu'à 1 pour 100. Mais, en contrepartie, ce soldat, il coûte en équipements, et il coûte en formation. Du coup, on ne peut pas réformer une armée en quelques semaines, il faut des mois, voire des années.

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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 02 Sep 2016 12:17 
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Jean-Pierre Vernant
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Tout à fait, merci de vos compléments. Dans le cas romain il faut aussi bien prendre en compte le changement des missions allouées aux troupes. On ne se contente plus de former des armées consulaires pour vaincre l'ennemi en bataille rangée ; il faut faire du renseignement, tenir des positions fortifiés, prévenir des offensives via des opérations soudaines et discrètes, agir en police frontalière, s'adapter aux tactiques de petite guerre ennemi... Bref une multitude de missions qu'un soldat conscrit fraîchement levé est incapable de maîtriser avant plusieurs années d'entrainement. Même si Végèce est une source spécieuse sur de nombreux points il n'en demeure pas moins qu'il nous donne à voir certains éléments de cet entrainement des soldats. De la même façon je vous renvoie vers mon éternel Ammien Marcellin qui décrit ponctuellement des actions tactiques de l'armée. On peut y prendre l'exemple d'une opération menée par Julien outre-Rhin ; les troupes romaines s'équipent légèrement pour rester discrètes, se séparent en deux groupes, l'un avançant de front vers les villages ennemis, l'autre descendant un cours d'eau pour les prendre à revers. On a là un cas typique de coordination entre les unités de combat qu'il ne faut pas laisser à des nouveaux soldats conscrits. De la même façon quand une unités romaine est assaillie par des germains largement supérieurs en nombre ils pratiquent la retraite stratégique. Il laissent les adversaires les poursuivre et ses désorganiser pour les frapper dans plusieurs voltes face brutales et rapide jusqu'à destruction de l'ennemi. Encore une manoeuvre très technique qui nécessite beaucoup de coordination. On peut compléter avec le siège d'Amida quand une légion "gauloise" exige de ses chef qu'on la laisse faire une sortie face à l'ennemi perse. Imaginez qu'à l'époque une légion compte autour d'un millier d'hommes et qu'en face il y a sans doute plusieurs dizaines de milliers de Perses. L'opération est montée de nuit. Après une attaque rapide et meurtrière les soldats serrent les rangs derrière un mur de bouclier et reculent jusqu'aux portes de la ville sans jamais rompre face aux milliers d'ennemis qui se ruent sur eux. Bref, ce sont des éléments tactiques qui montrent combien l'armée romaine est devenue un instrument très professionnel et très qualifié et qui donc nécessite des soldats correctement formés et équipés.

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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 03 Sep 2016 2:39 
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Plutarque
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Je vois clairement la logique d'évolution présentée qui fait passer une armée de citoyen vers une armée de métier. Je m'interroge cependant à ce sujet, et désolé si du coup nous dérivons un peu du sujet:

Lors de la seconde guerre punique, les romains disposaient d'une armée de citoyen et le processus d'évolution de cette armée, dans le cadre que vous décrivez était sans doute encore " rudimentaire " en tout cas loin de la professionnalisation. Je crois même qu'après Cannae, les romains proposent même à des esclaves leur liberté en échange de leur engagement dans l'armée afin de combler leur perte. Certes ces esclaves sont sans doute équipés par " l'Etat ", mais je pense que la professionnalisation ne débute réellement qu'à partir de Marius.

Or à cette époque, les romains font face à des armées carthaginoise essentiellement composée de mercenaires et d'alliés tribaux gaulois ou hispaniques. Du fait de la composante mercenaire de cette armée, cette dernière semble beaucoup plus professionnelle que l'armée romaine. Or cette dernière, en dépit de défaites retentissantes finit par l'emporter. La même chose a eu lieu lors de la première guerre punique.

Alors quid de la qualité " professionnelle " de ces armées carthaginoises en comparaison des armées romaines professionnelles du 4ème et 5ème siècle AD . Mais cela ne démontre il pas qu'une armée de citoyen peut cependant tenir tête à des armées de qualité et aurait donc pu être constituée suite à Adrinople ?

L'explication de l'émergence de ces armées professionnelles et de l'irréversibilité de ce phénomène me semble alors beaucoup plus politique que militaire.


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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 03 Sep 2016 12:13 
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Jean-Pierre Vernant
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galoniger a écrit :
Alors quid de la qualité " professionnelle " de ces armées carthaginoises en comparaison des armées romaines professionnelles du 4ème et 5ème siècle AD . Mais cela ne démontre il pas qu'une armée de citoyen peut cependant tenir tête à des armées de qualité et aurait donc pu être constituée suite à Adrinople ?


L'efficacité d'une armée ne s'évalue qu'en fonction des menaces qui lui sont opposées. Un outil militaire se doit de s'adapter aux nouvelles formes de guerre proposée pour y faire face. C'est le cas de nos jours avec la multiplication des guerre asymétriques. Les Romains ont fait de même à partir du IIIe siècle quand il est apparut que l'ancienne mouture hérité de la République et du début de l'Empire était obsolète pour s'opposer à la menace.

Une armée de "citoyen en arme" pouvait s'opposer à l'armée romaine et parfois avec succès, si on prend l'exemple des armée rassemblée par les Germains. Mais est-ce que ces troupes auraient été capable d'assurer la protection permanente d'un aussi vaste territoire et de répondre aux nouvelles formes de menace? Non, clairement pas. De la même façon une levée en masse après Andrinople aurait porté dans l'armée tout un tas de recrue incapables de manoeuvrer correctement avant longtemps et aurait plus encombré qu'aidé. Par ailleurs ne surévaluons pas trop les pertes d'Andrinople. Malgré le pathos des auteurs on est loin d'une saignée impossible à combler. C'est surtout d'un point de vu de la mobilité ; les troupes romaines sont pour parties plutôt cantonnées en couvertures et plutôt dévolues à des fonctions d'intervention (c'est une tendance plutôt qu'un dogme). Or c'est surtout des troupes à vocation de mobilité qui ont été détruites ce qui mettait en péril pour quelques années les capacités manoeuvrières des armées orientales.

galoniger a écrit :
L'explication de l'émergence de ces armées professionnelles et de l'irréversibilité de ce phénomène me semble alors beaucoup plus politique que militaire.


Elle est politique surtout quand on souhaite en finir avec les errements de la fin de la République où les grands imperatores agissent en condottieres. Egalement il fait avoir à l'esprit qu'on ne fonde pas la pax romana avec des levées ponctuelles de citoyens en arme. Au mieux on venge les agressions.

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 Sujet du message : Re: Andrinople et ses suites
Message Publié : 04 Sep 2016 13:15 
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Plutarque
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Merci à tous pour vos interventions, et notamment à Pedro. Vous avez su répondre à mes interrogations parfois uchroniques avec clarté et pédagogie :) .


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