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Message Publié : 01 Déc 2013 18:10 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Narduccio a écrit :
Plusieurs auteurs prétendent que l'une des causes de l'augmentation de la population est le fait qu'on puisse nourrir plus de bouches.
Ce n'est pas de la démographie mais du malthusianisme, car on sait que l'augmentation de la population du 18è siècle provient de la forte baisse de la mortalité avant que s'amorce la forte baisse de la natalité comme de la mortalité qui va caractériser le 19è siècle, une révolution. Les guerres modifient ponctuellement les courbes.
Je ne fais que rappeler des grands principes , ayant oublié des cours de démographie très anciens.

Sur un site de vulgarisation, l'évolution 18-19è siècle:
" 2. La rupture du 19e siècle
a. L'impact de la Révolution industrielle:
Dès le 18e siècle en Angleterre, et par la suite sur le continent, la Révolution industrielle contribue à la croissance de la population. La nécessité pour les usines de bénéficier d'une main d'œuvre nombreuse contribue au renforcement du poids démographique de certains espaces. Les flux migratoires internes se développent: l'exode rural (déplacement des populations des campagnes vers les villes) alimente la concentration des populations dans ces grands bassins urbanisés qui se situent avant tout au nord-ouest du continent.
b. La révolution des sciences et des techniques
Cette révolution permet de considérables progrès dans le domaine de la médecine. De grandes épidémies, autrefois sources de mortalité, reculent: c'est le cas de la tuberculose. De manière plus générale, l'augmentation du niveau de vie facilite l'amélioration de l'alimentation et de l'hygiène expliquant la baisse régulière du taux de mortalité - nombre de décès sur 1000 habitants pour une année.

En Europe occidentale, l'espérance de vie passe de 35 ans en 1780 à 40 ans en 1840. Le continent double sa population sur le 19e siècle passant de 180 millions à environ 350 millions d'habitants (hors Russie). Il entre rapidement dans la deuxième phase de la transition démographique. Cette transition est le passage, dans une première phase, d'une situation où taux de natalité et de mortalité sont très élevés à une situation, dans la troisième phase où ils sont bas. Dans la deuxième phase intermédiaire le taux de mortalité chute plus rapidement que le taux de natalité, expliquant le fort accroissement naturel. "

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 01 Déc 2013 18:52 
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Localisation : l’Oisans en Isère
Je dispose, grâce à mon ami qui a travaillé sur la généalogie de ce village, du dénombrement des naissances, décès, et mariages sur cette commune, entre 1737 et au-delà de 1890.
Comme les notes sont manuscrites, je vais refaire un tableau Excel de tout cela pour pouvoir en tirer un diagramme et le mettre en corrélation avec les informations sur les récoltes de la fin du XVIIIe siècle. Je verrais bien ce qu’il en ressort.  Selon mon ami, et d’après ce que j’ai pu lire, je ne dispose que d’information parcellaire avant 1 806, mais que dans la moyenne de chaque décade, les naissances sont toujours supérieures au décès, sauf en 1838 pendant une épidémie avec beaucoup de mortalité chez les nouveau-nées (choléra ? ou autre ?).
Je vais remettre tout cela au propre avant de tirer les premières conclusions.


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Message Publié : 01 Déc 2013 22:48 
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Localisation : Alsace, Zillisheim
Alain.g a écrit :
Narduccio a écrit :
Plusieurs auteurs prétendent que l'une des causes de l'augmentation de la population est le fait qu'on puisse nourrir plus de bouches.
Ce n'est pas de la démographie mais du malthusianisme, car on sait que l'augmentation de la population du 18è siècle provient de la forte baisse de la mortalité avant que s'amorce la forte baisse de la natalité comme de la mortalité qui va caractériser le 19è siècle, une révolution. Les guerres modifient ponctuellement les courbes.


Mais on sait que dans des régions qui avaient des problèmes de ressources alimentaires, l'augmentation de la natalité lié aux progrès technique s'est soldé par des famines a répétions. Ce n'est pas du mathusianisme, çà s'appelle le principe de réalité.

Si vous aviez bien lu ce que je écrit, plutôt que de le réduire à cette simple phrase, vous auriez vu que mon propos est différent. Je ne dis pas qu'on fait plus d'enfants parce que l'on vit mieux. Je dis que plus d'enfants survivent et arrivent à l'age adulte, premièrement parce qu'ils sont plus nombreux à survivre aux premières années de vie grâce aux projets médicaux; mais, dans un second temps, parce qu'ils ont de quoi manger, ils survivent.

