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Message Publié : 16 Mai 2009 9:57 
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Salluste
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Salut tout le monde,

Alors voilà, je sais que l'apparition de l'étrier a permis d'aboutir à la puissante chevalerie au moyen-âge, elle a permis une meilleure stabilité et de porter la lance horizontalement "en chantaîne" au moment de la charge.

Mais est-ce que les cataphractes parthes et sarmates ou encore les hétaires macédoniens chargeaient avec la lance? Mon point de vue est que non. Premièrement parce que l'étrier n'existe pas et que donc on ne pouvait pas appuyer sur ses jambes pour encaisser le coup. Deuxièmement il est très difficile de garder une lance en main au moment de l'impact* et généralement les cavaliers sont décrits comme utilisant la lance même après la charge (alors qu'elle devrait être brisée). Troisièmement, les macédoniens montaient à cru.

*les chevaliers adopteront très rapidement des lances avec un arrêt pour la main afin d'empêcher la lance de glisser, et ça dès le XIIIème siècle.

Est-ce que quelqu'un peut confirmer ou infirmer mes dires?


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Message Publié : 16 Mai 2009 13:07 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Et pourtant si…
Les Compagnons d’Alexandre chargent à la lance, dont justement l’allonge très importante, supérieure à celle de leur opposants (la sarisse était à l’origine une arme de cavalier ; la xyston reste très longue, elle aussi en bois de cornouiller), leur donne un net avantage (cf. la charge d’Alexandre au Granique, où les lances brisées ne manquent d’ailleurs pas : la sienne birsée, il se tourne vers son voisin, mais trop tard, lui aussi est déjà contraint à combattre avec un moignon !), et même, autorise les cavaliers macédoniens à charger directement des hoplites (cf. le massacre du Bataillon Sacré à Chéronée). D’ailleurs, comment veux-tu qu’ils fassent ? Ils ne vont pas interrompre leur charge pour donner un timide coup de lance, ni s’encombrer d’une lance qu’ils n’utiliseront pas au moment du choc !

Dans les faits, comment se débrouillaient-ils ? Honnêtement, je ne sais pas trop. Ils serraient les cuisses serai-je tenté de dire ! Et abandonnaient sans doute la plupart du temps l’arme dans le corps de l’adversaire pour ne pas être désarçonné en retour. En tout cas, elle n’est pas employée comme lance d’arrêt, mais manœuvrée à bout de bras, sans doute justement pour pouvoir la lâcher au moment opportun, tenue par le milieu environ : à la puissance de la charge se rajoute alors la puissance du bras qui la manie. Sur la mosaïque de la bataille d’Issos, on voit nettement Alexandre transpercer littéralement de part en part son opposant, ce dernier presque projeté, la lance portée basse tandis que le cheval se cabre au dernier moment pour ne pas le heurter de front. A remarquer, le bras d’Alexandre est très en retrait, une manière d’amortir le choc sans renoncer à son arme. S'il sent qu'il risque de perdre l'équilibre, il a juste à la lâcher et ne risque pas de se retrouver cul à terre.

De même, Arrien décrit dans sa Tactique les Sarmates et les Alains (qu’il a personnellement combattu) comme choquant avec impétuosité avec leurs lances, en employant la même formation que les Macédoniens, à savoir le coin.


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Message Publié : 16 Mai 2009 13:42 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

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C'est hors Antiquité, mais avant l'invention de l'étrier : sur la "tapisserie" de Bayeux, on voit les cavaliers normands charger en tenant la lance haut à bout de bras. Ph. Richardot dans La fin de l'armée romaine, présente un cataphractaire romain tardif manier une lance à deux mains. Il devait y avoir diverses manières d'utiliser autant que possible l'impact combiné de la charge et du bras, sachant que bloquer la lance contre son flanc (la coucher en arrêt, quoi) pour mettre toute la puissance de la charge dans la balance c'était probablement maximiser le risque de se faire éjecter soi-même sous l'impact.


