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Suétone, "Vies des douze césars".
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Auteur :  Auguste [ 28 Fév 2005 10:25 ]
Sujet du message :  Suétone, "Vies des douze césars".

J'ai commencé à lire ce livre.

(C'est vrai j'aurais peut être pu le lire plus tôt, c'est un classique !! :oops: )

Mais je trouve sa lecture un peu... pas trés passionnante.


  1. Les biographies ne sont pas dans un ordre chronologique
  2. Suétone "balance" les informations de manière lapidaire
  3. Il n'y a aucune synthèse, aucune analyse, il se contente de donner des faits bruts, et j'avoue par moment je n'arrive pas vraiment à comprendre le pourquoi de tel ou tel choix de césar, de tel ou tel fait.


Je pense que vous allez pouvoir me conseiller sur la façon de lire ce livre.

Merci :wink:

Auteur :  Artaxerxès [ 28 Fév 2005 18:59 ]
Sujet du message : 

Je ne saisis pas trop ce que vous avez voulu dire par "les biographies ne sont pas dans un ordre chronologique". Les Vies s'enchainent pourtant dans l'ordre, de César à Domitien.

Pour le reste, il est vrai que ce n'est pas forcément un régal de lecture. L'intérêt principal que j'ai trouvé aux Vies des douze Césars est qu'elles constituent en quelque sorte un modèle de désinformation historique. Si on y fait bien attention, hormis peut-être Titus et un Othon qui m'est apparu comme le personnage le plus "sympathique" de la gallerie, tout le monde en prend pour son grade, y compris -même si c'est de manière assez discrète- les "pères fondateurs" que furent César et Auguste. Cet ouvrage de Suétone pourrait sans trop de difficultés avoir pour sous-titre "le musée des horreurs". Certaines des piques adressées par Suétone à ces personnages sont d'ailleurs passées dans la postérité des imaginaires collectifs, comme par exemple le fait que Caligula aurait voulu nommer consul son cheval. Or, compte-tenu de la position de Suétone, haut fonctionnaire d'Hadrien, il est permis de plus que douter de l'objectivité du personnage. Son ouvrage apparaît à bien des égards comme une entreprise visant à flatter la dynasties régnante en flétrissant le souvenir de ses prédécesseurs. Bref, ce sont quelques uns des éléments qui me conduisent à penser que cet ouvrage constitue un bon "entrainement" quant à la nécessaire prise de distance vis à vis des sources.

Auteur :  Auguste [ 01 Mars 2005 11:42 ]
Sujet du message : 

Artaxerxès a écrit :
Je ne saisis pas trop ce que vous avez voulu dire par "les biographies ne sont pas dans un ordre chronologique". Les Vies s'enchainent pourtant dans l'ordre, de César à Domitien.


Oui, j'ai omis de préciser que je parlait du déroulement de chaque vie. Par exemple, au commencement de la biographie de César, Suétone passe de la mort de son père à son mariage avec Cornélia, dans la même phrase, ce qui m'a destabilisé au départ sachant que César ne s'est pas marié à 16 ans :oops:
Mais j'ai commencé à suivre vos conseils en prenant mes distances dans la lecture, et en faisant régulièrement appel à mes connaissances et à mon encyclopédie de temps en temps :P , il est vrai que je trouve finalement la lecture du livre un bon exercice intellectuel.
Ceci dit je n'arrive toujours pas à saisir la logique suivie par Suétone pour la compilation des événements.

Merci

Auteur :  Hannibal [ 05 Mars 2005 16:54 ]
Sujet du message : 

En fait Auguste, la construction de son oeuvre pour Suétone était axée autour d'une vue fortement thématique. Je m'explique: Il place ensemble tout ce qui a à voir avec la politique extérieure, puis l'intérieur, puis son rapport aux dieux, etc..., ce qui lui permet de combler les points positifs par d'autres plus négatifs. Comme l'a dit Artaxerxès, Suétone était obsédé par la volonté de détruire l'adversaire via ses biographies et toute son oeuvre est axée autour de cet axe.