Mais, dans certaines régions, et j'ai l'exemple de l'Alsace dans un livre qui parle de son histoire économique, l'augmentation de la natalité va se solder par des carences nutritionnelles. On a assez de nourriture pour nourrir les nourrissons, pas assez pour nourrir les enfants et les adultes. Du coup, la liste de carences que relèvent les carnets des conscrits est assez longue. Dans certains coins de l'Alsace, on a encore des carences en 1850. Mais, il s'agit de "simples" carences alimentaires qui conduisent "simplement" a des déficits de croissances, à du crétinisme ou à des troubles de la vue. Bref, des choses qui ne vous tuent pas, mais qui pourrissent une vie. Parce que malgré tout; l'Alsace avait les moyens de nourrir tous ces bouches supplémentaires. Certains étaient mal nourris, d'où les carences, mais suffisamment nourris pour survivre.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 08 Déc 2013 18:51 
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Localisation : l’Oisans en Isère
Bonjour à toutes et à tous.
J’ai commencé à faire une saisie sur Excel.
Les premières données concernent la commune de Venosc (commune où se trouve le hameau permanent sur l’alpage) et couvrent les registres entre 1806 et 1892. Je ne peux donc pas mettre en corrélation ces premières données avec celles sur le climat et les récoltes.
Cependant, une première chose apparait immédiatement, sur la période d’entre 1806 et 1836, j’ai un taux moyen de 34,58 de naissances pour 28,96 pour les décès ce qui confirme une hausse démographique par les naissances sur ces 30 années.
Pour le village voisin qui se partage l’alpage, la première lecture des données laisse apparaitre un écart plus faible entre les deux taux, ce qui explique que le pic démographique soit décalé de presque 20 ans. Mais là encore les naissances confirment la montée démographique.

Une autre chose, je me suis intéressé aussi au recensement et son histoire. Il semble que les méthodes de calculs sont aussi à mettre dans la balance quant au résultat obtenu (dans une certaine mesure seulement ; cela ne change rien à la poussée démographique par elle même qui est une réalité). Chaque recensement entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe a vu sa méthode de calcul différée et évoluer et aussi déprécier dans la finesse du calcul de celle qui la précédait.
Il semble que ces méthodes changeantes sont aussi à mettre en balance dans le résultat final obtenu, et notamment sur la forte poussée qui ne serait, mais dans une certaine mesure, je le répète, aussi dû au résultat des approximations faites sur la base (plus ou moins juste) des recensements précédant avant 1836, à partir de cette date, il semble que la méthode soit parfaitement administrée.

Enfin, pour des modèles de villages identiques dans le canton (village et alpages en superficie +- identiques), il reste quelques curiosités, ou par exemple la démographie qui n’évolue presque pas, et un autre cas où la population décroît.


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Message Publié : 04 Jan 2014 19:46 
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Localisation : l’Oisans en Isère
Bonsoir à tous et bonne année 2014.

Je viens de terminer la première saisie des données brutes sur la commune de Venosc.
Il en ressort, qu’aucune corrélation ne peut être établie entre : les mauvaises ou bonnes saisons et les naissances.
Ces dernières sont nombreuses les mauvaises années de récolte et faible les « bonnes années ».
Pour les décès, il est moins évident d’affirmer l’absence de corrélation, car les années avec un fort taux de décès sont : soit des années mauvaises, soit les années très mauvaises, mais jamais les « bonnes années ».

Pour les courbes des naissances et décès, j’ai choisi d’appliquer la courbe de tendance polynomiale qui est sensée donner un meilleur résultat sur des données qui affichent de grosses fluctuations.
Dans l’ensemble, entre 1770 et 1850, le taux moyen des naissances est supérieur de 4 points au décès, ce qui explique l’augmentation de la population par les naissances (sauf en 1838 ou le nombre de décès est huit fois supérieur aux naissances en raison d’une épidémie de choléra (je pense)).

