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 Sujet du message : Comparaison César/Auguste
Message Publié : 27 Jan 2006 10:30 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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teles a écrit :
Coucou tout le monde!
...
Moi, j'adore Octave/Auguste, plus que Cesar
...


Je profite de cette opinion formulée par l'un (ou l'une) d'entre nous pour lancer une petite discussion.

J'aimerais bien savoir pourquoi certains préfèrent l'un et d'autres préfèrent l'autre, si tant est qu'il y ait des préférences.

Et pour placer le sujet sur un plan plus général, j'aimerais comparer les personnalités, les actions et les démarches politiques de César et de son petit-neveu Octave, adopté puis devenu Auguste.

Comment les voyez-vous ?


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Message Publié : 27 Jan 2006 11:59 
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Eginhard
Eginhard

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Ce qu'il peut y avoir d'admirable chez Auguste, c'est qu'il a réussi là où César avait échoué, dans l'instauration durable d'un régime de pouvoir personnel à Rome. Mais ce, au prix d'une réduction singulière du projet de César, qui avait quelque chose de grandiose.
Je ne sais pas si César avait voulu être roi ou pas ; de toute façon, il le fut dans les faits et c'est ce qui compte. En tout cas, il y avait probablement chez César l'objectif de fusion des conquérants et des conquis, de réalisation d'un véritable empire, qui ne soit pas la domination d'une cité sur le reste du monde. Bref, je dirais que César avait une "vision" de l'empire, sûrement trop en avance pour les élites romaines de l'époque.
Tandis qu'Auguste est un conservateur, qui met tous ses efforts au service d'une ambition personnelle sans l'inscrire dans un bouleversement du monde romain dans son ensemble.

Bref, César me paraît plus fascinant qu'Auguste (c'est un point de vue personnel mais c'est, je crois, l'objet de ce post). Ce qui est fascinant chez lui, c'est cette espèce de sentiment exacerbé de supériorité qui fait qu'il méprise les contingences de ce monde et qu'il croit que rien ne peut lui arriver (et qu'il ne semble donc jamais avoir peur).
Ainsi, quand ses détracteurs l'accusaient à juste titre d'avoir eu des relations homosexuelles passives avec le roi de Bithynie, là où n'importe quel homme politique romain aurait vu sa carrière démolie, César s'affiche avec des ponpons sur son laticlave, assumant pleinement ce côté "grande folle" avec une désinvolture éclatante. Il se croyait bien au-dessus de ces critiques pour qu'elles puissent le toucher.

Auguste, lui, est un homme d'une intelligence politique exceptionnelle, sûrement plus grande que son père adoptif. Je le vois comme quelqu'un qui agit toujours par derrière, qui ne s'expose pas comme César (bien qu'Auguste ait risqué sa vie en permanence en tant que princeps). Il a ce côté froid et calculateur des grands politiques, qui contraste avec l'exaltation de César.
De plus, pour mieux faire accepter sa révolution politique, il l'a appuyée sur un profond conservatisme social et moral, contrastant là encore avec la "vision" révolutionnaire de César.

Pour caricaturer ma position, là où César agit par devant avec éclat et désinvolture, Auguste agit par derrière avec calcul et pragmatisme. (Et d'ailleurs, au combat, César commandait ses troupes en première ligne ; Auguste, lui, restait dans sa tente). La politique du second était plus payante, en tout cas elle s'avéra telle, mais moins fascinante que celle du premier.


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Message Publié : 27 Jan 2006 19:39 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Je vous comprend. Et en même temps, je ne suis pas d'accord avec certains des points que vous avancez.

Je me demande toujours sur quoi tant de gens se sont fondés pour affirmer que César avait échoué.

Je ne vois qu'un seul argument : le fait qu'il soit mort assassiné. Or, selon moi, cet argument n'en est pas un.

Une fois qu'il a été le maître de Rome, César n'a pas été plus contesté qu'Auguste, bien au contraire. Certes, il n'a pas eu la même durée. Mais il faut voir quelle a pu être l'impopularité d'Octavien au moment des guerres civiles qui ont à nouveau déchiré Rome et l'Italie entre 43 et 30.

