Je me fais la réflexion en vous lisant que la France retient plus particulièrement l'attention.
Il est vrai qu'il s'agit de la puissance vaincue en 1815.
En prenant au départ la question de Jérôme (l'Europe de 1815 était-elle en ruines) au sens strict, la réponse qui m'est venue était évidemment non : personne n'aurait l'idée de comparer les pays européens de 1815 à la Pologne de 1945 par exemple, véritablement en ruines au sens le plus horrible du terme.
Mais le post qui l'accompagne, et a lancé ce débat, est plus prévis, voire différent, puisque Jérôme s'interroge sur l'état de l'économie et des finances publiques européennes en 1815.
Sur ce point, et nonobstant l'impressionnante dette de guerre française rappelée par Drouet Cyril, je dirais encore que non.
Si les guerres napoléoniennes revêtent l'aspect d'une guerre générale au même titre que la guerre de sept ans (malgré Winston Churchill qui, avec esprit, avait qualifié cette dernière de toute première guerre mondiale) il ne s'est jamais agi d'une guerre totale comme l'a fort pertinemment rappelé Brisbout.
L'économie européenne, encore très peu mondialisée et ne faisant qu'aborder l'ère industrielle (et bancaire !) du XIXème siècle a été relativement préservée, en quelque sorte, par son retard d'évolution comparée à l'économie britannique déjà très en avance sur son temps.
Pour ce qui est des finances publiques des Etats belligérants, cela nécessiterait toute une étude comparative en soi, rendue difficile par le fait que l'on ne connaît pas avec la précision moderne les budgets en question dans leur détail. Souvenons-nous qu'en France même le premier budget (au sens ou nous l'entendons) n'est réellement écrit et débattu que sous la Restauration.
Sous l'empire même, et pendant longtemps, il semblerait que les finances de l'Etat aient longtemps continué à être équilibrées par des ventes de biens nationaux (au moins jusqu'en 1806) et par l'apport forcé des dettes de guerre ennemies (cf l'Autriche) mais aussi les amicales contributions amies (....) comme le Royaume d'Italie qui est prié de venir payer son écot. C'est du bricolage, ce n'est pas du budget.
Relire Thiers est à ce sujet assez amusant: les calculs budgétaires annuels qu'il évoque sont ahurissants de simplicité, pour ne pas dire de simplisme. Il est vrai aussi qu'à cette époque la dépense de l'Etat lui-même est sans commune mesure avec ce qu'il deviendra plus tard.
Enfin, et toujours pour la France bien sûr, la rapidité du règlement de la dette après 1815 (comparable par bien des points avec la même rapidité de paiement pour la dette d'après 1870) donne l'idée d'un Etat qui dispose, par les fortunes privées, de ressources fiscales plus fortes que ses besoins, donc mobilisables en cas d'urgence.
C'est là que réside toute la différence, si on considère qu'en 1919 les "fortunes" françaises avaient été divisées par dix par rapport à leur valeur de 1914.
Pas de dévaluation entre 1804 et 1815, pas d'emprunts à l'étranger pour financer l'effort de guerre, et cela est valable pour tout le monde : les aides britanniques aux coalisés n'ont jamais été remboursées, par exemple (du moins pas en espèces monétaires).
Nous avons donc en 1815 des Etats qui ont pu faire la guerre sans s'endetter; le capital a été écorné, mais la révolution industrielle va rapidement transformer en petite monnaie les sommes dépensées avant Waterloo !
_________________ "Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".
Yves Modéran
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