En effectuant mes recherches, j’ai pu constater qu’un autre village, un peu plus haut en altitude, situé sur un massif voisin, village, qui de par sa configuration est presque le frère jumeau de celui qui motive mes recherches, a développé lui aussi dans la même période un village d’estives, mais que ces estives ne sont jamais devenues un hameau permanent. Je me suis demandé pourquoi et comment avec de telles similitudes le village n’avait pas vu ses estives passées en village permanent.
J’ai trouvé la réponse, je pense, dans les courbes démographiques. En effet, la progression de la population de ce village jumeau entre 1800 et 1851, date du pic démographique, la population avait augmenté de 137% de façon très progressive, ce qui représente environ 132 personnes supplémentaires sur 51 ans. Ce qui représente environ deux fois moins que le village de Venosc où la population a augmenté de 300 personne en 36 ans.
Il semble qu’à cette période le village de Venosc avait déjà atteint un seuil de population critique, car les hameaux, plus de 30, étaient disséminés un peu partout sur les montagnes alentour, à diverses altitudes, à des endroits nécessitant près d’une heure de marche sur des sentiers escarpés pour rejoindre le chef-lieu ou les premiers commerces. Le hameau d’estives, quant à lui, est devenu permanent à partir de la fin du XVIIIe ou début du XIXe. Il a accueilli 5 familles (environ 35 personnes) pendant presque un siècle, ensuite, avec l’exode rural, le plateau est redevenu un alpage et les maisons et chalets des estives (avec sans doute encore 1 ou 2 habitats permanents jusqu’à l’arrivée de l’or blanc.


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Message Publié : 04 Jan 2014 20:34 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Yorigami a écrit :
En effectuant mes recherches, j’ai pu constater qu’un autre village, un peu plus haut en altitude, situé sur un massif voisin, village, qui de par sa configuration est presque le frère jumeau de celui qui motive mes recherches, a développé lui aussi dans la même période un village d’estives, mais que ces estives ne sont jamais devenues un hameau permanent. Je me suis demandé pourquoi et comment avec de telles similitudes le village n’avait pas vu ses estives passées en village permanent.
C'est à cause de l'altitude, Vénosc est à 960 m., habiter plus haut et en habitat dispersé, est un problème avec la neige qui tombait en abondance il y a 150 ans. Difficile en hiver de faire venir un médecin, d'instruire ses enfants et de faire ses achats, embaucher un ouvrier pour les bêtes...
A 960 m. au 18-19è, il peut tomber 50 cms de neige en une nuit et parvenir à plus d'1 m 50 . en permanence l'hiver, sans chasse-neige.
Il n'est pas étonnant que des lieux élevés aient été peuplés lorsqu'il y avait peu d'échanges et peu d'exigences de vie, mais l'arrivée d'un autre mode de vie a modifié les choses. En Auvergne, des burons d'altitude étaient il y a 80 ans habités mais par un ouvrier agricole le plus souvent, sans sa famille, et pas l'hiver. Garder des bêtes l'hiver à 1100 ou 1200 m est un problème considérable à ma connaissance et n'a pas de sens, c'est ainsi qu'est né le concept de l'estive, des bêtes qui viennent pour l'été manger l'herbe neuve.

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Message Publié : 05 Jan 2014 11:24 
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Localisation : l’Oisans en Isère
Alain.g a écrit :
C'est à cause de l'altitude, Vénosc est à 960 m., … à ma connaissance et n'a pas de sens, c'est ainsi qu'est né le concept de l'estive, des bêtes qui viennent pour l'été manger l'herbe neuve.

C’est la raison qui motive justement cette recherche pour un habitat temporaire devenu permanent à une altitude de 1650 m, alors que tout laisse supposer que ce choix n’est pas volontaire, mais bien imposé par des évènements qui échappent complètement à l’homme de cette époque.

Je note qu’en Oisans, à l’époque qui m’intéresse, l’habitat permanent le plus haut se situ à 1803 m d’altitude, au hameau des Terrasses, en face nord, sur le canton de la Grave, qui historiquement était rattaché au mandement de l’Oisans. Mais qu’au XIVe siècle des hameaux étaient habités en permanence à des hauteurs bien plus importantes et pouvait monter au-delà de 2000 m comme sur le hameau des Étançons sur la commune de St Christophe.


