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En ce qui me concerne, je pense le contraire, que les gaulois bien qu’organisés en tribus et clans différent, avaient une conscience de former un ensemble, (de même que les Celtes mais ça c’est encore un débat différent) et qu’il se serait reconnu dans un terme générique comme gaulois. Pour revenir au Grec, je pense que les écrits sont suffisants pour établir qu’ils se reconnaissaient malgré les divisions une identité grecque commune. Les textes même d’Homère qui remontent à l’époque archaïque traitent de cette identité dont on a pourtant du mal à voir des instituons communes. Que cette identité ait produit des résultats politiques plus qu’incertain est un autre débat. Pour les Gaulois (et je reviens aux druides car c’est ce qui à mon sens est le plus probant parmi les autres indices) : il existe une classe intellectuelle (car c’est avant tout cela le rôle des druides) commune à la Gaule avec une éducation analogue (ce qui doit au passant aussi avoir un impact sur l’unité linguistique), se réunissant annuellement en son centre et délibérant d’affaire commune. Tout cela selon César, qu’il l’ait constaté lui-même ou plus vraisemblablement repris d’un autre auteur. Que cette institution n’est pas bien fonctionnée voir soit tombé en désuétude, que la portée politique de cette identité ait été faible à la limite peu importe c’est un autre débat. Pour ma part, ces éléments parmi d’autre font que les Gaulois avaient très probablement conscience comme les Grecs d’avoir une identité commune qui se superposait à leur identité tribale ou clanique. Des ces éléments, j’en tire la conclusion de l’existence sociologique d’un peuple de gaulois qui avait conscience d’exister même si cela n’a jamais débouché sur une unité politique, élément qui n’est pas d’ailleurs pas du tout étonnant vu l’époque (je dirais même que c’est l’inverse qui est exceptionnelle).
Je pense que vous surestimez un peu leur capacité à se projeter à l'échelle d'un tout. Qu'ils se pensent "Gaulois" par rapport à l'étranger devait peut être toucher un peu les élites mais les exemples de l'Histoire que l'on peut relever nous montrent surtout que cette représentation reste marginale avant un certain degré de structuration politique, par exemple dans l'espace français ce n'est pas du tout évident de ce penser en temps que peuple, loin s'en faut. Je serais très étonné que les Gaulois en aient eu une représentation plus forte et plus concrète. Si on prend l'exemple grec je suis d'accord sur leur sentiment d'appartenance, mais cela se passe dans une entité territoriale relativement restreinte et dans des sociétés possédant l'écrit, ce qui peut avoir une certaine importance. D'ailleurs vous noterez que l'identité grecque subsiste à la conquête romaine, notamment dans l'emploi de la langue alors que le celtique décline énormément en Gaule au profit du latin. Bien sûr que la culture et l'individualité gauloise ont influencé Rome et que la romanisation n'a pas été un rouleau compresseur civilisationnel. Néanmoins, au vu du peu qui nous est parvenu, je pense que la fermeté de la conscience d'appartenance à un tout a fait défaut aux Gaulois et que les représentations locales de l'identité sont restées les plus fortes.
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Pour être plus clair, je pense que le lien de la filiation entre les gaulois et les français n’a jamais eu besoin d’être crée par la III République tant elle parait naturelle une fois redécouverts les auteurs antiques. De fait, dès lors que ceux-ci (César surtout, Tite Live…) ont été redécouverts et que l’imprimerie a permis une diffusion plus importante des livres, la redécouvertes des gaulois comme nos ancêtres c’est faite au même rythme que la diffusion des livres d’histoire dans la population (bourgeoisie, classe « moyenne »…)
Maintenant ce sujet des gaulois ayant tous sauf le caractère de polémique (ce n’est qu’à la fin du XXème siècle que certain intellectuels ont semblent-ils découvert ce caractère sulfureux), il est passé de façon plutôt inaperçus en dehors comme le relevait Tolan du nom donné de Vercingérotix, de façon très ponctuelle et marginale.
Maintenant peut être dans ce que vous dites, vous voulez juste dire que le XIX a valorisé de façon officielle nos ancêtre les gaulois (c’est ce que j’ai l’impression que vous dites mais n’hésitez pas à me dire si je n’arrive pas à vous décrypter). Dans ce cas je vous rejoins pour une bonne partie mais admettez que c’est un peu éloigné de « le XIXème siècle a inventé le la légende de nos ancêtre les gaulois ». Il peut paraitre dans ce cas logique que la légitimité du pouvoir n’étant plus divine ni dynastique mais populaire et nationale les origines du peuple français soit célébrés officiellement.
Les seules remarques que je ferais sur ce point c’est le caractère somme toute mesuré de cette célébration (on n’est loin de la celtomania d’autres pays) et ne coïncide pas tout à fait avec le nationalisme de la III République puisque son apogée a lieu sous Louis Napoléon.
