Batiste a écrit :
Plutarque n'affirme pas que c'est cette lecture qui a provoqué les les campagnes menées par le jeune César en Espagne car, dans son récit, il évoque cette anecdote avant même que celui-ci ait rejoint la province.
Je ne suis pas convaincu, j’ai un peu l’impression que Plutarque est en train de nous livrer des notes d'une lecture hâtivement mises en forme d'où l'aspect décousu, ne retenant que ce qui l’intéresse d’un récit chronologique plus circonstancié :
1) il commence par sa nomination, enchaîne sur ses difficultés financières qui retardent son départ et leur règlement ; « César […] fut libre de partir pour son gouvernement. ».
2) En cours de route, au passage des Alpes, Plutarque retient l’anecdote du village barbare.
3) En Espagne [citérieure ?] même, avant d’arriver à son poste (ce qui explique aussi ses loisirs, opposés à son activités une fois en poste), se place l’anecdote liée à Alexandre (il est en poste en Hispanie Ultérieure, il doit donc traverser toute la Tarraconaise, ce qui lui laisse largement le temps de lire son bouquin) ; de ce voyage, Plutarque ne retient que ce passage.
4) enfin « à peine arrivé en Espagne » [Ultérieure], il se distingue par son activité, blablabla.
Faut-il vraiment considérer l’anecdote sur Alexandre comme une parenthèse laconique dans un récit quant à lui entièrement chronologique ? J’en doute, d’autant que les deux anecdotes consécutives se ressemblent beaucoup dans la mise en scène (badinage intime avec des amis anonymes qui servent de faire valoir), ce qui me fait soupçonner une source commune. L’ensemble est assez décousu, les passages d’une anecdote à l’autre peu clairs : si c’est une digression lapidaire sur son ambition, elle est particulièrement mal placée, coincée au cœur d’un récit chronologique, entre les Alpes et la Bétique ! Le permière anecdote alpine montre bien que l'historien de Chéronée ne recense pas des histoires au hasard, mais recueillies en cours de route.
De plus, il me semble que les lamentations de César s’expliqueraient très mal à la fin de son mandat, s’il pouvait, alors qu'il n'est qu'à peine questeur, en l'espace de quelques mois seulement, s’auréoler du titre glorieux d’
imperator, qui lui permet de briguer le triomphe et d’ambitionner le consulat dans la foulée, lui inconnu la veille de sa questure, en sus des sommes colossales qu'il a amassé. A mes yeux, Plutarque au contraire voit dans cette historiette l’aiguillon expliquant l’activité débordante et le succès exemplaire dont il crédite César en Espagne.
Et donc, la chronologie plutarquienne, au contraire très précise, s’oppose à celle de Suétone (début vs fin de sa questure), bien que l’effet supposé soit le même : un aiguillon pour les ambitions de Jules, si ce n’est que pour l’un il ne fait preuve de cette ambition qu’à partir du moment où il brigue le consulat, alors que l’autre plus logique la place dès ses premières occasions de se distinguer, en prémice à ses prétentions consulaires.
Je persiste de même à douter d’une quelconque influence de Plutarque sur Suétone ici, aucun des détails de ce dernier n’est inspiré du premier, aucun des détails du premier ne se retrouve chez le dernier, et ce pour les deux anecdotes (Alexandre comme le songe). Seul le thème est identique. Suétone s’est-il inspiré de Plutarque de manière indiscutable à un autre endroit ?