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Message Publié : 02 Oct 2009 16:12 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Les auteurs chrétiens déforment énormément ces pratiques parce qu'elles sont opposées au dogme. C'est une position intéressante ; ils souhaitent discréditer les religions traditionnelles en les présentant sous des airs terribles et cruels afin de promouvoir leur culte. Pour ma part je n'ai pas beaucoup d'affinités avec ces sources qui me semblent très galvaudées...

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 02 Oct 2009 17:34 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Bon, bonbonbon…

Maharbal a écrit :
Dans le même temps, tu dis "lorsque d’autres occasions se présentent", ce qui veut dire dire finalement que ce n'est pas organique.

Ben oui… Je n’ai jamais dit qu’il était organique, ça c’est ta cuisine à toi, pas la mienne. J’ai dit et répété leur caractère exceptionnel, conjoncturel, mais irrégulièrement remis sur le tapis de manière identique (en 228, en 216 après Cannes et pas Trasimène, vers 114 et à l’époque de Pline, pour ceux qui furent mentionnés)

Maharbal a écrit :
Si ces sacrifices sont occasionnels, liés à des évenements majeurs, donc qu'on ne peut pas prevoir, c'est qu'ils ne peuvent être organisés dans le temps.

Je n’ai pas la moindre idée d’où tu sors qu’un rituel doit être saisonnier, ce n’est le cas d’aucun des dictionnaires que j’ai consulté. Un rituel de purification n’a pas à être saisonnier (mais il peut l'être, l'un n'exclut pas l'autre), mais irrégulier, fonction de la conjoncture et des besoins (épidémie, défaite…). Et c’est le cas de la plupart des sacrifices humains (le forum Boarium, sur l’Acropole d’Athènes, et éventuellement, les sacrifices d’enfants à Carthage). Lorsque Wiki (et les autres…) dit qu’ils sont « organisés dans le temps », cela fait référence à l’organisation de la cérémonie (donc à l’échelle de quelques heures ou de quelques jours), et pas à un calendrier annuel.
Je suppose puisque tu insistes que Hélène Benichou Safar (qui fouille le tophet de Carthage) dans le cadre de son travail a définit une typologie personnelle qu’elle a préalablement définit. Soit, cela a son utilité. Mais cette définition n’est valable que dans le cadre de son travail à elle, et n’a aucune vocation à devenir universel. D’ailleurs, dans un article de 1988 disponible sur Persée, elle utilise les mots rite et rituels comme tout à chacun (à moins que pour toi, un enterrement est un phénomène saisonnier, fixé dans le temps à une date précise et répétée).

Passons aux « scoops » :rool:
Maharbal a écrit :
le 1er est que le sacrifice humain serait organique à la religion romaine puisque "édicté" par les livres sybillins IoI

Je ne reviens plus sur son caractère « organique » que tu m’inventes, je reste sur le caractère rituel que je présente. Je ne sais pas ce qui te fais rire, puisqu’à chaque fois l’origine du rite commence par la consultation des livres sibyllins. En 228 (Dion, fgt 159 et Plutarque, Marcellus, 3 : « forcés d'obéir aux oracles des livres Sibyllins »), en 216 (Tite-Live, XXII.57.6 : « sur l'indication des livres sibyllins ») ou vers 114 (Plutarque, Questions romaines, 83 : « lorsque leurs livres sibyllins le leur ont ordonné» ; « les prêtres eurent ordre de consulter les livres sibyllins. Ils y trouvèrent des oracles qui prédisaient ces crimes, avec les malheurs qui en seraient la suite, à moins que, pour les prévenir, on ne sacrifiât à des génies deux Grecs et deux Gaulois, qu'on enterrerait tout vivants dans le lieu même. »). Explique moi ton fou-rire, que j’en profite.

Maharbal a écrit :
que Pline l'Ancien sous-entend une pratique moins exceptionnel que l'on pense

« Un homme et une femme, Grecs d'origine ou de quelqu'une des autres nations avec qui nous étions alors en guerre, ont été enterrés vivants dans le marché aux boeufs; et cela s'est vu même de notre temps. » Pline XXVIII.3.3. Pourtant, nulle autre mention. Idem d’ailleurs pour celui de 114, connu uniquement par une allusion de Plutarque. J’en déduis que si seulement trois sont explicitement mentionnés, d’autres ont été passé sous silence. Je remarquerai d’ailleurs la surprise de voir des Grecs sacrifiés en 228, le premier mentionné. Autant des Gaulois, je comprends, puisqu’ils menacent. Autant les Grecs… Je me demande donc s’il n’y a pas eu des précédents à une époque où les Grecs menaçaient (Pyrrhus ?). Pure supposition cette fois, à prendre comme telle.