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Message Publié : 16 Mai 2009 18:01 
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Salluste
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Merci à vous deux, :wink:

Citer :
sur la "tapisserie" de Bayeux

Oui je suis au courant, j'ai lu quelque chose là dessus il y a deux jours :wink:


Citer :
Dans les faits, comment se débrouillaient-ils ? Honnêtement, je ne sais pas trop. Ils serraient les cuisses serai-je tenté de dire ! Et abandonnaient sans doute la plupart du temps l’arme dans le corps de l’adversaire pour ne pas être désarçonné en retour. En tout cas, elle n’est pas employée comme lance d’arrêt, mais manœuvrée à bout de bras, sans doute justement pour pouvoir la lâcher au moment opportun, tenue par le milieu environ : à la puissance de la charge se rajoute alors la puissance du bras qui la manie. Sur la mosaïque de la bataille d’Issos, on voit nettement Alexandre transpercer littéralement de part en part son opposant, ce dernier presque projeté, la lance portée basse tandis que le cheval se cabre au dernier moment pour ne pas le heurter de front. A remarquer, le bras d’Alexandre est très en retrait, une manière d’amortir le choc sans renoncer à son arme. S'il sent qu'il risque de perdre l'équilibre, il a juste à la lâcher et ne risque pas de se retrouver cul à terre.

Merci pour ton point de vue Thersite. Je suis malgré tout assez étonné.

Citer :
D’ailleurs, comment veux-tu qu’ils fassent ?

Je pense qu'ils évitent que la lance percutent de plein fouet, c'est quand même très puissant une charge de cavalerie et même en chargeant à pied à pleine vitesse une lance se brise assez facilement. Donc je me disais que malgré tout la technique de charge était très différente du chevalier médiéval, surtout que les hétaires n'ont pas de gants, ni même de selle. Je pense que si les hétaires frappent de haut en bas c'est pour éviter que la lance se brise: le corps du combattant embroché tombe au sol et la pointe se retire tandis qu'une charge médiéval à la lance propulse l'adversaire, traverse les cottes de mailles et se brise quasiment à coup sûr. C'est le cheval qui envoi valser l'adversaire au moment de l'impact, et je vois mal l'hétaire macédonien traverser six ou sept rangs à pleine vitesse (et sans selle!).

Moi je voyais plutôt le cheval propulser l'adversaire, le cavalier qui frappe au niveau de la tête ou de la gorge pour pas planter sa lance mais pas comme au moyen-âge où le cavalier envoi gicler le malheureux qui se prend sa lance à au moins cinq mètres ou alors qui fais renverser plusieurs hommes juste par l'impact de la lance (entre 600 et 700 kg lancé à au moins 30km/h c'est énorme).


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Message Publié : 16 Mai 2009 18:44 
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Salluste
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Je me disais aussi un truc, les hétaires sont décrit souvent comme utilisant la lance pour vaincre leur adversaire (même après la charge), il me semble qu'il s'agit de l'arme principale du cavalier. Aussi, la puissance de la cavalerie réside dans la poussée du cheval, même si il vient de charger, en plein milieux du combat il peut pousser et écraser l'infanterie. C'est même le but dans la tactique du marteau et de l'enclume. Donc si il le cheval pousse, le cavalier doit tenir à distance l'adversaire, surtout que les hétaires ne sont pas très protégés d'un coup d'épée ou de lance. La lance doit donc être conservée le plus longtemps possible.


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Message Publié : 17 Mai 2009 7:45 
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Salluste
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Sur ce sujet un excellent livre:P. Sidnell, Warhorse, cavalry in Ancient Warfare, l'auteur est aussi un cavalier et un reconstituteur.
dans le chapitre consacré aux macédoniens, il rappelle que P Connoly a estimé la longeur de la lance maniée sur la mosaïque de pompei à 3,58m avec une forme évolutive donnant le centre de gravité plus proche de l'extrémité, vers le 1/3 de la longueur soit une longueur "utile" de 2,4 m.
Connoly a fait une reconstitution avec un cavalier et une lance de 16ft, évolutive, le point de tenue à 4 ft de l'extrémité donnant donc une longueur utile de 12ft, 3,6 m. Le cavalier a utilisé plusieurs méthodes de tenue mais a eu du mal à viser en tenant la lance par dessus. D'ailleurs Sidnell se demande pourquoi il a fait l'expé avec cette lance de 16 ft, s'il l'avait estimée à 12ft!
Les lances avaient aussi une pointe à l'extrémité arrière qui servait quand la lance était cassée à l'impact, ce qui était fréquent, et montre qu'ils devaient être entraînés à utiliser des lances réduites de moitié.
En plus de son armement, la supériorité de la cavalerie macédonienne réside dans son entraînement, sa formation d'attaque en coin et sa discipline (ne pas se disperser, rester goupée pour suivre son leader)
Pour lui l'amélioration est moins l'étrier que l'introduction de la selle, dans le dernier chapitre sur le passage au chevalier il explique comment les reconstitutions montrent que même sans étrier, un bon cavalier peut frapper un adversaire, pourvu qu'il soit bien calé sur une selle.


