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Pompée, l'empereur manqué ?
Pompée ne fut qu'un opportuniste qui ne sut jamais adopter une démarche à long terme cohérente, oscillant entre populares et optimates 27%  27%  [ 4 ]
Pompée ne fut que le bras armé des optimates et c'est cela qui l'a conduit à la défaite de Pharsale. IL aurait été liquidé en cas de défaite de César 7%  7%  [ 1 ]
Pompée serait devenu le 1er empereur de Rome, avec une solution institutionnelle dissimulée proche de celle d'Auguste 7%  7%  [ 1 ]
Pompée était déjà devenu le tuteur de fait de la république. Mais, appuyé surtout par le Sénat, il fut vaincu et détrôné par César qui avait, lui, le soutien populaire. 60%  60%  [ 9 ]
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 Sujet du message : Pompée, l'empereur manqué ?
Message Publié : 16 Nov 2005 21:15 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Incroyable destin que celui de Pompée, sur lequel l'historiographie française est étonnamment peu bavarde.

Voici quand même un homme qui a été la principale figure politique romaine pendant rien moins que 30 ans : en gros de la mort de Sylla en 78 à sa propre mort en 48. Le destin exceptionnel de César et du césarisme a conduit à laisser Pompée dans l'ombre et à n'en faire qu'un faire-valoir de César.

Pourtant, si certains font de Pompée un indécis, d'autres estiment qu'il aurait pu être le premier Princeps de la république, estimant même qu'Auguste, le fils adoptif de César, avait finalement opté pour une solution institutionnelle qui était d'inspiration bien plus pompéienne que césarienne.

Et il est vrai que les événements de la décennie 60-50, et surtout des années 52 à 49, sont particulièrement intéressants.

Je lance le débat. Qu'en pensez-vous ?


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Message Publié : 17 Nov 2005 12:10 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 25 Mai 2004 21:35
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C'est vrai qu'à mon sens, le compromis augustéen du principat est beaucoup plus d'inspiration pompéienne que césarienne.
Mais Pompée n'a pas eu le génie politique d'Octave-Auguste.

Je crois, mais c'est peut-être un cliché, que le problème de Pompée est que, de par ses origines plus "modestes" que son rival César, il avait un bien plus profond respect de la République traditionnelle. Un peu, pour faire un parallèle un peu limite, comme les petits bourgeois ont un plus grand respect pour la langue correcte et la culture savante que les grands bourgeois qui les maîtrisent assez pour s'en affranchir.
De ce fait, je ne pense pas que Pompée ait pu instaurer un régime durable, parce qu'il n'avait pas le génie politique d'Octave. Il sut beaucoup moins profiter des occasions qui s'offraient à lui. Son prestige lui venait de son génie militaire, le seul moyen pour lui de prendre le pouvoir aurait donc été par l'armée ce qu'il n'osa jamais faire, contrairement à César.

Enfin, le moment de Pompée n'est pas le moment d'Auguste. Si le principat fut accepté, c'est parce que les élites traditionnelles étaient fatiguées par la guerre civile et que la solution d'un régime plus personnel était garante de paix. Au temps de Pompée, certes la République vacille, certes l'affrontement Marius-Sylla a fait beaucoup de victimes, mais on peut encore croire à la viabilité du système. Il aurait été bien plus difficile à Pompée de faire accepter un régime qui s'imposait moins qu'au temps d'Octave, après vingt années de guerre civile supplémentaires.


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Message Publié : 17 Nov 2005 14:27 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 25 Mai 2004 21:35
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Localisation : Paris
Pour reprendre les propositions du sondage :

- "Pompée ne fut qu'un opportuniste qui ne sut jamais adopter une démarche à long terme cohérente, oscillant entre populares et optimates" :
Effectivement il ne sut jamais adopter une démarche cohérente, mais je ne sais pas si Octave eut un plan préétabli et une "vision" comme on dit. Il fit aussi preuve de pragmatisme. La différence à mon avis, c'est que si Pompée fut un opportuniste, il ne fut pas un opportuniste très doué justement (notamment à son retour d'Orient, mais aussi son attentisme des années 50 où il a laissé s'user son "capital prestige").