Auteur :  Brasidas [ 05 Mars 2005 20:02 ]
Sujet du message : 

Il y a un moment que je l'ai lu, mais je suis assez d'accord avec Artaxerxès. :P
En ce qui concerne l'oeuvre précisément, un passage qui m'a marqué concerne l'esprit déviant et pervers de Tibère... un autre est celui où JC se venge de pirates qui l'avaient fait prisonnier en Méditerranée, après les avoir averti du sort qu'il leur réservait s'il avait l'occasion de renverser la situation, mais sur le ton de la plaisanterie, c'est mal résumé de ma part mais ce passage révèle une partie de la psychologie du premier Cesar.

Auteur :  Artaxerxès [ 06 Mars 2005 2:24 ]
Sujet du message : 

Si je me rappelle bien, ce fameux épisode (où César, prisonnier sur une galère de pirates, dit à ses "hôtes" qu'il les fera crucifier si jamais une fois libéré il venait à s'emparer d'eux, ce qui arrivera) est également rapporté par Plutarque dans sa Vie de César.

Auteur :  Brasidas [ 06 Mars 2005 2:53 ]
Sujet du message : 

Artaxerxès a écrit :
Si je me rappelle bien, ce fameux épisode (où César, prisonnier sur une galère de pirates, dit à ses "hôtes" qu'il les fera crucifier si jamais une fois libéré il venait à s'emparer d'eux, ce qui arrivera) est également rapporté par Plutarque dans sa Vie de César.

Pour Plutarque je ne sais pas (s'il le dit également, c'est que cela s'est sans doute produit), mais pour le reste je crois bien que c'est ça ! :lol:
Triste sort que celui de ces pirates ! :twisted:

Auteur :  Kevin_Scaevola [ 06 Mars 2005 12:17 ]
Sujet du message : 

Artaxerxès a écrit :
Si je me rappelle bien, ce fameux épisode (où César, prisonnier sur une galère de pirates, dit à ses "hôtes" qu'il les fera crucifier si jamais une fois libéré il venait à s'emparer d'eux, ce qui arrivera) est également rapporté par Plutarque dans sa Vie de César.
Je confirme. C'est en 75 av. J.C., à l'âge de 26 (25 ?) ans, que César, parti vers Rhodes afin d'y suivre les cours du philosophe Apollonios, fut capturé par des pirates près d'un îlot côtier en face de Milet, Pharmacoussa. L'épisode est relaté par Suétone (César, IV, 6) et (en effet, Artaxerxès :wink: ) par Plutarque (Vie de César, I, 8-II, 7).
______________
"Candida pro causa ense candido" Carl Gustav Emil Mannerheim, héros national finlandais (1867-1951)

Auteur :  Caesar Scipio [ 20 Mars 2005 23:54 ]
Sujet du message : 

Auguste a écrit :
Artaxerxès a écrit :
Je ne saisis pas trop ce que vous avez voulu dire par "les biographies ne sont pas dans un ordre chronologique". Les Vies s'enchainent pourtant dans l'ordre, de César à Domitien.


Oui, j'ai omis de préciser que je parlait du déroulement de chaque vie. Par exemple, au commencement de la biographie de César, Suétone passe de la mort de son père à son mariage avec Cornélia, dans la même phrase, ce qui m'a destabilisé au départ sachant que César ne s'est pas marié à 16 ans :oops:
Mais j'ai commencé à suivre vos conseils en prenant mes distances dans la lecture, et en faisant régulièrement appel à mes connaissances et à mon encyclopédie de temps en temps :P , il est vrai que je trouve finalement la lecture du livre un bon exercice intellectuel.
Ceci dit je n'arrive toujours pas à saisir la logique suivie par Suétone pour la compilation des événements.

Merci


Si si, César s'est bien marié avec Cornelia à 16 ans, au début de l'année 84. Son père était mort en 85.

Niveau mariage, pas de chance, à peine quelques mois voire semaines après sa célébration, Cinna, le père de sa jeune épouse, mourrait dans une mutinerie, ses soldats n'étant pas très enthousiastes à l'idée d'aller combattre les vétérans particulièrement aguerris de Sylla. :wink:

N'oublions pas que Suétone était un moraliste.

