Tout d'abord, je crois que les Romains ne désignent pas les peuples par leur couleur de peau. Il ne disent jamais "les Noirs", mais parlent des "Éthiopiens" pour désigner les peuples d'Afrique subsaharienne.
La plupart des Ethiopiens mentionnés dans les sources sont soit bel et bien les peuples vivant au sud de l'Egypte, donc des étrangers hors des frontières de l'Empire, soit des esclaves. Mais l'esclavage antique n'est pas du tout fondé sur la couleur de la peau ou le phénotype, il n'est pas raciste. De plus, n'importe quel esclave peut être affranchi et c'est même très courant pour les esclaves domestiques qui atteignent l'âge adulte. Or un esclave affranchi par un citoyen romain devient citoyen romain. Il devait donc nécessairement y avoir, en nombre limité, des citoyens noirs. Le seul exemple qui me vient en tête est l'élève d'Hérode Atticus, au IIe siècle après J.-C., nommé Memnon. C'était donc un lettré, un philosophe, digne d'être mentionné dans les sources.
Y avait-il des préjugés sur les Ethiopiens? Oui, mais comme sur tous les peuples des frontières de l'empire : Germains, Scythes, Asiatiques, Juifs, Indiens, etc. Il n'y a pas de théorisation d'une quelconque infériorité des races.
Voici deux passages intéressants que j'ai trouvés sur les préjugés des Romains envers les Ethiopiens :
-Pline l'Ancien, Histoire naturelle, II, 189 : Ici viennent les fait qui dépendent de ces influences célestes. Les Ethiopiens sont, en raison de la proximité, brûlés par la chaleur du soleil. Ils naissent comme s'ils avaient été soumis à l'action du feu; leur barbe et leurs cheveux sont crépus. Dans la place opposée, dans la zone glaciale, les habitants ont la peau blanche, une longue chevelure blonde. La rigueur du climat rend farouches les peuples du nord; la mobilité de l'air (VI, 35) rend stupides ceux de la zone torride. La conformation des jambes mêmes montre chez les uns l'action de la chaleur, qui appelle les sucs dans les parties supérieures; chez les autres, l'afflux des liquides tombant dans les parties inférieures. Au nord, des bêtes pesantes; au midi, des animaux de formes variées, surtout parmi les oiseaux, qui offrent toutes sortes de figures. (2) Des deux côtés la taille des habitants est haute, ici par l'action des feux, là par l'abondance des liquides. Dans l'espace intermédiaire la température est salubre ; le sol est propre à toutes les productions; la taille est médiocre; la couleur même de la peau présente un juste mélange; les moeurs sont douces, les sens pénétrants, l'intelligence féconde, et capable d'embrasser la nature entière. Ce sont ces peuples qui ont l'empire ; les nations des zones extrêmes ne l'ont jamais eu. Il est vrai qu'elles n'ont pas non plus été assujetties par eux ; mais, détachées du reste du genre humain, elles vivent solitaires sous la nature inexorable qui les accable.
-Pétrone, Satiricon, 102 : Il faut donc chercher notre salut dans une autre voie. Voici ce que je viens de trouver. Réfléchissez-y. Eumolpe, en sa qualité de lettré, a toujours de l'encre avec lui. Servons-nous-en pour changer de couleur des pieds à la tête. Passant pour des esclaves éthiopiens, nous serons à vos ordres, trop heureux d'éviter ainsi le châtiment qui nous menace, et, par ce changement de couleur, nous échapperons à nos ennemis. - Et pourquoi pas nous circoncire, dit Giton, afin que nous passions pour juifs, ou nous couper les oreilles pour ressembler à des Arabes, ou nous barbouiller la face de craie dans l'espoir que la Gaule nous considérera comme ses enfants. ? Comme s'il suffisait de changer la couleur pour changer la figure ; comme s'il ne fallait pas, pour que le mensonge tienne debout, que tout soit d'accord. Admettons que la drogue dont nous teindrons notre figure dure assez longtemps ; supposons qu'aucune goutte d'eau ne viendra faire tache sur notre corps, que nos habits n'absorberont point d'encre, ce qui arrive fréquemment, même quand on n'y met pas de gomme, pourrons-nous nous faire des lèvres hideusement gonflées, passer nos cheveux au fer à friser, nous tatouer le visage, nous courber les jambes en cerceau, marcher sur les talons, avoir une barbe à leur mode ?
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