-"Pompée ne fut que le bras armé des optimates et c'est cela qui l'a conduit à la défaite de Pharsale. Il aurait été liquidé en cas de défaite de César" :
Pompée n'est devenu le bras armé des optimates qu'au dernier moment, face à la menace César. Avant, bien qu'il fut syllanien, il inquiéta les optimates par le prestige qu'il s'était acquis. Je n'arrive plus à me souvenir de quel moment il s'agit, mais il y eut une période où mes sénateurs lui mirent le maximum de bâtons dans les roues.

- "Pompée serait devenu le 1er empereur de Rome, avec une solution institutionnelle dissimulée proche de celle d'Auguste" :
Comme je l'ai déjà dit, je pense que son génie politique était inférieur à celui d'Auguste et surtout que les oligarques étaient moins prêts à une solution institutionnelle à la Auguste, car il n'y avait pas encore eu la dernière guerre civile, la plus sanglante, celle de l'après-César.
Certes, Cicéron appelait de ses voeux un tuteur de la République. mais Cicéron n'est pas le représentant de toute la classe sénatoriale.

- "Pompée était déjà devenu le tuteur de fait de la république. Mais, appuyé surtout par le Sénat, il fut vaincu et détrôné par César qui avait, lui, le soutien populaire." :
Des quatres, c'est la solution pour laquelle je penche le plus, mais sans être vraiment convaincu non plus. S'il fut soutenu par le Sénat, et s'il fut de fait accepté comme un tuteur de la République (encore que...), c'est plutôt comme une solution par défaut des Sénateurs face à la menace César. Sans l'épouvantail du leader popularis, aurait-il pu être celà? S'il avait gagné contre César, je ne pense pas qu'il aurait pu se maintenir dans ce rôle très ambigu de tuteur de la République.


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Message Publié : 20 Nov 2005 11:19 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Pompée n'était certes pas un patricien, mais il était quand même fils de consul.

Je ne suis pas sûr qu'on puisse dire que le moment d'Auguste n'était pas celui de Pompée pour estimer qu'une solution monarchique n'aurait pas été possible du temps de Pompée. Ce n'est que contrainte et forcée que l'aristocratie romaine a accepté le principat d'Auguste. Auguste n'a duré que parce qu'il a tout fait pour durer et s'est donné les moyens de durer.
Si on regarde sur la longue durée, l'histoire du principat, notamment sous les julio-claudiens et les flaviens, mais aussi sous Hadrien, c'est l'histoire de l'opposition et du conflit entre d'une part l'empereur/princeps, et d'autre part l'aristocratie sénatoriale.

Je pense que la restauration syllanienne était ratée parce qu'elle ne s'adaptait pas au monde comme il était et comme il avait besoin d'être gouverné. En n'unifiant pas l'imperium à Rome et l'imperium dans les provinces, le système syllanien poussait forcément à la crise.

Sur le plan de la stratégie politique, la faiblesse fondamentale de Pompée ne résidait-elle pas plutôt dans le fait qu'il était allié, qu'il appartenait au parti de ceux qui tenaient déjà le pouvoir, qui voulaient conserver la situation existente et s'opposaient à toute évolution ?

OCtave avait certes un objectif : "conquérir l'héritage de son père", avec tout ce que sous-entend une telle expression. Iil fut évidemment très pragmatique, a louvoyé, hésité, changé de cap.

Pompée a certainement été victime de l'aveuglement de la noblesse. Et il faut bien dire que pour la noblesse, Pompée n'a été qu'un pis-aller au moment de la 2ème guerre civile.

En effet, ce que les optimates haïssaient avant tout, c'était de voir une tête dépasser la leur. Depuis la mort de Sylla, Pompée était cette tête pour eux menaçante.