Je ne crois pas qu'il ait voulu débiner les fondateurs aux yeux des Antonins. Précisément parce que ceux-ci tiraient une part de leur légitimité des fondateurs du régime. Et aussi parce qu'Hadrien était lui-même de tendance autoritaire.

Suétone écrivait largement pour le parti sénatorial. Et il semble que ses écrits lui aient coûté sa place.

Auteur :  Mendès [ 15 Oct 2005 10:59 ]
Sujet du message : 

Je sors ce sujet d'outre-tombe parce que je suis justement en train de travailler sur ce texte.

Vous assimilez tous Suétone à un historiens or il me semble, comme l'a dit justement Caesar Scipio que Suétone était avant tout un moraliste qui analysait les effets du pouvoir sur l'homme et qui a tenté de déterminer les caractéristique d'un bon souverain. A ce titre suétone s'est évertué à décortiquer à tous les niveaux la vie de chaque Empereur post Imperium et anté Imperuim. Ainsi certes on a des passages qui d'un point de vue historique n'ont que bien peu de valeur comme par exemple le fait que Jules César portait sa ceinture très peu serrée et qu'il était complexé par sa calvitie mais il reste tout de même l'une des sources les plus fiables de cette période parce que contrairement à certain Suétone n'inventait rien, il se basait sur des documents écrits...
C'était un chevalier comme sont père donc d'un rang élevé de la société et je ne pense pas qu'il soit profondément pour le parti Sénétoriale, au contraire dans ses écrit transpar une réele fascination pour l'objet impériale, l'homme empereur. J'ajouterais que sa disgrace est beaucoup plus lié à sa conception de la politique impériale qu'il tenait de Trajan l'ancien empereur remplacé par Hadrien.

Auteur :  Caesar Scipio [ 15 Oct 2005 12:01 ]
Sujet du message : 

Je pense que vous avez mal compris mon propos, Mendès. :)

Suétone était certes un moraliste, mais il n'était vraiment pas neutre. Il était très partisan. Ami de Tacite.

Suétone est, comme Tacite, le plus emblématique représentant de la mal nommée "historiographie" sénatoriale, ou pour la qualifier autrement anti-impériale.

Quand je disais que Suétone n'écrivait pas pour débiner les fondateurs julio-claudiens du principat aux yeux des Antonins, je pensais en réalité qu'il voulait débiner les julio-claudiens aux yeux d'un autre public : à savoir l'aristocratie sénatoriale.

Simplement, il devait le faire discrètement, d'une façon qui soit acceptable pour les empereurs antonins qui étaient, quoi qu'on dise, les héritiers d'un système politique fondé par César et Auguste.
Donc, il est acceptable pour un empereur antonin régnant que des chroniqueurs ou moralistes débinent un peu les princes des dynasties antérieures pour mettre en valeur, par contraste, leur prétendue modération et leur prétendu respect du Sénat.

Hadrien fut un empereur très autoritaire. Et ce n'est pas pour rien que Suétone a fini par tomber en disgrâce sous le règne d'Hadrien.

Comme évoqué dans un précédent post, les portraits des 12 Césars sont des pamphlets caricaturant de manière très outrancière les empereurs, précisément parce que pour la classe sénatoriale partisans d'un régime oligarchique, c'est le principe même d'un système monarchique qui leur donnait de l'urticaire.

Auteur :  Mendès [ 16 Oct 2005 0:25 ]
Sujet du message : 

Citer :
Comme évoqué dans un précédent post, les portraits des 12 Césars sont des pamphlets caricaturant de manière très outrancière les empereurs, précisément parce que pour la classe sénatoriale partisans d'un régime oligarchique, c'est le principe même d'un système monarchique qui leur donnait de l'urticaire.


C'est justement ce point qui est contestable, il transparait dans les écrit de Suétone une grande fascination pour ces empereurs et l'attachement que portait l'auteur pour l'Empereur Trajan m'invite à penser qu'au contraire Suétone, tout en pronant le respect institutionnel du Sénat ne critique pas le système Impérial, bien au contraire.