Auguste a été l'objet de multiples complots, certains très sérieux au point qu'il a du faire emprisonner sa fille, une de ses petites-filles et son dernier petit-fils. La mesure de son succès tiendrait-elle donc au seul fait qu'il a échappé aux attentats contrairement à son père adoptif ?
L'acceptation de son régime, par opposition au régime de César qui lui aurait été rejeté, ne relève-t-elle pas plutôt de la propagande que de la réalité ?

Ce politique génial n'a-t-il pas rejeté toutes les fautes sur ses grands prédécesseurs en prenant bien soin d'occulter tous les crimes que lui-même a commis pour parvenir au pouvoir suprème (bien davantage de dégâts en Italie que César, et à mon sens presque autant que Sylla) alors qu'il n'était pas un sénateur de 1er plan mais un jeune homme de 19 ans ?

L'opposition entre César le révolutionnaire et Auguste le conservateur n'est-elle pas démentie par les actes que l'un et l'autre ont accompli ?
Après tout, César a lui aussi édicté des lois limitant le luxe en vertu de sa préfecture des moeurs, ouvrant ainsi la voie à la politique de restauration morale que mènera Auguste.

Sur l'ouverture aux provinciaux, Syme a montré qu'Auguste avait eu recours aux homines novi. Parce qu'à l'origine, Octavien avait bien moins d'appuis dans la noblesse que César.


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Message Publié : 27 Jan 2006 23:58 
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Grégoire de Tours
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Je préfère l'angélique Octave au sanglant César ...

Mais l'un ne va pas sans l'autre. César a fondé la première dynastie impériale, grâce à ses armes et à la vente de millions d'esclaves capturés par ses légions. Et son héritier, Octavien-Auguste, que la vue du sang faisait défaillir a consolidé l'Empire et créé ses structures qui produisirent 2 siècles de Pax Romana ...

D'ailleurs César avait veillé à confier son petit-neveu aux meilleurs précepteurs de son époque, dont Athénodore de Tarse, en Cilicie, qui rejoignit Auguste à Rome au début de son long rêgne de 44 années, pour le conseiller ...

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Message Publié : 28 Jan 2006 10:50 
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Hérodote
Hérodote

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Hérodote a écrit :
Je préfère l'angélique Octave au sanglant César ...



Il est tout de même moins angélique qu'on ne le dise...

Car je me rappelle qu'il a fait empaler des soldats en Sicile. Je ne sais plus à quelle période.


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Message Publié : 28 Jan 2006 13:47 
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Eginhard
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Hérodote a écrit :
Je préfère l'angélique Octave au sanglant César ...

Je ne vois pas en quoi César était plus sanglant que son petit-neveu.
César, en vertu de sa légendaire "clémence", a pardonné à la plupart de ses ennemis (certes pas par humanisme, mais par calcul politique, mais le résultat est le même). Politique de la clémence qu'Octave ne reprendra pas, ayant bien vu où cela a mené son cher papa...
La dernière guerre civile, celle qui a duré de 44 à 31, fut probablement la plus violente du premier siècle. Les proscriptions firent plus de victimes que celles de Sylla (certes, vous qui n'aimez pas beaucoup Antoine, vous me répondrez que la responsabilité de ces proscriptions incombe totalement à Antoine et pas à Octave, mais... je crois qu'il faut se méfier de Velleius Paterculus! :wink: )

Certes, on peut dire que César fut plus sanglant qu'Octave dans le sens où il fit plus de guerres de conquête. Mais dans ce cas, on peut aussi dire de n'importe quel conquérant qu'il était plus sanglant que le plus affreux sadique (si on s'en tient au nombre de victimes).


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Message Publié : 28 Jan 2006 17:08 
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Grégoire de Tours
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sousou a écrit :
Car je me rappelle qu'il a fait empaler des soldats en Sicile. Je ne sais plus à quelle période.


Cela me surprend, car la vue du sang faisait s'évanouir Octave ! Vous rappelez-vous en quelles circonstances?


