Pédro a écrit :
En conséquence c'est sans argument que vous assénez cela? D'ailleurs ne caricaturez pas s'il vous plait mes propos ; je n'ai jamais dit qu'il n'y avait rien de commun entre les Gaulois, je conteste le fait que ce lien fut fort et qu'ils aient eu un sentiment d'appartenance systématisée et bien intégré. Ce que j'ai expliqué dans le message que vous citez. Qu'il ne soit pas institutionnalisé ne fait que renforcer cette idée de floue autour de la notion d'appartenance.
Oui, et malgré la force de leur sentiment d'appartenance à une culture commune, renforcée par la "communauté intellectuelle" de tradition écrite l'absence d'unité politique conduit à des difficultés dans le fait d'aborder la défense contre l'ennemi perse. Or que voyons nous chez les Gaulois face à César ; des révoltes ponctuelles, liées à une menace directe ou des risques pour les intérêts locaux. L'union imparfaite n'intervient qu'après huit ans de guerre... Cela me rappelle davantage ce qui se produit quelques temps plus tard en Germanie, quand Arminius écrase les légions de Varus ; a-t-on assisté à une marche à l'unité du "peuple germanique"? Et pourtant quels cousinages linguistiques et culturels là aussi...
Oui, mais cela reste des écrits d'un auteur légèrement engagé et qui, je pense, n'a peut être pas trop envie non plus de livrer les aspects les plus triviaux des relations entre les adversaires. Est-ce honorable de voir se lever des anciens alliés parce que l'autorité romaine commence à menacer leurs intérêts stratégiques?
Pour essayer de faire avancer la discussion, je vais essayer de recentrer le débat sur ce qui me semble le sujet c'est-à-dire l’affirmation par certains du caractère mythique de la formule « nos ancêtres les gaulois ».
Si je résume votre pensée (corrigez-moi si je caricature), les habitants de ce que César appelaient la Gaule, sont avant tout des tribus autonomes, qui même si elles partageaient une culture commune et pouvaient avoir quelques liens par ailleurs, n’avaient pas clairement conscience de leur identité propre. De façon concrète le peuple gaulois n’existait pas, c'est-à-dire que si on interrogeait un gaulois de cette époque il ne se serait aucunement reconnu dans la désignation de gaulois, ne concevant pas une identité plus haute que tribal ni n’aurait conçu de solidarités particulières avec d’autre tribus gauloise. Ce serait un peu comme le concept d’indo-européens : malgré leur point commun ni les celtes, ni les grecs, ni les germains, ni les slaves n’ont jamais eu conscience de former un peuple commun.
En ce qui me concerne, je pense le contraire, que les gaulois bien qu’organisés en tribus et clans différent, avaient une conscience de former un ensemble, (de même que les Celtes mais ça c’est encore un débat différent) et qu’il se serait reconnu dans un terme générique comme gaulois. Pour revenir au Grec, je pense que les écrits sont suffisants pour établir qu’ils se reconnaissaient malgré les divisions une identité grecque commune. Les textes même d’Homère qui remontent à l’époque archaïque traitent de cette identité dont on a pourtant du mal à voir des instituons communes. Que cette identité ait produit des résultats politiques plus qu’incertain est un autre débat. Pour les Gaulois (et je reviens aux druides car c’est ce qui à mon sens est le plus probant parmi les autres indices) : il existe une classe intellectuelle (car c’est avant tout cela le rôle des druides) commune à la Gaule avec une éducation analogue (ce qui doit au passant aussi avoir un impact sur l’unité linguistique), se réunissant annuellement en son centre et délibérant d’affaire commune. Tout cela selon César, qu’il l’ait constaté lui-même ou plus vraisemblablement repris d’un autre auteur. Que cette institution n’est pas bien fonctionnée voir soit tombé en désuétude, que la portée politique de cette identité ait été faible à la limite peu importe c’est un autre débat. Pour ma part, ces éléments parmi d’autre font que les Gaulois avaient très probablement conscience comme les Grecs d’avoir une identité commune qui se superposait à leur identité tribale ou clanique. Des ces éléments, j’en tire la conclusion de l’existence sociologique d’un peuple de gaulois qui avait conscience d’exister même si cela n’a jamais débouché sur une unité politique, élément qui n’est pas d’ailleurs pas du tout étonnant vu l’époque (je dirais même que c’est l’inverse qui est exceptionnelle).