Auteur :  Nebuchadnezar [ 16 Oct 2005 8:50 ]
Sujet du message : 

Mendès a écrit :
...il reste tout de même l'une des sources les plus fiables de cette période parce que contrairement à certain Suétone n'inventait rien, il se basait sur des documents écrits...

Attention : dans la vie de Jules César, Suétone dit qu'il a eu une relation amoureuse avec le roi de Bythinie. Sa source ? Les chansons paillardes des légionnaires en marche ! :lol:
C'est une des principales sources d'information sur cette époque, mais à prendre avec de grosses pincettes tout de même.

Auteur :  Caesar Scipio [ 16 Oct 2005 9:48 ]
Sujet du message : 

Ca c'était certainement vrai.

Mais la déférence de Suétone envers Trajan illustre précisément mon propos. Trajan est le père adoptif d'Hadrien sous le règne duquel Suétone écrivait.

Donc, forcément Trajan avait toute les vertus. Il a été présenté comme celui qui a mis fin aux excès des empereurs julio-claudiens et flaviens. Tout cela est du discours politique très convenu. Le pouvoir de Trajan n'était pas moindre que celui de Domitien. Au contraire, la tendance structurelle de renforcement du pouvoir impérial ne s'est pas inversée sous les Antonins, malgré les discours convenus.

Auteur :  Fdomi [ 29 Oct 2005 17:00 ]
Sujet du message : 

Pour appuyer le message de Caesar Scipio, voici ce que dit Léon Thoorens de Suétone :
Lire Suétone, c'est enquêter de nuit dans le palais, en rasant les murs, écoutant aux portes et fouillant dans les corbeilles à papier. (…). Suétone a une âme de détective privé. Il note tout, les anecdotes, les on-dit, les potins : tout ce qui, de tous les temps, passionne les lecteurs de la presse à sensation. (…) Car ses portraits n'en sont pas. Pour chaque César, il avait rédigé des fiches où il groupait les faits et anecdotes glanés dans les archives ou dans les conversations d'antichambres sous des rubriques, toujours les mêmes : la table, le lit, les amis, les cruautés, les vices, etc. (…). Suétone n'a pas d'imagination précisément, ni de style, ni de vision. Il rapporte ce qu'il entendait raconter, et ce qu'il entendait raconter était, pour une large part, la vérité, les Césars ayant eu plus, d'imagination dans leur vie, que leurs contempteurs, plus tard, dans leurs récits. (Panorama des Littératures, 2, Marabout, 1966)

Ainsi, on pourrait dire que Suétone est l'ancêtre des journalistes de Voici, Gala, Paris-Match et autres tabloïds du même genre, mais les photos en moins...

Je vous livre aussi ce qu'en dit Lucien J. Heldé sur son site (http://www.empereurs-romains.net/) :
À l'époque impériale, la personne de l'empereur étant sacrée, on pouvait certes penser de lui tout le mal que l'on voulait, mais mieux valait ne pas le dire, et encore moins l'écrire. Et si on se risquait néanmoins à critiquer le régime impérial, il était plus prudent de situer son récit à une époque révolue, quand sévissaient d'exécrables "Césars" dont la mémoire avait déjà été condamnée, et, si possible, d'une autre dynastie que celle régnante !
Tout "bon empereur antonin" qu'il fût, Hadrien, le "patron" de Suétone (qui était un haut fonctionnaire du service des archives), acceptait fort mal toute critique, qu'elle fût politique ou littéraire… Alors, si, comme Suétone, on voulait terminer paisiblement sa vie dans une retraite douillette, mieux valait stigmatiser l'homosexualité, la misanthropie, ou l'absurde entichement pour la culture grecque d'un Néron, Tibère ou autre Caligula, plutôt que d'aller chercher des poux (d'ailleurs d'une espèce identique) dans l'impériale barbe d'Hadrien, son auguste, mais irritable "chef de bureau" !


Voilà qui éclaire un peu plus sur Suétone et ses Douze Césars.

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