Si vous voulez que nous discutions des facteurs et des raisons (militaires, humaines, culturelles, accidentelles) de la victoire finale de Rome contre Carthage lors de la 2ème guerre punique, nous pouvons ouvrir un nouveau topic à ce sujet.
Pour revenir au sujet, qui est de déterminer à quel moment la domination romaine sur la Méditerranée est devenue inéluctable, je pense qu'il y a 2 démarches possibles :
- celle qui consiste à prendre le fil des événements tels qu'ils se sont historiquement déroulés.
- et celle qui consiste à se demander "et si ? et si ?", c'est-à-dire à se demander si une autre situation ou un autre cours des événements aurait pu empêcher Rome de dominer le monde méditerranéen à compter du moment où on considère pourtant que Rome était plus forte que n'importe quel autre Etat du monde méditerranéen.
Les 2 démarches sont très différentes, même si elles sont toutes 2 intéressantes.
1 - Sur la première méthode, je pense que c'est véritablement au moment de la 2ème guerre punique, principalement avec Scipion l'africain (mais pas uniquement) que Rome a été conduite à développer un outil militaire qui n'allait plus être égalé jusqu'à la disparition de l'empire romain d'occident. Il y a eu des innovations tactiques et manoeuvrières décisives.
Paradoxalement, ces innovations sont le résultat de l'exceptionnel talent tactique d'Hannbal. Hannibal a constitué une armée très performante, très souple surtout, bien que composée d'éléments disparates, en utilisant le mieux possible chacun de ces éléments disparates en fonction de leurs qualités respectives.
Aussi, n'oublions surtout pas que ce qui a fait la force décisive d'Hannibal, c'est la supériorité de sa cavalerie, tant sur le plan numérique que sur le plan qualitatif, et l'utilisation qu'il faisait de sa cavalerie.
Si dans sa dernière campagne d'Afrique (celle qui allait se terminer à Zama), Scipion a pu l'emporter, c'est en partie parce qu'il avait provoqué la défection des numides dont le roi Massinissa s'est rallié à Rome en mettant à la disposition de Scipion la fameuse cavalerie numide.
Ajoutons que Scipion, en se mettant à l'école d'Hannibal, a su, lui donner, au moins autant de souplesse aux unités des légions romaines, alors même que les légionnaires romains étaient des soldats-citoyens qui, eux, combattaient pour leur patrie.
Pour conclure sur ce point, je pense que c'est pour toutes ces raisons (la réorganisation de Scipion qui a donné à Rome un outil militaire d'une performance sans égal, et le potentiel démographique militaire de plus de 700000 hommes adultes mobilisables de l'alliance romano-italique) que Rome est devenue sans égale fin 3ème début 2ème siècle.
2 - En revanche, si on s'engage dans la 2ème démarche dont je parlais, en admettant par exemple que le monde héllénistique soit resté unifié (éventuellement sous le règne d'un descendant d'Alexandre dont le fils n'aurait pas été tué par Cassandre ou d'un des diadoques qui aurait réussi à reconstituer tout l'empire macédonien), il me semble très probable que la Rome de l'an 200, traumatisée par la 2ème guerre punique et souffrant d'un fantasme de faiblesse et d'insécurité, ne se serait pas engagée dans un choc frontal avec un ennemi aux moyens si formidables.
Les 2 puissances seraient probablement parvenues à un accord.
Si Rome a pu s'engager contre le monde héllénistique, c'est parce que celui-ci était divisé et déchiré par des conflits sans fin. Si Rome a vaincu relativement facilement Philippe V, c'est certes en raison de la supériorité tactique et manoeuvrière de l'armée romaine face à une phalange macédonienne trop rigide (encore que les généraux romains ont subi de réels revers dans les premières années de cette 2ème guerre de Macédoine) mais aussi parce qu'elle avait de nombreux alliés dans le monde grec qui voulaient mettre à bas une Macédoine trop dominante (Pergame, Rhodes, l'Etolie notamment).
Dividet ut regnat