Maharbal a écrit :
-2e scoop , "le cérémonial précis" du sacrifice carthaginois. Je te défies de me le trouver, Benichou Safar en personne ayant avoué son incapacité à le prouver étant donné le peu d'informations sur le sujet. Elle a juste confirmé justement que le sacrifice humain à carthage "n'avait rien de rituel".

HBS est archéologue. Elle est archéologiquement incapable au vu des faibles données de préciser le cérémonial. Tu remarqueras que même à travers le filtre de ta prose, elle ne le nie pas pour autant… Quand au caractère précis et non anarchique de la cérémonie, il suffit de lire les descriptions antiques, concernant Carthage ou la Phénicie. Certes, aucun récit complet et détaillé ne nous est parvenu à ma connaissance. Néanmoins, au gré des allusions, l’âge et la qualité des victimes sont définis (de jeunes nobles impubères, par tirage au sort ou volontariat), apparaît une procession avec fanfare, etc. Il est même possible que la date soit précise (des allusions tardives font état d’un sacrifice régulier, annuel).
Je peux te demander comment tu imagines ce cirque ? Une boucherie aléatoire, n’importe qui faisant n’importe quoi n’importe quant et n’importe où, l’essentiel étant que le sang coule ??

Concernant le sacrifice de Jupiter Latiaris, je rejoins la prudence de Pédro.
Certes, en tant qu’évêques, nos braves Pères de l’Eglise ne peuvent se permettre de mentir, pêché capital, mais question déformations et manipulations, ils sont champions. Je m’étais penché à l’occasion sur la fête des Bouphonies à Athènes, que Porphyre décrit abondamment. Au final, si la description du rituel semble juste, l’interprétation qui en est faite est complètement fantaisiste, et même, à l’opposé du sens réel (ou supposé).
Je présume qu’il en est de même pour les sacrifices à Latiaris. Il s’agit d’un des principaux sanctuaires du Latium, et je me rappelle vaguement de descriptions (Denys d’Halicarnasse ?) des sacrifices qui s’y prêtent. Il était question de bœufs, pas d’hommes… Le fait que ce sanctuaire fédéral latin prestigieux ne connaissent aucune allusion antérieure aux écrits chrétiens me fait sérieusement douter de leur réalité.
Mais elles doivent avoir base réelle, comme pour les Bouphonies. Une source intermédiaire de toute manière, peut-être une passage mal interprété, je ne sais.


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Message Publié : 02 Oct 2009 22:39 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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En faisant un petit tour sur les féries latines, je ne sais plus trop quoi en penser. Globalement, c'est bon enfant, avec un peu de tout comme offrandes (du lait en particulier de la part des consuls, d'après Cicéron). Par exemple Denys d'Halicarnasse IV.49 :
Cela étant fait, afin que le traité conclu avec tant de villes ne se rompît jamais, Tarquin crut qu'il était à propos d'avoir un temple qui fût commun aux Romains, aux Latins, aux Herniques, et à ceux des Volsques qui avaient accédé à la nouvelle alliance, dans lequel ils s'assembleraient tous les ans pour tenir une foire, célébrer des festins et participer ensemble aux mêmes sacrifices. Le projet fut accepté d'une commune voix par toutes ces nations. Tarquin choisit le lieu du rendez-vous général sur une haute montagne située presqu'au milieu de tous les peuples alliés, et qui domine sur la ville d'Albe. Il ordonna qu'on s'y assemblerait chaque année, que toutes les nations de l'alliance ne feraient pendant ce temps-là aucun acte d'hostilité l'une envers l'autre, qu'on y offrirait en commun des sacrifices à Jupiter appelé Latiaris qu'on y célébrerait des festins en signe d'union. Il régla aussi ce que chaque ville devait fournir pour les sacrifices, et la part qu'elle y devait avoir. Quarante-sept peuples se trouvaient à cette solennité et participaient aux oblations et aux sacrifices. Les Romains en font encore aujourd'hui la fête sous le nom de Féries Latines. Les villes qui y ont part, fournissent toutes quelque chose, les unes des agneaux, les autres des fromages, celles-ci une certaine quantité de lait, celles-là quelques autres denrées de cette espèce : et comme on y immole un taureau au nom de toutes les villes, chacune en a un morceau. Au reste ce sont les Romains qui président à la solennité et qui y offrent les sacrifices pour tous les autres peuples de l'alliance.

