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Dans le sud du pays, c'est clairement une civilisation avec assemblées, villes et une vie politique active. Le fait qu'on parle de tribus laisse entendre que ce serait plutôt une culture.
Tout dépend à quelle époque..... Entre 500 et 52 av JC, la société gauloise a largement évolué.
D'un système princier basé sur le commerce et une première proto-urbanisation au Ier âge du Fer, on passe (vraisemblablement de façon parfois brutale, et avec un changement de paradigme à tous les niveaux: social, économique, culturel (artistique notamment avec l'apparition d'un art celte vraiment caractéristique là où l'art Hallstatien s'inspire énormément de l'art grec)) à un système aristocratique guerrier, moins hiérarchisé, reposant sur l'agriculture, persque semi nomade, avec une disparition quasi totale des centre proto urbains de la période précédente. Puis on voit une nouvelle période d'urbanisation avec la civilisation des oppida qui ne commence cependant que vers -150.
Nul doute qu'il y eut des particularités locales, notamment dans le Sud de la Gaule sous l'influence de Massalia. Mais on constate cependant des dynamiques communes (et sachant que la civilisation princière du 1er âge du fer n'a concerné que l'arc Nord Alpin, une partie de l'Est et du centre de la France actuelle, même si on trouve des sites fortifiés proto urbains de cette époque ailleurs, mais on manque de données les concernant).
Les peuples celtes/gaulois, notamment durant la seconde période, ont beaucoup bougé, s'installant ici et là, ce sont réellement des peuples en marche à certaines périodes (à l'image du déplacements de nombreuses populations à la charnière entre l'antiquité et le Moyen Age). C'est également la seconde période qui semble avoir vu l'apparition des assemblées. En tous cas, la royauté semble peu à peu disparaître au début de la période des oppida avec un renforcement des assemblées et de magistrats (peut-être élus). On a affaire à un glissement d'un système aristocratique à un système oligarchique.
Pour les Germains, il semble que tous les hommes libres pouvaient participer aux assemblées qui étaient les institutions principales de ces peuples jusqu'au haut Moyen Age (on les retrouve chez les "vikings")... ce qui est plus "démocratique" que le régime athénien où seule une petite part des hommes libres font partie du corps civique.
César nous dit également que pour certains peuples gaulois (les Helvètes en l’occurrence), tout homme armé peut paraître aux assemblées (il faut même être armé pour se faire). Cependant César parle souvent de "Sénat" pour désigner ces assemblées, ce qui indiquerait peut-être d'avantage un système olligarchique, voir aristocratique (il n'y a cependant souvent pas beaucoup de différences entre les deux).
Mais le fait est que l'on ignore comment exactement fonctionnaient les institutions (si tant est qu'il existait une telle notion chez les Gaulois) Celtes/gauloises. La société semble s'appuyer sur un complexe réseau de clientélisme entre aristocrates et hommes libres, avec des assemblées permettant d'arbitrer l'ensemble et de prendre les décisions en commun qui s'imposent (notamment la guerre, la paix et ce genre choses). Mais rien n'indique quels étaient exactement les pouvoirs de cette assemblée et du coup jusqu'où s'étendaient les pouvoirs des roitelets, chefs et autres magistrats.
On ignore quasiment tout d'un éventuel système de taxe ou d'impôt, à quel point les communautés composant une "cité" ou un "peuple" (souvent l'assemblage de plusieurs tribus à l'origine, qui donneront les "pagus") lui étaient liée. On ignore tout d'un éventuel système judiciaire (on sait juste que les druides pouvaient rendre la justice, et il est probable qu'on se reposait sur les principaux chefs et aristocrates pour arbitrer les conflits, et que d'autres se réglaient dans les assemblées). Il n'y avait probablement, en tous cas pas avant la fin de la période, pas de notion de la "chose publique" comme en Grèce ou à Rome, les institutions ne servant qu'à arbitrer et articuler l'ensemble des intérêts privés, clientélisme, sujétions diverses, propriété foncière, composant la société.
Mais il est clair qu'à la période des oppida, la société gauloise ressemble de plus en plus à un système de cités à la grecque même si elle garde évidemment beaucoup de particularités (et surtout beaucoup de zones d'ombre qu'on a du mal à élucider (et sur lesquels ont ne saura probablement jamais grand chose).
Sinon, au risque de paraître extrêmement présomptueux (car je suis loin d'être un spécialiste), car JL Brunaux est un chercheur reconnu qui a énormément fait pour la connaissance de l'âge du fer, je me permet de remarquer que certains de ses propos (pour avoir lu une grosse partie de ses publications et avoir assisté à plusieurs conférences de sa part ces 10 dernières années) me semblent affirmés comme des faits alors qu'ils me paraissent très spéculatifs. si ses publications restent très intéressantes (quasiment des incontournables), il y a certaines de ses hypothèses qui m'ont semblé peu étayées par des sources (notamment au niveau des druides) et souvent le fruit d'une interprétation vraiment particulière de certains textes (il se repose énormément sur Poseidonios d'Apamée et César.... avec raison, puisqu'ils font partie des sources les plus fiables que l'on ait sur la question) et de recoupements de certaines sources que je qualifierais d'"osées".
Lors de la dernière conférence à laquelle j'ai assisté, il prétendait que les druides avaient pour but de donner des institutions aux Gaulois, et que ce but avait été atteint avec la civilisation des oppida, et qu'en quelque sorte le rôle des druides était devenu caduque au moment de l'annexion romaine (et que tous les druides des périodes ultérieures, notamment en Irlande et en Bretagne n'auraient été que des charlatans), ce qui expliquerait leur quasi absence de la Guerre des gaules. Honnêtement, ces propos m'ont laissé plus que dubitatif, notamment parce que je ne vois pas sur quelles sources il pourrait s'appuyer pour affirmer de telles choses (sans être spécialiste, les sources écrites sur les Gaulois ne sont pas non plus légions, et l'archéologie est impuissante à éclairer ce type de phénomènes).
Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres choses (l'origine et la "réalité" de la civilisation celte, les "Keltoi" n'auraient été que les populations au contact des colonies grecques et surtout Marseille dans une sorte de "commonwealth" centré autour de la cité).
Non seulement ces hypothèses me paraissent plutôt tirées par les cheveux, mais surtout, elles participent quand même au fond d'une vieille lecture des civilisations antiques qui met systématiquement le monde classique au centre de tout. si l'influence de ce dernier sur le monde celte est indéniable, les propos de JL Brunaux, notamment sur le rôle des druides, me paraissaient étrangement déterministes, et surtout me paraissaient nier audit monde celte une originalité, comme si il ne s'agissait que d'une lente maturation pour finalement intégrer le monde classique. C'est évident au regard des piques qu'il lance régulièrement concernant l'utilisation de la matière d'Irlande et de Bretagne (tous les mythes et récits mythologiques du monde celte insulaire) pour comprendre la civilisation celte dans son ensemble.
En gros je trouvais son propos très "classico-centré", ce qui me paraît être une lecture très archaïque de la question.
Maintenant, je dis ça en toute humilité, mes propos n'engageant que moi....