Pédro a écrit :
Soyez dubitatif, je sais à quel saint me vouer sur cette question. Sinon je ne vois pas en quoi l'auteur évoque quelque chose de "préparé", il parle d'une forme de réaction face à l'adversité du temps ; les auteurs (pourquoi le roi?!) pétri de culture et d'Humanités cherchent dans leurs connaissances des éléments pour nourrir leurs réflexions sur leur époque. L'image du gaulois fier et courageux est pratique et opportune pour s'en faire un ancêtre résistant aux ennemis du pays.
L'idée d'une mode venue de la diffusion de livres d'Histoire je ne sais pas trop où vous la pêchez... "diffusion dans la population de livres d'Histoire"???
Je me demande si notre incompréhension ne provient pas du fait que nous ne parlons pas de la même chose.
L’affirmation posée par le sujet est que « nos ancêtres les gaulois est un mythe ». Ce mythe aurait été crée au XIXème siècle, et même de façon plus précise par la propagande de la IIIème République. J’en déduis peut être naïvement (et si je caricature, je vous prie de m’excuser par avance) qu’auparavant il n’était nullement question que les gaulois étaient nos ancêtres (voir que les français ne connaissaient même par ce terme). Concrètement se serait les enseignants de la III République qui auraient par le biais de l’école, créés et propagés ce mythe.
C’est en tenant compte de cela que je me suis interrogé sur comment ce mythe a pu être utilisé au XVIIIème siècle avant qu’il ne fut créée formellement par la III République. Et de ce fait qui aurait pu créer ce mythe ?
La raison première de ma contestation de cette affirmation est une expérience personnelle. Mon père avait une maison familiale dans la campagne profonde où il y’avait une bibliothèque. Celle-ci comprenait des vieux livres dont un certains nombre du XVIIIème siècle et début XIXème siècle. Comme je m’ennuyais comme un rat mort dans cette maison j’ai appris à les lire et j’ai poursuivis cette habitude lorsque je suis invité chez des personnes qui ont ce même genre de bibliothèque familiale. On y trouve souvent les mêmes choses : 2/3 environ de livres religieux, puis des ouvrages savants avec dans l’ordre de popularité des livres d’histoire, de science et de philosophie ou d’auteurs anciens. Pour les livres d’histoire j’avais parlé de l’histoire de France d’Anquetil du début XIXème siècle que j’ai retrouvé régulièrement et qui est à mon avis une bonne synthèse des livres d’histoire de l’époque. Or (j’arrive à la conclusion de cette digression) j’ai systématiquement vu les gaulois déjà présenté comme nos ancêtres. Il figurait généralement au premier chapitre (dans certains livres le premier chapitre était occupé par l’histoire Adam et Eve, avant de faire le lien avec les nations historiques et bibliques, puis arrivait les gaulois) et reprend en grande partie de façon littérale le livre de César.
C’est là que provient mon incompréhension de l’affirmation que c’est au XIXème siècle qu’à été créé ce mythe par la IIIème République alors qu’on la retrouve bien avant. Pour ma part, celle-ci ne fait que reprendre ce qui se disait avant, avec les sources littéraires puis (comme pour les autres champs historiques), elle fait évoluer nos connaissances avec les apports modernes et critiques de la linguistique et de l’archéologie (Camille Julien, Albert Grenier….). Je ne vois aucune spécificité de la IIIème République en la matière.
