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Message Publié : 29 Jan 2013 17:48 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 22 Sep 2005 18:53
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Bonjour

Diviacus a écrit :
"Les femmes guerrières" font partie des fantasmes séculaires.

Yongle a écrit :
Pas du tout. Il y en a toujours eu. Même aujourd'hui.


Le problème n'est pas de savoir si il y a eu des femmes guerrières ou non.
En effet, nous avons de très nombreuses sources à travers l'histoire qu'il y a eu des "femmes guerrière".

Les vrais questions sont :

- leur présence dans les troupes était-elle systématique ou (très ) épisodique ?
- leur nombre dans les différentes "unités" était-il le même que chez les hommes.
- leur rôle, dans la conduite de la guerre, était il le même que chez les hommes ou ne les voyaient-on que dans la défense d'un campement ou d'une ville.

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Hugues de Hador.


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Message Publié : 29 Jan 2013 18:20 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Encore une fois sur ce forum que dit l'ethnologie? On peut enfiler les "preuves" par les textes mais on sait combien les auteurs grecs ou romains ont pu déformer les faits à travers leur seul oeil d'auteur antique. Faire la guerre ne consiste pas seulement dans ces sociétés à prendre une lance et un bouclier et à marcher au combat. Il y a derrière une organisation politico-religieuse. Dans la plupart des sociétés anciennes que je connais on remarque que les jeunes hommes sont placés dans un système de probation rituelle qui les fait passer, par le truchement d'épreuve dont la principale, la guerre, de l'enfance à l'âge adulte. On en voit des formes "édulcorées" en Grèce et à Rome mais tout à fait prégnante en Germanie. L'homme libre dans ces sociétés est un homme en arme. Presque tout le fonctionnement social de l'homme dans sa société est concentré vers ce but, c'est "l'être pour la guerre" de Pierre Clastres.
Ce que l'on semble remarquer chez les Celtes c'est que le rôle de la femme dans la société et notamment dans les rôles de pouvoir, est loin d'être négligeable. Pour autant leur place n'est en rien prépondérante dans la bataille. Si on regarde un sanctuaire comme Ribemont sur Ancre il ne me semble pas qu'il y ait une seule femme retrouvé parmi les morts. Le rôle féminin dans les sociétés dites indo-européennes est souvent associé à un principe magique qui ne peut être brigué par l'homme, qui en détient un différent. C'est ce qui explique le rôle de devin des femmes germaniques que l'on remarque chez Tacite par exemple.
Pour y voir plus clair est-ce qu'une bonne âme pourrait nous poster les textes incriminés afin de pouvoir creuser un peu la question?

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 29 Jan 2013 21:10 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
Message(s) : 3419
Erc a écrit :
Si ce que vous dites est vrai, alors les Celtes habitant la Belgique de l'époque n'en était pas, et qu'ils étaient tous germains, car ne dit-on pas qu'ils étaient parents ? :D

Les peuples belges se disaient eux même d'origine germanique... du moins d'après les dires de Jules César (Guerre des Gaules, II, 4). Ce que l'archéologie nous démontre d'après de nombreux indices convergents, c'est qu'au IIIe siècle avant JC, il y'aurait eu immigration de petits groupes dont le noyau a dû être constitué par des individus issus du milieu danubien (Cf. "Les Celtes" de Venceslas Kruta). Pour le reste, savoir si un peuple était gaulois ou germains n'est pas évident. Les nerviens présentes des caractéristiques qui laisseraient penser qu'ils étaient germains ou en tout cas fortement influencés par la culture germanique. Tandis que les rêmes semblent avoir été plus proches des gaulois que des germains. Ils seraient issus d'un groupe marnien homogène et peu influencés par les nouveaux arrivants danubiens du IIIe siècle.

Erc a écrit :
Mais, revenant sur le camarade Skipp, je voudrais savoir ce que pour vous signifie le mot "celtique" ? A quel pays arrêtez-vous son étendue ?