Je suis bien conscient qu'Octavien s'est livré à d'innombrables proscriptions au début de son Triumvirat, pour asseoir son nouveau régime et que bien des batailles ont été menées contre ses ennemis, les Républicains, les pirates de Sextus Pompée et les légions d 'Antoine ...

Mais le pal ????

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Message Publié : 29 Jan 2006 23:29 
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Tite-Live
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Le fait qu'il ait fait procéder à des proscription, ainsi que la lex pedia, votée à son instigation, montrent bien qu'Octave-Auguste n'avait rien de particulièrement "angélique". On peut être révulsé à la vue du sang, et néanmoins ne pas hésiter à le faire couler hors de son champ de vision. Il me semble qu'Octave ne s'en est guère privé. Ses grands talents politiques, ainsi que le fait d'être entouré de propagandistes d'un rare valeur, l'ont ensuite présenté à la postérité comme un personnage d'une grande clémence, faisant ainsi oublier l'impitoyable jeune homme qu'avait été Octave.

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"Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles". Paul Valéry

"C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar". Gustave Flaubert


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Message Publié : 30 Jan 2006 10:40 
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Philippe de Commines
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Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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En effet, c'est surtout sur les gaulois (ceux qui se rebellaient) que César a exercé une répression impitoyable. Comme tous les proconsuls avant ou après lui. Il suffit d'observer comment s'est comporter Lucius Aemilius Paullus lors de la 3ème guerre de Macédoine. Scipion Emilien dans la 3ème guerre punique. Marius avec les cimbres etles teutons. Ou Vespasien avec les juifs en Judée.

La clémence de César était certes un outil politique, mais elle a bel et bien été plus ou moins appliquée aux romains et aux italiens. Et d'ailleurs, les triumvirs Antoine, Octave et Lépide ont eux-mêmes rendu l'hommage du vice à la vertu lorsqu'ils ont lancé leurs proscriptions fin 43. Ils ont carrément déclaré que puisque la clémence de César avait conduit à son assassinat par des ingrats, eux-mêmes étaient "contraints", comme quelqu'un d'autre (Sylla) avant eux, de recourir aux proscriptions.

De même, il faut cesser de se bercer d'illusions sur un Octave qui aurait bataillé jusqu'à la dernière minute pour empêcher les proscriptions, épargner Cicéron, ...etc. La mère d'Antoine a épargné son frère (Lucius Julius Caesar était l'oncle maternel d'Antoine) en lui donnant asile dans sa maison à Rome même. Lépide a épargné son frère qui avait lui aussi été proscrit. Si Octave avait voulu tant que ça sauver la vie de Cicéron, cela lui était tout aussi facile.

Les proscriptions ont eu un but tout à fait réfléchi : décapiter le parti adverse, s'emparer de ses biens, faire s'nefuir d'Italie les sympathisants du parti adverse, et terroriser non seulement les neutres mais aussi les fidèles du parti césarien en montrant que les triumvirs n'hésitaient même pas à sacrifier des membres de leur famille.

L'année 23 ressemble beaucoup à l'année 44. Il y a eu en 23, à l'occasion de la grave maladie d'Auguste, une très grave crise dans le parti césarien comme en 44 à la veille des ides de mars.
Si Auguste a alors cédé, c'est très certainement parce que sa santé était très incertaine et parce qu'il ne pouvait pas se passer d'Agrippa. Précisément parce qu'à la différence de César, Auguste n'était pas un général de talent et ne pouvait pas se passer des services d'Agrippa.
Auguste aurait-il hérité des talents militaires de son grand-oncle qu'il aurait très certainement disgracié voire fait exécuter Agrippa. C'est d'ailleurs ce que lui aurait conseillé Mécène : s'en débarrasser ou en faire son gendre.