D'accord, je comprends mieux ; en fait, de ce que j'en sais, les références aux Gaulois comme origine au peuple français me semble très marginale dans les sources antérieures au XVIIIe siècle (l'allusion de Narduccio sur l'invention des "ancêtres" est peut être plutôt datable en effet du XVIIIe que du XIXe siècle, mais l'idée reste que c'est quelque chose de plutôt récent). Il me semble qu'un peu plus haut un intervenant montrait que Grégoire de Tours n'évoquait pas les Gaulois dans son Histoire par exemple. Adémar de Chabannes que j'ai sur les genoux évoque le fameux mythe Troyen et s'en tient aux Francs.
Ha, je viens de tomber sur quelque chose d'intéressant en potassant :
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C’est au cours du XIXe siècle que les Gaulois sont devenus les ancêtres des Français, principalement sous l’influence de l’action républicaine des années 1880 qui a inscrit dans les manuels scolaires et dans l’esprit des élèves de l’école communale la fameuse formule : « Nos ancêtres les Gaulois. » En fait, les Gaulois étaient présents dans l’imaginaire national au moins depuis la fin du XVe siècle, mais non comme ancêtres obligés. Cet honneur leur était disputé par les Francs au nom d’une très ancienne tradition légendaire et historiographique. L’Historia francorum de Frédégaire, du VIIe siècle, et les Gesta regum francorum, du VIIIe siècle, attestent la circulation de deux versions des origines troyennes des Francs qui ont traversé le Moyen  ge en s’opposant et, parfois, se rejoignant au gré de leurs métamorphoses [5][5] COLETTE BEAUNE, Naissance de la nation France, Paris,.... Pour Frédégaire, l’ancêtre des Francs est un nommé Francion, fils d’un frère d’Énée qui, après la prise de Troie, serait allé fonder un royaume entre Rhin et Danube après avoir battu les Alains. Sa férocité au combat lui a valu son nom de Franc. Il serait apparenté aux Turcs et aux Macédoniens. Pour l’auteur des Gesta, l’ancêtre est Anténor, qui a fui Troie avec une troupe de Troyens pour aller fonder Sycambria, au bord du Danube. Leur victoire sur les Alains leur valut d’être exemptés par l’empereur du tribut qu’ils devaient payer à Rome. Cette franchise leur a donné leur nom de Francs.
http://www.cairn.info/revue-annales-2003-1-page-41.htmEffectivement, cette dualité Gaulois/Francs remet un peu en question ce qui vous semble une évidence.
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« La Gaule comprend grosso modo la plus grande partie du territoire Français, c’est le premier nom historique qui sert à qualifier les habitants de notre pays, la celtisation unifie aussi culturellement un espace dont l’archéologie avait tendance à révéler un espace fragmenté, la population de ce qui deviendra la France est à cette époque constituée. La question de l’apport réel des Celtes (en terme de population) fait débat par rapport au « stock » déjà constitué des populations antérieures, mais elle est sans commune mesure avec les invasions germaniques dont l’apport hors les frontières et zones d’ailleurs faisant maintenant partie de l’Allemagne est négligeable. On peut encore parler du terroir de l’organisation du territoire, du nom d’une bonne partie de nos ville (Paris, Lyon, Limoge, Amiens, ect…) qui date de cette époque. Ce sont les héritages les plus anciens qui nous sont parvenus. »
C’est à mon sens sur ces arguments là que le lien se fait et qui peuvent utilement faire l’objet d’un débat.
En fait cela m'amène à une question ; n'est-ce pas le fait qu'il existe des textes, donc des sources avec lesquelles on peut construire des représentations complexes et parfois mêmes "romantiques", qui fait de l'époque des Gaulois, pour certains d'entre-nous, un socle culturel à l'édification du concept d'Ancêtres? Je m'explique, le territoire est occupé depuis très longtemps, par des communautés sans doute assez structurées dès l'âge du bronze. Or, de cette époque que nous reste-t-il si ce n'est des traces archéologiques, sources "froides" par excellence dans lesquelles il est difficile de se projeter. Comme nous en connaissons peu, ces gens qui peuvent être aussi considéré sur certains critères (que vous vous en doutez je ne partage pas) comme nos ancêtres eux-aussi. Ainsi ce serait l'entrée dans l'Histoire et dans la littérature qui ferait des Gaulois des ancêtres potentiels, plus finalement que nos degrés de parentés. Ce n'est là qu'une réflexion visant à éprouver le concept.
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Pour finir j’ai plein de notion pour aborder l’histoire je n’ai pas de tabou et je ne connais d’ailleurs pas beaucoup de concept, du moment qu’ils sont définis, qui seraient intrinsèquement non scientifique et à l’inverse d’autres qui le seraient.
Oui c'est évident, mais vous sentez vous totalement dégagé de considérations positives d'identification? Est-ce un simple objet d'étude?