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Message Publié : 17 Mai 2009 10:43 
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Salluste
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Merci de ces précisions Montou :wink:

Si jamais, le livre est lisible en anglais ici: http://books.google.com/books?id=DP2EHw ... #PPA162,M1
Bon, une erreur de l'auteur c'est qu'il ose dire que les cavaliers celtes utilisaient des boucliers ronds... >:(
Citer :
Pour lui l'amélioration est moins l'étrier que l'introduction de la selle, dans le dernier chapitre sur le passage au chevalier il explique comment les reconstitutions montrent que même sans étrier, un bon cavalier peut frapper un adversaire, pourvu qu'il soit bien calé sur une selle.

Tout à fait d'accord, le cavalier peut frapper avec sa lance. Ce que je met en doute, c'est une charge à pleine vitesse avec une frappe de la lance, comme les chevaliers. Certains pensent que les cataphractes chargeaient de cette manière, hors pour frapper aussi violemment avec la lance il faut une bonne tenue de la lance et des étriers car ces derniers permettent de contracter et de positionner tout le corps en donnant une appui aux pieds*.

Pour moi il me semble évident que les Hétaires Macédoniens ne pouvaient empaler un homme à pleine vitesse, on le voit sur des mosaïques (celle d'Alexandre et celle de la tombe de Kinch), tenir une lance à une main et encaisser avec le bras une pareille force c'est impossible. Même les chevaliers avaient parfois des luxations de l'épaule. La frappe est plus modérée et pas en pleine charge, ils ne peuvent pas utiliser toute la force cinétique dégagée par la charge.

Par contre pour les cataphractes, je ne sais pas trop. Pour moi non, la selle ne suffit pas et vu leur faiblesse au corps à corps ils doivent garder un maximum de temps leur lance. Les seules qui auraient pût charger à la lance comme les chevaliers sont les cataphractes Sassanides, ils fixaient leurs lances avec une chaîne sur leurs selles.

* Une illustration (avec quelques fautes :rool: ) qui illustre au moins l'utilité des étriers:
Image


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Message Publié : 19 Mai 2009 22:32 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Genava55 a écrit :
je vois mal l'hétaire macédonien traverser six ou sept rangs à pleine vitesse (et sans selle!). [...]
le cavalier envoi gicler le malheureux qui se prend sa lance à au moins cinq mètres ou alors qui fais renverser plusieurs hommes juste par l'impact de la lance [...]
Tout à fait d'accord, le cavalier peut frapper avec sa lance. Ce que je met en doute, c'est une charge à pleine vitesse avec une frappe de la lance, comme les chevaliers.

Personne n’a jamais présenter les Macédoniens combattant ainsi, à ma connaissance ! Mais cela ne les empêche pas d’aborder l’ennemi en chargeant (les textes sont tout de même largement explicite), c’est à dire au galop, même si la charge n’a évidemment pas la puissance de perforation d’un corps de chevalier lourd du XIVe, l’armement, le cheval et la tactique n’étant pas du tout identiques ! Le premier heurt est violent (encore une fois, je renvois à la bataille du Granique), et le combat durent peu, la phase d’escrime / poussée réduite au minimum.
Genava55 a écrit :
Pour moi il me semble évident que les Hétaires Macédoniens ne pouvaient empaler un homme à pleine vitesse, on le voit sur des mosaïques (celle d'Alexandre et celle de la tombe de Kinch), tenir une lance à une main et encaisser avec le bras une pareille force c'est impossible.

Et pourtant…
Image
Sur la mosaïque d’Alexandre justement, le Perse se retrouve bel et bien empalé ! Mais contrairement au « chevalier », le coup n’est pas appuyé après l’impact, d’où la position du bras d’Alexandre. Alors qu’en entrant au contact du corps perse, le bras devait être projeté vers l’avant, joignant son effort à la vitesse de la charge, immédiatement après, il se relâche pour ne pas être précipité à bas, et retient son cheval. La manœuvre doit être relativement délicate, je te l’accorde, il faut trouver le bon tempo, mais visiblement pas impossible. Contrairement au bas Moyen-Age, le cavalier ne cherche pas du tout à bloquer la lance, il semble interrompre son effort et celui de son cheval immédiatement après l’impact.