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Message Publié : 05 Jan 2014 15:38 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
On sait ce qui fait redescendre: l'altitude, la solitude de l'hiver, le manque à proximité de médecin, de commerçants, de vétérinaire pour les bêtes ...
Mais qu'est-ce qui fait habiter en permanence en haute altitude malgré ces handicaps ? La recherche de terres moins chères, s'éloigner de sa famille, l'envie de solitude, l'amour de la montagne, la croissance démographique qui pousse à l'obligation de rechercher de nouvelles implantations et qui a été la raison de la déforestation au Moyen-Age; en montagne, on monte et on y habite avec les bêtes.
Par définition on n'habite pas sur les terres d'estive, sauf temporairement et en célibataire l'été, jusqu'à une période assez récente. La tradition comporte le souvenir des grandes fêtes paysannes de la montée en estive avec les troupeaux suivant une procession derrière le curé du village. Les estives n'étaient pas faites pour être habitées en permanence mais il est arrivé qu'elles le soient, on retrouve effectivement par exemple des traces à des périodes reculées. Les celtes notamment habitaient en altitude d'après ce que j'ai lu et peuplaient les hautes terres.
Quelques réflexions générales faute de mieux !

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Message Publié : 07 Jan 2014 8:23 
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Localisation : l’Oisans en Isère
Une petite avancée sur le dossier.
En consultant la carte Cassini No 151 qui date d’environ 1770-1780, on peut distinguer un hameau « Lart » qui se situe à peu près, sur l’emplacement du hameau de l’Alpe.
L’autre jour, j’ai rencontré un groupe de locuteurs patoisants, qui m’a indiqué que « Lart » était le mot patois pour dire « Alpe ».
Je crois me souvenir que la carte de Cassini ne considérait pas les hameaux temporaires, mais les hameaux permanents (il me semble avoir lu cela dans les mémoires de César François Cassini), cela voudrait dire que déjà, avant la fin du XVIIIe un hameau permanent existait sur le plateau.


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Message Publié : 16 Jan 2014 11:32 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 18 Fév 2010 22:31
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Alain.g a écrit :
Les celtes notamment habitaient en altitude d'après ce que j'ai lu et peuplaient les hautes terres.
Quelques réflexions générales faute de mieux !
Pardon pour le HS, mais les Celtes n'ont pas toujours habité en altitude. Les complexes princiers qui existaient en altitude aux VIème et Vème siècle ont été abandonnés au IVème siècle quand des habitats groupés se sont créés en plaine, ou agricoles ou artisanaux. Ce n'est qu'au IIème siècle, voire à la fin de ce siècle, que les aristocrates gaulois ont recréé des habitats en hauteur (oppida). On retrouve ce même phénomène de changement de lieu d'habitation par exemple en Basilicate (Italie du sud) où les villages de plaine du Vème siècle sont remplacés par des habitats fortifiés en altitude aux IVème et IIIème siècles, pour enfin revenir en plaine au IIème siècle.


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Message Publié : 27 Avr 2014 10:48 
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Hérodote
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Inscription : 16 Nov 2013 16:34
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Localisation : l’Oisans en Isère
Bonjour à tous.
À toutes les personnes que cela intéresse, voici la suite et fin de ce travail de recherche, avec un lien qui renvoie au bulletin No83 (Pages de 2 à 5), de l’association sur lequel j’ai essayé d’écrire un article le plus complet sur le sujet de cette expansion démographique et ses conséquences pour certains villages du canton de l’Oisans.
Merci à toutes les personnes qui m’ont aidé dans cette recherche.
Bulletin No 83


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Message Publié : 27 Avr 2014 17:17 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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Localisation : Armorique
Narduccio a écrit :
Plusieurs auteurs prétendent que l'une des causes de l'augmentation de la population est le fait qu'on puisse nourrir plus de bouches. En fait, je me doute bien qu'il y a 2 raisons : moins d'enfants et de mères meurent grâce aux progrès de la médecine.