Mais trois autres éléments me font douter.
D'abord, le dialogue entre Jupiter et Numa, qui se retrouve répété trois fois quasi identique (Arnobe V.1; Ovide, Fastes III.329-348; Plutarque Numa 15), qui rappelle la vocation primitive sanglante de Jupiter. C'est une fable truffées de jeux de mots souvent intraduisibles, certes, mais instructive à plus d'un titre. L'origine du conte remonte au moins à Valérius Antias cité par Arnobe (Ier av.).
Par exemple la version d'Ovide :
On sait que les cimes de la forêt de l'Aventin ont tremblé, et que la terre s'est affaissée sous le poids de Jupiter : le cœur de Numa tressaille, de tout son corps le sang se retire, et ses cheveux hérissés se raidissent.
Revenu à lui, il dit : "Fais-moi connaître les sacrifices sûrs qui conjurent la foudre, ô roi et père des dieux d'en haut, si ces mains qui ont touché tes tables d'offrande sont pures, si la langue qui fait cette demande est pieuse elle aussi".
Le dieu approuva sa prière mais il dissimula la vérité par d'énigmatiques détours et des paroles ambiguës. "Coupe une tête", dit-il ; Numa lui répondit : "J'obéirai ; je ferai couper un oignon arraché dans mon jardin". Le dieu précisa : "la tête d'un homme" ; "tu prendras ses cheveux", dit le roi. Le dieu exige une vie ; "celle d'un poisson", dit Numa.
Le dieu rit et dit : "Sers-toi de ces moyens pour détourner mes traits, ô mortel qui ne crains pas de converser avec les dieux. Mais, demain, lorsque le dieu du Cynthe aura présenté son disque entier, je te donnerai un gage sûr de souveraineté ."
Sur ces paroles, laissant Numa confondu d'adoration, il est emporté au-delà de l'éther ébranlé, dans un vacarme tonitruant.


Ensuite, une anecdote de Suétone, Caligula 22.3: "Quelques-uns le saluèrent du nom de Jupiter Latial.". Flatterie, assimilé ainsi à Latinus (divinisé sous la forme de Jupiter Latiaris), le père des Latins ? Ou au contraire allusion à sa mégalomanie sanglante ? Voire les deux à la fois...

Enfin, le récit du déclenchement de la guerre des Alliés par Florus III.19:
Les révoltés décidèrent d'abord d'immoler sur le mont Albain, le jour des féries latines, les consuls Julius César et Marcius Philippus, au milieu des sacrifices et des autels. Le secret de cette conjuration criminelle ayant été trahi, toute la fureur des conjurés éclata dans Asculum, où pendant la célébration des jeux ils égorgèrent tous les représentants de Rome qui s'y trouvaient. Ce fut le serment par lequel ils s'engagèrent dans cette guerre impie.
S'agit-il d'une image ? Ou au sens propre, l'exécution des consuls transformés en victimes ? Dans le premier cas, l'accent est mis sur l'horreur et l'impiété des Italiens, et présage donc leur future défaire. A l'inverse dans le second, l'acte est fort, il s'agit d'une assimilation des consuls à des criminels, et à se titre remplacent "légalement" dans le sanctuaire fédéral les autres victimes prévues.

D'autant que Tertullien ne mentionne pas vraiment un sacrifice humain, mais le massacre d'un gladiateur par des fauves (un bestiaire), qui plus est un criminel (mali hominis). Ce qui est très différent dans sa conception, même si l'aspect religieux et rituel n'en est pas amoindri pour autant.

L'un dans l'autre, les jeux de gladiateurs sont monnaies courantes aux Féries latines. Et au final, nous assisterions à un petit épisode parmi tant d'autres (quatre jours de fêtes bien remplies, la plupart du temps bon enfant avec même des jeux de balançoires !), l'exécution d'un criminel, la divinité appliquant elle-même la sentence par l'intermédiaire de ses fauves.
Et cela expliquerait que même un païen (un peu étrange certes, mais païen quand même) comme Porphyre y fasse référence comme d'un fait.