Genava55 a écrit :
Je me disais aussi un truc, les hétaires sont décrit souvent comme utilisant la lance pour vaincre leur adversaire (même après la charge), il me semble qu'il s'agit de l'arme principale du cavalier. Aussi, la puissance de la cavalerie réside dans la poussée du cheval, même si il vient de charger, en plein milieux du combat il peut pousser et écraser l'infanterie. C'est même le but dans la tactique du marteau et de l'enclume. Donc si il le cheval pousse, le cavalier doit tenir à distance l'adversaire, surtout que les hétaires ne sont pas très protégés d'un coup d'épée ou de lance. La lance doit donc être conservée le plus longtemps possible.

Je ne suis pas du tout de ton avis. La puissance de la cavalerie réside dans sa vitesse et la puissance de sa charge, et l’avantage particulier des Macédoniens réside dans leur mobilité et manœuvrabilité supérieure aux autres. Une fois au contact, soit l’ennemi plie et l’affaire est règlée, soit il se dégage pour revenir à la charge. Mais un cavalier avec une lance aussi longue soit-elle immobilisé face à des fantassins est en net désavantage : c’est la raison pour laquelle certains peuples comme les Germains, les Bastarnes (mais Grecs, Romains et autres l’ont également expérimentés) font combattre fantassins légers et cavaliers ensemble : une fois les cavaliers affrontés et immobilisés, ils sont sans défense face au piéton qui peut s’en prendre quasi impunément à la bête ou à l’homme. De même, les Ibères d’Hannibal au Tessin mettent pieds à terre au milieu du combat pour enfoncer leurs homologues romains, ou Aemilius Paulus à Cannes qui tente désespérément de sauver la situation en faisant mettre pied à terre à ses cavaliers pour résister à Hasdrubal. Ce système de charge, repli, recharge, est particulièrement efficace, par exemple les Thessaliens de Parménion à Arbelès. Autrement dit, à mon avis, au contraire, la lance particulièrement longue des Macédoniens est une arme de choc, et pas du tout défensive destinée à la poussée. Encore une fois, je te rappelle qu’au Granique, Alexandre a un mal de chien à se trouver une lance encore entière dans son entourage ! Sachant que toute la scène célèbre de corps à corps ne dure que quelques minutes, le temps que les autres escadrons traversent impunément, protégés par Alexandre et ses hommes, avant de charger à leur tour en position bien plus favorable. Et si, dans ce cas là, Azlexandre a désespérément besoin d’une lance, cela provient du contexte très particulier : lui et ses hommes pataugent dans le fleuve et cherchent à monter sur la berge escarpée tenue par l’ennemi : seule la lance permet d’atteindre l’ennemi ; une fois l’obstacle franchit, on le voit se ruer contre de nouveaux ennemis, et cette fois, ce sont les épées qui entrent en action (cf. Cleitos, qui visiblement n’a plus de lance non plus à ce moment là).


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Message Publié : 20 Mai 2009 11:40 
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Salluste
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Merci Thersite, je comprend mieux. Donc dès que l'hétaire enfonce sa lance il est obliger de s'arrêter pour ne pas chuter. Je pensais qu'il frappait juste ce qu'il faut pour ne pas coincer sa lance, mais si il ralentit son cheval ça devient plausible. Remarque, l'hétaire peut d'abords pousser l'infanterie avec le poids de son cheval en s'accrochant aux brides ou à la crinière de l'animal puis frapper violemment en fin de course avec sa lance. En tout cas merci. Ici la mosaïque de la tombe de Kinch:
Image
On peut voir l'hétaire entrain de frapper, ce qui me semblait difficile à concevoir c'était d'encaisser avec le bras la force de l'impact. Soit il devait lâcher la lance, soit arrêter le cheval.


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Message Publié : 20 Mai 2009 16:07 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Je ne connaissais pas cette tombe, merci Genava. J’en profite pour partager quelques remarques.

Il ne s’agit pas d’une mosaïque, mais d’une aquarelle faite par Kinch plusieurs années après sa découverte, lorsqu’il a constaté la dégradation de la fresque originale (v.310-290 av.) à sa seconde visite, depuis disparue. Autrement dit, non seulement il travaille de mémoire, mais qui plus est il a opté pour l’aquarelle, la plus imprécise des techniques, tant pour le rendu des couleurs que surtout, pour la précision du trait. Il convient donc de ne pas se montrer trop exigeant quant à l’exactitude du dessin.