J'appliquerai le terme "celtique" aux peuples de culture celte, de langues celtes. Nous sommes d'accord que nous ne connaissons pas toutes les variantes des langues parlaient par les peuples ouest européens. L'archéologie nous donne des indices de la culture d'un peuple via les artefacts découverts lors des fouilles. Mais l'on trouve parfois des influences qui font qu'il n'est pas facile de classer un peuple parmi une culture bien définie. Comme il l'a été dit sur d'autres fils de discussions c'est avant tout Jules César qui dans un but politique a décidé de tracer artificiellement la limite entre gaulois et germains par la frontière du Rhin. La réalité plus probable est qu'il devait y avoir des peuples gaulois en Germanie (c'est ce que l'on suppose des teutons) et des peuples germains en Gaule Belge (nerviens, atrebates).

Les cimbres seraient eux originaires du Jutland, au nord du Danemark actuel, donc dans une zone de peuples germains depuis le VIIIe siècle. Au IIe siècle, les artefacts découverts au Danemark ne sont, à de rares exceptions faites (tel le chaudron de Gundestrup), pas celtes.

Erc a écrit :
De plus, Skipp, je me souviens qu'une des discussions sur le forum portait sur le sens du mot "germain", qui voudrait dire "vrai celte"...

D'après le "Dictionnaire des noms de lieux" de Louis Deroy et Marianne Mulon: "C'est Jules César qui, le premier, dans son bello gallico, a introduit dans l'usage du latin le nom de Germania, qui toutefois n'a pas désigné d'emblée entièrement cette vaste région. Pour César, les Germani étaient les tribus guerrières qui demeuraient à l'est du Rhin. N'ayant fait chez elles qu'une courte incursion, il les connaissait surtout par des informateurs gaulois et parce que certains groupes s'étaient infiltrés vers l'ouest. A ses yeux, ces Germani ne différaient pas essentiellement des Gaulois, mais alors que ceux ci avaient tous été plus ou moins marqués par la civilisation méditerranéenne, les tribus d'Outre Rhin, au contraire, étaient restées plus sauvages, plus belliqueuses, et réfractaires à ce qu'un romain ou un grec pouvait considérer comme le progrès. C'est en se référant à cet état d'esprit qu'il faut expliquer l'emploi de Germanus pour les désigner. Il s'agit de l'adjectif latin germanus, qui signifiait << originel, naturel, authentique, vrai >> et qu'on employait en parlant de populations restées stables et fidèles à leurs origines. [...] Pour César, dans le contexte de sa campagne militaire, les Germani apparaissent comme des gaulois, mais restés dans leur genre de vie antérieur, en somme c'étaient des 'primitifs' au sens ethnologique du terme. Il n'y a pour lui aucune référence linguistique, aucune allusion aux familles de langues que nous appelons celtiques et germaniques". Bref, dans le sens antique du terme un peuple germanique peut être tout aussi bien gaulois que germanique (dans le sens culturel/linguistique actuel). Le terme germanus/germani est bien attesté et on l'a retrouvé dans d'autres textes latins appliqués pour désigner, entre autres, des populations de Campanie ou du nord de la Grèce. Pas pour les désigner comme germaniques mais plutôt dans le sens de peuples ayant préservés d'anciennes traditions, manières de vivre, ayant été moins influencés.

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Skipp


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Message Publié : 30 Jan 2013 9:29 
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Salluste
Salluste

Inscription : 22 Jan 2013 16:31
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Localisation : Helvétie
Les textes mentionnent des femmes qui se battent lors de certaines migrations. A la bataille de Bibracte, les femmes helvètes se battirent aux côtés de leurs hommes comme l'avaient fait les Cimbres et Teutons presque 50 ans avant. Par contre, il n'y a aucune allusion à un quelconque engagement féminin lors de l'invasion de la Grèce et de l'Asie mineure par les Galates. Oubli de l'auteur ou absence réelle de combattantes dans les rangs celtes ?

Il faudrait juste savoir si dans les exemples que j'ai cité si les femmes prenaient part aux comabts dès le départ ou lorsqu'elles voyaient que la situation devenait désespérée. Parce que dans le second cas, il est tout à fait normal de préférer une mort héroïque plutôt que l'humiliation du viol et de l'esclavge/mort par la suite.

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"Malheur aux vaincus !"
"L'amitié est une âme en deux corps" Aristote
"Nertom volutom que, etsi snis karamose"


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Message Publié : 30 Jan 2013 13:12 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 22 Sep 2005 18:53
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Bonjour

La question de départ concerne les celtes (peuple guerrier) mais la même question a souvent été posée concernant les "Peuples Cavaliers" d'Asie centrale.