Quand Pompée est revenu triomphant d'orient en 62, alors que Rome avait gravement été secouée par la conjuration de Catilina, certains ont estimé qu'il avait les moyens et les appuis (à Rome, en Italie, et surtout dans le reste de l'empire, en Asie, en Espagne, en Afrique) pour s'imposer comme le tuteur/stabilisateur dont la république avait besoin. Il a même précisément recherché une alliance durable avec la noblesse optimate en demandant à Caton de lui donner une fille de sa famille en mariage.

Comment interpréter cette demande de mariage ?

Comme une promesse de concorde : Donnons à la république le socle suffisamment solide dont elle a besoin, à savoir une bonne entente entre un prince et la noblesse.

Mais pour les optimates, une telle perspective a dû être inacceptable. Elle aurait en effet été une régression. Ils ont donc cherché à bloquer toute perspective à Pompée, d'une façon telle que Pompée risquait de perdre la face et donc de subir un très grave échec politique.

Le problème, c'est qu'en refusant une petite régression par rapport aux idéaux aristocratiques, les optimates se sont vus imposer une bien plus forte régression. Ils ont jeté Pompée dans les bras de César qui en rêvait.

Je pense que c'est Pompée qui a voulu faire croire qu'il ne se dévouait pour devenir le bras armé des optimates qu'à la dernière minute. En réalité, il a très tôt commencé à s'éloigner de César et à se rapprocher des optimates. Dès 53, avec la mort de Crassus et avec son refus d'épouser Octavie.
Ensuite en se mariant avec Cornelia, la fille de Metellus Scipio, une des principales figures des optimates.

Il me semble que Pompée a au contraire très habilement, très cauteleusement, joué le pourrissement pour apparaître comme le recours, le princeps indispensable à la république. En 52 il est consul unique tout en conservant son imperium proconsulaire sur les provinces espagnoles.
C'est lui qui refuse ensuite que César puisse être candidat à un 2ème consulat sans avoir déposé son commandement des Gaules et débandé ses légions ("et si mon fils entreprenait de me donner le fouet ?"). Alors même que Pompée se fait renouveler pour 5 ans supplémentaires son impérium proconsulaire sur les Espagnes.

Pompée s'est rapproché des optimates puis allié avec eux parce qu'il ne voulait pas que César puisse revenir à Rome autrement que pour être jugé et liquidé politiquement ... pour des faits que César avait accompli en 59 en application des accords César-Pompée-Crassus et au bénéfice de lui Pompée !

La démarche de Pompée était donc très cynique, très réfléchie et complexe, mais péchait par optimisme. Elle supposait que César se dégonflerait et se laisserait docilement conduire à l'abbatoir.

Si Pompée avait vaincu de manière décisive et définitive César à Dyracchium, que serait-il devenu ? Difficile à dire en effet. Les choses auraient certainement été compliquées pour lui précisément parce que, contrairement à César, il ne se présentait pas comme un leader popularis. Si César a été aussi fort politiquement, c'est parce qu'il avait les légions et une bonne partie du peuple de son côté. Remarquez que Pompée n'était pas à un retournement de veste prêt.
Le peuple romain avait surtout soif de paix (confèrent les lettres de Cicéron à Atticus). Un Pompée vainqueur qui aurait donné quelques signes symboliques au peuple de Rome aurait probablement été accueilli avec enthousiasme.

Plus foncièrement, c'est vrai que le problème de Pompée aurait été celui de la durée. Pompée était né en 106. Et contrairement à César, il lui aurait probablement été plus difficile d'opter pour une solution de transmission dynastique du pouvoir. Le risque aurait donc été que Pompée soit un nouveau Sylla plutôt qu'un César ou un Auguste. On serait peut-être reparti pour un tour.


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Message Publié : 29 Nov 2005 20:17 
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Grégoire de Tours
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Pompée n'était qu'un personnage falot. Il avait à son actif des victoires militaires, et représentait les tempora acta, ainsique, plus grave, les seuls intérêts des optimates. A choisir, je préfère encore le bon vieux Cicéron, tiens!
Le peuple sentait qu'un changement était nécessaire et, comme (c'est triste à dire, mais...) souvent en période de crise, il appelait un leader fort de ses voeux. Ce leader charismatique, c'était César, que le peuple, en conséquence, plébiscita.

