Le parlement a voté en février dernier une loi qui demande " que les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit".
Les réactions ne se sont pas fait attendre, passe le ridicule qu'un parlement dicte la manière d'enseigner l'Histoire dans les écoles, il est interessant de voire des débats qui commencent à emerger sur la manière de revoir cette période de l'histoire qui sucite toujours des tensions.
En regardant les manuels scolaires, on constate que pour ce qui est de la justification de la colonisation, on trouve souvent le discours de Ferry qui explique comment la colonisation est un biens pour les sujets colonalisé même si c'est malgrè eux par contre on trouve rarement le discours de Clémenceau prononcer deux jours plus tard pour démonter le discours de Ferry et lui faire comprendre qu'il n'était pas dupe de ses véritables intentions. Peut on expliquer cette anomalie ?
Question réponse entre Ferry et Clémenceau en juillet 1885 a la chambre des députés sur: " faut il coloniser Madagascar?" ( voila pourquoi j'ai choisie ce forum pour poster mon topic
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Citer :
Discours de Jules Ferry, quelques mois après qu'il ait été renversé en raison de sa politique indochinoise (1885)
(...) Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux. L'illustre Stuart-Mill a consacré un chapitre de son ouvrage à faire cette démonstration, et il le résume ainsi : " Pour les pays vieux et riches, la colonisation est une des meilleures affaires auxquelles ils puissent se livrer. "
Mais, messieurs, il y a un autre côté plus important de cette question, qui domine de beaucoup celui auquel je viens de toucher. La question coloniale, c'est, pour les pays voués par la nature même de leur industrie à une grande exportation, comme la nôtre, la question même des débouchés.
Messieurs, il y a un second point, un second ordre d'idées que je dois également aborder (...) : c'est le côté humanitaire et civilisateur de la question. (...) Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement qu'en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures... (Rumeurs sur plusieurs bancs à l'extrême-gauche.] Je rèpète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... (...)
Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d'expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l'Empire, à Saïgon, en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar-je dis que cette politique d'expansion coloniale s'est inspirée d'une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu'une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d'abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. (Très bien ! très bien ! et nombreux applaudissements à gauche et au centre.) L'ignorez-vous, messieurs ? Regardez la carte du monde...
Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l'écart de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège, comme une aventure toute expansion vers l'Afrique ou vers l'Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, croyez-le bien, c'est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c'est descendre du premier rang au troisième et au quatrième. (Nouvelles interruptions sur les mêmes bancs. (Très bien ! très bien ! au centre.)
Discours du 28 juillet 1885, in Discours et opinions politiques de Jules Ferry, éd. Robiquet, Paris, t. 5. 1897.
2) Réponse de G. Clémenceau, 30 juillet 1885 :
Je passe maintenant à la critique de votre politique de conquêtes au point de vue humanitaire. (...) " Nous avons des droits sur les races inférieures. " Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu'elles exercent et ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir de civilisation. Voilà, en propres termes, la thèse de M. Ferry et l'on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures ! C'est bientôt dit. Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure !
Race inférieure, les Hindous ! avec cette grande civilisation raffinée qui se perd dans la nuit des temps ! avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l’Inde pour la Chine, avec cette grande efflorescence d’art dont nous voyons encore aujourd’hui les magnifiques vestiges ! Race inférieure, les Chinois ! avec cette civilisation dont les origines sont inconnues et qui paraît avoir été poussée tout d’abord jusqu’à ses extrêmes limites. Inférieur, Confucius ! (...)
Je ne veux pas juger au fond la thèse qui a été apportée ici et qui n'est autre chose que la proclamation de la puissance de la force sur le Droit. L'histoire de France depuis la Révolution est une vivante protestation contre cette unique prétention. C'est le génie même de la race française que d'avoir généralisé la théorie du droit et de la justice, d'avoir compris que le problème de la civilisation était d'éliminer la violence des rapports des hommes entre eux dans une même société et de tendre à éliminer la violence, pour un avenir que nous ne connaissons pas, des rapports des nations entre elles. (...) Regardez l'histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes déchaînés, l'oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur ! Voilà l'histoire de votre civilisation ! Prenez-la où vous voudrez et quand vous voudrez ; soit au Mexique, sous Cortés ou Pizarre, soit aux Indes. (...) Combien de crimes atroces, effroyables ont été commis au nom de la justice et de la civilisation. Je ne dis rien des vices que l'Européen apporte avec lui : de l'alcool, de l'opium qu'il répand, qu'il impose s'il lui plaît. Et c'est un pareil système que vous essayez de justifier en France dans la patrie des droits de l'homme !
Je ne comprends pas que nous n'ayons pas été unanimes ici à nous lever d'un seul bond pour protester violemment contre vos paroles. Non, il n'y a pas de droit des nations dites supérieures contre les nations inférieures. Il y a la lutte pour la vie qui est une nécessité fatale, qu'à mesure que nous nous élevons dans la civilisation nous devons contenir dans les limites de la justice et du droit. Mais n'essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation. Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquête que vous préconisez, c'est l'abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s'approprier l'homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n'est pas le droit, c'en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c'est joindre à la violence, l'hypocrisie.
(G. CLEMENCEAU, Chambre, 30 juillet 1885).