A dire vrai, il s'agit plutôt d'une (énooooorme) fraude archéologique. Il s'agit d'une tiare qui, lorsqu'elle est apparue sur le marché de l'art, fait très vite parler d'elle. Refusée par différents pays (dont l'Allemagne), les conservateurs français y voient une occasion d'enrichir de façon significative le Département des antiquités grecques et romaines du Louvre. Les caisses sont littéralement vidées pour l'acquisition de l'objet. Mais l'objet est beau : les spécialistes y reconnaissent des scènes de l'Iliade avec une bordure illustrant la vie quotidienne telle que décrite par Hérodote (de mémoire), ainsi qu'une inscription mentionnant un roi scythe peu connu, Saïtapharnès, le tout dans un style remarquable, même si encore jamais vraiment vu auparavant. Raison de plus ! Tous les personnels de musées sont d'accord pour y voir une acquisition qui honore la France, et peu nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour mettre en doute son authenticité. L'objet pourtant est un faux, et est l'oeuvre d'un orfèvre de génie du fin fond de la Russie qui a réalisé cette oeuvre en s'appuyant simplement sur un ouvrage pour la jeunesse, et qui croyait qu'il allait s'agir d'un cadeau diplomatique. Du fait du contexte tendu justement avec l'Allemagne (qui avait refusé l'objet), le scandale prend des proportions énormes, et la presse s'en empare, entre autres la presse anglaise, toujours prête à rire, comme de juste, des mésaventures françaises dans la course aux découvertes (et déconvenues) archéologiques du XIXe. En 1903, après force débats et récriminations, la Tiare est retirée des vitrines du Louvre, et le Département des Antiquités grecques et romaines du Louvre ressort de l'affaire traumatisé. Heureusement / malheureusement pour lui, l'actualité du Louvre se focalise peu de temps après sur le vol de la Joconde, et on oublie cette affaire de faux. Sauf au Département bien sûr... On y parle d'ailleurs encore de la Tiare avec des sortes de trémolos dans la voix. L'objet d'une virtuosité technique pourtant exceptionnelle et incontestable est exposé à nouveau au public depuis peu (d'après une CED du Louvre) : il a gagné le Musée d'Orsay, de l'autre côté de la Seine.
_________________ "Je souhaite que les conquérants à venir apprennent à ne pas dépouiller les villes qu'ils soumettent, et à ne pas faire des calamités d'autrui l'ornement de leur patrie"
Polybe, Histoires, Livre IX (chap.3).
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