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Message Publié : 13 Déc 2005 18:48 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Je ne crois pas que Pompée était un personnage falot. Je pense plutôt que Pompée était avant tout un opportuniste, et même un ... pompéien.

Au final, à vouloir jouer sur tous les tableaux, on finit par se griller de tous les côtés.

Ainsi, Pompée est passé dans le camp de Sylla très tardivement : en 83 une fois que celui-ci avait débarqué en Italie. Ceci dit, il a joué le jeu et a été un des lieutenants les plus précieux de Pompée, lui apportant un appoint tellement apprécié que Sylla a favorisé la carrière de Pompée.

Mais dès 79, Pompée fait l'opportuniste et il soutient Lépide pour l'élection au consulat de 78. Ce qui l'a brouillé avec Sylla au point qu'il fut le seul des "amis" de Sylla à ne pas figurer sur son testament.

Ce qui intéresse Pompée, c'est avant tout de se faire donner des commandements extraordinaires par ceux qui sont en mesure de les lui donner. Parce que Pompée a compris des expériences de Marius, de Sylla et de son propre père (consul en 89) que c'étaient ces commandements qui étaient devenus la principale source de pouvoir (gloire, richesses, popularité).

Dès que la sédition de Lépide se produit, Pompée repasse du côté des optimates.

Puis il se fait confier un imperium proconsulaire pour aller combattre Sertorius en Espagne auprès de Metellus Pius.

Quand il revient en 71, Pompée se fait le partisan des revendications des populares. La restauration complète des droits anciens des tribuns que Sylla avait réduits à la portion congrue pour neutraliser le tribunat de la plèbe.
Cela a même été son principal slogan de campagne. Et probablement est-ce dû au fait qu'il n'aurait pas été élu s'il n'avait pas appuyé cette revendication. J'ajoute que sa candidature a été acceptée en violation complète des lois de Sylla puisque non seulement il n'avait jamais été magistrat mais surtout qu'il n'avait pas l'âge requis.

Ensuite, il ne sait plus trop quoi faire car il craint de voir son capital de prestige s'émousser. Surtout qu'il s'est mis à dos une bonne partie des optimates qui ne supporte pas de voir émerger un nouvel imperator au prestige exceptionnel qui menace la suprématie du Sénat et l'égalité aristocratique par sa simple existence.

Et tout au long de ces années, il va intriguer auprès des milieux populares et surtout des chevaliers pour se faire donner des commandements exceptionnels : celui contre les pirates, puis celui contre Mithridate dont il est à peu près établi que c'est bien Pompée qui s'est débrouillé en sous-main pour le faire enlever à Lucullus (qui précisément mécontentait fortement les chevaliers et les publicains en Asie).

Fin 62, Pompée revient en ayant conduit des campagnes plus lointaines et plus glorieuses qu'aucun romain avant lui.

Le problème, c'est qu'avec toutes les manoeuvres qu'il a faites pour en parvenir là, Pompée a exacerbé les rancoeurs, les jalousies et l'opposition des optimates à son encontre.

Et comme, respectant la légalité, il a débandé son armée en revenant en Italie, il se retrouve à la merci du Sénat qui bloque toutes ses demandes légitimes. Sa gloire se révèle vaine.
Les optimates (mais pas seulement eux) veulent lui faire subir un grave revers politique en ne ratifiant pas ses actes en orient et en ne donnant pas de terres à ses vétérans. Pompée a pourtant cru qu'il serait accueilli à bras ouverts. Il avait demandé à Caton de lui donner en mariage une fille de sa famille mais Caton, une des principales figures des optimates, a refusé.

Mais cela n'empêchait pas Pompée d'être très populaire. Sauf à être quelqu'un qui prend les gens à rebrousse-poil comme Lucullus, le peuple aime les imperatores victorieux et glorieux. César était certes déjà très populaire à Rome et en Gaule transpadane, mais il n'était pas au niveau de Pompée avant son consulat de 59 (et surtout avant ses premières grandes victoires en Gaule).