Artaxerxès a très justement souligné le talent de propagandiste d'Auguste. J'ajouterai que sous Auguste, l'expression était beaucoup moins libre que sous César.
Sous le "règne" de César, Brutus et Cicéron n'hésitaient pas à polémiquer par écrit avec le dictateur. Le dictateur tolérait ces joutes littéraires aux forts sous-entendus politiques. Ainsi le "Caton" de Cicéron et Brutus et l'"AntiCaton" de César.
Certes, Cicéron prenait beaucoup de précautions et faisait part de sa peur dans sa correspondance privée. Mais Cicéron était un peu un froussard.

Sous Auguste, la liberté d'expression est considérablement restreinte. La peur beaucoup plus présente. La loi de majesté est entendue aux écrits ou paroles insultants envers le Prince.


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Message Publié : 30 Jan 2006 12:22 
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Thucydide
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De quelle maladie Auguste a-t-il souffert ? Aggripa a-t-il voulu le trahir ?

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Message Publié : 30 Jan 2006 14:31 
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Philippe de Commines
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On ne sait pas de quelle maladie mais on sait par les sources qu'Auguste se trouva à l'article de la mort. Et que donc la question de la succession a été posée.

Et bien sûr, si vous posez la question de la succession, vous posez celle de la nature du régime.

On a soupçonné Auguste de vouloir imposer une succession ouvertement dynastique en faisant de son neveu Marcellus (le fils de sa soeur Octavie), par ailleurs marié à sa fille unique Julia, son successeur. Ce qui choquait parce que Marcellus avait tout juste 20 ans.
Choisir Marcellus, un jeune homme sans passé politique ou militaire valable, et dont la seule vertu était donc d'être le parent mâle le plus proche d'Auguste aurait constitué un aveu de la nature purement monarchique du régime, et un aveu symbolique du fait que la restauration de la république en 27 était un pur baratin (elle était en fait un pur baratin mais il était délicat de l'avouer).

Il semble (l'analyse de Syme est très convaincante) qu'Agrippa (allié à Livie qui avait pris soin de marier Tibère à Vipsania, la fille issue du 1er mariage d'Agrippa), ligué avec Livie et d'autres membres de 1er plan du parti augustéen, se soient opposés aux projets successoraux de leur patron et aient imposé le maintien d'un flou successoral. Cela alla même plus loin puisqu'Agrippa se fit confier par Auguste un imperium presque aussi vaste que le sien, apparaissant comme l'adjoint de l'empereur.
Dans la foulée, on a le mariage Agrippa-Julie dès que le délai de viduité légal était passé (mort de Marcellus à la fin de cette même année 23).

Si vous prenez l'année 44, c'est un peu la même chose avec Brutus qui est proche de César par sa mère (Servilia), les maréchaux Trebonius et Decimus Brutus, et en plus avec le grand mystère d'Antoine dont il n'est pas exclu qu'il ait subodoré que quelque chose se tramait et qui s'est laissé arrêter par Trebonius sur les portes de la curie le jour fatidique.

La différence, c'est que César pouvait se passer de n'importe lequel de ses lieutenants alors qu'Auguste ne pouvait pas se passer d'Agrippa parce qu'à ce moment, il n'avait pas d'héritier mûr ni de connétable de rechange.


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Message Publié : 30 Jan 2006 15:54 
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Thucydide
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Citer :
C'est d'ailleurs ce que lui aurait conseillé Mécène : s'en débarrasser ou en faire son gendre.


Cette phrase m'avait fait penser qu'Agrippa voulait trahir véritablement Auguste. Peut-on considèrer qu'Auguste fut le plus grand des Empereurs ?

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Message Publié : 30 Jan 2006 17:31 
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Philippe de Commines
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Je ne pense pas qu'Agrippa ait voulu trahir Auguste. Agrippa ne pouvait pas s'opposer à Auguste. Tout ce qu'il pouvait lui opposer, c'était la menace du retrait avec le risque d'implosion du parti césaro-augustéen que cela impliquait.

En gros, même si Auguste était le maître et Agrippa était le fidèle collaborateur, l'homme d'obscure extraction (un petit chevalier d'Italie) qui devait tout son essor extraordinaire à la faveur du fils adoptif de César, il y avait une forme de dissuasion du faible au fort, comme dans des relations entre puissances nucléaires inégales.