Ensuite, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un Hétaïre macédonien : il ne porte pas d’armure, porte la barbe (qu’Alexandre avait fait raser, notre individu serait donc soit un officier d’une unité étrangère, soit un vétéran macédonien de Philippe. Mais ce dernier ne s’est guère distingué contre les Perses, et les quelques mois de la campagne du corps expéditionnaire de 336 mené par Parménion et Attale n’a pas franchement brillé par ses succès, surtout comparé aux exploits fulgurants du fiston ; aussi, je doute qu’un vétéran de Philippe ait souhaité mettre en valeur cette campagne là précisemment) et un casque « thrace » (très courant en Macédoine et dans le reste de la Grèce, mais différents de ceux des Compagnons d’Alexandre, cf. le sarcophage de Sidon) voire même un simple bonnet...

J’y verrais plutôt un des prodromoi ou sarissophores, Péoniens ou Thrace. Si le petit bitoniot doré qui enserre son casque / bonnet représente bien un diadème, il s’agirait alors d’un de ces princes thraces qui accompagnèrent les Macédoniens en Asie, comme Sitalcès, ou comme insigne de commandement, un officier comme Ariston, le chef des Péoniens, dont un homonyme (parent ?) se retrouvera sur le trône peu après. La pourpre du manteau plaiderait également en cette faveur. Par ailleurs, en faisant une recherche numismatique, j’ai pu constater que le thème du cavalier péonien qui écrase un fantassin perse est courant sous le règne de Patraos (335-315), contemporain d’Alexandre :
monnaies de Patraos

Les différences sont importantes (outre la structure liée aux contraintes du support) : le cavalier est armuré la plupart du temps, imberbe, avec un casque à cimier, autrement dit, hellénisé ; ces monnaies sont très influencée par la représentation classique depuis les Guerres Médiques du cavalier grec triomphant du Barbare. Mais le personnage vaincu est toujours ce qui semble bien être un Perse (en particulier, le pantalon bouffant, souvent nettement reconnaissable). Cependant, il m’a aussi souvent apparut que la scène représentait une Amazone contre un Oriental/Scythe, voire une Amazone contre un Grec (épaule découverte, poitrine imposante). Les autres exemplaires de la série m’ont détrompé, mais je reste prudent : pas sûr que la série soit aussi homogène qu’elle en a l’air…
En tout cas les exploits des Péoniens en Asie semblent énormément compter pour le prestige de leur roi, même si ces monnaies rejoignent le thème classique du cavalier grec vainqueur du barbare ou du cavalier thrace thriomphant ; cependant le contexte très particulier de ces émissions ne peut qu’établir un lien direct avec le corps expéditionnaire péonien.

Il ne serait donc pas surprenant que le thème du prestigieux cavalier péonien se retrouve quelques années plus tard peint dans une tombe, vu sa popularité (cf. l’aristè d’Agathon à Gaugamelès, contée par QC, IV.9). Que la tombe se trouve en Macédoine ne pose pas vraiment de problème non plus, ces corps pouvant être placés sous le commandement d’officiers macédoniens (ainsi Agathon, le chef des Péoniens d’Alexandre, est natif de Pydna).
Péoniens, Thrace ou Macédonien, en tout cas un prodromos, pas un hétaïre.

Mais pour notre sujet, cela n’a pas beaucoup de conséquences, les Prodromoi chargeant eux aussi à l’occasion (ils forment même l’avant garde de l’aile d’Alexandre, les premiers à engager le combat).
Un détail me surprend : il ne tient pas la lance ! Certes, la main n’a pas été reproduite, perdue, mais pas la partie de la hampe qu’elle aurait du saisir. C’est sans doute une erreur de Kinch… à moins que nous n’ayons là justement le pendant de la charge d’Alexandre : pour se maintenir en selle, le roi de Macédoine stoppe son destrier ; à l’inverse, notre cavalier poursuit sa charge, mais abandonne en revanche son arme.