« L'idée d'une mode venue de la diffusion de livres d'Histoire je ne sais pas trop où vous la pêchez... "diffusion dans la population de livres d'Histoire"??? »
Pour être plus clair, je pense que le lien de la filiation entre les gaulois et les français n’a jamais eu besoin d’être crée par la III République tant elle parait naturelle une fois redécouverts les auteurs antiques. De fait, dès lors que ceux-ci (César surtout, Tite Live…) ont été redécouverts et que l’imprimerie a permis une diffusion plus importante des livres, la redécouvertes des gaulois comme nos ancêtres c’est faite au même rythme que la diffusion des livres d’histoire dans la population (bourgeoisie, classe « moyenne »…)
Maintenant ce sujet des gaulois ayant tous sauf le caractère de polémique (ce n’est qu’à la fin du XXème siècle que certain intellectuels ont semblent-ils découvert ce caractère sulfureux), il est passé de façon plutôt inaperçus en dehors comme le relevait Tolan du nom donné de Vercingérotix, de façon très ponctuelle et marginale.
Maintenant peut être dans ce que vous dites, vous voulez juste dire que le XIX a valorisé de façon officielle nos ancêtre les gaulois (c’est ce que j’ai l’impression que vous dites mais n’hésitez pas à me dire si je n’arrive pas à vous décrypter). Dans ce cas je vous rejoins pour une bonne partie mais admettez que c’est un peu éloigné de « le XIXème siècle a inventé le la légende de nos ancêtre les gaulois ». Il peut paraitre dans ce cas logique que la légitimité du pouvoir n’étant plus divine ni dynastique mais populaire et nationale les origines du peuple français soit célébrés officiellement.
Les seules remarques que je ferais sur ce point c’est le caractère somme toute mesuré de cette célébration (on n’est loin de la celtomania d’autres pays) et ne coïncide pas tout à fait avec le nationalisme de la III République puisque son apogée a lieu sous Louis Napoléon.
Enfin sur la question de la pertinence de cette affirmation (ce n’est pas parce qu’elle est ancienne qu’elle est juste pourriez-vous très justement me dire), j’ai déjà répondus sur la question du peuple dans ce même message et sur celle des liens entre les gaulois et les français dans un précédant message que je re-cite ci-dessous :
« La Gaule comprend grosso modo la plus grande partie du territoire Français, c’est le premier nom historique qui sert à qualifier les habitants de notre pays, la celtisation unifie aussi culturellement un espace dont l’archéologie avait tendance à révéler un espace fragmenté, la population de ce qui deviendra la France est à cette époque constituée. La question de l’apport réel des Celtes (en terme de population) fait débat par rapport au « stock » déjà constitué des populations antérieures, mais elle est sans commune mesure avec les invasions germaniques dont l’apport hors les frontières et zones d’ailleurs faisant maintenant partie de l’Allemagne est négligeable. On peut encore parler du terroir de l’organisation du territoire, du nom d’une bonne partie de nos ville (Paris, Lyon, Limoge, Amiens, ect…) qui date de cette époque. Ce sont les héritages les plus anciens qui nous sont parvenus. »
C’est à mon sens sur ces arguments là que le lien se fait et qui peuvent utilement faire l’objet d’un débat.
Pédro a écrit :
J'ai d'autres termes et concepts pour le penser que ceux qui appartiennent au registre de la famille et de la lignée. Parce que si ce sont là tout vos concepts pour aborder l'Histoire ils sont un peu désuets.
Pour finir j’ai plein de notion pour aborder l’histoire je n’ai pas de tabou et je ne connais d’ailleurs pas beaucoup de concept, du moment qu’ils sont définis, qui seraient intrinsèquement non scientifique et à l’inverse d’autres qui le seraient.
Pour la question de la désuétude, j’aurais tendance à penser que l’introduction de la génétique des populations dans l’histoire la rend au contraire beaucoup plus moderne mais c’est autre débat.