L'un (Agrippa) avait plus besoin de l'autre (Auguste) que l'autre n'avait besoin de l'un. Néanmoins, l'autre avait suffisamment besoin de l'un pour ne pas souhaiter aller prématurément à la rupture avec lui.

En effet, comme je l'ai dit plus haut, Agrippa était le plus grand général d'Auguste en ses débuts (viennent ensuite Statilius Taurus et Lollius).

Auguste n'avait aucun talent militaire et ne voulait pas risquer tout ce qu'implique de partir dans des longues campagnes (souvenez-vous toutes les difficultés auxquelles César a du faire face lorsqu'il s'est agi pour lui de revenir à Rome après la guerre des Gaules).

Bien évidemment, en dernier ressort, Auguste n'aurait pas hésité à sacrifier Agrippa si celui-ci s'était rebellé et s'il en était allé de sa vie et de son pouvoir.
Mais Agrippa était un des éléments essentiels du pouvoir d'Auguste.

Faire chuter Agrippa en 23 et introduire immanquablement une grave crise dans le parti césarien alors que la succession et la pérennité du régime n'était pas du tout assurée, c'était prendre en risque trop grand.
L'histoire donnera très vite raison à Auguste puisque Marcellus mourra dès la fin de l'année 23 (l'a-t-on un peu aidé à mourir ? c'est un mystère sans réponse).

Donc, même en étant son inférieur, Agrippa avait les moyens de dissuader Auguste d'aller trop loin tout seul, de même que des puissances nucléaires moyennes peuvent dissuader une hyperpuissance d'aller trop loin. Tout le monde aurait été perdant : Agrippa, bien sûr, mais aussi Auguste.

En revanche, 20 ans plus tard, s'il avait été encore vivant, Agrippa n'aurait jamais tenté un tel coup avec l'appui d'autres personnes, parce qu'Auguste avait des solutions de rechange, et notamment des petits-fils ... issus du mariage de Julia et Agrippa. Il n'aurait plus été indispensable et surtout il aurait eu un intérêt familial direct à appuyer les projets dynastiques d'Auguste.

Alors qu'au contraire, quand l'équilibre de la dissuasion est rompu, la situation devient extrèmement instable et tout est possible.
C'est le cas si une puissance nucléaire développe un système de protection antimissile qui réussirait à la mettre à l'abri de la dissuasion de l'adversaire.
Alors dans ce cas, il ne reste plus à l'adversaire qui se sent gravement menacé et n'a plus les moyens de se faire entendre qu'à recourir à une action non-conventionnelle du genre terroriste.

Je trouve que cette métaphore est assez juste concernant César. Lui avait atteint un tel niveau de domination, parce qu'il ne dépendait pas d'un général ou d'un autre, qu'il pouvait échapper à presque toutes les pressions. Il pouvait échapper, s'il le souhaitait, aux pressions des hommes de son parti. D'où la tentation plus forte de le supprimer, faute de pouvoir le fléchir politiquement.

Cette comparaison a néanmoins ses limites puisque j'ai montré qu'en réalité, il y a aussi eu des attentats nombreux contre Auguste, qui lui était plus prudent que César.


Pour répondre à votre dernière question, je ne pense pas qu'on puisse déterminer de manière irréfutable qui fut le meilleur empereur. Chaque circonstance fait appel à des qualités différentes, parfois à des solutions différentes.

Je pense qu'on peut néanmoins reconnaître à Auguste des mérites exceptionnels.

Dans des circonstances terribles, tumultueuses et terriblement difficiles, il a su conquérir le pouvoir, conserver le pouvoir (en gros pendant 45), et transmettre le pouvoir. Bref, il aurait pu être le modèle du Prince de Machiavel.
Il a commis des erreurs, il a opéré des changements de cap à 180 degrés, il a eu beaucoup de chance, il a su exploiter ses atouts (le nom de César, la dévotion des clients, des partisans, des vétérans et des soldats de César) avec un talent exceptionnel.

En politique il n'y a pas de parcours parfait. Cette précaution prise, le parcours d'Auguste a été une réussite exceptionnelle.

