Sur Lucullus, que vous aurait-il fallu de plus pour qu'il ait le temps de mettre en place les idées politiques que vous lui prétez ?
Lucullus est né en 117, arrivé au consulat en 74 et a conduit la guerre contre Mithridate dans la foulée. Il est revenu en Italie en 66. Qu'a-t-il fait une fois son triomphe célébré en 63 ?
Rien de notable à part tenter de mettre des bâtons dans les roues de Pompée à qui on comprend qu'il ne pardonnait pas de lui avoir chipé son commandement de la guerre d'Asie. Lucullus était devenu l'incarnation par excellence de ceux qu'on appelait les "piscinarii".
Je ne vois par ailleurs pas en quoi la richesse de Lucullus était plus honorable que celle des publicains et autres milieux d'affaires. Lucullus s'enrichissait en pillant pendant la guerre (comme tous les proconsuls). Les publicains voulaient s'enrichir en rackettant les provinces soumises après la guerre. La différence m'apparaît assez faible.
Sur la définition du grand général, contrairement à vous, je dirais que le plus grand général est celui qui traite ses hommes de manière à ce que ceux-ci soient le plus performants possible.
Avec ses méthodes hautaines, méprisantes et anachroniques, donnant l'impression à ses hommes que tout ce qu'il voulait était de faire durer la guerre pour s'enrichir lui seul et pour acquérir à lui seul une gloire incomparable, Lucullus s'est attiré la défiance de ses soldats.
A l'opposé, César savait quand il fallait lâcher la bride sur le cou de ses hommes, savait se montrer proche d'eux tout en prenant bien soin de maintenir la dignité qui sied à un aristocrate se prétendant descendant de Vénus. Il savait se faire aimer de ses hommes. Et ainsi, il obtenait d'eux qu'ils se dépassent non seulement par amour du butin ou de la gloire mais aussi par amour de leur général.
Pour ce qui concerne Antoine, là où vous ne voyez pas de ligne directrice dans sa carrière, moi je vois au contraire des changements de cap, choisis ou subis, mais visant toujours à un objectif à peu près clair : l'exercice sous une forme ou une autre d'un pouvoir suprème.
Il faut d'abord prendre en compte les circonstances très particulières dans lesquelles Antoine a commencé sa carrière politique : le 1er triumvirat puis la guerre civile entre les césariens et les pompéiens.Après avoir été quitté Gabinius en Syrie, Antoine s'est rangé sous la bannière de César dont il devient à partir de 48 le principal lieutenant.
Ensuite, face à l'agitation démagogique en 47 à Rome, il a plutôt échoué et César l'a désavoué en le démettant de sa charge de maître de la cavalerie.
A l'été 45, on se demande sérieusement s'il n'a pas envisagé de comploter contre César. Trebonius a en effet tenté de l'associer à une conjuration pour tuer le dictateur mais, s'il n'a pas donné suite, Antoine n'a pas dénoncé le complot, ce qui lui vaudra les tendresses futures de Trebonius et Brutus.
Antoine regagne à ce moment la confiance de César qui lui promet le consulat pour 44 et semble à nouveau en faire son second.
Une hypothèse très personnelle : Antoine aurait probablement été préposé à la garde de l'Italie pendant que César conduirait la campagne contre les parthes accompagné de son petit-neveu secrètement adopté, Octavien.
Au moment des ides de Mars, que se passe-t-il ?
Antoine jauge très rapidement la situation pour voir dans quel sens le vent souffle. Comme il a des amis parmi les conjurés, il sait qu'il peut trouver une place dans un nouveau système de pouvoir si ceux-ci l'emportent. Mais si ceux-ci manquent de poids ou de soutien, alors il tentera de raffler la mise tout seul.
Il choisit précisément la 2ème option, au moment des funérailles de César, en se posant comme le nouveau chef du parti césarien qui était décapité depuis le 15 mars.
Son but est alors clair : conserver le pouvoir au parti césarien dont il est le chef. Surtout qu'il est le plus populaire dans les légions de César qu'il a pour beaucoup eues à conduire et à commander.
Son plan va échouer parce que va venir se glisser dans le jeu de manière imprévue l'intrus nommé Octavien. Mais au final, c'est bel et bien Antoine qui a imposé à Octavien la solution du second triumvirat en raison de son poids prépondérant : il s'était rallié les légions de Lépide et de Plancus en occident.
Tout ça ne fait ni un manchot ni un aveugle.