Depuis les Scythes, en passant par les Sarmates, les Huns, les Türks et les Mongols, jusqu'au Turkmènes du XVIème siècle, il y a des sources (dans la mythologie de ces peuples ou dans d'autres sources plus concretes) que des femmes furent aussi des guerrières.

Malheureusement, aucun fait probant ne vient confirmer cette information et même la découverte d'armes (arc, pointes de flèches, épée) dans les tombes féminines sarmates est une preuve irréfutable que les femmes guerroyaient comme les hommes.

Chez les Mongols de Gengis Khan, en "campagne militaire", et dans certains cas, les femmes (et les vieillards) défendaient le campement.
Enfant, garçons et filles, montaient à cheval et tiraient à l'arc.

Bien à tous.

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Hugues de Hador.


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Message Publié : 01 Fév 2013 20:18 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 01 Fév 2013 20:04
Message(s) : 1
Bonjour,

je m'inscris sur ce forum que j'ai découvert par hasard après avoir visité http://www.copenhague.fr que j'irai visiter en vrai cet été ( je pars à Christiana plus précisément )... et c'est pourquoi je cherchais des infos historiques sur le peuple Danois, sa langue, ses moeurs afin d'acquérir un minimum de culture pour le jour de mon arrivée.

J'ai lu ce sujet en entier et je dois dire que vous avez des savoirs encyclopédiques et que vos discussions sont sacrément intéressantes.

Merci à vous


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Message Publié : 01 Fév 2013 23:02 
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Polybe
Polybe
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Inscription : 03 Août 2011 10:56
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Autres temps, autres lieux, mais concernant aussi des "celtophones"

Voici un extrait qui pourrait vous interesser :
"in non-literary sources I know of only one dubious reference to a female ruler or military leader. This is in a difficult passage in the law-text "bretha Crolige" which lists some categories of women who are particulary important in the tuath, including "the woman who turns back the streams of war" and the "hostage ruler""

extrait de "A guide to early irish law" de Fergus Kelly

Les termes sont peu clairs, les premières étaient peut être des cheftaines guerrières mais aussi peut être tout bêtement des religieuses qui peuvent changer le cours d'une bataille par des prières. Les secondes pouvaient prendre des otages.

En tout cas de ce qui ressort pour l'instant, en Irelande comme partout en Europe au Moyen age, les femmes guerrières semblent soit diriger (par leurs statuts, sans prendre part au combat), soit être des sorcières (qui utilisent prières et magie), le reste est anecdotique.

Je ne trouve rien à propos de ces femmes qui faisaient un "service militaire" dans l'Irlande médiévale, je vais continuer à fouiller

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Ar y vronn wenn vran du // Àr e vronn wenn ur vran du

Sur son sein blanc un corbeau noir


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Message Publié : 02 Fév 2013 9:23 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 22 Sep 2005 18:53
Message(s) : 1947
Bonjour

En me relisant, je viens d'apercevoir que je me suis très mal exprimé

Hugues de Hador a écrit :
Malheureusement, aucun fait probant ne vient confirmer cette information et même la découverte d'armes (arc, pointes de flèches, épée) dans les tombes féminines sarmates est une preuve irréfutable que les femmes guerroyaient comme les hommes.


Je voulais dire :

et même la découverte d'armes (arc, pointes de flèches, épée) dans les tombes féminines sarmates n'est pas une preuve irréfutable que les femmes guerroyaient comme les hommes.

Bien à tous.

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Hugues de Hador.


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Message Publié : 02 Fév 2013 9:36 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Bonjour Hugues de Hador ,
effectivement, en la matière on ne risquera jamais de prouver quoi que ce soit. Néanmoins si l'on trouve des artefacts d'armes de combat ou des marques de pouvoir dans les tombes, ce ne peut être un hasard. Il faut donc tirer les conséquences sans inferer sans aller plus loin que ce qui est certain ; sinon on doit préciser que nous sommes dans l'hypothèse. La limite principale, à mon sens, serait la représentativité de cet élément dans le phénomène "femmes celtes guerrières". Mon avis.
Bien à vous.

