Nicolas L. a écrit :
maintenant, je ne suis pas dupe, les œuvres qui ont survécu sont sûrement les plus importantes pour l'immense majorité, et celles qui ont disparu ont subi ce sort sans doute, dans leur immense majorité, par pure sélection darwinienne... mais tout de même!
Je me permet de m'élever contre cette prétendue sélection qui aurait fait disparaitre en priorité les œuvres les moins intéressantes, simplement parce que c'est faux.
Premièrement, il y a des œuvres qui ont mal résisté aux épreuves du temps simplement parce qu'elles n'ont pas eu la chance d'être entreposées dans de bonnes conditions. En fait, il faut un air sec et peu de lumière. Or, les ouvrages les plus consultés, les plus utilisés sont justement ceux qui ont été le plus exposés aux éléments. Comme on les consultaient souvent, ils n'ont pas été stockés dans des conditions idéales, ils se sont donc détériorés en premier.
Il y a ensuite les lieux de stockages et de conservations, plus ils sont secs, mieux c'est. Donc, les œuvres qui ont eu la chance de se retrouver dans des bibliothèques situées dans des pays secs ont eu plus de chances d'arriver jusqu'à nous.
Mais cela peut être contrebalancé par la rigueur religieuse de certains. Quand des extrémistes ont pourchassé les "œuvres du diable", ils ont rarement fait des tri exhaustifs. Il y a sûrement eu des dommages collatéraux.
Ensuite, dans les périodes où l'usage de certaines langues s'est raréfié, il est possible que certains de ces ouvrages ont été transformés en palimpsestes. Pour un comptable médiéval qui ne parlait pas grec, le parchemin sur lesquels étaient inscrits ces ouvrages avait plus d'importance que ce qui était écrit dessus (et qu'il ne comprenait pas). Mais, une fois que les documents comptables n'ont plus de valeur, le parchemin perdait sa valeur intrinsèque si on ne pouvait plus le réutiliser.
Pour terminer, il y a le goût des diverses époques traversées. Si certains ouvrages ne plaisaient pas au bibliothécaire qui cherchait à casser de nouveaux ouvrages, ceux-ci pouvaient très bien se retrouver au milieu des déchets.
La sélection darwinienne suppose que ce soient les plus aptes qui survivent, ou plutôt que la sélection élimine les moins aptes à occuper la case sélective considérée. L'utilisation du terme "sélection darwinienne" dans le cas des ouvrages perdus semblerait indiquer que vous pensez que ce sont les meilleurs ouvrages qui auraient survécus aux outrages du temps. En fait, il vaudrait mieux évoquer le hasard qui semble plus déterminant qu'une quelconque sélection. Certains auteurs anciens vantent la qualité d’œuvres d'auteurs encore plus anciens. Dans certains cas, aucun des textes évoqués n'est arrivé jusqu'à nous et nous ne connaissons ces auteurs que par des œuvres qui furent considérées comme mineures par les contemporains. Si ces œuvres "mineures" nous paraissent admirables, comment juger de la qualité de ce qui a disparu ? Devons-nous nous fier exclusivement au choix des contemporains ? Ou devons-nous porter une regard critique sur ces appréciations ?
Pourquoi un regard critique ? Car nous connaissons des œuvres du XVIIème, du XIXème ou du XXème dont les contemporains ont vanté les mérites, mais dont nous jugeons aujourd'hui qu'elles ne valaient que par un effet de mode...