Un des coups de génie de César a été d'avoir conscience de ce qui unissait toutes les oppositions diverses aux optimates. En proposant à Crassus et Pompée qui se détestaient et se neutralisaient une alliance à trois, il a réussi à neutraliser les optimates. Pendant son consulat de 59, il se fait le fidèle allié de Pompée, tout en réussissant le coup de force de s'autonomiser en proposant des mesures propres à lui attirer une popularité à lui seul (la loi donnant des lots de terres aux citoyens pauvres pères de 3 enfants et des mesures symboliques qui le posent comme le seul vrai popularis parmi les 3 triumvirs).

Les optimates ont jeté Pompée, qui ne demandait qu'à être reconnu comme le premier d'entre eux, dans les bras de César.

Et en se jetant dans les bras de César, Pompée rendait encore plus furieux les optimates et les boni.

Seuls des modérés comme Cicéron essaieront de détacher Pompée de César, sans succès.

D'une certaine façon, on peut dire que Pompée en 62 attendait que le Sénat et la noblesse lui reconnaissent la place qu'il estimait devoir être la sienne, à savoir la première. Il a péché par naïveté. Il n'y avait qu'un moyen de parvenir à cette place : s'y imposer.

Mais il faut vraiment revenir sur les années 54-49.

Crassus est parti en Syrie dès la fin 55. César, à compter de 54, est pris dans des campagnes moins réussies qu'escompte dans les Gaules.

Et Pompée, qui a pourtant reçu un proconsulat sur les Espagnes de 5 ans (54-49) ne s'y rend pas.

Magnifiquement joué parce qu'il a obtenu la bénédiction des autres triumvirs pour faire administrer ses provinces par des légats (préfiguration du gouvernement proconsulaire d'Auguste). En effet, alors que ce sont 2 optimates durs, Lucius Domitius Ahenobarbus (ennemi personnel de César qui s'est juré de lui faire retirer son proconsulat et de le juger) et Appius Claudius Pulcher qui sont consuls, César a besoin que son allié et gendre reste à proximité de Rome pour y contrôler le jeu politique. Sinon, les triumvirs perdront la maîtrise de la scène romaine.

Julia meurt à l'automne 54 et là on voit Pompée esquisser un rapprochement avec les optimates en refusant les nouveaux arrangements matrimoniaux que lui proposait César.

Pompée va jouer le pourrissement parce qu'il a réussi à faire comprendre aux optimates que c'était lui qui était en mesure de dicter les termes d'une entente politique. Choisissez entre :
- un triumvirat où le Sénat est complètement contourné et rendu impuissant, où ce sont les bandes armées des populares qui font la loi,
- ou bien une alliance des boni dont moi, Pompée, je serai la figure de proue et ensemble nous rabaisserons ces populares dont César est le chef naturel.

En 52, Pompée réussit à cumuler, chose complètement illégale, le consulat unique et son imperium proconsulaire.

En 50 et début 49, le Sénat et surtout les optimates décident d'interdire à César ce que des lois lui reconnaissaient afin de pouvoir le liquider judiciairement alors que par ailleurs il vote une prorogation de 5 ans du proconsulat espagnol de Pompée. C'est Pompée qui est chargé d'organiser la défense de l'Italie.

Il a réussi à se rallier les optimates, le Sénat et la majorité des élites municipales italiennes.

Cela n'empêche pas que César soit très populaire, très certainement plus populaire que Pompée (notamment dans la plèbe urbaine, en Etrurie et dans le Samnium, vieilles régions de tradition marianiste). Mais Pompée tient les élites comme Octavien à la veille de relancer la guerre civile contre Antoine.

Mais la grande faiblesse de Pompée a été sa présomption et sa naïveté. Il a fait certes le constat que le rapport des forces penchait globalement en sa faveur (il tient l'Italie et tout l'empire sauf les Gaules). Mais il a dû croire que ce net avantage sur le papier ne pouvait pas être tourné. Bref, il n'avait manifestement pas la capacité d'anticiper les réactions de son adversaire ni la capacité d'imaginer des solutions de contournement. Il manquait de vision dynamique.