Surtout quand on le compare avec le parcours de ses successeurs à qui le pouvoir est tombé tout cuit dans les mains. Auguste n'aurait jamais commis les excès et les folies qui ont fait tuer Caligula ni disparaître la dynastie julio-claudienne avec Néron.

Sans César, Auguste n'aurait cependant jamais existé. Antoine et ses partisans ironisaient sur ce jeune homme qui devait tout à son nom et qui misait tout sur son nom. Antoine ironisait, et pourtant il le déplorait parce que c'était cela la faiblesse fondamentale d'Antoine : le fait d'avoir face à lui le fils adoptif de César. Les légionnaires dont la plupart étaient d'anciens soldats de César ou qui chérissaient les anciens soldats de César ont systématiquement imposé la réconciliation à Antoine et Octave, empêchant Antoine de régler son compte à Octave à un moment où il l'aurait voulu et où il l'aurait pu.

C'était bel et bien le nom de César qui était magique. Il devait y avoir à cela des raisons immenses, impérieuses.

La trajectoire de César est une trajectoire brisée. Il a conquis le pouvoir et posé les fondements d'un pouvoir durable, irréversible (un parti césarien dominant, fondé principalement sur les armées et la figure du chef militaire populaire), mais il n'a guère eu le temps de l'exercer parce qu'il a été assassiné par imprudence.
Encore faut-il préciser que César n'était pas jeune comme Auguste et que, sauf à ce qu'il vive jusqu'à près de 80 ans comme Auguste, Tibère ou Caton l'ancien, il n'aurait de toutes façons pas eu la durée qu'a pu avoir Auguste.


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Message Publié : 30 Jan 2006 20:17 
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Grégoire de Tours
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Quel plaisir de vous lire !

César, avocat, était un orateur de talent.

Lui, et Octave, avaient en commun d'hériter d'un grand-oncle prestigieux, de sa Clientèle et de son Parti.

Mais Octave ne possédait pas la voix de César. Il compensa cette faiblesse en orchestrant de main de maître la propagande qui encensait son Régime, en s'entourant de poètes et d'écrivains.

D'autre part, concernant César, ne peut-on distinguer deux personnages? Pendant la première partie de sa vie, il n'hésita pas à décimer des Légionnaires lâches (face à Spartacus), tuer des millions de Gaulois et Germains, transformer 1,4 millions de ceux-ci en esclaves... Puis dans la dernière partie de sa vie, il se montra d'une clémence désarmante, tellement qu'il fut extrêmement fâché contre Ptolémée d'avoir tué Pompée à qui il aurait voulu pardonner ...

Enfin, concernant Agrippa, il m'apparait comme le plus loyal des amis, d'un amitié indéfectible envers Octave. Agrippa, qui a commencé, je crois, sa carrière comme Préfet de la Flotte du Pont-Euxin, sous César qui venait de remettre la Mer Noire à Mithridate de Commagène (fils d'Antiochus Theos) tous les Royaumes ayant appartenu à Pharnace du Pont (fils du Fléau de Rome) que César avait vaincu (Veni, Vidi, Vici) en Cappadoce. Agrippa voulait être connu de la Postérité comme un Géographe plutôt que comme Général ou Amiral. Agrippa s'éclipsait devant les honneurs, qu'ils laissait tout entiers à Auguste, préférant offrir des Thermes au Peuple plutôt que de dépenser des fortunes en Triomphes portant ombrage à son Prince.

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Message Publié : 30 Jan 2006 21:05 
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Thucydide
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Localisation : Moscou
Je partage l'avis d'Hérodote à votre sujet Caesar Scipio : c'est un vrai plaisir de vous lire, j'ai bcp appris aujourd'hui en vous lisant, je ne sais comment vous remercier :oops: ... J'abuse encore de votre savoir en vous demandant la chose suivante :
Avez-vous vu le film Cléopatre ( Taylor ) ? Si oui, vous rappelez de la scène dans le Sénat ou Auguste prend le javelot de la guerre ? Cette scène est-elle vraiment historique ?

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