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Message Publié : 23 Mai 2009 12:40 
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Pierre de L'Estoile
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En y regardant de plus près… la lance n’est pas celle du cavalier !
- il ne tient pas l’arme alors que les doigts devraient être visibles sur la hampe
- le fer est bien visible derrière le cavalier, or il ne s’agit pas d’un culot
- à supposer qu’il ait lâché l’arme… cela signifierait qu’il la tenait à l’extrémité, entièrement à bout de bras : absurde.
Kinch aurait-il fait autant d’erreurs dans sa reproduction ? Peu probable.
J’en déduis donc qu’il s’agit là de l’arme du Perse. La théorie qui veut y voir un Hétaïre s’éloigne un peu plus…
Mais dans ce cas, qu’essaie donc de faire notre audacieux thrace/péonien ? Il ne porte aucune arme visible ! Cherche-t-il à le capturer ?
A rapprocher de Quinte-Curce, IV.9.25 ?: « Alors s'engagea un combat de cavalerie, glorieux pour les Macédoniens et en particulier pour Ariston: il blessa d'un coup de lance dans la gorge Satropatès, le commandant des escadrons perses, le poursuivit, fuyant au milieu des rangs ennemis, le renversa de son cheval, et, comme il résistait encore, lui coupa la tête, et revint, couvert de gloire, la déposer aux pieds du roi. » Nous aurions alors une représentation de la dernière étape, l’ultime résistance du Perse déjà jeté à bas de son cheval, poursuivit par Ariston. Très douteux, mais bon… Au passage, je relève mon lapsus du dernier message, où je le nomme par erreur Agathos une fois sur deux…

Un autre détail m’intrigue : qu’est ce que le petit bitoniot sombre en dessous des pattes antérieures de l’animal ??


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Message Publié : 23 Mai 2009 23:17 
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Pierre de L'Estoile
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Le problème principale de la cavalerie lourde est la transmission de la puissance du cheval dans le coup de lance.

Une théorie que j'ai souvent lue (de mémoire, la dernière fois que je l'ai lue est dans l'Atlas des guerres grecques, de Victor Hanson), sans étrier, le cavalier n'utilise pas la puissance de son cheval, mais donne des coups de lances de bas en haut en visant la tête de ses piétons d'adversaires.
S'il est lancé au galop, la vitesse doit déjà suffire à faire très mal.
Voici une illustration représentant l'attitude : Image

Le second stade a été la mise au point, par les Sarmates, qui l'ont transmises aux autres cavaliers des steppes, ainsi qu'aux Romains et aux Perses, de la charge en tenant la lance à deux mains. La selle à arçons, autre invention des nomades, donne une meilleure assise au cavalier et lui permet de tenir plus fermement la lance, même si la technique, qui impose de lâcher les rênes, ne semble pas parfaite.

Voici une illustration tirée, comme la précédente, du site Net4war dans le dossier écrit par Philippe Richardot, qui reprend les idées et les images de sa Fin de l'armée romaine.
Image

Il semble que c'est avec l'étrier avar que le chevalier médiéval pourra, en calant sa lance sous le bras, frapper de toute la force de son cheval (lui-même amélioré pour l'occasion).

En simplifiant à l'extrême et en rappelant mes souvenirs de Terminal, je dirai que la "force du choc", c'est-à-dire l'énergie cinétique transmise de la lance à la tête >:) fixe de l'adversaire , qui est égale à masse * vitesse ², suit l'évolution de la masse. On passe des 100 kg du cavalier (équipé), aux lance aux 600 kg de l'ensemble cavalier + cheval, soit une augmentation de 500 % ! Ça, c'est du progrès technique.

Ceci dit, j'ai trouvé un autre sujet proche : Cataphracte. Sur le dernier message, il semble que les Perses Sassanides utilisaient une autre technique : la lance fixée à la selle, qui leur permettaient de charger. Je ne sais qu'en penser.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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Message Publié : 08 Juin 2009 16:57 
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Jean-Pierre Vernant
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J'ai pas tout lu :oops: il y avait trop de chose... Mais en tout cas la charge de cavalerie avant l'étrier se fait grace à des selles particulières très hautes qui assurent aux cavaliers une très bonne stabilité.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 08 Juin 2009 17:07 
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Bin la selle des Parthes est plutôt basse, je la trouve moins stable que la selle à corne gauloise ou sarmate.
Après il semblerait que la charge des Parthes soit plutôt puissante, mais ça n'a rien de comparable avec la chevalerie, la preuve, si les légionnaires sont en formation, les cataphractaires ne lancent pas l'assaut. Ils bombardent la formation de flèches pour préparer la charge.


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Message Publié : 08 Juin 2009 17:21 
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Jean-Pierre Vernant
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Ils aimaient pas non plus les jets de pila à bout portant... Et puis cette cavalerie, composée de la haute noblesse n'était pas tout le temps engagée par simple instinct de préservation des cadres de la société.

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