Bref, dans l'expectative. Si quelqu'un a d'autres éléments.


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Message Publié : 02 Oct 2009 23:27 
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Eginhard
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Thersite a écrit :

Et cela expliquerait que même un païen (un peu étrange certes, mais païen quand même) comme Porphyre y fasse référence comme d'un fait.

.


En matière d'évocation de sacrifices humains , Porphyre "ratisse large" et en décrit un peu partout :
Citer :
Les histoires sont remplies de ces faits : nous en rapporterons quelques-uns qui suffisent pour prouver ce que nous avons avancé. On sacrifiait à Rhodes un homme à Saturne le 6 du mois Metagectmon[8]; et cette coutume après avoir subsisté longtemps fut enfin changée. On conservait en prison jusqu'à la fête de Saturne un de ceux qui avaient été condamnés à mort et le jour de la fête on menait cet homme hors des portes vis-à-vis l'hôtel du bon conseil, et après lui avoir fait boire du vin, on l'égorgeait. Dans[9] Salamine qu'on nommait autrefois Coronis, pendant le mois appelé par les Cypriens Aphrodisium on sacrifiait un homme à Agraule fille de Cécrops et dela Nymphe Agraulis. Cette coutume dura jusqu'au temps de Diomède, où elle fut changée. On sacrifia un homme à Diomède. Le temple de Minerve, d'Agraule et de Diomède était enfermé par une même muraille. Celui qui devait être sacrifié était mené par de jeunes gens : il faisait trois tours autour de l'hôtel en courant ; le prêtre ensuite le frappait d'un coup de lance dans l'estomac et le brûlait après cela tout entier sur un bûcher.

LV. Ce sacrifice fut aboli par Diphile roi de Chypre vers le temps de Séleucus le théologien : il changea cet usage en celui de sacrifier un bœuf et le démon agréa ce bœuf à la place de l'homme. Amosis supprima le sacrifice des hommes à Heliopole d'Égypte, comme le témoigne Manethon dans son livre de l'Antiquité et dela Piété. On les sacrifiait à Junon : on les examinait pour savoir s'ils étaient sans imperfection, de même qu'on aurait fait un veau, et on les scellait. On en immolait trois. Amosis ordonna qu'on leur substituerait trois figures d'homme faites de cire. Dans l'île de Chio et à Ténédos on sacrifiait un homme à Bacchus le cruel et on le mettait en pièces comme le dit Evelpis de Caryste. Apollodore rapporte aussi que les Lacédémoniens sacrifiaient un homme au dieu.

LVI. Les Phéniciens dans les grandes calamités soit de guerre, soit de sécheresse, soit de famine, sacrifiaient ce qu'ils avaient de plus cher à Saturne ; et ce sacrifice se faisait en conséquence d'une délibération publique. L'histoire phénicienne est pleine de ces sacrifices. Sanchoniathon l'a écrite en langue phénicienne et Philon de Biblos l'a traduite en Grec en huit livres. Istre dans le recueil qu'il a fait des sacrifices de Crète rapporte qu'autrefois les Curètes sacrifiaient des enfants à Saturne. Pallas qui de tous les auteurs est celui qui a le mieux écrit sur les mystères de Mythra, prétend que les sacrifices humains ont été presque abolis partout sous l'Empire d'Adrien. On sacrifiait autrefois à Laodicée de Syrie une vierge à Pallas : présentement on lui sacrifie une biche. Les Carthaginois qui habitent l'Afrique sacrifiaient aussi des hosties humaines : ce fut Iphicrate qui les abolit. Les Dumatiens, peuples de l'Arabie, sacrifiaient tous les ans un enfant et l'enterraient sous l'autel qui leur servait de représentation de la divinité. Philarque rapporte que tous les Grecs, avant que d'aller à la guerre, sacrifiaient des hommes. Je ne dis rien ni des Thraces, ni des Scythes, ni comment les Athéniens ont fait mourir la fille d'Ericthée et de Praxithée. Qui ne sait que présentement à Rome même, à la fête de Jupiter Latialis, on immole un homme? ....
....Encore aujourd'hui en Arcadie aux fêtes des Lupercales, et à Carthage, on sacrifie des hommes en certain temps de l'année ...


