Le voyage de Hannon est déjà mystérieux, mais sa relation nous est néanmoins parvenue et les Anciens l'ont lu pendant longtemps.
Himilcon quant à lui, a bien écrit quelque chose dans les archives puniques (disparues bien entendu), mais déjà dans l'Antiquité, sa relation tombe plus ou moins dans l'oubli.
Seuls Pline et Festus Aviénus nous en parlent, me semble-t-il, et encore, Pline est très succint, et Avienus est confus, et s'intéresse surtout aux phénomènes maritimes spectaculaires, commes les "monstres marins" rencontrés par Himilcon, et l'espèce de Mer des Sargasses au moins aussi mystérieuse que la "méduse" de Pythéas. Par ailleurs, Festus utilise des termes greco-latin, il n'a pas lu la relation d'Himilcon mais une traduction, un abégé dans le meilleurs des cas, quelques allusions dans le pire. PLine le liste parmi les auteurs cités, mais rien ne prouve qu'il l'ait vraiment consulté.
Du coup, forcément, on ne sait pas grand chose.
Citer :
d'Himilcon qui, 25 ans avant,
Nous ignorons la date du voyage de Hannon, et seul Pline nous dit qu'ils sont contemporains (au sens large). Un peu avant, un peu après, pas d'indices. Au Ve ? Au VIe ? Au IVe ? Mystère.
Les modalités du voyage sont peu claires elles-aussi. A-t-il lui aussi fondé quelques cité sur les côtes d'Espagne (sûrement pas très loin au nord, il a du se cantonner à l'Espagne sud, où des sites puniques sont attestés), comme Hannon ? Festus est nébuleux, les fondations puniques dont il parle ne se rapportent pas forcément à Himilcon, cité dans la même phrase mais dans un autre contexte.
Etait-il suffète lui aussi ? En tout cas, Pline fait clairement le parallèle entre les deux expéditions, et sous-entend que c'est l'Etat carthaginois qui les organise (et non une opération privée).
En fait, il prépare surtout la relève du commerce Tartessien et de Gadès (que Carthage a maté au VIe; peut-être est-ce l'occasion de briser le monopole d'une cité un peu trop orgueilleuse et indépendante ? Dans un tel cas de figure, l'expédition est plus vraissemblable dans la seconde moité du VIe ou au début du Ve qu'à la fin Ve début IVe). Il s'agit donc surtout d'exploration, un peu comme Pythéas un (ou deux) siècles plus tard, aussi, archéologiquement, il serait douteux que des traces subsistent. L'une ou l'autre monnaie carthaginoise ont été retrouvées sur les côtes françaises me semble-t-il, isolées, et en général un peu plus tardive (de mémoire) et dans tous les cas, non représentatives. Par ailleurs, Carthage défend bec et ongle ses routes commerciales (qui est l'auteur qui raconte l'échouage volontaire d'un navire punique dans l'Océan, entraînant le navire romain qui le suivait dans sa ruine, afin de protéger le secret de la route de l'étain ? Strabon peut-être, ou Polybe....), ce qui rend un peu moins fiable les informations, qui semblent surtout destinées à effrayer d'éventuels concurrents: Himilcon aurait mis quatre mois (!) d'une difficile navigation entouré de "monstres", sans vent, gêné par des algues flottantes, l'Océan sans fin à perte de vue, etc... pour rejoindre la pointe de la Bretagne ou la Cornouaille !
Les termes qui sont employés par Festus ""Hierne", "Oestrymnides", etc. ne sont pas des mots phéniciens, il s'agit d'une traduction ou d'une interprétation. Mais il ne s'agit dans un cas comme dans l'autre de noms génériques, pas de lieux précis. Faut-il vraiment voir l'Irlande ou Man dans l'île Sacrée, Hiernè ? Quant aux iles Oestrymnides, elles étaient plus ou moins légendaires pour les Grecs, une espèce de Pérou mythique au delà des mers riche en métaux.
Nous savons que la Cornouailles anglaise exploitaient des mines d'étain, qui firent aussi la fortune des marchands intermédiaires marseillais ou vénètes dans les siècles suivants. Mais le mot peut s'appliquer à n'importe quelle place commerciale vendant des métaux directement ou indirectement. Himilcon a-t-il atteint l'Angleterre ? Possible, vraisemblable même, mais pas sûr à 100% non plus, Ouessant et les îles alentours pourraient aussi bien convenir. Difficile encore une fois que définir avec certitude les limites de sa navigation.
Pour une traduction d'Avienus:
http://remacle.org/bloodwolf/erudits/avienus/maritimes.htm
Pour le texte latin:
http://www.thelatinlibrary.com/avienus.ora.html
Himilcon n'est pas un véritable pionnier, il reprend de vieilles routes commerciales exploitées depuis longtemps (cf. le roi Arganthonios de Tartessos, Utique, etc.), et il ne semble pas avoir poussé beaucoup plus loin que sa mission: s'approvisionner en métaux. Une fois la source atteinte, il s'arrête. A titre de comparaison, le voyage de Pythéas est beaucoup plus ambitieux, il explore véritablement de nouvelles côtes.
Mais tout comme Hannon, il reste bien peu de traces de son passage, et les conséquences de l'expédition à moyen terme pour Carthage restent inconnues. A long terme par contre, ces ambitieuses expéditions carthaginoises semblent bien être restées sans suite, la présence archéologique phénicienne dans l'Atlantique et ses côtes restant anecdotique, en dehors du sud de l'Espagne.