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Les buts de guerre allemands en 1914
Grâce au "Programme de septembre" (en date du 9 septembre1914, juste au début de la bataille de la Marne),on connaît les buts de guerre officiels, mais encore secrets du gouvernement allemand. Comme en France, leurs responsables attestent de leur caractère défensif : "Il s'agit d'assurer la sécurité de l'Allemagne à l'ouest et à l'est pour un avenir indéterminé. Aussi la France doit être affaiblie à ce point qu'elle ne puisse plus jamais devenir une grande puissance. La Russie doit être rejetée aussi loin que possible des frontières orientales de l'Allemagne et sa domination sur les peuples non russes doit être brisée".
Pour parvenir à ces fins, la France devait céder à l'Allemagne le bassin minier de Briey, le territoire et la ville de Belfort, ainsi que la côte de la mer du Nord entre Dunkerque et Boulogne. Elle devrait en outre démanteler ses forts situés à l'ouest des Vosges. Après sa défaite militaire (qui ne faisait alors aucun doute), elle serait contrainte de signer un traité qui, une fois l'indemnité payée, la mettrait sous dépendance de l'Allemagne. La Belgique cèderait Liège et Verviers ; elle serait vassalisée, tandis que le Luxembourg, agrandi de sa partie belge et de Longwy, serait annexé par le Reich. Les Pays-Bas seraient placés sous la dépendance de l'Allemagne, mais en prenant certaines précautions, étant donné le caractère "indépendant" du peuple hollandais.
Une association économique de l'Europe moyenne (la "Mitteleuropa", rassemblant la Scandinavie, la France, l'Autriche-Hongrie, la Pologne, etc.) serait créée sous le contrôle de l'Allemagne.
Ce programme ne comprenait qu'une partie des buts de guerre de l'Allemagne. Il correspondait pourtant d'assez près aux exigences des milieux pangermanistes qui réclamaient, en outre, l'annexion de Toulon. De son côté, la grande industrie voulait pouvoir bénéficier de la ligne de la Meuse et de son potentiel économique, y compris de l'intégralité des départements de la Meuse et de la Haute-Saône.
Guillaume II ajoutait à ces buts déjà ambitieux (pour ne pas dire arrogants) le projet personnel que les régions annexées devraient "être vidées de leur population", afin d'assurer une meilleure mainmise allemande, ainsi que l'installation d'un nouveau pouvoir et d'une administration aux ordres de Berlin.
Avec ces buts de guerre, l'Allemagne souhaitait régler ses comptes avec la France. Elle y tenait également compte des passions anglophobes de la marine impériale. Celle-ci était en effet soucieuse d'obtenir le maximum d'avantages à l'ouest, pour faire pièce au Royaume-Uni, considéré comme l'ennemi principal. En contrôlant toute la côte de la mer du Nord, la marine impériale pourrait tenir sous sa menace directe les côtes sud-est de l'Angleterre, le Pas de Calais, ainsi que l'estuaire de la Tamise. Cela pourrait porter un coup fatal à l'économie britannique, ainsi qu'à la suprématie de la Royal Navy.
Même s'ils n'apparaissent pas explicitement dans cette déclaration, l'Allemagne poursuivait également d'autres buts annexionnistes, surtout vis-à-vis de l'est de l'Europe et de l'Afrique (le Congo notamment).
En résumé, ces buts de guerre ont trois objectifs, à la fois distincts et convergeant :
Renforcer la puissance militaire, économique et politique du Reich.
Briser les principaux ennemis de l'Allemagne, à commencer par la France et le Royaume-Uni.
Sortir l'Allemagne de son enclavement continental, en la dotant d'une large façade maritime sur la mer du Nord, d'une ouverture sur la Méditerranée (Toulon) et d'un plus vaste empire colonial.
La bataille de la Marne, en changeant le cours des opérations, hypothéquait sérieusement les chances de voir un jour se réaliser les projets du "Programme de septembre". Pourtant, les buts de guerre allemands en ont conservé les grandes lignes jusqu'au terme du conflit. Il faut sans doute voir dans cette persistance la persistance des illusions de victoire, en dépit de l'enlisement du conflit. Ce faisant, Guillaume II, ses conseillers et son gouvernement se montraient incapables de s'adapter au contexte nouveau (politique, économique, diplomatique, social, etc.) né de la guerre.
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