L'Empire d'orient était-il solidaire de l'Empire d'occident ? Rien n'est moins sûr. Si la séparation de 395 n'a rien de définitif dans l'esprit de ceux qui y procèdent, il faut admettre que les deux administrations apparaissent plus concurrentes que solidaires, notamment sur la question des migrations/invasions barbares mentionnées plus haut. Le cas de Goths, puis des Huns est éloquent.
L'Empereur d'orient a t-il pris conscience que l'occident quittait le monde romain ?Très difficile d'y répondre. Quand Zenon reçoit les insignes impériaux en 476 la solution lui convient tout à fait. Ca fait alors deux décennies que l'empereur d'orient et les factions barbares se battent pour imposer leur candidat sur le trône et le dernier en date Julius Nepos avait été évincé. Peut-être que depuis l'échec l'expédition de Basiliskos avait-il compris qu'un contrôle direct sur l'occident (au minimum Afrique-Italie pour avoir un ensemble viable) n'était plus dans les possibilités du moment.
Ce que je pense c'est que les souverains d'orient ont alors estimé qu'une reconnaissance formelle de leur autorité par des royaumes "amis" si ce n'est clients pouvait suffire comme mode de contrôle de l'occident. Après tout, sur les rois chrétiens l'empereur garde une certaine primauté religieuse et sa primauté politique ne fait aucun doute.
L'épisode rapporté par Grégoire de Tours est à ce titre interessant :
Citer :
(En 510) Clovis reçut dans la ville de Tours des lettres de l’empereur Anastase qui lui donnait le titre de consul. Il se revêtit dans la basilique de Saint-Martin de la tunique de pourpre et de la chlamyde, et plaça le diadème sur sa tête. Ensuite, étant monté à cheval, il parcourut tout le chemin qui se trouve entre la porte du vestibule de la basilique et l’église de la ville, en distribuant largement à la foule assemblée une grande quantité de pièces d’or et d’argent. Dès lors, il reçut le nom de consul ou d’Auguste.
Grégoire de Tours, Histoire du peuple franc, VIe siècle.
On voit bien ici que, d'une part le roi barbare recherche à tout prix sa légitimité par une certaine adhésion à la romanité, du moins dans sa représentation du pouvoir et accepte clairement la suzeraineté ou le parrainage d'Anastase, d'autant qu'elle reste purement formelle au vu de la distance. D'autre part, Anastase se satisfait de cette fiction d'autorité sur les Trois Gaules à travers Clovis, présenté comme son représentant légitime. Une fiction qui ne coûte pas cher et qui préserve les apparences.
Quand Justinien lance la reconquête, d'abord de l'Afrique, région la plus riche ça n'est pas un hasard, il ne le fait que parce qu'il en a à nouveau les moyens financiers et militaires depuis qu'il a levé l'hypothèque sassanide avec la Paix éternelle. Cela s'inscrit également dans son projet politique universel.