La plupart de ces évocations sont au passé , sauf les 3 dernières qu'il prétend encore en vigueur à son époque.


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Message Publié : 02 Oct 2009 23:56 
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Jean-Pierre Vernant
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Cette note dans Tite Live I, XXXI me semble suspecte : (8) On dit même que Tullus, ayant découvert, en feuilletant les livres de Numa, le récit de certains sacrifices secrets institués en l'honneur de Jupiter Elicius, se cacha pour vaquer à ces mystérieuses cérémonies; mais qu'ayant négligé, soit dans les préparatifs, soit dans la célébration, certains rites essentiels, il n'évoqua le fantôme d'aucune divinité; que Jupiter, irrité, au contraire, de semblables profanations, frappa de sa foudre le prince et le palais, et les consuma tous deux.

Le mystère entourant ces sacrifices nous laisse malgré tout entrevoir la complexité des rites présidant à leur exécution. Les Romains avaient en tête l'aspect éminemment sacré du sacrifice, qui s'il n'était pas réalisé de manière correcte les risques devenaient terribles.

[10,38] XXXVIII. - Après cette année, il y eut un consul, Lucius Papirius Cursor, remarquable et par la gloire de son père et par la sienne, une guerre très importante, et une victoire telle que personne, jusqu'à ce jour, n'en avait remporté d'aussi grande sur les Samnites, sauf Lucius Papirius, le père du consul. Et par hasard, faisant le même effort et les mêmes préparatifs qu'alors, les Samnites avaient paré la guerre de toute la richesse d'armures remarquables, et recouru à la puissance des dieux, en faisant, en quelque sorte, par un certain rite antique du serment, de leurs soldats des initiés. On leva des troupes dans tout le Samnium, suivant une loi nouvelle disant que tout mobilisable qui n'aurait pas rejoint l'armée suivant l'édit des généraux, ou qui l'aurait quittée sans leur ordre, aurait sa tête consacrée à Jupiter. Puis l'armée entière fut convoquée à Aquilonia. Environ quarante mille soldats, ce qu'il y avait de plus robuste clans le Samnium, s'y réunirent. Là, vers le milieu du camp, on établit, avec des claies et des panneaux, un enclos qu'on couvrit de toiles de lin ; il avait tout au plus deux cents pieds en tous sens. En ce lieu, suivant ce qu'on avait lu dans un vieux livre de lin, on sacrifia, le prêtre étant un certain Ovius Paccius, homme âgé, qui affirmait emprunter cette cérémonie aux vieilles pratiques samnites qu'avaient observées leurs aïeux, quand ils avaient projeté secrètement d'enlever Capoue aux Étrusques. Le sacrifice achevé, le général fit appeler, par un huissier, tous les hommes les plus connus par leur famille et leurs exploits ; on les introduisit un à un. Il y avait là, outre l'appareil d'une cérémonie propre à pénétrer l'âme d'émotion religieuse, dans cette enceinte entièrement couverte, au milieu, des autels, tout autour, des victimes égorgées, et, à l'entour, des centurions, l'épée nue. On faisait approcher l'arrivant des autels plutôt comme une victime que comme participant au sacrifice, et on le liait par le serment de taire ce qu'il aurait vu et entendu en ce lieu ; puis on le forçait à prononcer une formule, vraiment effrayante, d'imprécations contre sa tête, sa famille et sa race, pour le cas où il n'aurait pas marché au combat, là où ses généraux l'auraient conduit, où il se serait enfui lui-même de la bataille, ou bien, voyant fuir quelqu'un, ne l'aurait pas tué sur-le-champ. Au début, certains, refusant de prêter ce serment, furent égorgés autour des autels ; et ensuite leurs cadavres, gisant au milieu des corps des victimes, apprirent aux autres appelés à ne pas refuser. Les principaux des Samnites enchaînés par cette imprécation, le général en désigna dix ; on leur dit de choisir chacun un homme, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on atteignît le nombre de seize mille. Leur légion fut appelée légion de lin, du nom de la couverture de l'enclos dans lequel la noblesse avait été consacrée, on donne à ses membres des armures remarquables, et des casques à aigrettes, pour qu'ils dépassent les autres combattants. Le reste de l'armée compta un peu plus de vingt mille hommes, qui, ni pour leur aspect, ni pour leur réputation militaire, ni pour leur équipement, n'étaient inférieurs à la légion de lin. Tel fut le nombre des hommes - ce qu'il y avait de plus fort chez les Samnites - qui se réunirent à Aquilonia.

