Je ne connaissais pas cette tombe, merci Genava. J’en profite pour partager quelques remarques.
Il ne s’agit pas d’une mosaïque, mais d’une aquarelle faite par Kinch plusieurs années après sa découverte, lorsqu’il a constaté la dégradation de la fresque originale (v.310-290 av.) à sa seconde visite, depuis disparue. Autrement dit, non seulement il travaille de mémoire, mais qui plus est il a opté pour l’aquarelle, la plus imprécise des techniques, tant pour le rendu des couleurs que surtout, pour la précision du trait. Il convient donc de ne pas se montrer trop exigeant quant à l’exactitude du dessin.
Ensuite, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un Hétaïre macédonien : il ne porte pas d’armure, porte la barbe (qu’Alexandre avait fait raser, notre individu serait donc soit un officier d’une unité étrangère, soit un vétéran macédonien de Philippe. Mais ce dernier ne s’est guère distingué contre les Perses, et les quelques mois de la campagne du corps expéditionnaire de 336 mené par Parménion et Attale n’a pas franchement brillé par ses succès, surtout comparé aux exploits fulgurants du fiston ; aussi, je doute qu’un vétéran de Philippe ait souhaité mettre en valeur cette campagne là précisemment) et un casque « thrace » (très courant en Macédoine et dans le reste de la Grèce, mais différents de ceux des Compagnons d’Alexandre, cf. le sarcophage de Sidon) voire même un simple bonnet...
J’y verrais plutôt un des
prodromoi ou sarissophores, Péoniens ou Thrace. Si le petit bitoniot doré qui enserre son casque / bonnet représente bien un diadème, il s’agirait alors d’un de ces princes thraces qui accompagnèrent les Macédoniens en Asie, comme Sitalcès, ou comme insigne de commandement, un officier comme Ariston, le chef des Péoniens, dont un homonyme (parent ?) se retrouvera sur le trône peu après. La pourpre du manteau plaiderait également en cette faveur. Par ailleurs, en faisant une recherche numismatique, j’ai pu constater que le thème du cavalier péonien qui écrase un fantassin perse est courant sous le règne de Patraos (335-315), contemporain d’Alexandre :
monnaies de PatraosLes différences sont importantes (outre la structure liée aux contraintes du support) : le cavalier est armuré la plupart du temps, imberbe, avec un casque à cimier, autrement dit, hellénisé ; ces monnaies sont très influencée par la représentation classique depuis les Guerres Médiques du cavalier grec triomphant du Barbare. Mais le personnage vaincu est toujours ce qui semble bien être un Perse (en particulier, le pantalon bouffant, souvent nettement reconnaissable). Cependant, il m’a aussi souvent apparut que la scène représentait une Amazone contre un Oriental/Scythe, voire une Amazone contre un Grec (épaule découverte, poitrine imposante). Les autres exemplaires de la série m’ont détrompé, mais je reste prudent : pas sûr que la série soit aussi homogène qu’elle en a l’air…
En tout cas les exploits des Péoniens en Asie semblent énormément compter pour le prestige de leur roi, même si ces monnaies rejoignent le thème classique du cavalier grec vainqueur du barbare ou du cavalier thrace thriomphant ; cependant le contexte très particulier de ces émissions ne peut qu’établir un lien direct avec le corps expéditionnaire péonien.
Il ne serait donc pas surprenant que le thème du prestigieux cavalier péonien se retrouve quelques années plus tard peint dans une tombe, vu sa popularité (cf. l’aristè d’Agathon à Gaugamelès, contée par QC, IV.9). Que la tombe se trouve en Macédoine ne pose pas vraiment de problème non plus, ces corps pouvant être placés sous le commandement d’officiers macédoniens (ainsi Agathon, le chef des Péoniens d’Alexandre, est natif de Pydna).
Péoniens, Thrace ou Macédonien, en tout cas un prodromos, pas un hétaïre.
Mais pour notre sujet, cela n’a pas beaucoup de conséquences, les Prodromoi chargeant eux aussi à l’occasion (ils forment même l’avant garde de l’aile d’Alexandre, les premiers à engager le combat).
Un détail me surprend : il ne tient pas la lance ! Certes, la main n’a pas été reproduite, perdue, mais pas la partie de la hampe qu’elle aurait du saisir. C’est sans doute une erreur de Kinch… à moins que nous n’ayons là justement le pendant de la charge d’Alexandre : pour se maintenir en selle, le roi de Macédoine stoppe son destrier ; à l’inverse, notre cavalier poursuit sa charge, mais abandonne en revanche son arme.