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et tout le reste n'est que littérature


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Message Publié : 02 Fév 2013 14:36 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Hugues de Hador a écrit :
et même la découverte d'armes (arc, pointes de flèches, épée) dans les tombes féminines sarmates n'est pas une preuve irréfutable que les femmes guerroyaient comme les hommes.


:mrgreen: Cela m'étonnait aussi.

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Message Publié : 02 Fév 2013 23:29 
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Salluste
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Inscription : 28 Jan 2011 2:34
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Mab an tourc'h a écrit :

Je ne trouve rien à propos de ces femmes qui faisaient un "service militaire" dans l'Irlande médiévale, je vais continuer à fouiller


Est-ce que, tant pour cette période que pour ce type de civilisation, existait-il un "service militaire" pour les hommes?

Il me semble que le "service militaire" serait plutôt le besoin d'avoir une armée de métier, immédiatement disponible à tout moment et ne faisant QUE cela, organisée avec un "état central".
On peut être "guerrier" sans nécessairement passer TOUT son temps à uniquement la bataille.

Je me permets, toutefois, de douter que les femmes fussent incapables de se défendre (ou défendre le territoire) et de prêter main-forte si pas même suppléer ou avoir un rôle "masculin" (à nos yeux).
Cette idée de la femme "potiche" (craintive, etc..) est très XIXème. :wink:


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Message Publié : 02 Fév 2013 23:53 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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bonjour,

isatis a écrit :

Est-ce que, tant pour cette période que pour ce type de civilisation, existait-il un "service militaire" pour les hommes?

Il me semble que le "service militaire" serait plutôt le besoin d'avoir une armée de métier, immédiatement disponible à tout moment et ne faisant QUE cela, organisée avec un "état central".
On peut être "guerrier" sans nécessairement passer TOUT son temps à uniquement la bataille.


8-|

On parle des Celtes ici...

bien à vous

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Message Publié : 03 Fév 2013 1:23 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
isatis a écrit :
Est-ce que, tant pour cette période que pour ce type de civilisation, existait-il un "service militaire" pour les hommes?

Il me semble que le "service militaire" serait plutôt le besoin d'avoir une armée de métier, immédiatement disponible à tout moment et ne faisant QUE cela, organisée avec un "état central".
On peut être "guerrier" sans nécessairement passer TOUT son temps à uniquement la bataille.

Je me permets, toutefois, de douter que les femmes fussent incapables de se défendre (ou défendre le territoire) et de prêter main-forte si pas même suppléer ou avoir un rôle "masculin" (à nos yeux).
Cette idée de la femme "potiche" (craintive, etc..) est très XIXème.


Bon il me semble qu'il faut expliciter certaines choses. Chez les Celtes, comme chez beaucoup de peuples contemporains, la guerre suit un schéma social précis. Elle n'est pas un simple acte politique à la Machiavel, elle est aussi un acte éminemment religieux. Cet aspect s'est progressivement perdu de son importance au cours de l'Histoire de l'Antiquité chez les différents peuples "européens" (histoire de faire simple) ; par exemple dès la guerre du Péloponnèse en Grèce on peut noter une optimisation des armées et des tactiques qui montrent que le sentiment traditionnel s'est affaibli. D'autres peuples, comme les Romains voient cette évolution de façon plus tardive (en atteste les rituels très complexe de déclaration de guerre...) De ce fait chaque homme libre est potentiellement un guerrier et il suit depuis l'enfance une véritable formation de guerrier, le préparant à travers divers rites de passages, à devenir à la fois un homme et un combattant. Suivant ce processus, la guerre est l'affaire du groupe des initiés, comme les soldats citoyens de la Grèce pouvaient l'être. C'est le schéma "originel", la mécanique suivie de façon plus ou moins stricte par les sociétés d'alors. Ce n'est donc pas un service militaire, c'est une manifestation de la liberté des hommes qui s'exprime par les armes.
Le rôle de la femme, ou plutôt des femmes (comme on pourrait rajouter des hommes, puisque les questions de statuts spécifiques déterminent aussi leur fonction ; par exemple les hilotes à Sparte ne peuvent théoriquement pas porter les armes) n'est donc pas pris en compte dans cette mécanique (existe-t-il des fonctionnement de ce type propre aux femmes, par exemple dans des sociétés matrilinéaires, je l'ignore). S'il leur arrive de porter des armes cela sera dans un contexte bien spécifique. Ce n'est pas pour autant qu'elles sont des "potiches" ; des femmes, dans les sociétés celtiques ont eu des rôles politiques de premier plan par exemple, chez les Germains certaines avaient un rôle d'augure... Ne pas porter les armes et ne pas avoir de rôle actif en guerre n'en fait pas pour autant des êtres insignifiant... c'est même plutôt inquiétant d'avoir comme seule grille de lecture l'idée qu'il faut faire la guerre pour exister dans l'Histoire...


