JeromeChauveau a écrit :
Bonjour
Actuellement plongé dans le
Histoire de la France rurale, 1789-1914 de Duby, il y a un point que j'aimerais confirmer.
Selon le livre (chapitre "Les transformations du monde paysan" --> "Les migrations" ) l'exode compte trois étapes :
- Années 60 : Décongestion des campagnes surpeuplées (fin des industries rurales...)
- Années 80 : paysans qui n'ont pas surmonté les différentes crises (vin, blé...) et les notables (baisse des revenus fonciers)
- Début XXe : paysans des régions isolées et périphériques
De plus, dans ce même chapitre, il donne l'exemple de la Picardie : pas de départ de cultivateurs et donc pas d'abandon des cultures ni concentration.
Pourtant, dans le chapitre "Bilan économique à la veille de la seconde guerre mondiale" --> "Bilan général", il est indiqué que "En entraînant une pénurie de main-d'oeuvre, l'exode rural a conduit à améliorer la productivité du travail...".
Ma question : durant quelle période y'a-t-il eu une pénurie de main-d'oeuvre? Je dirais que cela doit être dans les années 90: il y a une reprise économique, et c'est à ce moment que la main-d'oeuvre, qui est partie dans les années 60 et 80, va manquer.
Merci d'avance pour vos éclaircissements
Pour le Bassin parisien, l'exode massif s'opère dès les années 1830 avec des tentatives de rationalisation, spécialisation et modernisation (les moyens mécaniques étaient encore limités). De fait, cela se fait sentir avec la crise 1845-1848, manque de main d'oeuvre auquel s'ajoute de mauvaises conditions climatiques. La reprise avec le Second Empire et le déblocage de la mécanisation font que les campagnes du BP se décongestionnent assez vite et on assiste très vite à l'enracinement du modèle beauceron (openfield, céréaliculture + plantes industrielles, grandes exploitations modernes).
Ça reste très compliqué car comme il a été dit, cela varie fortement selon région.
Pour moi, la vraie pénurie de main d'oeuvre, c'est à la fin des années 1840 et pour le BP/NE. Après, ce manque n'a pas dû être si dramatique ailleurs et est à relativiser, dans la mesure où:
- la progression de la mécanisation à partir du Second Empire permet de passer plus facilement outres;
- en France les révolutions agricoles et industrielles ont été "douces". Les campagnes congestionnées ne se sont vidées que progressivement.
- il ne faut pas oublier également que s'opère à partir du Second Empire la première vague d'immigration composées de belges et italiens, majoritairement. Je sais, pour le Nord-Est, que des saisonniers étrangers venaient au moment des gros travaux (moisson ou arrachage des betteraves).
Pour les régions concernées dans les deux dernières étapes (grossièrement les régions du Sud de la Loire et les massifs montagneux), il y a un recul des terres cultivées et la multiplication des friches. Bien que la modernisation y soit plus tardive, le resserrement des zones cultivées a dû là aussi relativiser ce problème de main d'oeuvre.
JeromeChauveau a écrit :
L'Alsace fut donc "épargnée" par la crise agricole de 1870-1880? Quel type de cultures y prévalait ?
Narduccio pourra confirmer ou infirmer, mais l'Alsace c'était (et c'est) une région de polyculture intensive sur de petites et moyennes exploitations. Du fait de l'industrie textile ancienne, n'y avait-il pas des cultures industrielles? Je pense à des plantes tinctoriales comme la garance.
Le développement agricole du Nord est un peu similaire à l'Alsace d'ailleurs mais là s'ajoutait l'influence du BP.