Jerôme a écrit :
D'un strict point de vue juridique, je voudrais signaler quelques aspects qui me semblent avoir été laissés de côté .
Tout d'abord, à partir de -367 la République supprime quasiment les inégalités de naissance de jure. Se constitue ensuite un régime privilégie de facto en faveur de la nobilitas mais ce ce privilège attesté par les statistiques est fondé sur la sociologie et non sur des règles de droit.
Ensuite, on devrait distinguer électeurs et éligibles . Le fait que la nobilitas prédomine massivement parmi les élus conduit à penser qu'elle a de facto acquis un quasi monopole de l'éligibilité - mais en revanche le corps électoral reste bien plus large ! Autrement dit seuls des nobiles sont élus (ou quasiment) mais ils sont élus par le peuple dans le cadre certes d'un régime qui est plus juste qu''égalitaire mais qui associe tout de même largement les classes moyennes au vote.
A mon tour Jerôme, je me permets concernant votre post ci-dessus les remarques et rectifications suivantes (espérant que vous n'en prendrez pas ombrage ?) :
Jerôme a écrit :
D'un strict point de vue juridique, je voudrais signaler que à partir de -367 la République supprime quasiment les inégalités de naissance de jure.
En citant -367 je suppose que vous vous référez à la date et à la promulgation des Lois Liciniennes, or celles-ci ne visent ni ne se rapportent en quelque façon aux modalités d'attribution, suppression ou modification de la qualité de citoyen romain mais :
- à réduire la toute puissance des patriciens en ouvrant aux dirigeants de la plèbe l'accès aux hautes magistratures
- limiter leur arbitraire dans le domaine de l'asservissement pour cause d'endettement
- produire une meilleure répartition des terres par une réforme agraire qui limitait la taille des propriétés à 500 arpents et redistribuait les terres en excédant de "l'ager publicus" aux plus déshérités.
La pleine citoyenneté est toujours restée réservée à tout homme adulte (plus de 17 ans), marié et fils lui-même de citoyens mariés légalement: il est alors dit ingénu (cad de naissance libre). Les esclaves affranchis et les étrangers (les pérégrins) peuvent devenir citoyens mais souvent sans le droit de vote (sine suffragio), de plus ils n'auront jamais le droit d'exercer une quelconque charge publique car l'ingénuité reste la condition nécessaire pour cela.
Jerôme a écrit :
D'un strict point de vue juridique, je voudrais signaler quelques aspects qui me semblent avoir été laissés de côté .
Se constitue ensuite un régime privilégie de facto en faveur de la nobilitas mais ce ce privilège attesté par les statistiques est fondé sur la sociologie et non sur des règles de droit.
C'est effectivement (un peu en contradiction de ce que vous avancez) entre les 2 bornes temporelles et législatives que sont les lois Liciniennes de -367 et la loi Hortensia de -287 (qui décrète que les plébiscites sont désormais valables pour l'ensemble des citoyens) que se constitue une nouvelle "nobilitas" patricio-plébéienne avec l'entrée des "homines-novi" (désignant le 1ers hommes nommés consuls parmi les familles plébéiennes et leurs descendants) parmi l'ancienne noblesse sénatoriale et patricienne via les lois liciniennes et l'autorisation des mariages mixtes patriciens-plébéiens.
C'est aussi l'année -367 qui est considérée par les romains eux-mêmes comme un tournant marquant la réconciliation entre patriciens et plébéiens. Cette réconciliation fut ce qui permit l'émergence de cette élite élargie, une stabilisation des institutions et de la carrière des honneurs et au final qu'un équilibre s'instaura entre les 3 pouvoirs complémentaires des magistrats, du sénat et du peuple. La république ne connaissant plus à ce moment de crises internes très graves et s'appuyant sur cette nouvelle assise institutionnelle elle put alors engager une politique extérieure conquérante (guerres contre les samnites, les latins, les campaniens) et devenir le centre politique du Latium en -338 (dissolution de la ligue latine) puis de l'Italie au cours du siècle suivant.
Le régime qui se met en place à cette époque (considérée être par Tite-live comme celle de la restauration de la république) demeure essentiellement aristocratique ("pouvoir des meilleurs") et tournera à l'oligarchie des ordres sénatorial et équestre (constitués par cette nouvelle nobilitas) car:
- le seul pouvoir actif est celui des magistrats (uniquement choisis parmi la-dite nobilitas)
- les institutions que sont les comices fonctionnent d'une façon très particulière (voir la double constitution des comices tributes et centuriates et leurs procédure et mode de votation),
- les seuls pouvoirs du "peuple" (qui comprend les membres des deux ordres) lorsqu'il est réuni -et s'il est réuni- est d'élire certains magistrats et de voter des lois, et c'est ainsi qu'en ce sens on peut dire que la république est une démocratie.
Jerôme a écrit :
Ensuite, on devrait distinguer électeurs et éligibles
Et on devrait discriminer en fonction de l'institution : celle du Sénat (qui y siège, qu'est ce qu'il vote, comment on y accède), de même pour les différentes assemblées (conciles de la plèbe, comices curiates, tributes ou centuriates). et de la période concernée (date de l'accès effectif aux charges, dates et effectivités des prérogatives et attributions des différents corps qui vont continuellement evoluer).
Par contre pour ce qui est des électeurs (au sens des citoyens) ce seront toujours les mêmes (de par leur provenance non par leur nombre) durant les différentes époques -voir plus haut ma remarque sur la citoyenneté "la civitas", d'ailleurs à l'époque d'Auguste on estime la population de citoyens à environ 4 millions sur 60 Millions d'habitants dans l'ensemble du monde romain.
Jerôme a écrit :
Le fait que la nobilitas prédomine massivement parmi les élus conduit à penser qu'elle a de facto acquis un quasi monopole de l'éligibilité
Le fait est que seuls les membres des ordres équestre et sénatorial sont éligibles.
Jerôme a écrit :
mais en revanche le corps électoral reste bien plus large !
la masse des citoyens s'est accrue mais "l'expression populaire" elle reste cantonnée à certaines assemblées, sous certaines conditions et d'une manière très encadrée (par exemple aux comices centuriates les classes des citoyens les plus riches votent toujours d'abord, la votation est close lorsque la majorité est atteinte et comme les classes les plus fortunées ont la majorité en nombre des classes -une classe= 1 vote- les classes les moins fortunées, elles, ne s'expriment jamais).
Jerôme a écrit :
Autrement dit seuls des nobiles sont élus (ou quasiment) mais ils sont élus par le peuple dans le cadre certes d'un régime qui est plus juste qu''égalitaire mais qui associe tout de même largement les classes moyennes* au vote.
Le régime est aristocratique, oligarchique (voire démocratique) mais le système politique n'apparait ni égalitaire ni juste mais peut-être comme l'a décrit Polybe est-il le meilleur, car c'est celui qui combine les caractéristiques de:
l'aristocratie (régime dans lequel les plus justes et les plus sages sont au pouvoir) ;
l'oligarchie (dans laquelle la plupart des pouvoirs sont détenus par une petite partie de la société)
la démocratie (quand la volonté de la majorité est souveraine et qu'il y a obéissance aux lois)
*aïe aïe aîe!!!
S'il existe des classes censitaires, des classes sociales ou des ordres socio-politiques dans le monde romain je crains que le concept "de classes moyennes" dans l'antiquité reste encore à démontrer.