Comme ces sociétés sont beaucoup plus codifiées que les nôtres c'est plus à leurs qu'aux nôtres que la guerre pourrait être une affaire masculine puisque les armées de nos sociétés contemporaines accueillent couramment désormais des femmes.

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Message Publié : 03 Fév 2013 11:22 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Bonjour Pedro.

Cette théorie du rite de passage à l'âge adulte par l'épreuve de la guerre me paraît tout à fait cohérente et conforme à ce que nous connaissons du reste de la société de ces peuples. Du moins j'ai l'impression. Bon, déjà le propre d'un rite de passage c'est de n'être pratiqué qu'une seule fois ; après il peut y avoir d'autres rites de passage dans une vie, mais on ne passe pas la même chose. Rite de passage pour la naissance, rite de passage à l'âge adulte et même rite de passage de la vie à la mort (eh oui cela a bien été étudié par une anthropologue de la Sorbonne, Valérie Souffron !), chez les femmes il y en a encore plus. Une fois que l'on est un adulte guerrier, on roule pour le chef de guerre. Le charisme de celui-ci, conséquence directe de sa valliance au combat ou de celle de sa famille, va permettre d'entraîner les guerriers passés rituellement à un combat vidé de son aspect rituel. Mais une fois guerrier accompli, la guerre n'a plus rien de rituelle ; elle peut avoir plein de motivations différentes et pourtant parfois concomitantes. Recherche de nouveaux territoires, butin amassé pour soi-même directement ou confié au chef de clan ce qui assure sa générosité future. Il me semble un peu rapide de réduire la guerre barbare à un rite de passage seulement. Je crois que vous avez voulu faire court et donc volontairement simplifier, ce qui peut se comprendre à deux heures du matin.
Sur les jugements de valeur, inutile d'y revenir étend donné que vous avez très bien remis les choses en place.
Pour revenir au rite de passage guerrier, je m'interroge sur la méthode. Est-ce que l'on s'en tient à une extension de l'anthropologie/ethnology pour le transposer dans le passé sur des peuples paraissant avoir une certaine proximité avec celui qu'on étudie du fait de l'absence d'État centralisé et d'une certaine propension à la guerre ? Ou bien corrobore-t-on cela par des textes d'époque ? Je suis extrêmement favorable à la mobilisation de l'anthropologie (et plus généralement au dialogue des sciences humaines comme inhumaines :mrgreen: ) mais il faut quand même y avoir matière à…
Par exemple, si l'on se retrouve confronté à un peuple "premier"* chez lequel les femmes passent un rite de passage guerrier, que va-t-on dire des femmes Celtes ou plus largement Germaines ?
Une simple réflexion de ma part.

Bien à vous.

*C'est toujours difficile de trouver le mot juste

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Message Publié : 03 Fév 2013 14:38 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
Message(s) : 5718
Localisation : Limoges
Yongle a écrit :
elle peut avoir plein de motivations différentes et pourtant parfois concomitantes. Recherche de nouveaux territoires, butin amassé pour soi-même directement ou confié au chef de clan ce qui assure sa générosité future. Il me semble un peu rapide de réduire la guerre barbare à un rite de passage seulement. Je crois que vous avez voulu faire court et donc volontairement simplifier, ce qui peut se comprendre à deux heures du matin.