Cette autre citation de Tite Live me semble particulièrement troublante surtout en ce qui concerne l'exécution d'hommes mis dans la confidence d'un sacrifice abject. En tout cas l'auteur précise bien qu'il s'agit d'une tradition Samnite et non romaine... :mrgreen:

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Message Publié : 03 Oct 2009 0:05 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Thersite a écrit :
Si on prend le cas romain : le sacrifice est édicté par les livres sibyllins, qui fixent un cérémoniel précis, définit les victimes (pas n’importe quoi, mais un couple de grecs et un de gaulois), précise le lieu (le forum boarium, le plus ancien)…


Cette citation de Tite Live montre combien l'auteur est décontenancé par le rituel car il précise que c'est une cérémonie religieuse bien peu romaine. Les sacrifices humains ont toujours mis l'éthique romaine mal à l'aise, comme la cruauté dans les châtiment (voir l'écartèlement de Mettius).

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Message Publié : 03 Oct 2009 10:23 
C'est marrant les historiens semblent -ils ne savent pas lire ? ou les amateurs historiens.

le texte qui suit veut dire

MOISE ETAIT CANNIBAL

LEVITIQUE 27.1 L'Éternel parla à Moïse, et dit: 27.2 Parle aux enfants d'Israël, et tu leur diras: Lorsqu'on fera des voeux, s'il s'agit de personnes, elles seront à l'Éternel d'après ton estimation. 27.3 Si tu as à faire l'estimation d'un mâle de vingt à soixante ans, ton estimation sera de cinquante sicles d'argent, selon le sicle du sanctuaire; 27.4 si c'est une femme, ton estimation sera de trente sicles. 27.5 De cinq à vingt ans, ton estimation sera de vingt sicles pour un mâle, et de dix sicles pour une fille. 27.6 D'un mois à cinq ans, ton estimation sera de cinq sicles d'argent pour un mâle, et de trois sicles d'argent pour une fille. 27.7 De soixante ans et au-dessus, ton estimation sera de quinze sicles pour un mâle, et de dix sicles pour une femme. 27.8 Si celui qui a fait le voeu est trop pauvre pour payer ton estimation, on le présentera au sacrificateur, qui le taxera, et le sacrificateur fera une estimation en rapport avec les ressources de cet homme.
27.28 Tout ce qu'un homme dévouera par interdit à l'Éternel, dans ce qui lui appartient, ne pourra ni se vendre, ni se racheter, que ce soit une personne, un animal, ou un champ de sa propriété; tout ce qui sera dévoué par interdit sera entièrement consacré à l'Éternel.

27.29 Aucune personne dévouée par interdit ne pourra être rachetée, elle sera mise à mort.

BIBLE trad L. SEGOND


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Message Publié : 03 Oct 2009 11:14 
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Eginhard
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Inscription : 21 Juin 2006 16:38
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MATHILDE 22 a écrit :
C'est marrant les historiens semblent -ils ne savent pas lire ? ou les amateurs historiens.


Mathilde , je ne comprends pas votre remarque : vous avez ouvert un sujet intitulé "les sacrifices humains dans l'Antiquité" ; des personnes ayant de bonnes connaissances en la matière ( je ne me compte pas parmi elles ) vous répondent , puis se répondent mutuellement par rapport à leurs désaccords . C'est un bon fil de discussion. Entre temps , vous nous proposez un texte biblique évoquant selon vous des sacrifices humains ; personne ne vous a répondu pour l'instant .Peut être parce qu'on ne commente pas un texte appartenant à la tradition religieuse , comme on le fait avec des textes d'auteurs connus de l'Antiquité ( ce n'est pas le même exercice )


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Message Publié : 03 Oct 2009 11:19 
en fait ça veut dire que :

soit les ecclesiastiques de l'epoque, n'ont pas fait attention à ce genre de menu détails,

soit tout l'empire romain pratiquait communément ce genre de sacrifice humain

et tous les historiens ont falsifiés l'histoire, ont trahit l'honneur de l'historien c'est à dire la vérité.


