Madameboevarix a écrit :
Plusieurs chercheurs mettent cette imitation en relation avec le mercenariat des Gaulois pour le compte de cités grecques.
Je doute que ces imitations aient un lien avec le mercenariat.
- les mercenaires sont d'origine variée (Italie, Balkans, Gaule, plus tard Galates d'Asie), rien ne permet de penser qu'ils proviennent forcément de Celtique.
- Concernant les Grecs en particulier (contrairement aux Carthaginois), l'origine semble davantage Balkanique dans un premier temps, anatolienne dans un second (en particulier pour les armées séleucides et attalides), et non la lointaine Méditerranée Occidentale. Au final, seuls les mercenaires siciliotes peuvent être concernés, mais ceux de Denys sont d'origine italienne, tandis qu'une partie de ceux de ses successeurs peuvent provenir des déserteurs puniques, ou encore une fois d'Italie (puisque leur présence est concomitante à celle de mercenaires étrusques ; je songe à ceux d'Agathocle).
- Rien n'indique que les mercenaires au service des Grecs cherchent à revenir chez eux. Au contraire, les quelques exemples que nous ayons montrent une volonté d'installation (au service des rois d'Egypte, en Macédoine, en Asie Mineure bien sûr)
- enfin, les Philippes sont des monnaies d'or. Il y en a très peu dans le monde grec, des monnaies d'or, les Grecs frappent du bronze ou de l'argent. Par conséquent, sa valeur est très importante. Ce n'est pas une petite solde de mercenaire, c'est une monnaie de commerce, pour le grand commerce qui brasse des sommes importantes. D'où leur emploi généralisé dans tout le monde méditerranéen.
Par conséquent, cette influence me semble surtout le fait des marchands. Si cette monnaie eu tant d'influence, si c'est elle qu'ils ont voulu imité, c'est du fait de sa valeur et de son prestige. Ce n'est pas le seul exemple d'imitation de monnaie commerciales grecques de référence. Plus anciennes, les monnaies de Syracuse au Pégase, qui jouaient le même rôle en Occident avant les frappes d'or macédoniennes, ont ainsi été imitée par certains Celtes sous la forme d'un... hippocampe, l'aile se muant en queue. Voir
L'Hippocampe/Cheval-Poisson.
Par rapport au mercenariat carthaginois par contre, je suis convaincu de l'origine celtique, et même, de l'existence d'un intermédiaire massaliote. En effet, les Celtes et les Ligures forment une part très importante des armées puniques du début du Ve au milieu du IIIe. Ce mercenariat, massif, suppose des ports et une infrastructure de regroupement (il en faut beaucoup d'un coup, à transporter rapidement et en sécurité sur le champs de bataille). Or les Punique n'ont pas de point d'appuis directs en Gaule ou en Italie. La côte et les ports sont sous contrôle phocéen; il aurait été très difficile de recruter, de rassembler puis de transporter des milliers d'hommes en peu de temps en pleine zone massaliote sans leur accord.
Or, au début de la seconde guerre punique, les celto-ligures ne sont plus qu'un reliquat au sein des armées puniques, quelques centaines de ligures cantonnés en Ibérie. Un reste. Car entre temps, Carthage et Massalia se sont brouillés, les Barcides menaçant les intérêts grecs en Ibérie (Héméroscopeion...). Le fameux traité de l'Ebre signé par les Romains ne fait que protéger les dernières positions grecques, essentiellement Emporion. Cette brouille a des conséquence immédiate sur la composition des armées puniques.
Ce scénario permet en même temps de relativiser la soi-disante hostilité continue des Phocéens et des Carthaginois en Occident. En fait, seuls deux conflits sont mentionnés, l'un au VIe (confus, plusieurs mentions décousues et contradictoires mais qui se concentrent dans un laps de temps très court, mais à grande échelle, incluant Corse, Sardaigne et Ibérie), consécutif au renforcement brutal de la présence phocéenne après l"émigration massive de 546. Ensuite, strictement plus rien jusque dans les années 220 et les conquêtes barcides... Entre les deux dates, comme par hasard, Celtes, Ligures (et Elisyces) sont massivement présents dans les armées puniques.