Bien sûr que non ; j'ai évoqué le rite de passage pour simplifier et parce que c'est très tangible, mais ce n'est pas le seul acte sacré d'une société ancienne. Les guerriers entrent dans un système par probation, mais une fois adulte ils ont une fonction guerrière qui n'exclue pas, loin s'en faut le tabou. Je vais parler des Romains parce que je les connais un peu. La prise d'armes dois se faire sur le champ de Mars, en dehors du Pomerium après avoir déclaré officiellement la guerre en marquant son territoire de façon rituelle. On ouvre les portes du temps de Janus et les augures font des sacrifices. En guerre, l'imperator est, en plus d'un général, un prêtre à même d'interpréter les signes propices où non. En rentrant, ils faut aux combattants respecter le Pomerium et ne défiler dans l'enceinte. Il y a un tel hiatus avec le monde civil que ne vous avisez pas d'appeler des combattants romains quirites comme vous le feriez s'ils étaient en "civil"... lol En somme la probation rituelle permet de déterminer un passage d'une condition à une autre. Celle d'adulte mâle et libre passe pas la défense de la cité, territoire... La guerre n'a donc pas une simple motivation que l'on dirait rationnelle de nos jours. Elle entraîne tout un ensemble de respect de formes religieuse, et même si le but est la plupart du temps la razzia et le butin, il n'empêche que tout cela passe par un très conséquent ensemble de rituels religieux, qui, s'affaibliront progressivement (sans disparaître totalement d'ailleurs). Et le butin amassé va lui aussi trouver une application concrète dans la vie sociale ; chez les Germains, histoire de changer un peu, cela permettait aux chefs de s'enrichir et de tisser leurs réseaux de clientèles... je vous laisse faire ce parallèle avec Rome ou les Celtes et relier cela avec les systèmes de don et contre-don. En somme la guerre n'est pas, tant qu'elle est prise dans ses structures une froide satisfaction de buts stratégiques stricto-sensu.

Yongle a écrit :
chez les femmes il y en a encore plus


Bien sûr, mais pour autant j'aimerais qu'on m'en cite qui touchent la question guerrière.

Yongle a écrit :
Pour revenir au rite de passage guerrier, je m'interroge sur la méthode. Est-ce que l'on s'en tient à une extension de l'anthropologie/ethnology pour le transposer dans le passé sur des peuples paraissant avoir une certaine proximité avec celui qu'on étudie du fait de l'absence d'État centralisé et d'une certaine propension à la guerre ? Ou bien corrobore-t-on cela par des textes d'époque ? Je suis extrêmement favorable à la mobilisation de l'anthropologie (et plus généralement au dialogue des sciences humaines comme inhumaines ) mais il faut quand même y avoir matière à…


On peut tout à fait le faire et les historiens comme les anthropologues l'ont fait et le font couramment. J'ai Maurice Godelier en tête qui prend souvent des exemples dans le monde antique pour faire des parallèles avec les peuples dits primitifs qu'il a étudié. Mais dès Salomon Reinach, à travers m'étude du tabou, on trouve ce type de parallèle. Personnellement je m'y suis essayé pour les Germains et leur pratique de la guerre entre l'époque de Tacite et celle d'Ammien. Vous pouvez suivre pas à pas, surtout dans Tacite (La Germanie) le fonctionnement des systèmes de don et contre-don, des rites de passages... Je ne prend pas le temps d'aller chercher, néanmoins ce sont des choses qui ont largement été employé dans les études sur les "Indo-Européens" comme chez Dumézil, avec les pincettes qu'il faut prendre évidemment, ou plus récemment chez Bernard Sergent. En fait ce passage par l'anthropologie me semble aussi nécessaire pour comprendre les sociétés antiques que pour le système féodal ; si vous vous lancez dans la description sans avoir en tête le don cela me semble assez compliqué.

Yongle a écrit :
Par exemple, si l'on se retrouve confronté à un peuple "premier"* chez lequel les femmes passent un rite de passage guerrier, que va-t-on dire des femmes Celtes ou plus largement Germaines ?


Personnellement je trouverais cela fascinant puisque cela serait une structure tout à fait originale et visiblement très rare. Leur rôle serait, de toute évidence, identique ou très proche de celui des hommes dans les sociétés celtiques ou germaniques. Néanmoins, et comme toujours, il faudrait une justification mythologique venant soutenir le pourquoi de femmes guerrières.

Yongle a écrit :
*C'est toujours difficile de trouver le mot juste


Surtout par ici, quand on s'échine à dire qu'il faut arrêter de traiter avec condescendance ou mépris ce type de civilisations ou peuple...

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