Si je suis en accord avec vous sur la première phrase, je suis plus dubitative sur la fin. L'augmentation de la population rurale -semble-t-il- ne tient que pour peu aux "progrès de la médecine". A défaut d'être compris dans des couches sociales aisées, certaines choses (la vaccination) sont actées par l'exemple donné.
- Louis XVI en se faisant vacciner ainsi que ses enfants contre la variole, ce qui n'empêche les deux garçons de périr de tuberculose ;
- Victoria qui accouche "sous chloroforme" afin de démontrer que la souffrance n'est pas une fatalité à supporter n'aura aucun problème, par ailleurs elle fait bénéficier ses filles et fils de l'hémophilie. Cette maladie n'est pas l'apanage d'un milieu mais au rural qui se pose la question ?
- sa fille fera de même afin de faire évoluer les mentalités en Allemagne. La nouveauté à ses bornes et le fils nait handicapé.
Ce sont des milieux aisés.
Chaque avancée médicale remet sur l'ouvrage les avancées antérieures, lorsqu'elle ne les contredit pas. On peut éviter les douleurs de l'accouchement avec du chloroforme mais on n'a pas anticipé un "accouchement à problème". La femme est passive et si tout à coup on a besoin qu'elle soit active, il est impossible de la faire "revenir" suffisamment tôt. Se présente alors un choix guidé par des valeurs. Entre la mère et l'enfant, l'Eglise se prononce pour l'enfant. Le rural est encore très imprégné mais à ce stade en général les deux sont perdus. Il n'existe ni médecin ni sage-femme. L'accouchement est à domicile, aidé par les voisines ou les femmes de la famille (on retrouve ceci avec les doulas). On sait qu'il faut du linge propre et de l'eau chaude, pour le reste à Dieu va. Alors bien sûr, au moindre problème, c'est l'infection et la fameuse "fièvre puerpérale" qui a le dos bien large. Si l'enfant survit qui va l'allaiter ? L'époque est ignorante pour les nourrissons de l'intolérance aux protéïnes de lait de vache, de l'intolérance au gluten etc. On vit, on meurt et c'est tout, le tout sans se poser de question. L'Eglise est d'ailleurs présente afin que tout se passe bien. Le rapport au deuil est différent car la foi est présente. La médecine aussi : tout ce qui est inexplicable est nommé "fièvre de ceci ou cela".
On vaccine pour la variole mais la phtisie fait des dégâts incroyable. Il a été remarqué qu'a défaut d'éradiquer la maladie, elle peut être ralentie voire "disparaitre" en "changeant d'air". Ceci bien sûr est pour les couches aisées.
Le croup fait des ravages chez les enfants : du nourrisson à l'adolescence. Le passage de la maladie chez l'adolescent et l'adulte, s'il est plus aisé, rend la personne très fragiles aux pneumopathies mortelles à l'époque.

Citer :
Mais, si tout les autres paramètres restent identiques par ailleurs, l'augmentation d'une population, si les ressources n'augmentent pas conduit à la forme d'autorégulation qui se nomme famine.

Avant d'arriver à la famine, il existe des "solutions intermédiaires". Il suffit de se reporter aux listes de conscriptions et de noter pourquoi tel ou tel est déclaré "inapte". Ceci est une grande source d'informations.
Il est aussi des régions porteuses de malformations. En Bretagne, la "luxation congénitale de la hanche" n'est dépistée au final que depuis peu. Il est vraisemblable que là était le problème de claudication de la reine Anne. ;) Cependant au rural, c'est une bouche à nourrir avec non espoir de mariage (le bassin est un marqueur pour la fécondité), chez un fils c'est pire encore.
Avant la famine, il existe le stade des carences qui entraine aussi des pathologies (rachitisme etc.).
Bien sûr une famine n'est jamais souhaitable mais elle a ceci d'éliminer les plus faibles laissant la nature faire son tri. C'est donc aussi une sorte de régulateur de santé : restent les plus résistants.

Citer :
Mais, que je cherche à savoir si l'explication générale donnée par certains est vraisemblable.

Un sujet à été développé là-dessus. La conclusion énoncée par d'aucun a été "l'évolution de la médecine", point/barre.
J'ai tenté une autre piste mais l'assertion avait fait son effet avec une démonstration à peu près inexistante. La messe était dite. C'est le système "Panurge" : il avait choisi non pas le mouton bêlant le plus juste mais celui bêlant le plus fort, et toute la troupe de suivre -comme un seul homme- au fond du ravin dans une bouillie cotonneuse... ;)

Citer :
On sait qu'à la faveur du mouvement des Lumières, des méthodes qui permettent l'augmentation des récoltes sont mises en application un peu partout en France. Mais, je sais aussi qu'elles firent l'objet de bien des réticences du monde agricole.