Or précisément, César avait quelques avantages :
- vitesse et surprise,
- la meilleure armée du moment, aguerrie,
- une réelle popularité en Italie et à Rome qui lui laissaient espérer de pouvoir conquérir rapidement l'opinion,
- un génie de la propagande ("ces pompéiens et ces optimates sont d'horribles syllaniens qui vont proscrire et massacrer à tour de bras alors que moi je prône la clémence").

Il avait la lucidité et la faculté d'adaptation qui faisait qu'il refusait d'entrer dans les plans de l'ennemi parce que celui qui dicte les conditions de l'affrontement a le plus de chances de l'emporter. Pas question de laisser à Pompée le temps de faire monter en puissance son dispositif. Pas question de permettre aux forces pompéiennes d'Espagne (7 légions assez aguerries) de le prendre en sandwich avec les forces que les pompéiens constituaient dans les Balkans.
Pas question de respecter le rythme sacral de la guerre. On attaque en plein hiver, dès la mi-janvier 49. On fonce. On fait perdre la face à l'adversaire en prenant tout de suite le contrôle de son Picenum natal qui se trouve être en plus la région où Pompée était le plus susceptible de lever des recrues italiennes.

Bref, j'abrège pour rappeler que malgré tous ses défauts et ses erreurs, Pompée a failli vaincre César en lui infligeant un cuisant revers à Dyrrachium en juin 48 (l'armée césarienne subit mille morts dans une sortie réussie des pompéiens qui rompent ainsi le siège que leur imposait César, et plusieurs légions césariennes fuient avant d'etre finalement réunies). César a reconnu lui-même que si l'ennemi avait eu un général qui savait vaincre (en l'occurence prendre le camp césarien), la guerre était perdue pour luice jour-là.

Finalement, c'est dans les difficultés qu'on reconnaît les plus grands généraux. César a su se relever d'un grave revers qui aurait pu être fatal. Il ne laissera pas passer l'occasion qui se présentera (et qu'en fait il a largement suscitée) à Pharsale.

Tout ça pour dire que Pompée n'était pas insignifiant ou falot parce qu'il a perdu.


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Message Publié : 21 Déc 2005 5:09 
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Hérodote
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Inscription : 21 Déc 2005 4:54
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Caesar Scipio a écrit :
Incroyable destin que celui de Pompée, sur lequel l'historiographie française est étonnamment peu bavarde.


Peut-être est-elle peu bavarde parce qu'il n'y a pas grand-chose a dire? Il a volé la plupart de ses triomphes (Sertorius, campagnnes contre Mithridate...), n'a jamais été un grand général. Bref, une figure antique surfaite, comme il y en a tant...

éèêà


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Message Publié : 21 Déc 2005 9:19 
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Philippe de Commines
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Assez d'accord sur le fait que la réputation de coucou dont était affublé Pompée était justifiée. Il a repris à son compte tout le travail fait par Metellus pius en Espagne et par Lucullus en Asie.

Cependant, Pompée n'était pas non plus un manchot sur le plan militaire. Les campagnes qu'il a conduites entre 83 et 78 en Italie, en Sicile et en Afrique, c'est bien lui qui a fait le boulot. Et il n'a pas volé ces victoires à un autre général.


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Message Publié : 22 Déc 2005 0:39 
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Hérodote
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Caesar Scipio a écrit :
Assez d'accord sur le fait que la réputation de coucou dont était affublé Pompée était justifiée. Il a repris à son compte tout le travail fait par Metellus pius en Espagne et par Lucullus en Asie.


Tout a fait d'accord pour Lucullus a qui il a outrageusement volé l'ouvrage. Par contre, en Espagne, ce n'est pas tant le multi-récidiviste de la défaite qu'était Metellus qui l'a aidé que l'assassinat de Sertorius par Perpenna.

Citer :
Cependant, Pompée n'était pas non plus un manchot sur le plan militaire. Les campagnes qu'il a conduites entre 83 et 78 en Italie, en Sicile et en Afrique, c'est bien lui qui a fait le boulot. Et il n'a pas volé ces victoires à un autre général.


