Je lis l'
Histoire de l'Inde, par Alain Daniélou, deuxième édition de 1983 chez Fayard.
J'ai noté par ailleurs que Alain Daniélou était un musicologue spécialiste de l'Inde, vite passionné par l'Inde, sa culture et son histoire, mais pas un réel historien. Il aurait tenu sur le passé lointain de l'humanité des propos de type "gogologue" qui n'ajoutent pas a priori à son sérieux.
Cela étant, cette Histoire de l'Inde est publiée chez Fayard, rééditée, et toujours en vente plus de 35 ans après sa publication. La maison est réputée sérieuse, et j'ai aussi lu par ailleurs sur PH et ailleurs des commentaires plutôt élogieux sur cet ouvrage.
Je précise que je suis totalement ignorant de l'histoire de l'Inde. A la lecture de l'ouvrage, de la partie traitant des temps proto-historiques, je suis très surpris par ce que je lis. Je suis très heureux de cette surprise et par l'aspect fascinant de ce que je découvre.
Toutefois, en raison de ce que j'ai indiqué en préambule, je ne parviens pas à me défaire d'un doute. C'est pourquoi je m'adresse à la communauté de Passion-Histoire pour recueillir votre avis.
Voici, selon la compréhension que j'en ai, les principaux points de la thèse de Daniélou concernant les temps protohistoriques de l'Inde.
Il distingue trois époques :
1) Les Munda (proto-austrlaoïdes)
2) Les Dravidiens
3) Les Aryens et la culture védique
1) Les Munda
L'Inde n'aurait pas connu l'âge du bronze, étant passée directement de la pierre polie au fer.
Les Munda initiaux seraient des tribus de chasseurs, ne pratiquant pas l'agriculture, et organisées selon un mode matriarcal. Leur groupe linguistique (non indo-européen) serait le plus largement représenté dans le monde d'aujourd'hui, de l'Ile de Paques à l'Australie, en passant par l'Amérique du sud, les pygmées d'Afrique et Madagascar.
Leur présence en Europe aurait été effacée par les invasions successives, mais des traces subsisteraient dans les coutumes, rites, musiques locaux (par exemple dans certaines cultures pré-celtiques de Bretagne et d'Angleterre).
Leur religion était animiste.
De nombreux peuples de l'Inde actuelle descendraient directement de ces peuples anciens, sans avoir été réellement touchés par le "progrès" ni par les envahisseurs des millénaires passés. Ils représenteraient une population de plusieurs dizaines de millions de personnes (l'auteur parle de 40 millions, en 1971...) qui auraient gardé quasi intactes leurs langues et leurs civilisations depuis plusieurs milliers d'années.
2) Les Dravidiens
A partir du 4è millénaire avant notre ère, un autre peuple apparaît aux côtés des Munda. Ces Dravidiens seraient issus de la même civilisation que les Egyptiens, les Etrusques, les Minoens, les Sumériens, les Hittites.
Ils subsistent aujourd'hui dans le sud de l'Inde (Tamouls) et dans le nord ouest (Bélouchistan). Contrairement aux Munda, ils ont souvent été assimilés à d'autres peuples, leur culture s'imposant sans continuité de phénotype ou ethnique systématique.
L'auteur les assimile donc aux Minoens et aux Sumériens, et va plus loin, en leur attribuant certains traits culturels présents dans l'Europe ancienne, tels que la notion de Royauté (à l'opposé des tribus). Il indique aussi que le mot
Dolmen proviendrait de la langue dravidienne. Ils sont aussi à l'origine des grands mythes de notre culture (le déluge par exemple).
Leurs religions, qui ont subsisté, sont le Shivaïsme et le Jaïnisme.
Il est à noter qu'à Pondichery, Rome avait un comptoir important, en relation avec ces dravidiens qui dans le sud de l'Inde avaient résisté à l'assimilation des Aryens.
3) Les Aryens (Indo-Européens)
A partir du 3è millénaire, les Aryens descendent d'Asie centrale, poussés par des changements climatiques, et envahissent l'Inde.
Ils réduisent les grandes civilisations dravidiennes en esclavage, et imposent leur nouvelle langue, le sanscrit.
Peu à peu, par un phénomène d'acculturation qui me paraît semblable à celui du Haut-Moyen Age en Europe, les cultures dravidiennes et aryennes se fondent, et donnent naissance sur le plan religieux à l'Hindouisme et au Brahmanisme, puis plus tard à la réforme Bouddhique.
Les Dates.
Je note aussi que l'auteur remet systématiquement en question ce qu'il appelle les dates retenues par les historiens, en faisant lui remonter les événements à de plus hautes époques.
Par exemple, il situe la guerre du Mahabharata vers -3000, alors que les historiens la situent entre -1000 et -1500, contemporaine de la guerre de Troie.
J'espère ne pas avoir déformé en ces quelques phrases les thèses de l'ouvrage, et merci par avance pour vos commentaires.
PS : j'étais en Inde la semaine dernière, j'avais lu le début du livre dans l'avion d'aller. J'ai abordé le thème présenté ci-dessus avec un collègue Indien, qui m'a regardé avec des yeux ronds, un peu comme si j'étais un doux cinglé...
Je me suis dit que l'Histoire n'est pas forcément mieux connue chez eux que chez nous