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Message Publié : 03 Oct 2009 11:26 
en fait je ne m'adresse pas forcément à vous,
d'ailleurs il est possible que vous n'ayez pas même lu ce texte

ceci dit il me semble, que l'on peut considerer, le livre le plus répandu sur la terre, comme une référence.

Par contre je m'adresse aux historiens spécialisés dans cet époque
qui nous ont forcément menti.


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Message Publié : 03 Oct 2009 11:29 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Sortez les violons ; l'histoire ce n'est pas le Da vici code. Si les textes sacrés font référence de manière détournée à de prétendus sacrifices humains cela peut être également dû à une tradition beaucoup plus ancienne que l'Empire lui même. Je n'y connais pas grand chose en théologie et en histoire des religions, mais une chose semble admise ; le sacrifice humain a existé dans l'antiquité, dans des cas très particuliers, mais il posait un problème éthique majeur aux Romains. Après que les Pères de l'Église n'aient pas voulu insister sur des éléments du texte appartenant à des pratiques anciennes et peut être anachroniques n'est pas très étonnant. Après, sans vouloir créer la polémique car c'est loin d'être mon intention, tu ne tueras point me semble également y apparaitre... et pourtant... Tout cela pour dire que le texte sert de base à la construction d'une foi et le dogme se constitue autour d'interprétations. (Excusez cet écart, je ne souhaite agresser aucune sensibilité).

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Message Publié : 03 Oct 2009 11:41 
vous niez seulement l'evidence.

vous dites que la religion n'a rien à voir avec l'histoire,

pourquoi pas ?

le fait qu'on sacrifie des enfants, n'a rien à voir avec l'histoire.

qu'un livre ou l'on dit ne tuez point
quand ça n'a vraiment aucune importance de tuer

quelqu'un (homme femme enfant vieillard) destiné ou voué au sacrifice
un etranger qui ne veut pas suivre le culte national
quand il s'agit d'une femme adultère
quand il s'agit de quelqu'un qui est contre la religion nationale
etc....etc.... (voir tous les appels au meurtre de la bible)


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Message Publié : 03 Oct 2009 11:59 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Mais qu'est-ce que c'est que ce charabia ?
Vérité ! Evidence ! Mensonge ! Falsification ! :rool:

Et c'est quoi la Révélation ? Ah oui...
"MOISE ETAIT CANNIBAL"

J'ai beau lire et relire le texte, je ne vois mais alors vraiment rien qui le relie au cannibalisme...

Avec le sacrifice humain peut-être ? Mmh, ben nan, même pas vraiment. Ils sont consacrés, pas exécuté (à moins qu'il existe aussi un moyen d'égorger un champs...). La précision "aucun article ne sera repris ni échangé" est simplement garantit par la dernière phrase : donner c'est donner, reprendre c'est voler. Si t'insistes, on tranche et t'auras quand même rien. Il est question de mise à mort dans ce cas, pas de sacrifice (quel est le terme hébreu exact employé ?). D'ailleurs, le simple fait de le préciser montre bien que l'on a le temps de se repentir, donc que le consacré n'est pas sacrifié.

Ca me rappelle un peu une formule hellénistique d'affranchissement du sanctuaire de Delphes. La femme était affranchie, mais n'était pas maître pour autant de sa future progéniture : elle devait soit l'élever, soit le tuer, mais pas le vendre. Là aussi la mort est la seule alternative par rapport au sacré. Même si le contexte et le rapport sont vraiment lointains...

T'en a d'autres des révélations de ce style ?


Dernière édition par Thersite le 03 Oct 2009 12:03, édité 1 fois.

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Message Publié : 03 Oct 2009 12:01 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Je vous réponds Mathilde par "conscience professionnelle", mais je ne souhaite même pas entamer le débat ; si vous avez des griefs contre la religion, vous êtes priée de ne pas polluer ce forum avec vos attaques qui ne sont en rien en rapport avec l'histoire. Vous critiquez le travail des historiens alors que vous ne suivez même pas la moindre rigueur scientifique. La théorie du complot encore et toujours trouble des débats passionnants... C'est affligeant.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 03 Oct 2009 12:03 
dans les exemples que vous me citez, on ne parle que de meurtre, de sacrifices et pas du contraire.


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