Ce n'est pas le mouvement des Lumières à proprement parler. A part Candide qui évoque le fait de retourner à son jardin, les Lumières ne se penchent pas sur le sujet. Cependant Arouet fera assécher ses marais, source de maladies. Il y a d'abord la barrière "science et foi" mais le début du XIXème siècle va voir un essor du mouvement scientifique. Des "sociétés savantes" vont se créer avec ouverture à la recherche maintenant quel en a été le bénéfice pour le rural ? On ne peut pas être réticent devant une démonstration technique réussie, cependant il est de vieux réflexes. Il n'existe pas non plus de vraie politique agricole soutenue, valorisée et encouragée par les pouvoirs successifs. Le paysan est considéré un peu comme une machine à produire afin de nourrir la société. On ne lui en demande pas plus.
Dans le topic que j'ai évoqué, j'avais déjà souligné la mortalité due à la mise en nourrice mais là encore... :rool:

Citer :
- diminution de la natalité et de la population SANS augmentation des ressources => famines et mortalité déportée. Les enfants qui ne meurent pas dans la petite enfance mourront plus tard du fait de la famine;
- augmentation des ressources SANS diminution de la mortalité => les populations vivent de manière plus aisées et la population augmente plus lentement que dans le cas suivant;
- diminution de la natalité et de la population AVEC augmentation des ressources => plus de gens peuvent vivre sur le même territoire jusqu'au moment où ce territoire "déborde" ce qui conduit à un exode rural. Les jeunes gens cherchant du labeur ailleurs.

Je ne comprends pas votre première conclusion ni comment elle s'articule.
Pour la seconde, l'augmentation des ressources d'une génération fait que l'on offre à la seconde l'éducation. La diminution de la mortalité se constatera donc avec la troisième génération.
L'augmentation des ressources + l'éducation font que bien souvent pour des raisons diverses, on ne souhaite plus de grandes familles mais de bonnes alliances afin d'agrandir les possessions. Aux 4ème et 5ème générations de vivre en rentiers avec des tâcherons ou mieux des régisseurs. Le stade de l'aîné qui hérite, du cadet qui va au militaire et du benjamin à l'Eglise est dépassé. Il faut donc faire en sorte de réguler les naissances. On peut aller à la messe et bien écouter. Il est dit que le rapprochement doit être fait seulement dans le but de procréer : OK, on ne se rapproche plus. Pour la recherche du plaisir, il existe des maisons ad-hoc avec pignons sur rue (Maupassant en fait une description excellente). Pour le paysan propriétaire, il existe l'employée. En-dessous tout est resté un peu flou, la survie est de mise.
Pour le labeur "ailleurs", tout dépend encore où se situer. Ce peut être la ville, le propriétaire du coin, l'espoir qu'offrent les nouvelles contrées etc. Il est étonnant de constater l'attrait de la ville en ceci : on préfèrera toujours une vie difficile mais ouvrière à une vie difficile mais paysanne et ceci il y a encore peu.
J'aimerais comprendre ce choix...
Je reviens au sujet : "L'expansion démographique et son déclin dans le monde rural".
Il faut associer la science, la sociologie et l'histoire sans doute. L'expansion démographique dans quelles couches de la société ? Quels milieux abondent cette expansion, pourquoi et à quel moment ? Sur un siècle les mentalités évoluent, de plus le XIXème est riche en idées, en concepts et en échanges.
Faut-il comprendre "l'expansion démographique" et en même temps "son déclin dans le monde rural" ?
Ce serait donc les couches sociales nanties qui abondent et les ruraux qui stagnent voire plus. La stagnation ou le déclin sont-ils "naturels" ? Le fruit d'une réflexion qui montre que moins d'enfants, plus de travail mais un meilleur dispatching et une meilleure qualité de vie ? Faut-il optimiser son lopin et réguler sa progéniture ? Faire en tout dans la qualité plutôt que s'essayer à gros risques dans la quantité ? Un meilleur dosage et échange entre paysans : l'un fait des céréales, l'autre de l'élevage et l'on commence à envisager une politique d'échange ? Je pense que si certains endroits sont restés très réticents à ce style, d'autres ont su en voir l'avantage.
Un troisième paramètre va exister. Les enfants qui ont été chercher du travail vers la ville, reviennent s'approvisionner chez les parents en cas de crise. Le contraire est impossible. On essaiera donc toujours de maintenir un lien avec le rural. Ce lien coupé, on pourra constater les dégâts pour les "pauvres des villes" et le renouveau des épidémies. On pourra aussi noter la fracture entre le monde rural et le monde urbain. Le monde rural a compris et gère ses naissances au mieux mais il en est terminé d'abonder les villes à moindre prix. Carences, famines, maladies endémiques se déplaceront alors.

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"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


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