Duc de Raguse a écrit :
Pour nuancer, je venais auparavant de relire du Hugo (Les misérables), aussi la qualité narrative et le style de cet auteur avaient peu de chance d'égaler ceux du précédent.
Camille Pascal n'est certes pas Hugo, mais comment comparer ces deux interprétations de 1830 ? Ce sont deux points de vue diamétralement opposés, Hugo fait le choix d'en bas, le choix du peuple et le magnifie en usant (abusant ?) de ce souffle épique dans lequel il excelle; on pourrait aller jusqu'à dire qu'il n'évoque pas, il "invoque" ce peuple opprimé et "misérable", qui mérite sa pitié. Camille Pascal fait lui le choix d'en-haut, le choix des cercles du pouvoir, et le moins qu'on puisse dire, c'est que la pitié n'a aucune part dans son point de vue: son propos se positionne clairement dans le registre du cynisme, il dissèque férocement les comportements des protagonistes, ultras, royalistes libéraux ou républicains, qu'il peint en faune médiocre dépassée par les événements quand elle s'accroche au pouvoir, ou mue par des ambitions personnelles quand elle tente de le conquérir, ou plutôt ici de le ramasser; nulle part on ne trouve le moindre sens de l’État, qui est le grand absent de l'action. Même le peuple, quand il intervient, est médiocre, soit il est manipulé, soit c'est une "populace" destructrice. De l'anti-Hugo...
C'est, je crois, ce cynisme assumé et pour tout dire assez jouissif, complètement hors du champ de l'Histoire en fait, qui est la clé de lecture de ce roman, et pas la prétention, malgré la forme trompeuse de la chronique (chaque chapitre est en effet situé et daté) de faire un récit, même romancé, des faits, qui ne pourrait être qu'un récit plat, une sorte de "tout-venant" événementiel sans intérêt historique. Pour cela, je veux dire récit, interprétation et synthèse, il y a d'excellentes études universitaires.
Ce qui est le ressort de ce roman, le rapport des hommes et du pouvoir, est en réalité intemporel, ou est de toutes les époques; ici, le cadre, l'argument est cet été de 1830 mais la même histoire aurait pu se dérouler dans la Rome du Ier siècle av. JC, ou dans l'été de 1940,ou celui de 1789; ce n'est pas un récit historique, c'est une parabole, ou une fable, mais une fable d'où la morale serait absente.