Cuchlainn a écrit :
Je profite de la remontée de ce sujet pour rebondir sur quelque chose que j'ai lu récemment. George Mosse dans "Les racines intellectuelles du IIIe Reich" déclare dans les premiers chapitres qu'à vue de nez, prenant les forces en présence au XIXe siècle, on aurait pu s'attendre à voir émerger un régime antisémite en France aussi bien qu'en Allemagne, mais que l'Affaire Dreyfus qui voit, pour finir, la victime de l'antisémitisme ambiant non seulement blanchie mais encore réhabilitée, réintégrée et même décorée, avait entraîné une vaste et profonde réconciliation entre les Juifs de France et le reste de la société française. Conséquence, l'antisémitisme recule fortement et perd jusqu'à l'Occupation la place qu'il tenait alors sur la scène publique.
Il ne détaille malheureusement pas plus.
Qu'en pensez-vous ?
Si je comprends bien le point de vue cité, l'auteur explique que :
1 - Devant les poussées extrémistes anti dreyfusardes, la France avait risqué une chute de régime républicain vers un régime autoritaire antisémite.
2 - Pour caricaturer un peu, "Heureusement qu'il y a eu l'affaire Dreyfus et sa réhabilitation pour l'éviter".
On se rapellera que l'affaire Dreyfus s'est déroulée sur douze années de manière publique (novembre 1894 - juin 1906).
Sa phase aigüe, quant à elle, court grosso modo de fin 1897 (mise en cause d'Esterhazy) jusque fin 1899 (Procès de Rennes), soit deux ans.
Le pic est probablement atteint au moment des procès Zola entre février et juin 1898.
Après le procès de Rennes, l'intérêt pour l'affaire Dreyfus retombe complètement, et c'est dans une quasi indifférence que le capitaine est réhabilité en 1906.
Aussi n'est-il pas difficile de contester le point de vue de M. Mosse puisqu'un décalage de temps important existe entre le moment où la République fut en danger (98-99), avec une assez forte adhésion populaire aux thèses antisémites colportées jusqu'alors par une extrême droite fortement marginalisée, et la réhabilitation du capitaine Dreyfus, qui intervient à un moment où cette fièvre est totalement retombée.
Par conséquent, de mon point de vue, la réhabilitation de Dreyfus est consécutive à un retour au calme et non pas l'inverse. Le débat reste ouvert.