Oui, mais contre qui? Contre des bandes marianistes désorganisées. Pas de quoi fouetter un chat...


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Message Publié : 22 Déc 2005 1:35 
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Philippe de Commines
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Non, les campagnes d'Italie, de Sicile et d'Afrique furent bel et bien menées contre des armées conduites par des consulaires ou des prétoriens.

Quant à l'assassinat de Sertorius par Perpenna, il est intervenu tout à la fin de la guerre, en 72 si ma mémoire est bonne, à un moment où la défaite de Sertorius était déjà consommée.


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Message Publié : 22 Déc 2005 2:06 
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Caesar Scipio a écrit :
Quant à l'assassinat de Sertorius par Perpenna, il est intervenu tout à la fin de la guerre, en 72 si ma mémoire est bonne, à un moment où la défaite de Sertorius était déjà consommée.


:non:

En 73, Et c'est justement apres cet assassinat que tout s'est acceléré. Qui sait si Pompée serait jamais venu a bout de Sertorius si celui-ci était resté vivant :?:


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Message Publié : 22 Déc 2005 7:59 
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Philippe de Commines
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Va pour 73, je n'avais que ma mémoire à portée de main, comme indiqué dans mon précédent message.

En revanche, le reflux de Sertorius est intervenu dès 75 et la bataille du Sucro. A compter de là, Pompée et Metellus avaient une très nette supériorité militaire et Sertorius n'était plus en mesure de les affronter en bataille rangée.

Une discussion a déjà eu lieu sur ce sujet et il y a une tendance à faire de Sertorius un génie de la guerre invincible qui n'a pas lieu d'être. César lui-même a reconnu que s'il avait eu face à lui un Pompée qui avait bien su mener ses troupes et prendre son camp après la bataille de Dyracchium, la guerre civile était perdue pour lui.

Mais là n'est pas le sujet de cette discussion qui porte sur le caractère d'empereur manqué de Pompée.


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Message Publié : 22 Déc 2005 12:14 
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Caesar Scipio a écrit :
Va pour 73, je n'avais que ma mémoire à portée de main, comme indiqué dans mon précédent message.

En revanche, le reflux de Sertorius est intervenu dès 75 et la bataille du Sucro. A compter de là, Pompée et Metellus avaient une très nette supériorité militaire et Sertorius n'était plus en mesure de les affronter en bataille rangée.

Une discussion a déjà eu lieu sur ce sujet et il y a une tendance à faire de Sertorius un génie de la guerre invincible qui n'a pas lieu d'être. César lui-même a reconnu que s'il avait eu face à lui un Pompée qui avait bien su mener ses troupes et prendre son camp après la bataille de Dyracchium, la guerre civile était perdue pour lui.

Mais là n'est pas le sujet de cette discussion qui porte sur le caractère d'empereur manqué de Pompée.


Pas tout a fait d'accord avec vous. Il y a certes un reflux vers 75 (a partir du moment ou les Romains prennent de plus en plus de place autour de Sertorius au detriment des "Espagnols"), mais bien malin qui pourrait dire si ce reflux était temporaire ou définitif. Quand on voit combien de temps a résisté Viriathe, on peut vraiment se poser des questions. Sertorius avait déja connu un recul en 81 (il avait meme du passer en Afrique du Nord) et pourtant, voyez ce qu'il a fait ensuite. Il est vraiment difficile de dire ce qui se serait passer si Perpenna ne l'avait pas assassiné.

Amicalement


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Message Publié : 22 Déc 2005 14:20 
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Philippe de Commines
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Ce que j'avais déjà mentionné dans la précédente discussion susmentionnée, c'est que la position de Sertorius à la veille de son assassinat était très affaiblie. Les défections se multipliaient et menacer de se multiplier encore plus. Il demandait toujours plus d'ôtages aux peuples espagnols, ôtages qu'il faisait finalement exécuter, bref, comportement de quelqu'un qui perd pied et qui est entraîné dans une spirale de la défaite.


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